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Full text of "Guide au Caucase"

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U N I VERS  ITY 
Of  ILLINOIS 

914 . 795 
M86g 
v . 1-2 


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UNIVERSITY  OF  ILLINOIS  LIBRARY  AT  URBANA-CHAMPAIGN 


JUL  ^ *■ 


L161— 0-1096 


GUIDE 


AU 


CAUCASE 


DU  MÊME  AUTEUR 


L’Art  au  Caucase,  album  in-folio,  avec  texte  explicatif, 
orné  de  30!)  planches,  phototypies,  photogravures,  chromo- 
lithographies, gravures  sur  bois.  Odessa , 1885. 

L’Art  religieux  au  Caucase,  un  vol.  in-18,  elzévir. 

Ernest  Leroux,  édit.  Paris , 1887. 

Les  Arts  industriels  au  Caucase,  une  brochure  in-16. 
Tiflis,  1880. 

La  Mingrélie.  un  vol.  in-16,  de  400  pages,  avec  100  gravures 
et  une  carte  en  couleur.  Odessa,  1884. 

L’Armée  géorgienne  au  moyen  âge,  une  brochure. 

Tiflis,  1886. 

Chota  Rousthavéli,  poète  géorgien  du  XIIe  siècle,  sa  vie 
et  son  œuvre,  une  brochure.  Tiflis,  1886. 

Contes  et  Légendes  du  Caucase,  un  vol.  in-18  raisin. 

Maisonneuve,  édit.  Paris , 1888. 

La  bibliothèque  d’Edchmiadzine  et  les  manuscrits 
arméniens,  album  et  notice  in-8,  avec  une  photographie 
et  quatre  lithographies.  Tiflis,  1886. 

Le  Musée  de  Tiflis,  une  brochure.  Tiflis , 1886. 

De  Vladikawkaz  à Tiflis,  une  brochure.  Tiflis , 1886. 

Programme  du  VIe  Congrès  archéologique  russe  à 
Odessa.  1884. 

L’Archéologie  au  Caucase,  un  vol.  in-18.  Paris , 1888. 

Batoum  et  le  bassin  du  Tchorok,  un  vol.  in-18, 

Paris,  1887. 

Histoire  de  Géorgie  (Histoire  ancienne),  un  vol.  in-16. 

Tiflis , 1888. 


Chalon-sur-Saône,  imprimerie  L.  Marceau. 


G U 1 D E 

AU 

CAUCASE 


PAR 

J.  MOURIER 


PARIS 

LIBRAIRIE  ORIENTALE  ET  AMÉRICAINE 


DE 

J.  MAISONNEUVE 

25,  QUAI  VOLTAIRE,  25 


1894 

Droits  de  traduction  réservés 


N/,  )-A 

TABLE  METHODIQUE 


PREMIÈRE  PARTIE 

Renseignements  généraux 

Pages 

Calendrier  1 

Poids  et  mesures » 

Monnaie 2 

Saison  et  plan  de  voyage » 

Frais  de  voyage 3 

Hygiène » 

Bains 4 

Equipement » 

Passeport. . . 


Recommandations, 

Hospitalité » 

Consulats 8 

Police )) 

Poste  aux  lettres.  Taxes » 

Télégraphe 10 

Bateaux  à vapeur » 

Chemins  de  ter 11 

Voyages  en  poste )) 

Phaétons 12 

Guides  interprètes 13 

Hôtels.  Chambres  garnies.  Restaurants » 

Théâtres.  Concerts.  Divertissements.  Clubs 15 


Histoire 16 

Géographie  générale 34 

Orographie  (glaciers,  neiges,  pluies,  vents,  climat) . . 42 

, Hydrographie 47 

Géologie 48 

Minéralogie  et  mines 54 


lo  zd  r- 


VI  GUIDE  AU  CAUCASE 

Pages 

Eaux  minérales 56 

Faune 57 

Chasse 59 

Pêche » 

Flore 60 

Forêts 64 

Anthropologie  et  Archéologie 67 

Ethnographie  et  Ethnologie  (Classification  des  peu- 
ples du  Caucase) 75 

La  Géorgie  et  les  Géorgiens 92 

L'Arménie  russe  et  les  Arméniens 109 

Les  montagnards  du  Caucase  (Tcherkesses,  Abkhazes, 
Kabardes,  Osses,  Svanes,  Ratchiens,  Mingréliens, 

Lazes,  Pchaves,  Touches,  Khevsours,  Lesghiens, 

Ttchetchènes,  Tartares) 135 

Population 163 

Agriculture  (Bétail.  Instruments  agricoles.  Moulins. 
Cultures.  Millet.  Riz.  Vigne.  Lin.  Chanvre.  Mû- 
rier. Tabac.  Cotonnier.  Ramie.  Garance).  Apicul- 
ture. Sériciculture 164 

Production  et  produits  (Vins.  Laines.  Poils  de  chè- 
vres et  de  chameaux.  Réglisse.  Saragane  et  Sou- 

mak.  Pyrèthre) 179 

Industrie  (Naphte.  Filatures  desoie.  Alcool  de  fruits) . 184 

Le  Crédit  industriel  au  Caucase 199 

Etat  général  et  social  (Instruction.  Religions.  Cou- 
tumes. Jurisprudence.  Cadastre) 200 

Administration  et  divisions  administratives.  Cir- 
conscriptions militaires.  Flotte 206 

Voies  de  communications  (Routes.  Chemins  de  fer).  210 

Commerce  extérieur.  Mouvement  maritime 214 

Bibliographie  216 


TABLE  MÉTHODIQUE  vu 


SECONDE  PARTIE 

Itinéraires 

Pages 

A De  Constantinople  à Batoum,  par  la  mer  Noire.  1 
B D’Odessa  à Kertch,  No vo- Rossi isk,  Poti  et  Ba- 
toum, par  la  mer  Noire 7 

C D’Astrakhan  à Bakou  par  la  mer  Caspienne  ...  18 

D De  Bakou  à Tiflis,  par  Evlak,  Noukha,  Za 

katal,  Signak 21 

E De  Rostofî  cà  Vladikawkaz 27 

F De  Vladikawkaz  à la  mer  Caspienne 40 

G De  Vladikawkaz  à 'Tiflis  (Route  militaire  de 

Géorgie) 45 

H De  Poti  à Samtrédi 58 

I De  Batoum  à Samtrédi 68 

J De  Samtrédi  à Tiflis 80 

K Tiflis  et  les  environs 110 

L De  Tiflis  à Erivan  et  à l’Ararat 138 

M Erivan  et  la  vallée  de  l’Araxe 150 

N De  Tiflis  à Alexandropol  et  Kars 160 

O De  Tiflis  à Bakou,  par  Akstafa,  Elisabethpol. ..  174 

P De  Bakou  à Vladikawkaz 195 


Plans  et  cartes 

Itinéraire  A 1 

Erekli 2 

Sinope 3 

Samsoun 4 

Trébizondp 6 

Itinéraire  B 8 

Pitzounda 10 

Poti 12 

Batoum 15 

Itinéraire  C 19 

Bakou 21 

Itinéraire  D 22 

Itinéraire  E 27 

Stavropol 30 

Piatigorsk 34 


VIII  GUIDE  AU  CAUCASE 

Pages 

Vallées  du  Baksan,  de  l’Ourban  et  du  Tchéghem. . . 37 

Mont  Elbrouz 38 

Itinéraire  F 41 

Kouba 45 

Itinéraire  G 46 

Mont  Kazbek 51 

Vallées  du  Térek  et  de  l’Aragva 54 

Itinéraire  H 59 

Itinéraire  I 69 

Itinéraire  J 80 

Plan  des  ruines  d’Oukhimerion  et  d’une  partie  du 

Koutaïs  moderne 81 

Plan  de  la  cathédrale  de  Koutaïs  82 

Vallées  de  la  Tskénis-Tskhali  et  de  l’Ingour 86 

Haute  vallée  de  l’ingour 87 

De  Koutaïs  à Vladikawkaz  (Col  de  Mamisson) 94 

Le  Col  de  Souram  et  l’ancien  tracé  du  chemin  de  fer.  96 

Akhaltzik 99 

Tiflis 115 

Thélaff 136 

Itinéraire  L 138 

Le  Gok-tchaï 139 

MontAlagôz 140 

Erivan 144 

D’Erivan  à l’Ara  rat  145 

Mont  Ararat 148 

Itinéraire  M 151 

D’Erivan  à Koulpa 153 

D’Erivan  à Novo-Baïazid 156 

Itinéraire  N 161 

Alexandropol 162 

Akhalkalaki 170 

Itinéraire  O 175 

Elisabethpol 176 

De  Choucha  et  Girousi  à Ordoubad 181 

D’Adji-Kaboub  à Salyan 184 

Lenkoran 185 

Presqu’île  d’Apchéron 189 

Bakou  et  ses  environs.... 193 

Itinéraire  P 195 

Derbent 196 

De  Témir-Khan-Choura  à Gounib 199 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


DES  NOMS  MENTIONNÉS  DANS  LA  SECONDE  PARTIE 


A 


Ababek,  104. 

Abacha,  58. 

Abacha  (rivière),  65,  67,  77. 
A'bastouman,  93,  99. 

Abdoulah,  180. 

Abinskaïa,  29. 

Abkhazie,  9,  62,  63,  66. 

Aboul  (moût),  170. 

Achot , 74,  76,  105,  124,  163. 
Adaï-Kokk  (mont),  40,  88. 

A damas,  7.6,  117. 

Adich,  86. 

Adighiouui,  101. 

Adjameth,  93,  94. 

Adjarie,  70,  71,  72,  77. 
Adjaris-Tskhali  (r.),  73,  104. 
Adji,  78. 

Adji-Kaboul,  21,  174,  184,  186. 
Adjikent,  177. 

Adjikour,  45. 

Adjizour,  180,  181. 

Adler,  9. 

Adyr-Sou  (col  d’),  38. 

Æa,  66. 

Agamzali,  157. 

Agdache,  182. 

Agh-Uzum,  165. 

Aghvi,  88. 

Agouri,  132,  133. 

Aiger-Gôl  (lac),  141. 

Aïroum,  123. 

Akachène,  101. 


Akarlou-tchaï  (r.),  180. 
Ak-Dagk  (mont),  140. 

Ak-Dask  (r.),  202. 
Akedermanski,  180. 
Akhalkalaki,  104,  169,  170,  171. 
Akhalsopéli,  133. 

Akhalzik,  67,  725  73,  74,  77,  98, 
99,  100,  101,  104,  171,  172. 
Akharchène,  71. 

Akkatani,  127. 

Akkboulak,  160,  161. 

Akh-Dagh  (mont),  156. 
Akkgsou,  182. 

Akhméti,  129. 

Akhpat  (monast.),  124,  163. 
Akhrdachès,  72. 

Akhtala  (monast.],  123,  124,125. 
Akkti,  23,  45,  197. 

Akméti,  54,  129,  137. 

Akoulgo,  200. 

Akoulis,  158,  159. 

Aksaï.  43. 

Aksou  (r.),  180,  182,  202. 
Akstafa,  138,  157,  160,  174,  175. 
Aladja  (r.),  163. 

Alaghir,  40,  94. 

Alagôz  (mont),  140. 

Alaverdi  (église  d’),  136. 

Alazan  (r.),  24,  26,  129,  132. 
Albani,  86. 

Aldara,  181. 

Alexandersdorf,  113. 
Alexandre,  93. 

Alexandrefeldt,  123. 
Alexandrehütte,  125. 
Alexandrofï,  58. 


B 


X 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Alexandropol.  104,159,  160, 162, 
163,  169,  172. 
Alexandrovskaïa,  36. 

Algheth  (r. ),  121,  122.  123,  125. 
- 126. 

Aliate,  186. 

Alindja-tchaï  (r.),  158. 
Alismereth,  93. 

Alis-Skhari  (r.),  78. 

Alitzori,  181. 

Alkhan-Yourt,  43,  202. 
Allah-Verdi,  123,  124. 

Alpani,  89,  90. 

Alti-Boïoum,  43,  44,  197,  198. 
Amamli,  160,  161. 

Amasra,  2. 

Ambrolaour,  90. 
Améglibis-Khili  (r.),  77. 
Anaklia,  11,  64. 

Ananour,  46,  53,  54,  129. 
Anapa,  8. 

Anaria,  61. 

Anatolie,  1,  3. 

Andrée vskaïa,  29,  184. 
Androni.koff  (princes),  132. 

Ani.  163,  164,  165,  166.  167,168, 
169. 

Antcbi,  76. 

Antchiskhati  (église  d’),  117. 
Antioche,  57. 

Apcbéron  (pénins.  d’),  187.  195. 
Aragva  (r.),  48,  53,  54,  55,  56. 
Arakli,  122,  124. 

Aralikh,  145. 

Ararat  (monts),  138, 145, 146, 147, 
148,  149,  150. 

Aratchadem  (église  d’),  124. 
Araxe  (r.),  150,  154,  158,  181. 
Archéopolis,  66. 

Ardachar,  155. 

Ardaghan,  71,  72,  104. 
Ardanoutch,  71,  74,  76. 
Ardanoutch-Tskhali  (r.),75,  76. 
Ardone  (vallée  de  1’),  40,  94. 
Arecht,  182. 

Argino,  169. 

Argoun  (r.),  202. 

Argouri,  145. 

Argoutinsky  (général),  198. 
Argnino,  172. 

Arkonskaïa,  40,  94. 

Arkvéti,  94. 


Armavir.  29,  30,  152. 

Aroudi,  181. 

Arpa-ghôl  (lac),  169. 

Arpatchaï  (r.).  154,  163,  165, 
168,  169. 

Arsenen,  174. 

Arsiani  (mont),  72,  74,  75. 
Artaxates,  155. 

Artvine,  70,  76. 

Asambouri,  128,  129. 
Asie-Mineure,  1. 

Askouri,  137. 

Aspindza,  101,  104,  172. 
Assanaouri,  73. 

Astara,  186. 

Astatzour,  181. 

Astrakhan,  18. 

Atabeg,  125. 

Atajoutan,  37. 

Atchalouk,  43. 

Aténi  (vallée  d’),  105. 
Atbaga-Bathana,  42. 

Atina,  7. 

Atskour,  98,  172. 

Avlabar,  112,  114. 

Avtchal,  58,  110. 

Azambouri,  129. 

Aznaours,  68. 


B 


Bachil-Sou  (r.),  39. 

Bagdad,  93,  100. 

Baqrcct,  62,  66,  68,  74.  82,  83, 
84,  85,  88,  104,  105,  106,  109. 
Bagratcdes , 105, 124,  164. 
Baïandour,  165. 

Baïdara  (r.),  52. 

Baïko,  136. 

Baïl-Bourni  (cap),  188. 

Baïléti,  79. 

Bakanskaïa,  29. 

Baknouraskine,  157. 

Bako,  73,  74. 

Bakou,  21,  44,  45,  174,  186,  195. 
Bakourtziche,  26,  132. 

Baksan  (vallée  du),  37. 


Bakwi,  78. 

Bakwis-Tskhali  (r.),  78. 
Baladiari,  186. 

Bala-Hissar,  187,  191,  192. 


TABLE  ALPHABETIQUE 


Balkar  (vallée  du),  39. 

Bal  ta,  46,  49. 

Bank,  185. 

Barbalo,  122, 126. 

Barda,  175. 

Bariatinsky  (prince),  48,  53, 112, 
200. 

Bartan,  2. 

Bartzkanatabia,  68. 

Bataïskaïa,  27. 

Batalpacbinsk,  31. 

Batoum,  1,  7,  13,  68,69,70,104. 
Batssa,  76. 

Bazardiouzi,  197. 

Bazartckaï  (r.).  181. 
Bazéri-Tskhali  (r.),  78. 
Bechtaou  (mont),  31. 

Bédia,  62. 

Bégli-Akkmeth,  174. 
Bégrakatonne,  72,  104. 

Bêjan,  66. 

Béjani-Chwili,  69. 

Béjétoubani,  95. 

Bélagori,  92,  95. 

Bélakani,  25. 

Béléklutch,  126. 

Bénara,  101. 

Bénari,  73,  104. 

Béréjoouli,  77. 

Bérézovskaïa,  42. 

Bermamout  (mont),  33. 
Beslane,  40. 

Béthanie  (église  de),  109,120. 
Betcho  (col  de),  38,  86,  87,  89, 90. 
Betléem  (église  de),  57. 
Bézinghi,  38. 

Bibi-eï-Bat,  191. 
Birioutchia-Kossa,  21. 

Biz,  40,  94. 

Blagodarnoï,  36. 

Bogdanofka,  104,  169. 
Bogkaz-Kessan,  159. 
Bogoslovskaïa,  30. 
Bojie-Promicel,  185. 

Bokona  (r.),  91. 
Bombouaskhédi,  88. 

Bonispir,  136. 

Bordchka,  70. 

Borjom,  97,  98,  172. 

Borokovo,  39. 

Boslévi,  94,  95. 

Bosphore,  1. 


Botlik,  43. 
Bouglein,  199. 
Bozorkina^  43,  202. 
Brianskaïa,  42. 
Broudja  (r.),  78,  79. 
Buk-Duzi,  157. 


G 

Caben  (église  de),  119. 
Caravanséraï,  1380  139. 
Catamitre,  164. 

Catherine , 66. 

Céia  (glacier  de),  40. 
Cernévodi,  93. 

Chadivane,  71. 

Chak-Dagh  (mont),  197. 
Chakvindji,  64. 

Chamkhor,  175. 

Chamkhor  (r.),  177. 
Chandroukovskaïa,  42. 
Chaptchak,  43. 

Chauve  (mont),  180. 
Chavcheti,  74. 
Chavcheti-Tskhali  (r.),  75. 
Chelkozavodskaïa,  42. 
Chémakha,  182. 
Chémokmédi  (monast.),  79 
Chibilar,  122. 

Chikhaouz,  181. 

Chikoff  (cap),  187. 

Chikovo,  191. 

Childi,  137. 

Chiora,  91. 

Chirvan,  183,  191,  192. 
Chiroanides,  187. 

Chkara  (mont),  39,  87. 
Chkmeri,  91. 

Choda  (mont),  88. 
Chorapan,  94. 

Chouamtha  (église  de),  135. 
Choucha,  159, 178,  179,  180. 
Chouchanik , 114. 
Chouchemine,  22. 
Choukrouti,  94. 

Choulavère,  101,  124,  125. 
Choura-Ogen  (r.),  198,  201. 
Chvakéli,  73. 

Cici-Cala,  163. 

Cicimadan,  163. 

Ciorklis,  99. 


XII 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Codjor,  119,  120,  121. 
Comnène,  85. 

Constantin , 121. 
Constantiniskoï,  142. 
Constantinople,  1. 
Constantinovskaïa,  32. 
Coumourdo  (église  de),  103. 


D 

Daba  (église  de),  98. 
Dachgessan,  177. 

Dachlagar,  44. 

Dadian , 60,  62,  63,  66,  87. 
Dadichkiliani , 86,  89. 
Dagamik,  62,  63. 
Dale-Mamethi,  178. 

Danakhwis  (mont),  105. 
Danispariouïi,  73,  104. 
Daratchi-Tchak,  142. 
Dargh-Koh,  40. 

Darial,  49,  50,  52. 

Darbéri,  90. 

Davalou.  157. 

David,  50,  61,  66,  75,  83,  85. 106, 
109,  135,  165. 

Débèda-tchaï  (r.),  123,  124,  163. 
Dekhwir,  89. 

Delijane,  138,  139,  157,  160. 
Delikaouri,  92. 

Delovani,  101. 

Derbent,  21,  44,  195,  196,  197. 
Devdoraky  (r.),  49. 

Devdoraky  (mont),  50. 

Dgr utchi,  95. 

Diable  (vallée  du),  52. 

Digh,  180. 

Digomi,  58. 

Digour,  104. 

Divitchi,  45. 

Djafarabath,  22. 

Djaïri,  182. 

Djanaan,  136. 

Djaneth,  72. 

Djanga  (mont),  39,  87. 

Djanik,  4. 

Djanoura  (r.),  88,  89. 

Djaour,  26. 

Djébiri  (défilé  de),  105. 
Djébraïl,  180. 

Djel-ap-Ketchout,  169. 


Djélab-Kisoul,  104. 
Djélaouss,  104. 

Djemikent,  44. 

Djengoutaï,  198,  199. 
Djerakovsky.  49. 
Djighil-Sou,  39. 

Djikaïchi,  68. 

Djokoveti,  92. 

Djolo,  65. 

Djouari-Sakdari,  55. 
Djouart-Nakhé,  52. 
Djoubja,  9. 

Djoudch,  91. 

Djoulad,  41. 

Djoulfa,  158. 

Djoumati  (église  de),  78,  79. 
Djoomi  (r.),  61,  64. 
Djourdchoula  (r.),  91. 
Djwari,  64. 

Doketti,  93. 

Doliskhana,  71. 

Dologami,  73. 

Don  (r.),  27,  31. 

Dondolo,  73,  104. 
Doubovskaïa,  42. 

Douchet,  46,  55. 
Doukhabores , 169. 

Drandi.  62,  64. 

Dykh-Taou  (mont),  39. 
Dzaghkotsatzor,  163. 
Dzanazgra  (r.),  65. 
Dzégame,  175,  177. 
Dzérouli,  95. 

Dzévroula,  90. 

Dziroula  (r.),  94. 


E 


Edchmiadzine,  150,  151,  152. 

153,  159. 

Efrénofka,  104. 

Egorlik  (r.),  28. 

Eïlar,  139. 

Ekathérinenfeld,  122,  125. 
Ekathérinodar,  9,  28,  29. 
Ekathérinograd,  37,  40,  41. 
Elbrouz  (mont).  11,  31,  37. 
Elenovka,  139,  142,  157. 
Elisabethal,  126. 

Elisabethpol,  174,  175,  176,  177, 
178. 


TABLE  ALPHABETIQUE 


XIII 


Elkotovo,  40. 

Ellisoune,  23. 
Emanouïlovskaïa,  29. 

Emir,  123. 

Epekli,  22. 

Erekli,  1. 

Eresnoï.  43. 

Erivan,  138,  139,  143,  145,  150, 
153,  155,  157,  159. 

Erivan  (place  ci’) , 113. 
Eristhatis , 135. 

Ermoloff: \ 48. 

Erocan , 151,  154. 

Erovantachad,  154. 
Erovantagherd,  154. 
Ertha-Tsminda  (église  d’),  109. 
Erthi-Tskhali  (r.) , 62. 

Ertsso  (vallée  d’),  127,  134. 
Erzeroum,  6. 

Eskheti,  62. 

Eupatoria,  7. 

Ecclémon , 85 

Evlak,  21,  45,  159,  178,  182. 


F 


Ferousk,  72. 
Freshfielcl , 51. 


G 


Gadji-Moukhan,  142. 
Galugaëvskaïa,  41,  42. 
Gambor,  26,  128,  133,  134. 
Gambzatchinan,  160,  161. 
Gandja,  85, 175. 

Ganza,  169. 

Gazo  (mont),  75, 

Gelesnaïa  (mont),  31. 
Geleznovodsk,  32,  34. 
Gemoukh,  90. 

Gennuk,  23. 

Georges , 66,  85,  122,  131, 133. 
Géorgie,  95,  130. 

Gerzel-Aoul,  43,202. 
Geurktchaï,  182. 

Ghaghik , 164. 

Gbaniri,  67. 

Ghébi,  88,  91. 

Gbegh-tapa,  184. 


Ghélath  (monast.  de),  83,  84,  88, 
93,  103. 

Ghélembor,  67. 

Ghendara,  170. 

Ghéorgbievsk,  35,  36. 
Ghermazial  (col  de),  181. 
Ghézathi,  68. 

Gbeztola  (mont),  39,  87. 
Ghimran,  181. 

Ghimri,  44. 

Ghiorghi,  85,  105,  165. 
Ghirdman  (r.  ),  182. 

Ghondili,  89. 

Ghrel  (r.),  100. 

Girousi,  159,  180. 

Girousi-tchaï  (r.),  180. 

Glola,  40.  90,  94. 

Goders,  73,  104. 

Gok-Tcbaï  (lac),  139,  140,  156. 
Gôl-Kend,  155,156. 

Golouine , 56. 

Golovinsky,  112. 

Gomi,  104. 

Gordi,  88. 

Gorelaïa,  169. 

Gorgogothane,  71. 

Gori,  104,  105,  106,  108,  109. 
Goriatchevodski,  32. 

Goribolo,  88. 

Goualda,  39. 

Goubazaouli  (r.),  77. 
Goubdenskaïa,  44. 

Goud  (mont),  48. 

Goudaour,  46,  53. 

Goudaout,  10. 

Gouleskaïa,  68. 

Gouloukou  (mont),  39. 

Goumali,  42,  43,  201. 

Gounib,  21,  44.  198,  199,200. 
Gourckavi,  40,  94. 

Gourdjani,  132. 

Gourgaslan , 112,  114,  117,  134. 
Gourghen,  75. 

Gourianta,  78,  79. 

Gourie,  67,  72,  77,  80. 

Gouriel,  72,  79. 

Grakali,  109. 

Grémi,  135. 

Grégoire  V I lluminateur , 124, 
152,  156,  164. 

Griboïedoff,  113. 

Grigor , 135. 


XIV 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Grousie,  104. 

Groznaïa,  43,  195,  202* 
Guèbres,  194,  195. 

Guérane,  178. 

Gulaverdi,  72. 

Gulluk,  24. 

Gvédi,  88. 

Gvimevi,  94. 

H 

Hélène , 85,  88,  106. 
Hélénendorf,  176,  177. 
Héraclé , 112,  129,  136,  143. 


I 

Ialama,  44. 

Ialanouscham,  71,  74,  75,  76. 
Iaroslavskaïa,  30. 
lcortha,  109. 

Ie'ia  (r.).  28. 

Igdir,  145,  153. 

Ikobi,  78. 

Uori,  62.  63. 

Imérêthie,  67,  68,  77,88,  93,  95. 
Imerkhévi  (r.),  74,  75,  76. 
lnchékia,  67. 

Indjeh-Bouroun  (cap),  2. 
Ineboli,  2. 

Ingouches,  202. 

Ingour  (r.),  38,  62,  64,  77,  85,  86. 
Ioané , 104. 

Iora  (r.),  128,  129,  133,  134. 
Ipar,  90. 

Issoudéri,  88. 

Istcherskaïa,  41,  42. 

Istisou,  43. 

Itkvissi,  94. 

Ivérie,  95. 

J 

Jason  (cap),  4. 

Jessé,  103. 

Justinien , 65. 

K 

Kabadinskaïa,  178. 

Kabardie,  37,  41. 


Kachréti,  26. 

Kadjal-Makhi,  198,  199. 
Kagalniskaïa,  27. 

Kaghisman,  173,  174. 

Kaïakent,  44. 

Kaïchaour,  48,  52. 

Kaïpert,  70. 

Kak,  23. 

Kakati,  64. 

Kakhabéri,  70,  72,  73. 
Kakhéthie,  54,  105,  128, 129, 130. 
132,  133. 

Kakobéti,  26,  128. 

Kala,  86.  87,  112. 

Kalabi,  165. 

Kalaghir,  122. 

Kaïakent,  177. 

Kalaous  (r.),  28. 

Kalemberg,  198. 

Kalery-sar  (mont),  124. 
Kaldane,  22. 

Kalinovskaïa,  41,  42. 
Kalinskaïa,  44. 

Kalokhuri,  62,  64. 

Ka  marlou,  145,  157. 
Kambilefka,  202. 

Kamenka  (r.),  163. 
Kanir-Kourmouk,  198. 
Kanoum-Khévi,  72 
Kantichevskaïa,  43. 

Karabagh,  158. 
Karaboudakk-Kant,  44. 
Karaboulak,  23,  180. 
Kara-bouroun  (mont),  159. 
Karachène,  180. 

Karadagh,  44,201. 

Karagamza.  174. 

Karagan  (glacier  de),  40. 
Karaïas,  174,  175. 

Kara-Kala,  154. 

Kara-Kilissa,  181. 

Karaklis,  160,  161,  163. 
Kara-Koïssou  (r.),  199,  200. 
Karakoubanskaïa,  29. 

Karaleti,  108. 

Karamanli,  178. 

Karamourzina,  31. 

Kara-Ogen,  198. 

Karaoul,  39. 

Karasou  (r.),  140,  184. 

Karatchaï  (r.),  31,  72,  165. 
Karatchalinskaïa,  184. 


TABLE  ALPHABETIQUE 


xv 


Karchinari.  181. 

Kardak  (col  de),  180. 
Kardanak,  132. 
Kardjéti-Tsikhé,  69. 

Karéli,  104. 

Kariou-Khokh  (mont),  40. 
Karkiadan,  104. 

Karnaveli,  104. 

Kami,  155. 

Karni-tchai  (r.),  155. 

Karras,  32. 

Kars,  104,  160,  172,  173,  174. 
Kars-tchaï  (r.),  172. 

Kartalinie,  95,  103. 

Kartapa,  174. 

Karthli,  91,  171. 

Kartsakh  (lac  de),  103. 
Kasanga  (r.),  165. 
Kasi-Koumouk  (r.),  199. 
Kasi-Moullah , 44. 

Kaspi,  109. 

Katar,  181. 

Katchine  (r.),  179. 

Katchréti,  128. 

Katek,  24. 

Katsky,  92,  94. 

Katukh  (mont),  179. 

Kavar,  181. 

Kavkazkaïa,  29. 

Kavthis-Khévi  (église  de),  109 
Kavthoura  (r.),  109. 

Kazbek,  46,  51. 

Kazbek  (mont),  50.  52,  119. 
Kéda,  73,  104. 

Kédabek,  177,  178. 

Kégart,  155,  156. 

Keïamouri,  95. 

Kémerli,  174. 

Kémistort,  72. 

Kérasonde,  4. 

Kerchbéti,  100. 

Kerket,  43. 

Kertch,  7,  8. 

Ketcharousse,  142. 

Kbakhoul,  84. 

Khané.  93. 

Kbani-Tskhali  (r.),  93. 
Khankhendi,  179. 

Kbaor  (r.),  90. 

Kharis-Tchwali  (lac),  90. 
Kharkhar  (r.),  178. 
Khartis-Khari,  55. 


Khassav-Yourt,  42,  43,  202. 
Khatistétéli  (église  de),  122. 
Khazhak,  72. 

Ivhazri,  45. 

Khéba,  71. 

Khéda,  70. 

Khégam,  155. 

Khélédoula  (r.),  89. 

Khertvis,  101,  170,  171. 

Khêta,  60. 

Khétéoane , 137. 

Khévis-Tskhali  (r.),  77. 
Khecsours , 129. 
Khevsour-sopéli,  126,  127. 
Kkidis-Thavi,  105. 

Khidour,  91. 

Khik-Tapa,  104. 

Khindirzind,  45. 

Khirî  (r.),  62. 

Khodachène  (r.),  136. 

Kbodjali,  178. 

Khodor  (vallée  du),  31. 

Khodor  (r.),  11,  64. 

Khoforné,  124. 

Khogoto,  136. 

Khomli  (monts),  83. 

Khoni,  67,  68,  88. 

Khopi  (r.  ),  64. 

Khopi,  60. 

Kb  organe,  145. 
Khosrooarynouik , 124. 

Kbotévi  (r.),  88,  90,  91. 
Khouda't,  44. 

Khoundzakh,  43,  44. 
Kkoutchali  (lac),  170. 
Khoutzouri,  105. 

Kkram  (r.),  122.123,  124,  125, 
126. 

Kidani,  126. 

Kidisthavi,  90. 

Kiliazinskaia,  45. 

Kinzotamar,  71. 

Kiourdamir,  21,  174,  182,  184. 
Kip-Gôl  (lac),  145. 

Kirakli.  43. 

Kiril-Agatka,  184. 
Kirkhalis-Tsikhé,  74. 
Kirk-Ivilissa,  104. 

Kisîiar,  41,  42. 

Kislovodsk,  32,  35. 

Kissisghévi,  133. 

Kistaouri,  137. 


XVI 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Kivrag,  157. 

Kizilbouroum,  45. 

Kiziliar,  198,  199. 

Kizil-Irmak  (r.),  4. 

Kizil-Tapa.  172. 

Klitch  (vallée  du),  31. 
Kloukkorski  (col  de),  11,  31. 
Kobi,  46,  48.  52. 

Kobouleti,  69. 

Kochtan-Taou  (mont),  39. 
Koda,  122. 

Kodi,  122, 123,  124,  125,  126. 
Kodiani  (mont),  170. 

Kodori,  62. 

Koïlassar,  145. 

Koïsou  d’Andi  (r.),  44. 

Koïsou  des  Avares  (r.),  44. 
Kolorto,  70. 

Koltiarevskaïa,  37,  39. 
Konokorskaïa,  30. 

Kopanskaïa,  29. 

Kopilskaïa,  29. 

Koriss,  180. 

Kor-Oglou,  119. 

Korotchoï,  43. 

Kortskéri,  61. 

Kortzkoul,  70. 

Kouba,  44,  45,  195. 

Kouban  (r. ),  8,  31. 

Koubaskaïa,  44. 

Koujorskaïa,  30. 

Koula,  72,  73,  104. 

Koulachi,  67. 

Koulpa,  145,  153,  154. 

Koulpi,  199. 

Kouma  (r.  ),  32. 
Koumbakinskaïa,  184. 
Koumissi,  122. 

Koura  (r.),  55,  56,  57,  71,  72, 
105,  112,  133,  170,  174. 
Kourek  (r.),  89. 

Kourtzémi,  65. 

Koussari,  45. 

Koustchevka,  28. 

Koutaïs,  40,  68,  80.  82,  83,  85,  86, 
88,  89.  90,  93,  94,  100. 
Koutatissium,  82. 

Koutcbali  (lac).  169. 
Krasnaïa-Ritchka  (r.),  83. 
Krébek  (mont),  201. 

Krestovaïa  (mont),  48,  52. 
Krilovskaïa,  28. 


Krimskaïa,  29. 

Kroujok  (club),  113. 
Ksanka,  109, 110. 
Kvabis-Djwari,  72. 
Kvablian-Tchaï.  72. 
Kvaréli,  26,  137. 
Kvénan-Nitha-Kini,  52. 
Kviche  (vallée  de),  53. 
Kvitéri,  137. 
Kwachkéheth,  91. 
Kwech,  122. 

Kwechète,  48. 

Kwirila  (r.),  92,  93. 
Kwirila,  74,  91,  94,  95. 
Kzourté,  40,  94. 


L 


Labinskaïa,  30. 

Lacbkéti,  86,  89,  91. 
Lachras,  86. 

Lagret.  161. 

Laguodekh,  25,  26. 
Laïlachi,  89. 

Lakbi,  129. 

Lalvare  (mont),  123,  125. 
Landjanouri  (défilé  de),  89. 
Lantchkouti,  70. 

Lapna  (r.),  77. 

Lars,  46,  49. 

Laskadoula  (r.),  89. 

Latal,  86,  90. 

Latpari  (col  de),  86,  87. 
Lazes,  66. 

Lazgwéria,  88. 

Lazil  (col  de).  86. 

Lazistan,  72. 

Lenkoran,  184,  185. 
Lenthéki,  86,  87,  89,  91. 
Léon , 63,  66,  82,  104,  135. 
LermontoJf\  50,  53. 
Lesghiens , 129. 
Letchkhoum,  64,  88,  89. 
Lèvachi,  198,  199. 

Lccan  Dadlan , 68. 

Lhiki  (col  de),  95. 

Lia,  64. 

Liaki,  182. 

Liakvi  (r.),  105,  108. 
Liaslase,  52. 

Likane,  98. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


XVII 


Likaouri,  78. 
Likh  (mont),  171. 
Lilo,  127.  133. 
Limasse  (lac),  54. 
Lisine,  181. 
Liskouri,  90. 
Lissagorsk,  180. 
Loudji,  89,  90. 


M 


Machouk  (mont),  31. 

Madrassa,  183. 

Magmeti,  42. 

Maïkop,  9,  29,  30. 

Maka  (r . ),  89. 

Makhoundjéti,  73,  104. 
Makindjaouri,  69. 

Maïak iou,  83. 

Maldak  (col  de),  181. 
Malakanes , 161. 

Malka  (r.  ),  40. 

Mamisson  (col  de),  40,  86,  88, 
94,  109. 

Mamkodi,  126. 

Mamokhovani,  89. 

Mamoutli,  125. 

Manglis,  121. 

Manitch  (r.),  27. 

Marabda,  122. 

Maradidi,  70. 

Marave  (mont),  179. 

Marelisé,  95. 

Mariatn,  104. 

Marie y 57. 

Marienfeld,  26,  129. 

Mariensky  (canal).  174. 
Markara,  153. 

Martkhopi  (église  de),  127. 
Martvili,  (église  de),  65,  66,67. 
Masandzara,  135. 

Mastara,  159,  160. 

Matchakéli,  70. 

Matchkbani,  128. 

Matzek,  24. 

Mavriatcbaï  (r.),  165. 
Maxonana,  157. 

Medjouda  (r.),  105. 
Medy-Anapat  (église  de),  181. 
Mèlik-Koï,  104,  172. 

Méri,  137. 


Merkwéna,  89. 

Meskendji,  45. 

Mesti,  90. 

Metekb  (église  de),  112,  114. 
Meztia,  38,  87. 

Mghvimeri,  91. 

Mirbastorskaïa,  28. 
Mijirgbi-Taon  (mont),  39. 
Mikaël-Gabriel,  78. 

Mikailoff,  95,  97,  104,  172. 
Mikaïlovsky  (parc),  188. 

Migri,  158,  181. 

Mikéléti,  74. 

Minéralnia-Vodi,  31. 

Mingrélie,  58,  62,  65,  68,  77,  87. 
Miousiouli,  182. 

Mirian,  50.  56,  121,  131. 

Mlet,  46,  53. 

Mogbari,  128. 

Mokwi,  63. 

Montganloup,  24. 

Moracbine,  185. 

Mordzoneti,  95. 

Mosquée  de  Fatbma,  192. 
Motzametb,  83. 

Moucbtaïd,  58,  113. 

Mouganlo,  129. 

Moujal,  86,  87. 

Moukbrane,  110. 
Moukbaravani,  128,  134. 
Moukouzani,  26,  132. 

Mouri,  86,  88,  89,  90. 
Mousselein,  199. 

Mozdok,  37,  41,  42. 

Mtatsminda  (mont),  113. 
Mtiouletb.  52. 

Mtzkbet,  46,  55,  56,  57,  109, 110, 
170. 

Mtzkbéta,  89. 

Mtzkbetskymost,  127. 


N 


Nabi-Ogli,  104. 

Naflouk,  27,  133. 
Nagomari,  78. 
Nakalakévi,  64,  65,  102. 
Nakérala,  90. 

Nakbar  (col  de),  11,  31. 
Nakitchevan,  157,  158. 
Nakouralécbi,  89. 


XV11I 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Nakra  (col  de),  38. 

Nakzagar  (col  de),  88. 

Naltchik,  37. 

Naourskaïa,  41,  42. 

Nari-Kala,  114,  118. 

Nasakérali,  78. 

Naspir,  89. 

Natanébi,  70,  78,  79. 
Natis-Séméli,  77. 

Natzkher,  55. 

Navagui,  186. 

Nazrane,  43,  202. 

Nékrésie  (église  de),  137. 
Nevinomiskaïa,  30,  31. 
Nezlobnaïa,  35,  37. 

Nicolaïefka,  134. 
Nicolaïevskaïa,  30,  32,  41,  42. 
Nicosie,  64,  108. 

Nigoïti,  70,  78. 

Nigui-Akhti,  139,  142. 
Nikhortsminda,  88,  90,  93. 
Nikitina.  161. 

Nino  (Sainte) y 56,  57,  131. 
Nochlca,  88. 

Noire  (mer),  1,  78. 

Notre-Dame  (église  de),  101 . 
Noukha,  21,  22,  45,  129,  197. 
Noukrian,  129. 

Novi-Afon,  10. 

Novo-Baïazid,  142, 155, 156, 157. 
Novo-Grigorievskaïa,  30,  35. 
Novo-Kalévi  (r.),  65,  66. 
Novo-Rossiisk,  8,  28,  29. 
Novo-Sénaki,  64,  65. 


O 

Odessa,  7,  8. 

Odiguéni.  101. 

Œniak,  174. 

Of,  7. 

Okhone,  106. 

Okoum,  62. 

Okouréchi,  88. 

Olchek,  72,  104. 

Oldam  (r.),  100. 

Olti,  72,  174. 

Oni,  40,  89,  90,  91,  94,  95. 
Opichkti,  89. 

Opiza,  75. 

Orali,  101. 


Orbéli,  90 

Ordoubad,  158,  159, 180,  182 
Orkhévi,  26,  129,  133. 
Orlovka,  169. 

Orpola,  172. 

Orpiri,  76. 

Ossêtiens , 52. 

Otchemchiri,  11,  62,  63. 
Otchkomouri,  64. 

Otia,  57. 

Otkaznoï,  35. 

Otzartzé,  62. 

Oubé,  92. 

Ouchba,  87,  88. 

Ouchkoul,  86,  88. 

Oudé,  101. 

Oudiéri,  89. 

Oudjari,  21,  174,  182. 
Oudjarna,  133,  134. 
Oukha-Dagh,  52. 
Oukhimérion,  82. 

Oukhite,  52. 

Oulévi,  94. 

Oumakhan-Yourt,  43,  202. 
Ounieh,  4'. 

Ouplis-Tsikhé,  106. 

Ourban  (vallée  de  T),  37,  38 
Ourbnissi,  106. 

Ourlou,  4. 

Ourma,  198,  199. 

Ouroukh  (r.),  39. 

Ouroupa  (défilé  d’),  3fr. 
Ouroupskaïa,  29. 

Ourousbié,  37. 

O u route,  180. 

Ourtha  (mont),  77. 
Oustargardoï,  43. 
Outchkoulan,  31. 

Outséra,  90. 

Ouzoular,  163. 

Ouzountala,  138. 

Ozourghet,  70,  76,  78,  79. 


P 


Paldo  (vallée  de),  134. 
Paléostom  (lac),  12. 
Pambak  (r.),  163. 
Panasker,  72. 
Pandoughéti,  70. 
Panok,  72. 


TABLE  ALPHABETIQUE 


XIX 


Paraoul,  44. 

Parghet,  169,  172. 

Pari,  86. 

Parsis , 195. 

Partar,  175. 

Paskéoitch  (général),  170. 
Passanaour,  46,  48,  53. 
Pavlodolskaïa,  41. 

Pazi-Mta  (mont),  39,  86. 
Pénésaour-tchai  (r.),  125. 
Pérésipnaïa,  29. 

Pérévissi,  95. 

Persati,  93. 

Petit-Caucase  (monts),  123.  _ 
Petit-  Mouganlo,  133. 
Pétrovsk,  21,  43,  44. 
Phanagoria,  29. 
Pharnadjam,ÿ§ . 

Pharnavaz,  135. 

Piatigorsk,  31,  32. 
Pirdaguassé,  45. 

Pirsagat,  183. 

Pithoreth  (église  de),  109,  122. 
Pitzounda,  9.  60,  64,  84. 
Platana,  5. 

Pleïa-réka  (r.),  202. 

Plièva,  202. 

Podkoumok  (r.),  32. 
Pogalisthavi  (mont),  133. 

Poïli,  175. 

Poka,  169. 

Pont  du  Diable,  181. 

Porta,  75. 

Porte  aux  Loups,  192. 

Poste  militaire,  174. 

Poste  Vedenski.  126. 
Postkhovi-Tchaï  (r.),  74. 

Poti,  11,  13,  58,  70. 
Pouchkine,  49. 

Pouta,  186. 

Prakokoumskoï,  35. 
Praskovaïa,  35. 

Priout,  121. 

Privolnoï,  35. 

Prokladnaïa,  37,  40. 
Protchnikop,  29. 

Psézouapé,  9. 

Q 

Quaréli,  133. 

Quitiri,  68. 


R 

Rasdène,  105. 

Ratcha,  78,  87,  89,  90. 
Redout-Kalek,  11,  60. 
Résurrection  (église de  la),  124. 
Rion,  80,  94,  100. 

Rion  (r.),  12,  39,  58,  67,  70,  77, 
86,  87,  88,  90,  91,  94. 

Rizeh,  7. 

Rodionovka,  169. 

Rosse  (mont),  52. 
Rostofï-sur-Don,  27. 

Rouissi,  106. 

Roukhi,  62,  64. 

Roussiantsikhé,  135. 
Roussoudane , 85,  112. 
Rousthavi,  104,  172. 
Rousthavéli , 121 . 

Route  militaire  de  Géorgie,  48, 
110,  127. 


S 

Sctba,  74,  75. 

Sabadouri,  126,  127. 
iSaba-Tsmida,  108. 

Saberio,  62. 

Sabountchi,  190. 

Sadaklo,  123,125. 

Sadarak,  157. 

Sadjavak'o,  70,  77. 

Sagama,  169. 

Saganlouk,  122,  123, 124,  125. 
Sagoré  (mont),  90. 

Sagouramo,  127. 

Saguire,  184. 

Saïmtvério  (mont),  133. 
Saint-David  (église  de),  113. 
Sainte-Gaïane  (église  de),  151. 
Saint-Georges  (église  de),  101, 
105,  124. 

Saint-Jacob  (source  de),  145. 
Saint-Jacques  (église  de),  150. 
Sainte-Mariné  (église  de),  101. 
Saint-Minas  (église  de),  124. 
Sainte-Nino,  131,  170. 
Sainte-Ripsime  (église  de),  105. 
Saint-Saba  (église  de),  101. 
Saint-Siméon  ( église  de  ),  92, 
101. 


XX 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Sainte-Sophie  (église  de),  6. 
Saint-Thomas  (église  de),  159. 
Saïrmo,  89. 

Sakaraoulo,  126,  127. 

Salaval  (col  de),  197. 

Salnidja,  174. 

Salomon , 62,  68. 

Saltinka,  44,  198,  199. 
Saltinsky-most,  199. 

Salyan,  184. 

Samachkinskaïa,  43,  202. 
Saméba,  17. 

Samourzakhan,  62. 
Samschwildé,  126. 

Samsoun,  3. 

Samthavis.  109. 

Samtrédi,  13.  58,  67,  68,  70,  76, 
80,  87. 

Sanahine,  124,  163. 
Sangatchali,  186. 
Saoutch-Boulak  (r.),  142. 
Saphar,  100,  101. 

Sapor , 154,  155. 

Saragachène,  126. 

Saraïnskaïa,  45. 

Sarakamisch,  174. 
Sardar-Boulakh,  145. 

Sari,  69. 

Sari  an,  183. 

Sartatchal,  26,  128. 

Sar  varie,  123. 

Sassanides,  196. 

Satchkéri,  91,  94,  95. 

Satghéri  (église  de),  98. 

SatléJi,  74,  75,  76. 
Satlèli-Tskhali  (r.),  75 
Savansliskhévi,  97. 
Schah-Abbas,  187. 
Schah-Boulak,  178. 

Schamyl  44,  133,  199,  200,  201. 
Scharaail,  182. 

Schkméri,  95. 

Sébastopol,  8. 

Sembat , 163,  180. 

Sénaki,  65. 

Sennaïa,  29. 

Sévang  (lac),  141. 

Sévang  (monastère),  141. 
Sidone,  40. 

Signak,  21,  26,  45,  128,  129,  130, 
131,  132,  133. 

Siméonovka,  139. 


Simonetti,  73. 

Sineika  (mont),  31. 

Singoti,  70. 

Sinope,  2. 

Sinori,  26. 

Sion,  52. 

Sion  (église  de),  105,  112,  117. 
Siounik,  156, 180. 

Skalta,  73,  74. 

Skaltis-Tskhali  (r.),  73. 
Skarjinka,  35. 

Skoutchaï  (r.),  78. 

Slepzovskaïa,  43. 

Sobranié  (club),  113. 

Soglouti,  174. 

Sogoute-Boulak,  175. 
Soldatskaïa,  35. 

Sololaki,  112,  119. 

Souanétie,  38,  64,  67,  68,-77,85, 
86,  89. 

Soukhoum-Kaleh,  10,  31,  62, 64. 
Souflis,  104. 

Soulak  (r.),  201. 

Soulda,  104. 

Souloukgel  (lac  de),  103. 
Soundja  (r.),  202. 

Soupça,  13,  70. 

Soupça  (r.),  77,  78. 

Souram,  67,  95,  97. 
Sourakhaneh,  189,  190, 193. 
Sourb-Arakial  (église  de),  168. 
Sourb-Grigor  (église  de),  166. 
Sourb-Kévork  (église  de),  180. 
Sourb-Pherkitcb  (église  de),  168. 
Source  impériale,  62,  63. 
Sourmalon,  154. 

Spaskaïa,  169. 

Stare-  Delijane,  160. 
Stchédrinskaïa,  42. 
Stcherbakovskaïa,  42. 
Stépan-Zminda,  50. 

Stéphanos,  56. 

Strachnokopski,  98. 
Sucha-Fontanka,  139. 

Surméné,  7. 


T 


Tabakhana  (r.),  119. 
Tabakméla,  122,  126. 
Tabasséran  (mont),  196. 


TABLE  ALPHABETIQUE 


XXI 


Tabitskour  (lac),  98,  171. 
Tacha-Boularki,  22. 
Tachkitchou-Aoul,  42. 
Tajat-Keï,  104, 

Takhaltou  (mont),  153,  154. 
Takladi,  44. 

Takmazb,  103. 

Tala-Ark,  157. 

Taleri  (r.),  65. 

Talicli,  169. 

Taline,  159. 

Talla,  24. 

Taman,  29. 

Tamarachène,  108. 

Ta  merlan  , 103. 

Tana  (r.),  105. 

Tando,  43. 

Tantzi,  122. 

Taouze,  175. 

Tarakenskaïa,  184. 

Tarsatchaï,  138,  139. 

Tatartoup,  4L 
Tathève,  180,  181. 
Tavkhan-Kiliniak,  165. 

Tbéti,  74. 

Tchakwi,  69. 

Tchaladidi,  58. 

Tchalaoubani,  133. 
Tchaldir-Geul,  72. 

Tchamakli,  22. 

Tchamliskaïa,  30. 

Tchamlouk,  123. 

Tchanakchi,  181. 

Tchaptchak,  42,  202. 

Tchaucbia  (r.),  61,  64. 
Tchaotchaeadzé  (prince),  126, 
133,  135. 

Tckégkem  (vallée  du),  37,  39. 
Tchérek  (r.),  39,  86. 
Tchermiali,  174. 

Tchertchaly,  53. 

Tchervlennaïa,  42. 
Tchétchénie,  201. 

Tchiatoura  (r.),  92. 

Tchiatouri,  94,  95. 

Tchilda.  133. 

Tchinakchi,  180. 

Tchir-Yourt,  42,  201. 
Tchkéréméla  (r.),  92. 
Tchockane,  125. 

Tchognary,  94. 

Tchokotaouri,  77,  78. 


Tchokraskaïa,  30. 

Tcholouri.  86,  87,  89,  91. 
Tchorné-Gorod,  189. 

Tchorok  (vallée  du),  7,  18. 
Tchorok  (r.),  70,  71. 

Téberda  (vallée  delà),  11,  31. 
Tékhour  (r.),  59,  64,  65,  67. 
Téklati,  58. 

Témir-Khan-Choura,  21, 42,  43, 
44,  195,  197,  198,  201. 

Temple  du  feu  éternel,  192, 
193,  194. 

Temrouk,  8,  29. 

Térek  (r.),  39,  42,  46,  48,  49,  52. 
Ternavaz  (mont),  179. 
Ter-Ohannès , 181. 

Terter,  178. 

Terter  (r.),  175. 

Tésami  (r.),  109. 

Tetnould  (mont),  87. 
Tétri-Tsklébi,  135. 

Thaltitéli  (r.),  83. 

Thamar , 50,  60,  73,  98,  101, 
102,  118,  119,  120,  132. 
Thargama,  71. 

Thacad,  96. 

Thélaff,  54,  129,  132.  133,  135, 

136,  137. 

Théodore , 105. 

Théodosie,  7. 

Thinatine , 135. 

Thir  (église  de),  108. 

Tholgomi,  71. 

Tichikli,  42',  43. 

Tiflis,  13,  26,  27,  45,  46.  57,  58, 
68,  80,  110,  111,  112,  119,  122, 
123,  124,  125,  126,  127,  128, 
133,  138.  160,  174. 

Tigrane,  151,  158. 
Tigranocertes,  154. 
Tikhorets-Kaïa,  9,  28. 
Timothé-Soubane,  98. 

Tioneti,  54,  126,  127,  129,  134, 

137. 

Tioumouk,  103. 

Tireboli,  5. 

Tkir-Yourt,  43. 

Tirznissi,  108. 

Tkniavi,  108. 

Tkwibouly,  88,  90,  93. 
Tlilimène- (mont),  199,  201. 
Tlokh,  43. 


XXII 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Toporovan  (lac),  169.  171. 
Toporovane-Tchaï  (r.),  169, 170. 
Touapsé,  9. 

Toubénel,  38. 

Touches , 129. 

Toukharissi,  75. 

Touman-Ghôl  (lac),  169. 

Tour  de  la  jeune  fille,  187, 191. 
Tourdo  (r.),  135,  136. 

Toursou  (r.),  180. 
Transcaucasie,  105. 

Trébizonde,  5. 

Trialeth  (monts),  171. 

T ridât,  137,  154,  155. 
Troïtskaïa,  169. 

Trousso,  52. 

Tsagbéri,  89. 

Tsakvis-Tskhali  (r.),  68. 
Tsalendjikha,  61. 

Tsalmiani  (vallée  de),  134. 
Tsanner  (mont),  39. 

T sarsky-Kolodsy , 24,  128. 
Tsilddziri,  69,  75. 

Tsilkani,  46,  55. 

Tsinandal,  133. 

Tsinkvali,  108. 

TsitsianoJ)'  (général),  117,  192. 
Tsiva  (r.),  58,  64. 

Tsivi  (mont),  135. 
Tskali-Tsithéla  (r.),  83. 
Tskhénis-Tskhali  (r.),  39,  58, 
67,  68,  77,  85,  86,  87,  88,  89, 
91. 

Tskwari-Tchamia,  126. 
Tsminda-Ghéorghi,  52. 
Tsminda-Saméba,  51. 

Tsounda,  103. 

Tucker,  51. 

Tvichi,  90. 

Tzaïchi,  60. 

Tzémess  (baie  de),  9. 

Tzoukoul,  45. 

Tzourmakh,  104. 

U 

Uriaboubani,  133. 

V 

Vagarchabad,  105,  151. 
Vakhoucht , 96,  170. 


Valé,  101,  104. 

Vamek , 60,  62. 

Van,  6. 

Vaneslob.  53. 

Vanis-Kwabi,  103. 

Vank,  180. 

Vank  (église  de),  117,  118. 
Vardis-Oubani,  135,  136. 
Vardzia,  101,  102,  103,  107. 
Varkméla,  92. 

Varsikhé,  93. 

Varvara,  105. 

Varvarino,  95. 

Vartemar-Tchaï  (r.),  153. 
Vasbouragan,  157. 

Vasiani,  26,  128,  129,  133. 
Vaeila , 76. 

Veden,  43. 

Velis-Tsikhé,  132. 
Velvelinskaïa,  45. 

Velthéthri,  91. 

Véra,  58,  112. 

Vérana  (mont),  133, 135. 

Vierge  (église  de  la),  152. 
Ville-Noire,  187,  189. 
Vladikawkaz,  21,  27,  39,  40,  42, 
43,  45,  46,  94,  109,  110,  195, 
201,  202. 

Vladimirovka,  35. 

Volga  (fleuve),  18. 

Vorontzoff  (prince),  48, 112, 113. 


W 


Wonaliman,  4. 


Y 

Yalta  7. 

Yaman-Sou  (r.),  202 
Yarak-Sou  (r.).  202. 
Yeïsk,  28. 
Yessentouki,  32,  35. 


Z 


Zadone  (r.),  40. 
Zaïa-Dalti  (r.),  201. 
Zaïm,  172. 


TABLE  ALPHABETIQUE 


XXIII 


Zakatal,  21,  23,  24,  45,  129. 
Zakhèri,  86. 

Zalanantchéra  (mont),  39. 
Zaloniuan-Tchiran  (col  de),  39. 
Zamok-Thamari,  18. 

Zanga  (r.),  144,  151. 
Zanguézour,  180. 

Zarasli  (vallée  de),  180. 
Zarouchad,  169. 

Zarzma,  73,  101,  104. 
Zéda-Rgami,  94. 

Zégouri,  93. 


Zékari  (col  de),  100. 
Zélentchouk  (défilé  de),  30. 
Zelnaouri,  137. 

Ziloné  (monastère),  98,  126. 
Zokastan,  159. 

Zoubovskaïa,  184. 

Zougdidi,  58,  60,  61,  62,  64,  65, 
87. 

Zourab,  96. 

Zourzouna,  72,  104. 

Zovonk,  180. 

Ztouléveesk  (col  de),  39. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


PREMIÈRE  PARTIE 

RENSEIGNEMENTS  GÉNÉRAUX  1 


Calendrier.  — Les  Russes  ont  conservé  jusqu’à 
présent  le  calendrier  julien,  établi  par  Jules  César, 
quarante-six  ans  avant  J.-C.  et  adopté  par  le  premier 
concile  de  Nicée,  en  325,  comme  base  de  l’ère  chré- 
tienne. Ce  calendrier  retarde  de  douze  jours  sur  le 
calendrier  grégorien  ou  calendrier  réformé  en  1582, 
par  le  pape  Grégoire  XIII,  et  adopté  par  les  Occiden- 
taux. Le  1er  janvier  de  l’année  russe  est  donc  le  13  de 
la  nôtre. 

Poids.  — Ponde  (40  livres,  16  kilogr.  38).  — Livre 
founte{ 32  ioth , 96  zolotnik , 409  grammes).  — Loth 
(3  zolotnik , 12  gr.  80). — Zolotnik  (4  gr.  2656). 

Mesures.  — De  longueur:  Verste  (500  sajènes,  1067 
mètres).  — Sajène  (3  ar chines,  48  verchok , 2m134.  — 
Archine  (16  verchok , 0.  m.  711.  — Verchok  (0.  m. 
04445). 

De  superficie  : Verste  carrée  (1138  hect.).  — Des - 
siatine  (2400  sajènes  carrées,  ou  1 hectare  0925)  ; en 
agriculture,  3200  saj.  c.f  ou  1 hect.  4567). 

1.  D’après  Bædeke  r. 

1 


2 


GUIDE  AU  CAUCASE 


De  capacité  : Sajène  cube  (343  pieds  cv,  9 mètres 
c.  260.  — Botchka  (tonneau),  40  védros,  492  litres.  — 
Védro  (seau),  12  litres  298. — Tchetvert  (8  tchetoérik y 
64  garnets,  209  1.  90).  — Tchetoérik  (mesure  pour  les 
grains),  8 garnets , 26  lit.  237. 

Monnaie.  — L’unité  monétaire  est  le  rouble,  qui  se 
divise  en  100  kopeks.  Il  existe  en  or  : des  pièces  de 
10  r.  30  k.  ou  ((  impérials»  et  de  5 r.  15  k.  ou  « demi- 
impérials  »;  en  argent  : des  pièces  de  1,  50,  25,  20,  15, 

10  (grivnik)  et  5 k.  ; en  bronze  : des  pièces  de  5,  3,  2 
et  1 k.  Mais  à part  les  pièces  en  argent  et  en  bronze 
à partir  de*  20  k. , il  n’y  a en  Russie  que  des  billets  de 
banque  de  100,  25,  10,  5,  3 et  1 r.  La  valeur  du  rouble 
argent  est  de  4 francs,  et  le  papier  ne  vaut  actuellement 
(1893),  qu’environ  2 fr.  50.  Le  cours  étant  sujet  à varier 
beaucoup,  on  s’en  informera  toujours  avant  de  changer 
de  l’argent.  Dans  les  pays  frontières,  il  circule  des 
monnaies  anglaises,  turques,  grecques,  italiennes,  alle- 
mandes, autrichiennes,  persanes,  qui  ont  également  des 
valeurs  variables.  Les  pièces  d’or  françaises  ou  du 
même  système  ont  cours  légal  en  Russie. 

Saison.  — La  saison  la  plus  convenable  pour  un 
voyage  au  Caucase,  dans  les  hautes  montagnes,  est 
l’été,  mais  les  mois  de  septembre  et  d’octobre  y sont 
encore  favorables,  si  ce  n’est  que  les  jours  sont  courts. 
Les  vallées  basses  se  visitent  mieux  en  automne  et 
au  printemps,  quand  la  végétation  est  dans  -toute  sa 
magnificence  ; elles  sont  brûlantes  et  malsaines  en  été. 

Plan  de  voyage.  — Il  dépend  du  but  spécial  qu’on 
se  propose,  du  temps  et  de  l’argent  que  l’on  a à dépen- 
ser, de  l’époque  de  l’année  où  on  l’entreprend,  et  de  la 
voie  par  laquelle  on  arrive.  En  venant  de  l’Ouest,  on 
passe  par  Constantinople  ou  Odessa  ou  Novo-Rossiisk 
ou  Batoum  (3  à 5 jours)  ; de  l’intérieur  de  la  Russie, 
on  prend  par  Rostoff-sur-Don  et  Vladikawkaz  (1  jour)  ; 
du  Volga,  le  mieux  est  de  se  diriger  sur  Bakou  (3  jours). 

11  faudrait  en  outre  compter  pour  un  voyage  rapide,  un 
jour  de  trajet  en  chemin  de  fer  de  Batoum  ou  de  Bakou 
à Tiflis;  1 jour  à 1 jour  1/2  pour  voir  Tiflis,  et  2 jours 
à 2 jours  1/2  pour  parcourir  la  route  militaire  de  Géor- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


3 


gie,  soit  en  tout  5 à 6 jours.  La  visite  de  Koutaïs  et  de 
ses  magnifiques  environs,  une  excursion  en  Souanétie 
par  le  col  de  Latpari,puis  la  nouvelle  route  de  Mamis- 
son,  prend  8 à 9 jours;  de  Tiflis,  pour  un  voyage  à 
Erivan,  Edchmiadzine  et  l’Ararat  (sans  ascension),  il 
faut  compter,  aller  et  retour,  6 jours;  à Borjom,  Abas- 
touman,  4 à 5 jours  ; en  Kakhétie,  6 jours  ; au  Daghes- 
tan, 10  à 15  jours;  en  Mingrélie.  4 à 6 jours;  en 
Abkhazie,,  6 jours;  en  Gourie,  8 jours;  en  Adjarie, 
8 jours  ; au  Lenkoran,  7 jours  ; en  Khewsourie,  5 jours  ; 
en  Ossétie,  6 jours.  A cheval  et  en  voiture,  on  peut 
faire,  dans  les  conditions  ordinaires,  50  à 60  v.  par 
jour.  Dans  les  montagnes,  on  fera  bien  de  compter  un 
tiers  ou  un  quart  en  plus  qu'il  n’est  dit  pour  les  dis- 
tances et  le  temps  à employer. 

Frais  de  voyage.  — Dans  les  villes,  les  hôtels 
coûtent,  y compris  le  dîner,  de  4 à 6 et  10  r.  par  jour. 
En  montagne,  au  contraire,  il  arrivera  souvent  qu’on 
n aura  aucune  occasion  de  dépenser  de  l’argent.  Un  long 
voyage  est  là,  comme  ailleurs,  moins  coûteux,  en  pro- 
portion, qu’un  petit.  Au  cours  du  rouble  papier,  c’est- 
à-dire  2 fr.  50,  il  faut  compter,  en  moyenne,  15  r.  par 
jour  par  personne  (frais  d’hôtel,  voitures,  divertisse- 
ments, interprètes,  pourboires,  etc.).  Comme  il  est 
souvent  impossible  dans  les  gares,  petites  villes,  sta- 
tions de  poste  et  villages  isolés  de  changer  de  l’argent, 
il  faut  une  provision  de  petits  billets  de  1,  3,  5 roubles, 
et  surtout  de  petite  monnaie.  En  faisant  des  achats,  il 
est  bon  de  se  tenir  sur  ses  gardes,  et  l’on  ne  doit  pas 
craindre,  dans  les  maisons  de  second  ordre  etaux  bazars, 
d’offrir  15  à 25  °/o  de  moins  que  le  prix  demandé. 

Hygiène. — Quoique  le  Caucase  jouisse  d’un  climat 
en  général  assez  sain,  on  fera  bien  de  se  tenir  sur  ses 
gardes  et  de  prendre  des  précautions.  Malgré  les  grandes 
chaleurs,  on  ne  devra  pas,  en  arrivant  ou  en  partant, 
quitter  trop  vite  ses  vêtements  chauds,  les  soirées  et  les 
matinées  étant  très  fraîches  et  les  variations  de  la  tem- 
pérature brusques  et  sensibles.  Les  fièvres,  la  diarrhée 
atteignent  souvent  les  voyageurs  imprudents,  s’ils 
boivent  froid  et  abusent  des  melons  et  des  fruits.  Il  ne 


4 


GUIDE  AU  CAUCASE 


faut  boire  que  de  l’eau  bouillie  ou  gazeuse,  du  café, 
thé,  rhum  vodki  (eau-de-vie)  et  du  vin;  ne  pas  man- 
ger de  viandes  trop  saignantes,  de  charcuterie,  de 
salade  ou  d'herbes  mal  lavées  et  surtout  ne  jamais 
avaler  d’eau  pure  de  rivière,  on  attraperait  le  ténia, 
comme  l’ont  presque  tous  les  indigènes.  Du  reste,  les 
médecins  sont  bons  et  pas  chers.  Leurs  visites  se  payent 
de  3 à 5 r. 

Bains.  — C’est  une  des  curiosités  de  Tiflis.  Les 
sources  sulfureuses  y sont  merveilleuses,  quoique  exces- 
sivement chaudes.  Dans  les  meilleurs  établissements, 
le  bain,  en  cabine  particulière,  se  paye  de  1 à 3 r. 

Équipement. — Ce  qu’il  faut  surtout  pour  voyager 
en  Russie,  et  l’hiver  au  Caucase,  c’est  une  provision 
de  vêtements  fourrés,  des  galoches  (socques  en  cuir  ou 
en  caoutchouc),  un  bachlik  (capuchon  en  drap),  une 
bourka  (chaud  manteau  de  laine  sans  manches  et  im- 
perméable). Il  est  bon  d’avoir,  pour  le  chemin  de  fer, 
un  coussin  creux  ou  en  crin,  et,  pour  les  petites  villes, 
les  excursions,  un  lit  de  voyage  complet,  quelques 
boîtes  de  conserves,  thé,  samovar  *,  poudre  insecticide, 
revolver,  appareil  photographique  et  pharmacie  porta- 
tive. En  été,  les  vêtements  de  laine,  de  flanelle  sont 
préférables  à la  soie  et  à la  toile;  comme  coiffure,  un 
chapeau  mou  ou  en  paille,  ou  un  casque  en  liège;  se 
munir  d’ombrelle  et  de  lunettes  de  couleur  pour  le 
soleil. 

Si,  après  les  chemins  de  fer,  on  se  contente  de  par- 
courir en  poste  les  grandes  routes  et  les  chaussées,  on 
n’a  pas  besoin  de  plus  de  préparatifs  et  de  connais- 
sances linguistiques  que  dans  le  reste  de  la  Russie. 
Mais  si  l’on  veut  remonter  les  vallées  et  parcourir  les 
montagnes,  il  serait  utile  de  louer  en  Russie,  à Odessa 
par  exemple,  un  domestique  parlant  les  langues  indi- 
gènes et  sachant  aussi  un  peu  la  cuisine.  On  ne  sau- 
rait entreprendre  des  ascensions  et  des  courses  dans  les 

1.  Ce  mot  vient  probablement  du  tatar  satiabar.  En  russe, 
il  semble  vouloir  dire  : qui  bout  par  soi-même.  On  sait  que 
le  samovar  est  une  grande  bouillotte  où  la  braise  brûle  dans 
un  tuyau  intérieur  au  lieu  de  chauffer  le  liquide  par-dessous. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


5 


hautes  montagnes,  sans  amener  un  bon  guide  des  Alpes. 
Pour  les  excursions  un  peu  longues,  même  avec  un 
bagage  restreint,  il  faut  des  porteurs  ou  une  escorte  de 
chapars  (miliciens  indigènes),  ou  de  cosaques.  On 
voyage  bien,  surtout  à cheval. 

Il  est  presque  partout  aisé  de  louer  des  chevaux  ou 
des  mulets,  mais  il  vaut  mieux  pour  un  grand  voyage, 
vu  leurs  prix  peu  élevés,  en  acheter  un  ou  deux,  pour 
100  à 150  r.,  et  les  revendre  après.  La  plupart  des 
chemins  de  montagne  et  des  cols  sont  praticables  aux 
bêtes  de  somme.  Les  chevaux  du  Caucase,  surtout  ceux 
de  Kabarda,  sont  excellents,  sobres,  durs  à la  fatigue 
et  dociles.  La  selle  du  pays  est  incommode,  quand  on 
n’en  a pas  l’habitude.  11  faut  en  avoir  une  avec  crou- 
pière et  poitrail,  et  la  sangle  doit  être  faite  en  vue  du 
corps  très  mince  du  cheval  caucasien.  On  monte  en 
bridon  ou  filet. 

Passeport.  — Il  faut  pour  entrer,  voyager  en  Russie 
ou  au  Caucase  un  passeport  visé  par  une  ambassade  ou 
un  consulat  russe.  (Prix  du  visa  : 2 fr.).  On  pourrait 
même  se  trouver  fort  embarrassé  sans  cette  pièce,  car 
on  peut  avoir  à la  montrer  dans  l’intérieur  de  l’Empire 
dans  chaque  ville.  Quand  on  voyage  par  mer,  le  passe- 
port vous  est  pris  par  l’Agence  qui  délivre  le  billet  et 
remis  à l’arrivée.  Si  l’on  passe  la  frontière  en  chemin 
de  fer,  le  passeport  est  demandé  à la  première  station 
russe.  Dans  les  deux  cas  il  est  rendu  avant  ou  après  la 
visite  de  la  douane.  En  arrivant  à l’hôtel  ou  dans  une 
ville  de  Russie  et  du  Caucase  il  faut  remettre  immé- 
diatement son  passeport  à l’hôtelier  ou  à votre  hôte  qui 
l’envoie  enregistrer  à la  police  et  qui  vous  le  rend  dans 
les  vingt-quatre  heures.  Il  est  valable  pour  six  mois; 
si  le  séjour  doit  durer  plus  longtemps,  le  passeport  est 
déposé  au  bureau  des  passeports,  et  l’on  obtient  un 
permis  valable  pour  un  an,  dans  tout  l’Empire,  et  qui 
coûte  2 r.  Passeport  et  permis  de  séjour  doivent  être 
renouvelés  à temps,  s’il  y a lieu.  En  quittant  la  Russie, 
il  faut  faire  à la  police  une  déclaration  à laquelle  on 
joint  le  permis  de  séjour  et  un  certificat  du  bureau  de 
police  du  quartier  qu’on  habite,,  attestant  que  rien  ne 
s’oppose  au  départ.  La  formalité  prenant  quelques 


6 


GUIDE  AU  CAUCASE 


heures,  on  fera  bien  de  demander  le  certificat  au  dernier 
endroit  où  l’on  s’arrêtera.  Le  passeport  vous  est  rendu 
avec  une  autorisation  valable  pour  huit  jours  pour 
retraverser  la  frontière.  Les  hôteliers  se  chargent  de 
cette  formalité  et  la  portent  en  compte  pour  30  à 90  k. 

Douane.  — En  passant  la  frontière  de  l’Empire,  en 
débarquant  dans  un  port  russe  ou  du  Caucase,  on  doit 
se  soumettre  à la  visite  de  la  douane,  qui  est  souvent 
superficielle,  mais  aussi  quelquefois  très  sévère.  Les 
voyageurs  doivent  y assister  ; mais  on  peut  obtenir 
qu’elle  n’ait  lieu  qu’à  un  bureau  de  l’intérieur.  Dans  ce 
cas,  les  effets  sont  plombés  à la  frontière  et  remis,  après 
la  visite,  à l’endroit  déterminé,  soit  au  voyageur,  soit  à 
son  fondé  de  pouvoir,  sur  la  présentation  du  reçu  du 
chemin  de  fer  ou  d une.  copie  du  connaissement  du 
bateau,  mais  les  formalités  sont  alors  très  longues. 

On  peut  entrer  en  franchise  tous  les  objets  ayant 
servi  et  dont  on  a besoin  en  voyage,  de  même  que  les 
instruments  et  ustensiles  pour  exercer  un  art  ou  une 
profession,  mais  en  petites  quantités,  par  exemple  : sa 
garde-robe  personnelle,  l’indispensable  en  literie,  un 
seul  article  de  chaque  espèce  comme  fourrure,  au  plus 
trois  livres  d’objets  en  or  et  en  argent,  un  seul  nécessaire 
de  voyage  par  personne,  une  douzaine  de  gants,  un  cent 
de  cigares,  un  paquet  entamé  de  tabac  à fumer  et  de 
tabac  à priser,  une  petite  quantité  de  provisions  de 
bouche.  Pour  des  armes  à feu,  il  faut  une  autorisation 
spéciale.  Les  droits,  pour  les  objets  qui  y sont  soumis, 
se  payent  conformément  à un  tarif  et  généralement  au 
poids  ; ils  sont,  par  exemple  de  2 r.  20  k.  par  livre  pour 
les  cigares.  La  contrebande  est  confisquée,  et  si  les 
objets  sont  soumis  aux  droits,  on  est  obligé  de  payer 
cinq  fois  le  tarif.  On  paye  dans  ce  cas  le  double  de  leur 
valeur  pour  les  objets  dont  l’importation  est  interdite, 
tels  que  poudre,  jeux,  lits,  eau-de-vie,  etc.  11  y a une 
police  sévère  pour  les  livres  traitant  de  questions  poli- 
tiques, sociales,  historiques.  Les  ouvrages  presque 
anodins  sont  cependant  souvent  retenus,  envoyés  à la 
censure  qui  vous  les  rend  ou  les  confisque. 

On  ne  paye  rien  quand  la  somme  des  droits  est  infé- 
rieure à 3roubles.  11  y a avantage  à montrer  aux  em- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


7 


ployés  les  objets  soumis  aux  droits.  On  se  gardera  bien 
de  vouloir  acheter  leur  complaisance  par  un  pourboire. 
On  donne  20  à 25  k.  aux  employés  subalternes  qui 
vous  aident.  Pour  que  les  bagages  ne  soient  pas  boule- 
versés inutilement,  il  faut  aussi  éviter  d’emballer  avec 
du  papier  imprimé.  Les  droits  sont  payables  en  or  et  si 
Ton  n’a  que  du  papier,  il  faut  supporter  la  différence 
entre  les  deux  valeurs,  soit  40  %. 

Recommandations.  — De  bonnes  recommandations 
près  des  autorités  russes,  des  consuls  étrangers  accrédités 
au  Caucase  ou  même  des  particuliers  sont  une  chose 
presque  aussi  importante  que  le  passeport,  surtout  si 
Ton  s’écarte  des  grandes  lignes  ferrées.  Ces  recomman- 
dations vous  ouvrent  les  chemins,  et  facilitent  le 
voyage.  Toutefois  le  temps  ayant  encore  moins  de 
valeur  pour  le  Caucasien  que  pour  le  Russe,  la  patience 
est  ici  de  première  nécessité. 

Hospitalité.  — Nulle  part  comme  au  Caucase  on 
n'exerce  plus  largement  l’hospitalité.  Non  seulement  le 
Russe,  le  Géorgien,  l’Arménien  ou  l’indigène  met  toute 
sa  maison  et  se  met  lui-même  tout  entier  à la  disposition 
de  l’hôte  qui  lui  est  recommandé,  mais  il  organise 
encore  des  parties,  des  promenades,  des  banquets  en  son 
honneur;  et  l’hospitalité  qu’on  reçoit  ainsi  a d’autant 
plus  de  valeur  qu’elle  est  gratuite,  au  moins  dans  les 
classes  élevées. 

Consulats.  — Ils  sont  utiles  pour  les  étrangers  qui 
feront  bien  de  s’adresser  à celui  de  leur  pays  pour  tout 
conseil,  difficulté  et  surtout  démarche  à faire  près  des 
autorités  russes.  En  cas  de  séjour  dans  une  ville,  il  est 
d’usage  de  se  présenter  au  Consulat  aussitôt  après  son 
arrivée. 

Corps  consulaire  h Allemagne  : TifLis  (c.)  Batoum, 
Poti,  Novo-Rossiisk  (a.  c.  à Kédabek).  Angleterre  : 
Batoum  (v.-c.),  Poti  (v.  c.),  Novo-Rossiisk  (v.-c.). 
Autriche : Batoum  (v.-c.).  Belgique  : Tiflis  (v.-c. ), 
Batoum  (v.-c.).  États-Unis  : Batoum  (v.-c.).  France  : 


1.  (c.  g.)  Consul  général,  (c.)  Consul,  (v.-c.)  Vice-Consul, 
(a.  c.)  Agent  consulaire. 


8 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Tiflis  (c.),  Batoum  (v.-c.),  Bakou  (v.-c  ), Novo-Rossiisk 
(a.c.).  Grèce:  Novo-Rossiisk  (a.c.).  Italie  : Tiflis  (a.  c.), 
Bakou  (a.  c.),  Batoum  (a.  c.). Pays-Bas:  Batoum  (v.-c.)* 
Perse:  Tiflis  (c.  g).  Suisse : Tiflis(v.-c.).  Turquie:  Tiflis 
(c.  g.),  Batoum  (c.  g.  et  v.-c.),  Novo-Rossiisk  (v.-c.). 

Police.  — Elle  laisse  peu  à désirer,  mais  il  n’est 
cependant  pas  inutile  de  porter  un  revolver.  Les  pris- 
toffs  (officiers  de  paix),  gordovoi  (sergents  de  ville) 
sont  polis  et  complaisants.  Ne  pas  hésiter  à les 
appeler,  même  si  l’on  ne  parle  pas  russe,  en  cas  de 
discussions  avec  un  cocher.  Pour  un  incident  grave, 
urgent,  s’adresser  directement  au  maître  de  police, 
gouverneur,  vice-gouverneur  ou  aux  ouïezné  ndtchal- 
niks  (chefs  de  districts). 

Poste  aux  lettres.  — Le  service  est  compliqué, 
mais  assez  bien  organisé  dans  la  plupart  des  chefs- 
lieux  de  gouvernement,  pitoyable  au  contraire  dans  les 
petites  villes  et  les  autres  lieux.  Les  lettres  qui  attirent 
de  quelque  façon  l’attention  sont  ouvertes  à la  poste* 
Il  n’est  pas  rare  que  celles  qui  dépassent  le  poids 
ordinaire  et  dans  lesquelles  on  suppose  de  l’argent  ou 
des  objets  de  valeur  disparaissent.  Les  lettres  recom- 
mandées causent  de  l’embarras  lorsqu’on  est  à la  cam- 
pagne. Si,  par  exemple,  on  est  dans  une  localité  des 
environs  de  Batoum,  Koutaïs,  Tiflis,  Vladikawkaz, 
Bakou,  etc.,  on  reçoit  à l’arrivée  d’une  lettre  de  ce 
genre  un  pavesk , c’est-à-dire  un  avis  du  bureau  de  la 
ville  vous  annonçant  que  le  pli  est  à votre  disposition. 
Il  faut  alors  s’adresser  à la  police  de  l’endroit  pour 
avoir  un  certificat  d’identité  et  se  rendre  à la  ville  avec 
ce  certificat  pour  retirer  la  lettre.  Les  bureaux  sont 
généralement  ouverts  de  huit  heures  du  matin  à quatre 
heures  du  soir,  excepté  les  jours  de  fêtes,  et  on  sait 
qu’elles  sont  nombreuses  en  Russie  et  au  Caucase.  On 
reçoit  les  paquets  environ  vingt-quatre  heures  après 
leur  arrivée. 

Taxes.  — Lettres  (lettre  fermée)  : pour  la  Russie, 
7 k.  par  loth  (12  gr.  80)  ; pour  les  pays  de  l’Union 
postale,  10  k par  15  gr.;  pour  les  autres  pays,  13  à 
36  k.  Cartes  postales,  lettre  ouverte,  3 k.  indistincte- 


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ment.  Lettres  recommandées,  zakaznoï , le  port  ordi- 
naire, plus  7 k. , 27  à 56  k.  pour  les  pays  en  dehors  de 
rUnion.  En  cas  de  perte,  on  a droit  à une  indemnité 
de  10  r.  ou  de  12  r.  50.  Envois  sous  bande  « banderole  », 
excepté  les  manuscrits,  2 k.  par  4 ioth  ou  50  gr.; 

4 à 5 k.  en  dehors  de  l’Union.  Paquets  ordinaires  ou 
recommandés  jusqu’à  une  valeur  de  5,000  r.,  en 
Russie,  10  k.  par  livre  et  par  1,000  verstes.  Envois 
d’argent  et  de  valeurs  7 k.  par  once  (2  lot  h),  plus 
7k.de  recommandation  et  1/2%  de  la  valeur.  On 
peut  les  présenter  ouverts  ou  fermés.  Ceux  qui  sont 
présentés  ouverts  peuvent  peser  jusqu’à  20  livres  et 
atteindre  une  valeur  de  15,000  roubles.  Ils  doivent  être 
alors  fermés  à la  poste,  de  4 cachets,  par  l’expéditeur 
et  un  par  l’employé  qui  les  reçoit.  Les  envois  présentés 
fermés,  ne  peuvent  peser  plus  de  10  livres  ni  valoir 
plus  de  500  roubles. 

La  poste  n’est  pas  responsable  des  erreurs  commises 
dans  les  envois  quand  l’adresse  n’est  pas  écrite  en 
russe.  On  doit  mettre  sur  une  lettre  recommandée  : 
(zakaznoï);  sur  un  paquet  contenant  de  l’argent,  dans  le 
haut,  à dr.  ( dènèjmj ) ; sur  un  paquet  recommandé 
(tsienny)  ; sur  un  envoi  contenant  des  valeurs,  dans  le 
haut,  à g.  ( tsiennaïa ) ; sur  un  paquet  de  livres  (ss  kni- 
gami ).  Les  paquets  recommandés  pour  l’étranger  ou 
pour  des  endroits  de  la  Russie  non  desservis  par  un 
chemin  de  fer,  de  même  que  ceux  qui  pèsent  plus  de 

5 livres,  doivent  être  enveloppés  dans  de  la  toile,  sur 
laquelle  il  faut  écrire  l’adresseet  le  nom  de  l’expéditeur. 
L’administration  les  fait  elle -même  ficeler  et  sceller. 
Ceux  qui  sont  à destination  de  l’étranger  doivent  de 
plus  être  accompagnés  d’une  déclaration.  Quand  une 
lettre  recommandée  ne  doit  être  remise  qu’à  la  poste, 
on  ajoute  à l’adresse  : ( po  pouiestkié , sur  demande),  et  si 
elle  doit  être  gardée  (4  mois)  : do  vostrébocaniia, 
(jusqu’à  ce  qu’on  la  demande).  Toutes  ces  mentions 
doivent  être  écrites  en  russe,  au  moins  en  caractères 
latins.  — Timbres-poste  (postovoi  marque)  : il  y en  a 
de  1,  2,  3,  5,  7,  10 et  20  k. — Cartes  postales: timbrées, 
au  prix  du  timbre,  3 k.  ; sans  timbre,  1 k.  par  4 cartes. 
Enveloppes  affranchies,  1/2  k.  de  plus. 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


Après  l’arrivée  cl’un  envoi  recommandé  ou  chargé, 
le  destinataire  reçoit  un  avis  ( povictskâ ),  et  s’il  n’est  pas 
connu  à la  poste,  il  faut  que  son  identité  soit  attestée 
sur  l’avis  par  la  police.  L’argent  mis  dans  un  paquet 
qui  n’est  pas  présenté  ouvert  à la  poste  est  confisqué 
lorsqu’on  ïy  trouve.  Il  est  aussi  interdit  de  mettre  une 
lettre  cachetée  dans  un  paquet.  L^amende  est  de  1 r. 
par  once. 

Télégraphe.  — Une  dépêche  peut  être  rédigée  en 
n’importe  quelle  langue,  mais  si  elle  n’est  pas  en  russe, 
elle  doit  être  écrite  en  lettres  latines.  On  peut  télé- 
graphier à domicile  ou  bureau  restant.  Les  mots  de 
plus  de  quinze  syllabes  comptent  double.  Les  dépêches 
peuvent  être  envoyées  aux  endroits  où  il  n’y  a pas  de 
bureau  : 1°  Par  la  poste,  au  tarif  ordinaire;  2°  par 
estafette;  3°  par  exprès;  4°  par  les  télégraphes  des 
chemins  de  fer.  — Tarif.  — Pour  la  Russie  : dépêche 
locale,  1 k.  par  mot;  pour  la  Russie  d’Europe,  5 k.  ; 
pour  la  Russie  d’Asie,  10  k.,  plus  15  k.  de  taxe  initiale. 
Dépêche  ((  urgente  »,  passant  avant  toute  autre,  triple 
taxe.  Pour  l’étranger  : Allemagne  et  Autriche,  13  k. 
par  mot;  Belgique,  Hollande,  Suède  et  Suisse,  18  k.; 
France,  Danemark,  Norwège,  19  k.;  Italie,  21  k.  ; 
Espagne,  Portugal,  24  k.  ; Angleterre,  26  k. 

Bateaux  à vapeur.  — U y a des  services  réguliers 
de  bateaux  à vapeur  sur  la  mer  d’Azofï,  la  mer  Noire, 
la  Méditerranée  et  la  mer  Caspienne,  qui  desservent 
le  Caucase.  Les  bateaux  de  la  « Compagnie  Russe  », 
et  des  « Messageries  Maritimes  Françaises  » sont  les 
meilleurs  de  la  mer  Noire  et  les  plus  confortables.  Les 
((  Messageries  » et  la  « Compagnie  Paquet  » délivrent 
des  billets  directs  de  Batoum  à Marseille  et  Paris,  avec 
escale  à Constantinople.  Le  « Lloyd  » austro-hongrois 
et  diverses  autres  Compagnies  ont  des  services  plus  ou 
moins  réguliers  sur  la  mer  Noire  et  la  Méditerranée. 
Les  paquebots  de  la  « Compagnie  Caucase  et  Mercure  » 
sont  les  seuls  allant  d’Astrakhan  et  de  Bakou  en 
Transcaspienneet  aux  ports  de  la  Perse.  Sur  le  Volga 
les  paquebots  des  Compagnies  de  navigation  Volga , 
Lebède , sont  bien  aménagés. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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Chemins  de  fer.  — Les  trains  marchent  assez 
lentement  au  Caucase,  où  ils  ne  font  que  20  à 30  v.  à 
l’heure  ; les  retards  y sont  perpétuels.  L’uniforme  du 
personnel  se  compose  pour  les  chefs  de  gare:  Casquette 
rouge  galonnée,  redingote  à boutons  d’argent;  chefs 
de  train  : « surtout  » en  drap  foncé,  plissé  et  serré  à 
la  taille;  comme  épaulettes  : des  tresses  en  argent 
mélangées  de  violet.  La  police  des  gares  est  faite  par 
la  gendarmerie  qui  reçoit  les  plaintes  et  les  déclarations 
de  vols,  de  pertes  de  bagages,  etc.  Les  vols  étant  fré- 
quents dans  les  wagons,  il  faut  quand  on  est  à une 
gare  ou  qu’on  descend  à une  station,  prendre  ses  pré- 
cautions et  mettre  un  commissionnaire  numéroté  comme 
gardien  de  ses  bagages.  Les  gares  sont  bien  organisées  ; 
les  buffets  assez  bons.  Tous  les  employés  sont  d’une 
politesse  exquise.  Les  wagons  sont  comme  en  Russie. 
Ils  ont  un  passage  au  milieu  ou  sur  le  côté,  ainsi 
qu’un  cabinet  de  toilette  et  un  water-closet,  Les  voi- 
tures de  première  classe  n’ont  que  des  coupés,  avec 
des  banquettes  sans  accoudoirs  qui  servent  de  lit  la 
nuit.  Le  jour  il  y a souvent  foule  et  Ton  est  mal.  La 
nuit,  en  donnant  un  pourboire  à un  conducteur,  on  peut 
rester  presque  seul.  En  seconde  classe  on  n’est  pas 
beaucoup  plus  mal  qu’en  première,  et  il  y a plus  d’air. 
On  ne  saurait  conseiller  la  troisième  classe.  On  fume 
dans  presque  tous  les  compartiments,  quoiqu’il  y en 
ait  de  spéciaux  pour  les  dames  et  les  fumeurs.  En 
hiver  les  trains  sont  chauffés  et  suffisamment  éclairés. 

Les  tarifs  pour  le  transport  des  voyageurs  et  des 
marchandises  sont  peu  élevés,  comparés  à ceux  des 
autres  pays.  Il  n’y  a pas  de  train-poste  au  Transcaucase. 
En  Ciscaucasie,  dans  les  trains  de  Vladikawkaz  à 
Rostoff,  il  y en  a,  et  l’augmentation  du  prix  des  billets 
est  de  15  à 20  °/o.  On  paye  ordinairement  par  verste  ; 
en  premières  : 3 k.;  en  deuxièmes  : 2 k.  1/4;  en 
troisièmes:  1 k.  1/4.  Il  y a sur  tous  les  billets  un 
impôt  de  25  %.  Pour  les  bagages  la  franchise  est  de 
16  kilog.,  de  25  dans  les  relations  internationales,  et 
l’excédent  se  paye  selon  la  distance. 

Voyages  en  poste. — Il  y a un  service  régulier 
de  diligences  entre  Minéralnaïa  Vodi  et  Piatigorsk, 


12 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Kislavodsk,  Yossentouki,  Kislavodsk;  Jeliesnovodsk, 
entre  Vladikawkaz  et  Tiflis;  Tiflis,  Codjor  etManglis; 
Tiflis  Signak  et  Thélaff;  Gori  et  Tsinkval;  Ozourghet 
et  Samtrédi;  Samtrédi  et  Oni,  Oni  et  Koutaïs  ; Mi- 
chaïlofï,  Borjom  et  Abastouman,  Poti  et  Natanébi. 

La  poste  fournit  des  chevaux  aux  voyageurs  qui  ont 
leur  propre  équipage;  sur  les  grandes  routes  postales 
ou  chaussées  elle  donne  : équipages  et  chevaux  (calèche, 
phaéton,  omnibus),  et  partout  : des  véhicules  non 
suspendus  [perikladnoï,  fourgon,  troïka , rarement  la 
tarentass  dont  les  tiges  de  bois  montées  sur  les  essieux 
font  ressorts).  Si  les  voitures  laissent  un  peu  à désirer, 
les  chevaux  sont  excellents  malgré  leur  petite  taille;  les 
cochers  très  complaisants  mènent  vite  ou  doucement 
selon  les  pourboires;  les  maîtres  de  poste  généralement 
polis  ont  peu  d’empressement  à vous  servir.  On  a 
souvent  besoin  de  prendre  avec  eux  un  ton  catégorique 
pour  exiger  des  chevaux,  surtout  en  été  ; on  peut  le  faire 
si  l’on  a des  recommandations  ou  un  titre  officiel.  Il  y a, 
du  reste,  à chaque  relais,  un  registre  destiné  à recevoir 
les  plaintes  des  voyageurs,  et  des  tableaux  indiquant 
les  distances,  les  taxes,  les  péages.  Sur  les  grandes 
routes,  à une  distance  de  15  à 20  v.  l’un  de  l’autre,  les 
relais  sont  des  maisons  bien  construites  ayant  des 
^chambres  et  un  buffet.  Ailleurs,  ce  ne  sont  que  de 
misérables  cabanes  où  l’on  ne  trouve  que  de  l’eau,  un 
samovar , des  œufs. 

Phaètons.  — C’est  le  nom  des  voitures  découvertes, 
à deux  places,  attelées  de  deux  ou  quatre  chevaux 
qu’on  trouve  à louer  presque  partout  au  Caucase.  Elles 
sont  propres  et  les  chevaux  courent  vite.  Les  taxes 
varient  selon  les  localités  et  les  distances  ; là  où  il  y a 
tarif,  pas  d’embarras  ni  de  discussion;  ailleurs,  il  faut 
marchander  longtemps  et  faire  prix  d’avance.  En 
général,  la  course  en  ville  coûte  30  k.;  l’heure  60; 
la  journée  3 à 4 r.,  selon  les  distances  où  l'on  veut 
aller.  A Tiflis  on  peut  louer  des  voitures  fermées,  cou- 
pés, landaus,  chez  Kotrini,  à la  Michaïlovsky.  Il  y a 
des  phaètons  assez  bons  dans  presque  tous  les  chefs- 
lieux  et  les  petites  villes,  aux  stations  de  chemins  de  fer  ; 
on  peut  les  louer  à la  journée  pour  de  longs  parcours 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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Guides-Interprètes.  — On  en  trouve  quatre  seu- 
lement à Tiflis  ; ils  sont  attachés  à l’hôtel  de  « Londres 
et  du  Caucase  ».  Ils  parlent  les  langues  européennes 
et  indigènes,  connaissent  assez  bien  les  villes,  les 
grandes  routes  ferrées  et  postales;  ils  ne  font  pas  les 
ascensions.  Ils  coûtent  4 à 5 r.  par  jour,  sont  un  peu 
capricieux,  mais  sûrs  et  honnêtes.  Rostom,  Jérôme 
Realini,  Bagramiantz  ont  l’habitude  des  voyages  en 
Perse,  en  Transcaspienne  et  en  Asie  centrale. 

Hôtels.  — Ceux  de  Batoum,  Koutaïs,  Tiflis,  Bakou, 
Vladikawkaz  sont  bons;  ceux  des  petites  villes  sont 
moins  confortables  et  les  auberges  de  celles  qui  ne  sont 
pas  desservies  par  un  chemin  de  fer  ou  une  ligne  pos- 
tale sont  plus  que  médiocres. 

Chambres  garnies.  — Elles  ne  sont  que  pour  les 
voyageurs  qui  ont  l’intention  de  rester  longtemps  dans 
une  ville  et  qui  trouvent  les  hôtels  trop  chers.  Le  prix 
d’une- chambre  varie  de  30  à 40  r.  par  mois  (linge 
2 à 3 r.)  et  pourboire  non  compris  Un  avantage  appré- 
ciable, c’est  qu’on  y est  plus  tranquille,  peut-être  un 
peu  plus  soigné  qu’à  l’hôtel,  qu’on  a ((  samovar  », 
assiettes,  verres,  couteaux,  cuillers,  etc.,  etc.,  que  l’on 
peut  s’y  faire  apporter  du  dehors  du  vin,  de  la  bière. 

Restaurants.  — Tous  les  hôtels  ont  une  salle  de 
restaurant  Dans  les  meilleurs  de  Batoum^  Koutaïs, 
Tiflis,  Bakou,  Vladikawkaz , cuisine , service,  orga- 
nisation sont  presque  à la  française.  On  y mange  à la 
carte,  en  général.  Les  vins  étrangers  sont  chers,  ceux 
du  Caucase  buvables  et  bon  marché;  la  bière  locale 
médiocre  II  y a un  vestiaire  dans  chaque  restaurant,  et 
on  a l’habitude  de  donner  au  suisse  ou  au  tcholaoek 
(garçon)  10,  20  kopeks  pour  ôter,  garder  et  vous 
remettre  votre  chapeau,  paletot  ou  pelisse.  Comme  en 
Russie,  on  doit  se  découvrir  dans  tous  les  restaurants, 
les  administrations,  théâtres,  endroits  publics,  ma- 
gasins. L’habitude  de  fumer  est  générale  au  Caucase 
et  commune  aux  deux  sexes.  On  fume  même  à table, 
entre  les  divers  mets,  des  cigarettes  (papyross)  de 
tabac  turc;  les  cigares  sont  mauvais  et  chers. 

Dans  la  charmante  préface  de  son  Grand  Diction - 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


naire  de  cuisine , Alexandre  Dumas  dit  que  non  seu- 
lement on  mange  mal  au  Caucase,  mais  qu’on  n’y 
mange  meme  pas!  Il  y aurait  cependant  injustice  à ne 
pas  dire  un  mot  de  la  cuisine  caucasienne,  fort  pri- 
mitive sans  doute,  mais  qui  n’en  a pas  moins  quelque 
mérite.  D’ailleurs,  depuis  Dumas,  les  temps  ont  bien 
changé,  et  l’on  dîne  aujourd’hui  à Tiflis  aussi  bien 
qu’ailleurs.  Comme  mets  caractéristiques  (en  dehors 
des  plats  russes  connus  : borstcht,  stchi , botvinia y 
okrochka , oulkaf  sterlet , blénis,  etc.)  il  faut  citer  : le 
chichhk , petits  morceaux  de  mouton  enfilés  sur  une 
broche  et  rôtis,  c’est  le  plat  national  par  excellence,  la 
tchikinma  (soupe  de  poulet),  le  kliarcho  (soupe  de 
bœuf),  Yartala  (id.),  le  tevzi  mok-harché  (poisson  cuit 
à l’eau),  le  tabaka  (poulet  grillé),  le  bedchi  (épaule  de 
bœuf  bouilli),  le  moutslis  katliami  (poulet  aux  raisins 
secs),  le  faisan  à la  géorgienne,  le  porossonok  (cochon 
de  lait  rôti),  le  gomi  (millet  d’Italie),  le  kache  (gruau), 
les  akhali  lobio  (haricots  verts  cuits  avec  des  œufs  et 
du  poulet),  le  mountadjizploff  (riz  auxfruits),  le  matzoni 
(fromage  blanc),  etc.,  etc.  La  plupart  de  ces  plats, 
qu’on  peut  goûter  dans  les  tavernes  géorgiennes  et 
persanes,  sont  assaisonnés  avec  de  la  crème  aigre  et 
une  foule  d’ingrédients  : huile  de  noix,  muscades, 
safran,  oignons,  laurier,  fenouil,  kindzi,  estragon, 
coriandre  verte,  concombres,  prunelles  aigres,  etc.  Les 
restaurants  caucasiens  et  même  les  particuliers  ont 
adopté  l’usage  russe  des  zakouski  ou  hors-d’œuvre, 
c’est-à-dire  un  buffet,  une  table  à part  sur  laquelle  on 
trouve  caviar''  f poissons,  viandes  froides,  radis,  herbes 
variées,  beurre,  fromages,  spiritueux,  votki  (eau-de- 
vie),  etc.,  qu’on  prend  comme  apéritifs  avant  les  repas 
ou  comme  second  déjeuner.  Aimant  les  fruits  verts, 
les  Caucasiens  n’ont  que  l’embarras  du  choix  entre  les 
pêches,  abricots,  prunes,  pommes,  kiziles,  grenades, 
poires,  cerises,  fraises,  groseilles,  raisins,  melons, 
concombres,  noix,  châtaignes,  etc.,  etc.  Ils  récoltent 
aussi  trop  de  vin  pour  ne  pas  l’aimer  beaucoup.  Les 
Géorgiens  surtout  sont  de  grands  et  solides  buveurs. 

1.  Ce  mot  n’est  pas  russe;  il  vient  de  l’italien  caciale  par 
l’intermédiaire  du  turc  chouia/\  Le  mot  russe  est  ikra. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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Théâtres.  — Ceux  deTiflis  sont  assez  bons  et  assez 
élégants.  On  y donne  des  opéras,  opéras-comiques, 
opérettes,  féeries,  drames,  comédies,  vaudevilles  en 
russe,  français,  italien,  allemand,  géorgien,  arménien. 
Les  prix  des  places  varient  beaucoup;  les  plus  élevés 
sont  ceux  de  l’opéra  et  des  soirées  à bénéfice;  ils 
varient  entre  2,  5 et  6 r. 

Concerts.  — Des  concerts  ont  lieu  souvent  aux 
théâtres  et  dans  les  clubs  ; on  peut  y entendre  quelque- 
fois les  chants  et  la  musique  russes  et  indigènes,  les 
chansons  bohémiennes  et  assister  aux  danses  russes 
et  nationales.  Dans  les  jardins  publics,  des  concerts 
militaires  ont  lieu  en  été  régulièrement. 

Divertissements.  — Les  Caucasiens  adorent  la 
musique.  Il  n’y  a pas  de  fête  chez  eux  sans  des  chants, 
des  toasts  ou  mravaljamières , accompagnés  de  la 
zourna , du  tambour  de  basque,  et  auxquels  succèdent 
la  lesghinka,  danse  nationale  du  Caucase,  et  le  « pas 
des  poignards.  ))  On  aime  aussi  lamazourka,  introduite 
par  les  Russes.  Comme  divertissements  particuliers: 
les  tamaca , fêtes  ou  féeries,  les  réjouissances  de  la 
maslianaïa  (semaine  du  beurre),  les  jours  gras  de  la 
Russie,  les  courses  de  chevaux,  les  combats  de  béliers, 
les  pugilats  d’athlètes,  les  fêtes  persanes,  les  allé  g ri , 
les  goulianié,  promenades  en  voiture  à Mouchtaïd,  et 
enfin  l’équitation  et  la  chasse. 

Clubs.  — Il  y en  a dans  toutes  les  villes  et  stations 
thermales  du  Caucase.  Les  étrangers  sont  reçus  sur 
présentation  et  moyennant  50  k.  à 1 r.  Les  dames  sont 
admises  dans  tous.  On  y joue  le  whist,  ((  la  préférence  », 
« le  vinte  »,  et  un  peu  au  billard.  Les  soupers  y sont 
bons  et  pas  chers. 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


HISTOIRE 1 


Temps  anciens. — Quoique  les  plus  vieux  souvenirs 
consignés  dans  les  livres  de  Moïse  nous  portent  vers 
le  Caucase,  et  que  les  premiers  poètes  de  la  Grèce  aient 
recueilli,  sur  la  même  région,  d’antiques  traditions 
enveloppées  dans  les  fables  populaires  ; quoique  les 
Géorgiens,  dans  leurs  chroniques,  fassent  remonter 
leurs  origines  aux  plus  anciens  âges,  et  que  les  Milé- 
siens  eussent  déjà  des  établissements  sur  les  côtes 
orientales  de  la  mer  Noire,  sept  ou  huit  cents  ans  avant 
notre  ère,  l’histoire  des  pays  caucasiens  ne  commence 
réellement  pour  nous  qu’au  temps  des  Romains.  C’est 
seulement  par  les  expéditions  de  ces  derniers,  pendant 
leurs  guerres  contre  Mithridate,  que  la  Caucasie,  où 
mirent  successivement  le  pied  Lucullus,  Glabrion  et 
Pompée,  fut  plus  généralement  connue. 

Sous  Trajan,  l’an  114  deJ.-C.,  l’Arménie  septen- 
trionale devint  province  romaine.  A cette  époque,  la 
Caucasie  orientale  ou  Albanie  reconnaissait  déjà  la 
suprématie  de  Rome,  et  Trajan  l’étendit  ensuite  à la 
Caucasie  occidentale  ou  Ibérie.  Dans  l’une  et  dans 
l’autre,  il  maintint  les  princes  indigènes,  ainsi  que  leurs 
petits  royaumes,  et  l’autorité  des  Romains  se»  montra 
d’autant  plus  douce  qu’ils  avaient  des  concurrents  dan- 
gereux pour  cette  possession.  Les  Parthes  surtout  la 
leur  disputèrent;  l’Arménie  fut  longtemps  une  pomme 
de  discorde  entre  les  deux  voisins  et  momentanément 
l’Euphrate  supérieur  devint,  de  ce  côté,  l’extrême  limite 
de  l’Empire.  Lorsque  la  dynastie  des  Arsacides  eut  fait 
place  à la  race  plus  glorieuse  des  Sassanides  (226-636), 
ce  fut  sous  l’autorité  des  rois  de  la  Nouvelle-Perse  que 
la  plupart  des  pays  situés  sur  la  frontière  des  deux 
puissances  eurent  à se  ranger.  Les  rois  .sassanides 

1.  D’après  Vivien  de  Saint-Martin. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


1? 


remirent  en  honneur  le  culte  du  feu  et  les  anciennes 
traditions  relatives  à Zoroastre.  Ce  culte  Jes  attachait 
au  Chirvan,  où  Chemakha  était  alors  pour  les  Musul- 
mans un  emporium  florissant,  et  encore  plus  au  nord, 
à Derbent,  où  s’élevaient  de  grandes  fortifications.  En 
l’an  232,  l’Arménie  devint  la  conquête  des  Perses; 
cependant,  elle  ne  fut  définitivement  incorporée  à leur 
Empire  qu’en  428.  On  sait  de  quelle  gloire  s’était  entouré 
le  long  règne  (309-380)  de  Sapor  ou  Cha-pour,  dit  le 
Grand.  Un  de  ses  successeurs,  Chosroës  ou  Khosrou 
(591-628),  porta  à son  comble  la  puissance  des  Sassa- 
nides  et  des  Perses. 

Néanmoins,  les  Romains  d’Orient  ou  de  Byzance  se 
maintinrent  dans  la  Caucasie  et,  sous  l’empereur  Jus- 
tinien, ils  firent  la  guerre  aux  Lazes  de  la  Colchide  (de 
549  à 556).  C’est  à la  même  époque  que  le  christia- 
nisme, apporté  en  Arménie  par  les  apôtres  saint  Bar- 
thélemy et  saint  Thaddée  à la  fin  du  III®  siècle,  et  en 
Géorgie  par  sainte  Nino,  au  commencement  du 
IVe  siècle,  se  répandit  de  plus  en  plus  dans  la  Caucasie. 
C’est  aussi  sous  l’empereur  Justinien  que  l’Evangile  fut 
prêché  aux  Abazes,  nom  sous  lequel  les  Romains 
s’habituèrent  à désigner  les  Caucasiens  de  l’ïbérie  cau- 
casienne. Dès  les  premiers  siècles  de  notre  ère,  la 
Géorgie  était  définitivement  constituée  en  royaume 
indépendant.  TifLis,  qui  n’en  était  pas  encore  la  capi- 
tale, était  fondée  depuis  l'an  469.  Cependant,  ce  n’est 
guère  qu’au  Xe  siècle  que  l’isthme  caucasien  commença 
à entrer  dans  le  domaine  de  la  science  avec  les  des- 
criptions de  l’empereur  Constantin  Porphyrogénète  et 
celles  du  géographe  arabe  Maçoudi. 

Moyen  âge.  — Avant  cette  époque,  au  temps  de  la 
grande  migration  et  même  aux  époques  antéhistoriques, 
les  peuples  qui  venaient  d’Asie  touchèrent  au  Caucase 
les  uns  par  le  Nord,  d’autres  par  le  Sud,  soit  au  mo- 
ment de  leur  déplacement,  soit  à leur  retour.  Beaucoup 
y laissèrent  des  débris,  car  ces  montagnes  paraissent 
être  devenues  le  refuge  final  de  ceux  qui  avaient  échoué 
dans  leur  incursion  en  Occident  ou  qui  ne  s’étaient 
pas  confondus  avec  les  autres  envahisseurs.  Ces  débris, 
de  toute  origine  et  de  toutes  langues,  s’imposèrent  et 

2 


18 


GUIDE  AU  CAUCASE 


se  superposèrent  aux  aborigènes  oufaux  premiers  occu- 
pants établis  dans  l’isthme  de  toute  antiquité.  Des  peu- 
plades plus  ou  moins  nombreuses  restèrent  dissémi- 
nées sur  les  hauteurs  et  dans  les  vallées  ainsi  que  sur 
la  côte  des  deux  mers  par  lesquelles  l’isthme  est  bai- 
gné, peuplades  fort  différentes  d’aspect  et  professant 
différents  cultes,  entre  autres  le  judaïsme  et  le  christia- 
nisme. Elles  durent  reconnaître  pour  la  plupart  la 
suzeraineté  des  grandes  monarchies  voisines.  La  Perse 
et  Byzance  se  disputaient  encore  la  suprématie,  quand 
les  Arabes  vinrent  y prétendre  à leur  tour,  au  VIIIe  siè- 
cle de  notre  ère,  et  bientôt  maîtres  de  tout  le  pays,  y 
faire  une  propagande  fanatique.  Les  Abazes  et  les 
Tcherkess,  sous  le  nom  de  Zikhes,  étaient  encore  sou- 
mis nominalement  aux  Romains  d'Orient.  L’empereur 
Constantin  Porphyrogénète  les  mentionne  dans  son 
tableau  de  1’  « Administration  de  l’Empire  »,  écrit  pour 
son  fils,  et  derrière  eux  il  place  la  Papaghia,  la  Kasa- 
khia  et  l'Alania.  Dans  le  XIIIe  siècle,  les  souverains 
de  Géorgie,  devenue  l’Etat  prépondérant  de  l’isthme, 
s’allièrent  au  peuple  des  Khazars,  leurs  voisins  au 
nord  (entre  le  Don  et  le  Volga),  pour  se  maintenir 
contre  les  nouveaux  conquérants  mongols  venus  de  la 
Haute-Asie  vers  1250,  et  qui,  après  avoir  fondé  l’em- 
pire du  Kiptchak  et  détruit  le  royaume  des  Khazars, 
étendirent  leur  joug  au  sud  des  montagnes,  jusqu’en 
Géorgie,  en  même  temps  que  sous  le  nom  de  Nogaïs 
ils  fondaient  dans  les  plaines  voisines  de  la  mer  Noire 
l’État  musulman  qu’on  a nommé  depuis  Khanat  de 
Crimée  ou  Petite-Tartarie. 

Nous  passons  les  Génois  qui,  de  1266  à 1475,  exer- 
cèrent depuis  Kaffa  leur  influence  sur  toute  la  partie 
nord-ouest  de  l’isthme;  mais  de  nouveaux  conqué- 
rants encore  vinrent  de  l’Asie  fondre  sur  les  pays  cau- 
casiens; en  1386,  Timour  ou  Tamerlan  ; puis  les  Sofis 
maîtres  de  la  Perse,  et  enfin  les  Ottomans  avec  lesquels 
les  Persans  ne  tardèrent  pas  à partager  jusqu’à  la  fin 
du  XVIIIe  siècle  la  domination  plus  ou  moins  effective 
de  ce  pays  si  fréquemment  ravagé. 

Temps  modernes.  — Cependant  la  région  du  Nord 
voyait  grandir  un  Etat  qui  aspirait  aussi  à ce  partage. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


19 


et  qui  devait  un  jour  étendre  sa  main  puissante  sur  le 
Caucase  tout  entier;  ce  sont  les  Russes. 

. Mstislaff,  1 un  des  douze  fils  de  Vladimir  le  Grand, 
ayant,  depuis  l’an  988,  aidé  l’empereur  romain  d’Orient, 
Basile  II,  à détruire  la  puissance  des  Khazars  en  Cri- 
mée, érigea  dans  la  presqu’île  de  Taman  une  princi- 
pauté que  les  Russes  appelèrent  Tmoutarakhan,  mais 
dont  il  n’est  question  dans  leur  histoire  que  jusque 
vers  la  fin  du  XIe  siècle.  Mstislaff  vainquit  aussi  les 
Kassoghes,  peuple  montagnard  de  la  famille  des 
Tcherkess.  Parmi  ses  sujets  figurent  en  outre  des 
Ossètes.  Dans  les  siècles  suivants,  les  Russes  étaient 
séparés  des  peuples  caucasiens  par  les  Komans  ou 
Poloftzes  et  par  les  Ptchénèghes,  qui  se  perdirent 
ensuite  dans  l’Empire  du  Kiptchak. 

Ce  fut  seulement  au  XVIe  siècle,  quand  les  Sofis 
eurent  mis  fin,  en  Perse,  à l’Empire  des  Turcomans, 
que  les  Géorgiens,  habitués  à changer  souvent  de 
maîtres,  songèrent  à leurs  coreligionnaires  du  Nord.  Ils 
n’étaient  pas  trop  opprimés  par  les  Persans,  ni  même 
par  les  Turcs,  qui  partageaient  avec  ces  derniers  la 
domination  de  l’isthme;  tous  deux  y laissèrent  gouver- 
ner les  princes  indigènes,  s’efforçant  seulement  d’y 
répandre  la  loi  musulmane,  les  Persans  sous  la  forme 
du  rite  chiite,  les  Ottomans  sous  celle  du  rite  sunnite; 
mais  ces  maîtres  étaient  constamment  en  lutte  entre 
eux,  et  les  indigènes  eurent  beaucoup  à souffrir  de  ces 
hostilités. 

La  Moscovie,  sous  Ivan  III  (1462-1505),  et  Ivan  IV 
(1534-1584),  avait  enfin  secoué  le  joug  de  ses  vain- 
queurs asiatiques.  L’Empire  du  Kiptchak  était  démem- 
bré. Sur  les  ruines  de  celui  de  la  Horde-d’Or  (1480) 
s’étaient  formés  plusieurs  Etats  tatars;  mais  le  princi- 
pal de  ces  Etats,  Kazan,  fut  repris  en  1552,  et  Astra- 
khan en  1554,  par  Ivan  IV.  Peu  d’années  après,  les 
Russes,  grâce  aux  Cosaques  du  Don,  firent  aussi  la 
conquête  de  la  Sibérie,  en  même  temps  que  du  côté  du 
Caucase,  ils  s’avançaient  jusqu’au  Térek. 

Cette  nouvelle  puissance  eut  naturellement  un  grand 
retentissement  dans  le  Caucase.  Souvent  en  révolte 
contre  le  khan  de  Crimée,  auquel  les  Kabardins  s’é- 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


taient  volontairement  soumis,  d’autres  tribus  de  Tcher- 
kess,  notamment  celle  du  Bèch-taou,  se  déclarèrent, 
dès  1555,  vassaux  des  Moscovites,  mais  se  firent  battre 
peu  d’années  après  (1570)  par  les  Tatars,  auxquels  elles 
durent  encore,  à différentes  reprises,  se  résigner  à 
payer  tribut,  habituellement  en  esclaves  des  deux 
sexes.  La  soumission  aux  Russes,  soit  des  Tcherkess 
de  la  plaine,  soit  de  ceux  des  montagnes,  ne  devint 
jamais  sérieuse  ni  durable.  Les  Géorgiens  étaient  de 
tous  les  Caucasiens  les  plus  portés  à se  rapprocher  des 
Moscovites  professant  comme  eux  le  culte  orthodoxe. 
Un  traité  paraît  avoir  été  conclu  entre  Alexandre  III, 
roi  de  Kakhétie,  et  Fédor  Ivanovitch  (1584-1598),  tsar1 
de  Russie.  Seulement  ces  tentatives  n’eurent  pas  de 
résultat  efficace.  Ces  actes  de  soumission  envers  les 
chrétiens  du  Nord  n’eurent  guère  d’autre  effet  que  de 
provoquer  des  invasions  des  Persans  et  des  Turcs,  ou 
des  guerres  civiles  dans  les  contrées  géorgiennes. 

Cet  état  de  choses  changea  complètement  sous  le 
règne  de  Pierre  leGrand  (1689-1725).  Déjà  en  1696,  les 
Russes  momentanément  maîtres  d’Azoff,  qu’ils  eurent 
ensuite  encore  longtemps  à disputer  aux  Turcs,  étaient 
voisins  de  la  Caucasie,  du  côté  des  bouches  du  Kouban, 
comme  ils  l’étaient  depuis  plus  d’un  siècle  du  côté  de 
l’embouchure  du  Térek.  Dès  lors  il  entra  dans  les 
grands  desseins  du  régénérateur  de  la  Moscovie  d’assurer 
à celle-ci  le  commerce  de  la  mer  Caspienne  et  de  la 
Perse.  Les  circonstances  semblèrent  favorables  à ces 


1.  Le  mot  tsar  fut  primitivement  employé  par  les  anciens 
traducteurs  slavons  de  la  Bible,  pour  désigner  les  rois  dont  il 
est  question  dans  les  livres  sacrés  des  Hébreux.  C’est  le  mot 
césar  qui,  dans  le  latin  germanique  du  moyen  âge,  se  pro- 
nonçait tsesar.  Par  élision  de  l’e,  tsesar  est  devenu  le  mot 
russe  tsar , qu’il  ne  faut  pas  écrire  czar.  Cette  orthographe 
appartient  à la  langue  polonaise  du  XVIIIe  siècle.  Lorsque  les 
Russes  veulent  parler  officiellement  de  leur  souverain,  ils  ne 
l’appellent  pas  tsar , mais  imperator.  Cette  désignation  latine 
a été  introduite  par  Pierre  le  Grand,  et,  dans  les  protocoles, 
l’empereur  ne  prend  celle  de  tsar  que  lorsqu’il  parle  comme 
souverain  de  la  Pologne  ou  des  anciens  tsarats  de  Kazan, 
Astrakhan,  etc.  L’impératrice  porte  le  titre  de  tsaritsa , que 
nous  traduisons  par  tsarine . Le  prince  héritier  est  appelé  non 
pas  tsarévitch,  mais  césaréoitch. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


21 


visées  hardies,  car  la  Perse  était  en  pleine  décadence. 

L’avant-dernier  Sofi,  Schah-Houssein,  qui  depuis 
1709  se  débattait  péniblement  contre  les  Afghans, 
appela  à son  secours,  en  1712,  le  tsar  de  Russie.  Pierre 
hésita  d’abord  ; mais  quand  il  vit  les  Ottomans  se 
disposer  à intervenir  dans  la  crise,  il  prit  un  parti 
énergique,  embarqua  quelques  milliers  d’hommes  sur  le 
Volga,  descendit  jusqiPà  lamer Caspienne,  et  débarqua, 
le  4 août  1722,,  sur  la  côte  du  Daghestan  où  Derbent  ne 
tarda  pas  à lui  ouvrir  ses  portes.  Le  tsar  fit  occuper 
Bakou  et  avancer  ses  troupes  jusqu’au  Ghilan  et 
Mazendéran  et  les  environs  de  Recht.  Un  instant  il  fut 
question  entre  la  Russie  et  la  Porte  de  se  partager  les 
provinces  caucasiennes  du  Schahy  compris  la  Géorgie, 
et  un  traité  fut  conclu  en  ce  sens  entre  les  deux 
puissances  (1724)  ; mais  la  mort  du  grand  monarque 
russe  arrêta  le  développement  de  ces  plans.  Sous 
l’impératrice  Anne  Ivanovna  (1730-1740),  la  puissance 
de  l’Empire  fit  de  ce  côté  des  pas  rétrogrades  ; l’occu- 
pation des  provinces  persanes  étant  très  onéreuse,  et  les 
troupes  étant  décimées  par  les  maladies,  cette  prin- 
cesse renonça  aux  acquisitions  de  Pierre  le  Grand  au 
sud  de  la  mer  Caspienne  et  signa  à cet  effet  le  traité 
de  Recht  du  3 février  1732.  La  puissance  russe,  depuis 
1735,  eut  de  nouveau  pour  borne  le  Térek  inférieur. 

Depuis  la  destruction  de  l’Empire  du  Kiptchak,  elle 
avait  là  sa  principale  base  de  défense  contre  la  turbu- 
lence des  montagnards  et  contre  toute  incursion  venant 
du  Caucase.  C’est  à l’utile  milice  des  Cosaques  qu’elle 
s’en  remit  de  sa  sécurité  sur  ce  point.  En  1568,  les 
Russes  avaient  élevé  sur  l’un  des  bras  du  fleuve,  non 
loin  de  la  mer,  la  forteresse  de  Tarki  que  l’on  peut 
regarder  comme  point  de  départ  dune  ligne  frontière 
formée  de  stanitzas  ou  villages  fortifiés,  où  plusieurs 
sotnias  ou  compagnies  de  Cosaques  du  Don  durent 
s’installer  avec  leurs  familles  près  des  Tatars  de  Tiou- 
men.  Quelques  années  après,  à la  demande  des  Turcs 
alors  prépondérants  dans  le  Caucase,  cette  forteresse  de 
Tarki  fut  démolie  ; mais  l’alliance  des  Russes  avec  le 
tsar  de  Géorgie  et  avec  son  protecteur  Abbas  le  Grand, 
schah  de  Perse,  leur  permit  de  la  relever  vers  1594,  et 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


les  Tcherkess,  qui  défendaient  alors  leur  indépendance 
contre  les  Ottomans,  comme  ils  Pont  défendue  plus  tard 
contre  les  Russes,  ne  leur  furent  pas  sans  utilité  à cette 
occasion.  Cependant,  redoutant  l'oppression  tantôt  des 
uns  tantôt  des  autres,  les  Tcherkess  se  joignirent  bientôt 
après  à une  armée  auxiliaire  que  le  sultan  Ahmed  Ier 
envoya,  en  1604,  aux  Mahométans  du  Daghestan,  et 
l’influence  russe  resta  depuis  considérablement  amoin- 
drie dans  le  Caucase  jusqu’aux  temps  de  Pierre  le  Grand. 

C’est  ce  dernier  qui  reprit  le  plan  d’élever  une  ligne 
continue  de  petits  forts  défendus  par  des  Cosaques 
colonisés,  et  il  employa  pour  cela  le  régiment  qui 
occupait  Tarki  et  que  l’on  désignait  sous  le  nom  de 
Cosaques  de  Greben,  probablement  à cause  des  hauteurs 
voisines  de  leurs  demeures,  sur  les  bords  de  laSoundja. 
Les  cinq  stanitzas  qui  furent  bâties  le  long  du  Térek 
(rive  gauche),  vers  1712,  étaient  celles  de  la  Vieille  et 
delaNouvelle-Gladka,  celles  de  Kourdioukova,  Chtcha- 
drine  et  Tchervlennoï.  Après  la  prise  de  possession  du 
Daghestan  que  lui  abandonnait,  en  1772,  le  schah  de 
Perse  expulsé,  Pierre  fit  aussi  construire  sur  le  Soulak 
la  forteresse  de  Sainte-Croix  (Sviatoï-Krest),  et  ses 
troupes  s’y  maintinrent  malgré  les  attaques  vigoureuses 
que  dirigea  contre  elles,  en  1725,  le  chamkhalou  vcili 
de  Tarki.  Cependant  ses  successeurs  renoncèrent  ensuite 
à cette  place,  et  même  celle  de  Tarki  fut  démolie  de 
nouveau  en  1728.  L’impératrice  Anne  retira  tout  à fait 
ses  forces  jusque  vers  le  Térek,  devant  l’apparition  de 
Nadir-Schah  dans  ces  contrées.  Elle  ordonna  même  la 
démolition  de  la  forteresse  de  Sviatoï-Krest;  mais  après 
le  traité  de  Belgrade,  en  1739,  elle  en  fit  construire  une 
autre,  Kizliar,  à sa  place,  et  y mit  une  garnison  de 
Cosaques.  Les  deux  Kabardas  furent  alors  déclarées 
indépendantes.  Peu  de  temps  après,  de  nouvelles 
stanitzas  furent  établies  ; et  pour  les  peupler,  chacune 
de  celles  des  Cosaques  du  Don  envoya  une  famille.  En 
1763,  fut  encore  fondée  la  ville  de  Mozdok,  afin  de 
compléter  la  défense  de  ce  côté.  Ces  mesures  irritèrent 
vivement  les  Tcherkess,  voisins  de  cette  ligne,  qui 
jusqu’alors  avaient  vécu  en  assez  bonne  intelligence 
avec  les  Russes  et  les  avaient  souvent  appelés  à leur 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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secours  contre  les  Turcs,  de  plus  en  plus  prépondérants 
dans  le  Caucase.  Ceux-ci  disputaient  les  royaumes  de 
langue  géorgienne  aux  Persans,  quelquefois  en  prenant 
pour  auxiliaires  les  Lesghiens  ou  d’autres  montagnards, 
parmi  lesquels  s’était  répandu  le  mahométisme. 

Depuis  1762,  l’habile  et  énergique  Catherine  II  tenait 
le  sceptre  de  l’Empire  moscovite.  Jalouse  de  mènera 
fin  les  entreprises  que  Pierre  le  Grand  avait  laissées 
inachevées,  ou  qu’il  avait  seulement  méditées,  elle 
tourna  presque  aussitôt  ses  regards  vers  la  contrée  par 
laquelle  il  avait  voulu  s’ouvrir  le  chemin  de  l’Asie 
centrale.  Dans  leur  position  abaissée  et  précaire,  tantôt 
fidèles  au  christianisme,  tantôt  l’abjurant  au  gré  de 
leurs  maîtres,  traités  en  simples  valis  ou  gouverneurs 
de  provinces,  voyant  au  moindre  mécontentement 
arriver  à Tiflis,  tantôt  une  armée  persane,  tantôt  une 
arméeturque,les  tsars  de  Géorgie  et  d’Iméréthie  crurent 
alors  trouver  en  cette  puissance  de  coreligionnaires  un 
point  d’appui,  grâce  auquel  seul  ils  pourraient  prolonger 
leur  existence  indépendante.  Héraclé  II,  qui,  après 
avoir  été  le  compagnon  d’armes  de  Nadir-Schah,  réu- 
nissait sous  sonsceptre,de  1760  à 1798,  toute  la  Géorgie 
persane,  se  vit,  sous  les  successeurs  de  ce  puissant 
protecteur,  de  nouveau  inquiété  et  son  royaume  livré  à 
une  agitation  continuelle.  Parce  motif,  il  offrit  secrète- 
ment aux  Russes  une  alliance  intime  avec  eux,  au 
moment  où  Solomon  I d’Iméréthie,  qui  régna  jus- 
qu’en 1784,  était  en  guerre  avec  les  Turcs,  qui  le  trai- 
taient en  rebelle,  parce  qu’il  refusait  de  leur  payer  un 
tribut  humiliant.  En  1768,  la  guerre  avait  aussi  re- 
commencé entre  l’Empire  ottoman  et  la  Russie  ; le 
général  de  Medem  avait  conduit  une  armée  vers  le 
Kouban  et  au  pied  du  Caucase,  et  Catherine  II  envoya 
en  outre(1769)au  delà  de  cettechaîne  un  corps  d’armée 
sous  le  commandement  du  général  Totleben.  Alors 
Héraclé  n’hésita  pas  à se  réunir  à lui  avec  ses  forces. 
Cependant  ce  secours  ne  produisit  aucun  avantage 
aux  deux  princes  géorgiens  : Totleben  réussit  bien 
à se  rendre  maître  de  Koutaïs,  mais,  ayant  ensuite 
essuyé  un  échec  devant  Poti,  il  ramena  aussitôt  ses 
troupes  en  Russie  (1772). 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


Deux  ans  après,  fut  conclu  entre  la  Russie  et  la 
Porte  ottomane  le  traité  de  Koudjouk-Kaïnardji  ; ce 
traité  eut  une  influence  décisive  sur  le  sort  futur  de 
toute  la  Caucasie.  Non  seulement  il  confirma  à la 
première  de  ces  puissances  la  possession  si  longtemps 
contestée  d’Azofï,  il  lui  abandonna  en  outre  la  Grande 
et  la  Petite-Kabarda,  à la  possession  desquelles  elle 
élevait  depuis  longtemps  des  prétentions,  ainsi  que  les 
forteresses  voisines  de  Kertcht:  Iénikaléet  Kinbourn  ; 
il  proclama  formellement  la  complète  indépendance  de 
la  Petite-Tartarie.  Toute  la  région  du  Kouban  devait  en 
jouir  comme  elle,  et  d’un  autre  côté  la  Géorgie  et 
lTméréthie  devaient  cesser  d’être  tributaires  des  Otto- 
mans. 

Cependant  ce  traité  de  1774  marque  seulement  une 
première  balte  dans  le  développement  des  grands 
projets  de  Catherine  II,  à qui  le  prince  Potemkin  avait 
promis,  comme  on  sait,  le  rétablissement,  en  faveur  de 
l’un  de  ses  petits-fils,  de  l’Empire  de  Byzance,  et  par  là 
la  domination  en  Orient.  Dès  1783,  Catherine  II  avait 
déclaré  la  Crimée,  ainsi  que  toute  la  Petite-Tartarie 
avec  le  Kouban,  réunie  à ses  Etats,  et  la  Porte  la  laissa 
faire,  se  contentant  d’élever,  en  1783,  la  forteresse 
d’Anapa,  sur  la  côte  de  l’ancienne  Sindique,  au  sud 
des  bouches  du  Kouban,  et  d’y  établir  un  pacha  chargé 
de  surveiller  toute  la  côte  et  de  défendre  l’indépendance 
des  populations  environnantes.  Dans  la  même  année 
1783,  la  Porte  avait  dû  se  résigner  à subir  de  la  part 
de  la  Russie  encore  un  autre  outrage,  Catherine  II 
avait  accepté  le  traité  par  lequel  Héraclé,  rompant  à la 
fois  avec  la  Perse  et  la  Turquie,  se  reconnaissait  atout 
jamais  vassal  de  la.  Russie,  laquelle  ne  tarda  pas  à 
faire  occuper  Tiflis.  C’est  en  1787  seulement  que  le 
sultan  se  décida  à recourir  de  nouveau  à la  guerre, 
laquelle,  après  avoir  duré  quatre  ans,  se  termina 
momentanément  par  le  traité  de  Jassy  (1791), en  vertu 
duquel  les  Russes  se  virent  enfin  possesseurs  légitimes 
de  tout  l’ancien  khanat  de  Crimée  et  héritiers  de  toutes 
les  prétentions  de  ses  maîtres  tatars  sur  les  steppes 
occupées  par  les  Nogaïs  et  autres  tribus  en  deçà  de  la 
grande  chaîne  du  Caucase.  Cette  guerre  permit  aux 


GUIDE  AU  CAUCASE 


25 


Russes,  sous  Goudovitch,  de  se  rendre  maîtres  (1791) 
d’Anapa  et  de  Soudjouk-Kalé,  ainsi  que  de  la  personne 
de  Bej-Mansour,  le  premier  des  prophètes  que  le  fana- 
tisme musulman  et  l’amour  de  l’indépendance  de  leur 
pays  devaient  successivement  susciter  parmi  les  monta- 
gnards. 

Du  côté  de  la  Perse,  la  paix  n’avait  pas  été  gravement 
troublée  depuis  Nadir-Schah  ; mais  sa  mort  avait  été 
suivie  de  nouveaux  désordres  et  d’usurpations  de  la 
couronne,  ce  qui  laissa  le  champ  libre  à Héraclé.  On  a 
vu  comment  il  en  profita.  Sa  détermination  en  faveur 
des  Russes  sembla  d’abord  passer  inaperçue  chez  les 
Persans  ; mais  dans  la  dernière  année  du  règne  de 
Catherine  II  (1796)  ils  songèrent  à tirer  vengeance  de 
ce  qu’ils  devaient  regarder  comme  une  trahison.  Un 
des  usurpateurs  qui  s’étaient  succédé  depuis  Nadir- 
Schah,  le  kadjar  Aga- Mohamed- Khan  se  jeta  subite- 
ment sur  la  Géorgie,  la  ravagea  cruellement,  expulsa 
Héraclé  et  fit  reconnaître  son  autorité  dans  tous  les 
pays  qui  s’étaient  mis  sous  le  protectorat  russe.  L’impé- 
ratrice se  hâta  d’envoyer  une  armée  dont  elle  donna  le 
commandement  au  comte  Valérien  Zoubofï  et  qui 
ramena  en  très  peu  de  temps  ces  pays  à la  soumission  ; 
mais  elle  mourut  sur  ces  entrefaites,  presque  en  même 
temps  qu’Aga-Mohamed-Khan  qui  fut  assassiné. 
L empereur  Paul  (1796-1801),  fils  et  successeur  de 
Catherine  II,  rappela  cette  armée;  mais  les  pays  de 
langue  géorgienne  n’en  furent  pas  moins  perdus  pour 
la  Perse.  Incapable  de  se  soutenir  à la  fois  contre  elle,, 
les  Turcs  et  les  Lesghiens,  en  même  temps  que  contre 
les  révoltes  de  ses  propres  frères,  le  fils  aîné  d’Héraclé, 
Georges  XIII,  déjà  avancé  en  âge,  transmit  avant  de 
mourir,  par  traité  du  5 décembre  1799,  ses  Etats  à 
l’empereur  Paul  en  pleine  propriété,  et  celui-ci,  au 
commencement  de  1801,  déclara  par  manifeste  impérial 
la  Géorgie  à jamais  réunie  à l’Empire. 

Période  contemporaine.  — La  Géorgiefut  presque 
aussitôt,  par  ordre  d’Alexandre  Ier  (1801-1825),  orga- 
nisée en  province  russe.  La  frontière  de  l’Empire  de 
Russie  du  côté  de  la  Perse  ne  dépassait  guère  encore 
la  rivière  Koura,  mais  la  soumission  de  lTméréthie,  de 


.26 


GUIDE  AU  CAUCASE 


laMingrélie  et  du  Gouria,  de  même  que  celle  des  princes 
mahométans  qui  régnaient  encore,  sous  la  protection 
des  Persans,  dans  la  partie  orientale  de  la  Caucasie,  à 
savoir  celle  du  chamkhal  de  Tarkou  celle  des  khans 
de  Derbent,  Bakou,  Chirvan,  Chéki,  Gandja,  Karabagh, 
était  dès  lors  regardée  comme  étant  la  conséquence 
nécessaire  et  fatale  de  l’acquisition  de  la  Géorgie.  Elle 
s’accomplit,  en  effet,  grâce  à l’énergie  et  aux  talents  du 
second  gouverneur  général  (1802-1806),  le  prince  Tsit- 
sianof,  lui-même  Géorgien  et  allié  de  la  famille  royale 
de  Géorgie,  et  par  les  efforts  du  comte  Goudovitch,  son 
successeur.  Des  traités  furent  successivement  conclus 
à cet  effet  : en  1803,  1804  avec  le  dadian  (prince 
régnant)  de  Mingrélie  et  le  tsar  d’Iméréthie  ; en  1809 
avec  le  Gouriel  ou  prince  du  Gouria  ; puis  à la  suite  de 
deux  guerres  avec  la  Perse,  le  traité  de  Goulistan  en 
1813,  et  celui  de  Tourkmantchaï  en  1828  ; enfin,  après 
deux  guerres  avec  les  Turcs,  celui  d’Akherman  en  1826, 
et  celui  d’Andrinople  en  1829.  Les  forteresses  des  côtes 
de  la  mer  Noire,  notamment  Anapa,  que  les  Russes, 
après  l’avoir  occupée  en  1791  et  de  nouveau  de  1807  à 
1812,  avaient  dû  restituer  aux  Ottomans  à ]a  paix  de 
Bucharest  (qui  est  de  cette  dernière  année),  furent 
reprises  en  1828  et  gardées  depuis.  Au  sud  de  l’isthme 
caucasien,  l’Araxe,  puissant  affluent  de  la  Koura, 
devint  alors  la  limite  du  côté  de  la  Perse,  et  elle  se 
continua  vis-à-vis  des pachaliks  ottomans  par  une  ligne 
droite  qui  coupait  en  deux  celui  d’Akhaltzikhé, un  peu 
au  sud  de  la  forteresse  de  ce  nom.  et  qui  aboutissait  à 
la  mer  Noire  en  englobant  la  moitié  septentrionale  du 
Gouria.  Du  même  coup,  une  forte  portion  de  l’Arménie 
avec  Erivan  et  Edchmiadzine,  siège  du  patriarche 
arménien,  fut  ajoutée  aux  possessions  russes  qui 
désormais  comprenaient,  du  moins  nominalement, 
l’isthme  tout  entier,  sans  aucune  discontinuité  par 
rapport  au  principal  corps  de  l’Empire. 

En  prévoyante  souveraine,  Catherine  II  n’avait  pas 
manqué  de  prolonger  vers  l’Ouest  le  cordon  de  Cosa- 
ques depuis  Mozdok,  du  Térek  à la  Malka.  Cinq  sta- 
nitzas  furent  établies  en  1770,  et  dix  autres  dans  les 
années  suivantes  jusqu’en  1778;  parmi  ces  dernières 


GUIDE  AU  CAUCASE 


27 


étaient  comprises  les  forteresses  d’Ekathérinograd, 
Ghéorghievsky,  Alexandroff  et  Stavropol.  Une  partie 
des  Cosaques  du  Volga  furent  transférés  là  pour  les 
peupler.  De  la  Malka,  la  ligne  passa  ensuite  au  Kou- 
ban, car  le  khan  de  la  Petite- Tartarie  fut  forcé  de  con- 
sentir à ce  que  le  fleuve  devînt  la  limite  russe^  qui 
engloba  ainsi  les  deux  Kabardas,  définitivement  sou- 
mises. Le  long  du  Kouban,  la  ligne,  toujours  défendue 
par  des  constructions  nouvelles  de  stanitzas,  arriva 
enfin  jusqu’à  la  mer  Noire,  et  dans  la  suite  on  en  confia 
la  défense  sur  ce  point  à quatre  régiments  de  Cosaques 
du  Dniéper  ( Zoporoiskaïa  Sietch ).  On  donna  à ces 
Cosaques  le  nom  de  Tchernomoriens  ou  guerriers  de 
la  merNoire  (de  tchernoï  noire  et  more  mer),  et  à leur 
province  celui  de  Tchernomorskii  ; ils  dépendent 
aujourd’hui  de  la  province  du  Kouban  et  ont  leur 
ataman  particulier.  L’empereur  Nicolas  les  trouva,  en 
1837,  organisés  en  neuf  régiments  de  cavalerie,  avec 
trois  compagnies  d’artillerie.  Encore  sous  Catherine  II, 
on  avait  fondé  d’abord  la  forteresse  de  Constantinogorsk 
pour  protéger  les  bans  caucasiens  en  avant  de  la  chaîne, 
et  ensuite,  en  1784,  celle  plus  importante  deVladikaw- 
kaz,et  on  avait  commencé  dans  le  pays  des  Ingouches, 
qui  gardaient  une  prudente  neutralité,  la  construction 
de  la  route  militaire  qui,  après  avoir  traversé  la  Petite- 
Kabarda,  devait  passer  sous  les  canons  de  la  forteresse 
et  sur  la  rive  droite  du  Térek  pour  aboutir  à Tiflis. 

Après  la  paix  d’Andrinople,  la  Russie  se  flattait  de 
posséder  légitimement  tout  l’isthme  quelle  tenait,  soit 
du  droit  de  conquête,  soit  par  suite  de  transactions 
volontaires  avec  ses  divers  maîtres.  Le  gouvernement 
russe  considérait  comme  un  titre  à cette  précieuse 
possession  non  seulement  le  traité  de  Kondjouk-Kaï- 
nardji  (1774),  mais  encore  celui  d’Andrinople  (1829). 
Par  l’article  4 de  ce  dernier,  il  avait  été  stipulé  que  tous 
les  pays  au  nord  de  la  nouvelle  ligne  frontière,  vers  la 
Géorgie,  l'Iméréthie  et  le  Gouria,  y compris  tout  le 
littoral  de  la  mer  Noire  depuis  l’embouchure  du  Kouban 
jusqu’au  port  de  Saint-Nicolas  inclusivement,  restaient 
sous  la  domination  des  Russes.  Mais  le  pays  des  mon- 
tagnards de  la  grande  chaîne  du  Caucase  et  du  steppe 


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GUIDE  AU  CAUC4SE 


qui  s’étend  à ses  pieds  vers  le  Nord,  était-il  compris 
dans  cette  cession  et  pouvait-il  l’être?  A entendre  les 
Tcherkess  et  en  prenant  les  mots  à la  lettre,  on  n’aurait 
pas  eu  le  droit  de  l’y  comprendre,  car  les  peuples 
caucasiens  n’avaient  jamais  formellement  reconnu  la 
suzeraineté  de  la  Porte  ottomane,  laquelle,  par  consé- 
quent, n’aurait  point  eu  le  droit  de  disposer  d’eux. 
Dans  le  fait  cependant,  l’abandon  par  elle  de  ces  pays, 
la  disparition  de  la  Petite-Tartarie,  dont  les  Tcherkess 
avaient  été  jadis  les  vassaux,  entraînait  forcément  la 
soumission  de  tous  ces  peuples,  alternativement  au 
moins  sous  le  protectorat  de  l’une  ou  de  l’autre  des 
puissances  voisines,  peuples  contre  les  brigandages 
desquels  il  était  d’ailleurs  indispensable  de  se  prémunir. 
La  question  de  droit,  discutable  sans  doute,  peut 
paraître  ici  secondaire  : les  circonstances  décidaient  du 
sort  des  montagnards,  et  il  faut  se  borner  au  récit  des 
événements.  Après  le  traité  d’Andrinople,  la  résistance 
de  ces  peuples,  fiers  et  braves,  contre  les  Russes, 
devint  d’année  en  année  plus  résolue.  Cependant, 
longtemps  auparavant,  il  avait  déjà  fallu  leur  faire  la 
guerre,  afin  de  briser  cette  résistance.  A l’occasion  de 
la  première  prise  d’Anapa  (1791)  il  a été  parlé  de 
Cheik-Mansour,  espèce  de  prophète  qui  tomba  alors 
aux  mains  des  Russes  et  alla  terminer  ses  jours 
derrière  les  murs  de  Schlusselbourg,  après  avoir,  à 
Tinstigation  des  Turcs  sans  doute,  essayé  d’opérer  un 
soulèvement  général  parmi  les  Tcherkess  au  nom  de  la 
religion.  Mahométans  d’assez  fraîche  date  et  plutôt 
indifférents  que  fanatiques,  ils  ne  s’étaient  guère  laissés 
remuer  par  ses  prédications  : d’autres  considérations, 
l’horreur  du  joug,  le  maintien  du  petit  commerce  qui 
les  faisait  vivre  et  notamment  de  celui  des  esclaves 
avec  Constantinople,  la  haine  que  leur  inspiraient  ces 
voisins  qui  venaient  de  réunir  à leurs  vastes  territoires 
les  deux  Kabardas,  avaient  plus  d’action  sur  eux  et  le 
pouvoir  de  leur  mettre  de  temps  en  temps  les  armes  à 
la  main.  Ainsi  dès  1824,  les  Russes  durent  faire,  sur 
la  ligne  du  Kouban,  plusieurs  expéditions  contre  eux. 
Du  côté  oriental  de  l’isthme,  la  religion  joua  un  rôle 
plus  marqué  dans  la  lutte  de  ces  peuples,  également 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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jaloux  pourtant  de  conserver  leur  indépendance.  Là, 
les  Tchétchènes  et  les  Lesghiens  des  diverses  branches 
étaient  des  musulmans  beaucoup  plus  fervents,  beau- 
coup plus  avides  de  s’assurer,  en  prenant  part  à la 
guerre  sainte,  l’entrée  du  paradis  promis  par  le  Coran. 
Là,  les  patriotes  qui  se  vantaient  d’une  inspiration 
divine  trouvaient  un  terrain  facile  à exploiter,  et  des 
illuminés  de  ce  genre,  appelés  murchides  nom  qu’il 
ne  faut  pas  confondre  avec  celui  de  murides  (compa- 
gnons disciples),  y parurent  à diverses  reprises.  La 
doctrine  de  deux  de  leurs  chefs  principaux:  Kadi  ou 
Kasi-Moullah  etSchamyl,  fut  appelée  le  muridisme  ou 
religion  des  murides , c’est-à-dire  des  aspirants.  Elle  ne 
tarda  pas  à exciter  un  grand  enthousiasme  parmi  les 
montagnards  de  l’Est.  C’estce  qui  expliqueleurpremier 
soulèvement,  avant  le  traité  d’Andrinople,  au  temps  où 
les  fonctions  de  gouverneur  général  de  la  Caucasie 
étaient  exercées  après  Knorring,  par  le  général  en  chef 
Yermoloff  (1817-1826).  En  1825,  il  s’était  formé  une 
alliance  entre  les  peuples  Tchétchènes  et  Lesghiens; le 
khan  des  Kasi-Koumouks,  celui  des  Avars,  les  com- 
munautés libres  de  Djar  et  de  Belokan  surtout,  etc.,  y 
étaient  entrés  ; et  Yermoloff,  habilement  secondé  par 
Kaïefski,  eut  beaucoup  de  peine  à rétablir  la  paix  et  à 
forcer  à la  soumission  ces  insurgés.  A cette  époque,, 
éclata  la  guerre  avec  la  Perse,  et  les  peuples  caucasiens 
conçurent  de  grandes  espérances  lorsqu’ils  apprirent 
qu’Abbas-Mirza,  fils  aîné  du  schah,  qui  de  son  côté 
comptait  sur  eux  et  sur  l’agitation  qui  régna  un  moment 
dans  toute  la  Russie  à la  suite  de  la  mort  de  l’empereur 
Alexandre  I,  avait  franchi  la  frontière  de  l’Empire  à 
la  tête  d’une  armée  nombreuse.  Ces  espérances,  comme 
on  sait,  furent  déçues.  Paskévitch,  le  successeur  d’Yer- 
moloff  et  qui  bientôt  mérita  le  titre  de  comte  d’Erivan, 
remporta  sur  le  prince  persan  des  victoires  signalées  et 
le  força  de  signer  la  paix  de  Tourkmantchaï  au  moment 
où  le  Sultan  allait  ouvrir  de  son  côté  les  hostilités  contre 
les  Russes,  il  est  vrai  sans  plus  de  succès,  car  la  guerre 
n’aboutit  pour  lui  qu’au  malheureux  traité  d’Andrinople 
par  lequel  tous  les  petits  peuples  du  Caucase  furent 
sacrifiés. 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


Paskévitch  eut  pour  successeur  le  général  Grégoire 
de  Rosen,  sous  lequel  les  Russes  continuèrent  à 
guerroyer,  toujours  sans  beaucoup  de  succès.  C’est 
alors  (1830)  qu’éclata  dans  le  nord  du  Daghestan  la 
première  guerre  de  religion  proprement  dite,  celle  de 
Kasi-Moullah.  Ce  premier  des  grands  murides  du 
Caucase,  né  dans  le  canton  de  Koïsoubou  dont  il  devint 
kadi , avait  déjà  paru  sur  la  scène  de  ces  luttes  ardentes 
après  1820  et  s’était  annoncé  comme  un  envoyé  du  ciel, 
mais  n’avait  pas  pu  vaincre  l’opposition  d’Arslan-Khan. 
Cette  fois  Kasi-Moullah  fut  mieux  accueilli,  et  il  put 
se  soutenir  assez  longtemps  contre  les  Russes,  grâce 
surtout  au  concours  que  lui  prêtait  Hamsad-Beg,  un 
autre  prophète  de  ces  montagnes,  né  dans  le  khanat 
d’Avarie,  et  qui  devint  le  principal  lieutenant  de 
l’autre. 

Le  vaillant  ouléma , dont  le  fanatisme  exaltait  la 
merveilleuse  activité,  fit,  à la  tête  des  Tchétchènes,  des 
efforts  inouïs  pour  insurger  tout  le  bassin  du  Koï-Sou, 
ainsi  que  celui  de  la  Soundja.  Trouvant  de  la  résis- 
tance, il  commit  d’affreux  ravages  et  ne  recula  pas 
devant  les  actes  de  cruauté  les  plus  odieux,  mais  ne 
réussit  pourtant  ni  à triompher  de  la  fidélité  à l’égard 
des  Russes  du  chamkhal  de  Tarkou,  dont  il  se  vengea 
par  une  horrible  dévastation  de  sa  capitale,  ni  à forcer 
l’entrée  de  Derbent,  ou  celle  de  Kizliar  du  côté  opposé, 
ni  enfin  à obtenir  de  certaines  peuplades  lesghiennes, 
qu’elles  se  déclarassent  pour  lui.  Les  Russes,  au  con- 
traire, quittant  à plusieurs  reprises  leur  fort  de  Gros- 
naïa  pour  le  pourchasser,  lui  firent  éprouver  des  pertes 
considérables,  tandis  que  sur  un  autre  point  ils  préser- 
vèrent d’une  surprise  Vladikawkaz,  dont  Kasi  espérait 
pouvoir  se  rendre  maître.  Il  répandit  le  sang  à flots, 
mais  échoua  dans  la  plupart  de  ses  entreprises  ; sa 
tyrannie  fit  trembler  même  ses  partisans  les  plus 
dévoués  et,  à la  fin,  s’étant  renfermé  dans  Himri,  il  y 
fut  assiégé  par  les  Russes  du  brave  général  Velliaminoff, 
un  des  lieutenants  du  baron  de  Rosen,  et  tué  dans  un 
défilé  qui  aboutit  à ce  fort  avec  un  grand  nombre  des 
siens,  à la  fin  d’octobre  1832.  Hamsad-Beg  périt  peu 
de  temps  après  (1834),  assassiné  par  un  Avar  au  milieu 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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de  ses  Lesghiens  dans  une  mosquée.  Un  des  lieutenants 
de  Kasi-Moullah  à Himri,  le  jeune  Schamyl,  eut  la 
chance  d’échapper  au  fer  des  Russes  ; une  grande  des- 
tinée l’attendait  encore. 

A la  suite  de  cette  guerre,  plus  particulièrement 
religieuse  dans  le  Nord-Est  de  l’isthme  caucasien,  vin- 
rent les  guerres  de  l’indépendance  du  côté  du  Kouban 
et  jusqu’à  l’Elbrouz,  auxquelles  prirent  part  surtout  les 
Tcherkess,  les  Chapsouks,  les  Oubikhs  et  d’autres 
peuples  de  la  partie  occidentale  de  la  grande  chaîne. 
La  première  expédition  eut  lieu  en  septembre  1834, 
sous  le  commandement  du  général  Velliaminofï.  Le 
plan  consistait  à prendre  pied  petit  à petit  sur  le  terri- 
toire des  Tcherkess,  à les  isoler  par  des  lignes  militaires 
qui  traversaient  leur  pays,  et  à leur  couper  toutes  les 
ressources  du  côté  de  la  Turquie  et  des  autres  puissances 
qui  voudraient  bien  s’intéresser  à eux.  De  là  par  consé- 
quent, un  système  de  blocus  qui  amena  bientôt  la 
capture  d’un  assez  grand  nombre  de  bâtiments  turcs 
employés  à faire  le  commerce  entre  Anapa  et  Ghélen- 
djik,  et  plus  tard  aussi  (1836)  la  capture  du  Viæen , 
navire  de  commerce  britannique,  laquelle  eut  un  grand 
retentissement  dans  le  parlement  d’Angleterre  et  appela 
aussitôt,  et  pour  des  années,  l’attention  de  toute  l’Eu- 
rope sur  les  « Circassiens  » jusqu’alors  à peu  près 
inconnus,  même  après  la  publication  assez  récente 
des  ((  Voyages  en  Circassie  ))  de  Taitbout  de  Marigny 
(Paris,  1819). 

Les  Russes  ne  s’étaient  sans  doute  pas  attendus  à la 
soumission  immédiate  des  Tcherkess  ; mais  ils  rencon- 
trèrent de  leur  part  une  résistance  qu’ils  n’avaient  pas 
prévue.  Ils  eurent  beau,  par  une  proclamation  impé- 
riale, rappeler  l’article  4 du  traité  d’Andrinople  et 
renouveler  leur  expédition  en  1835  et  1836,  ils  perdirent 
beaucoup  d’hommes,  et  n’eurent  que  très  peu  de  succès, 
malgré  la  bravoure  de  leurs  généraux,  parmi  lesquels 
le  Courlandaisde  Sass  se  fit  surtout  remarquer  par  des 
actes  héroïques  et  chevaleresques.  Ils  poussèrent  néan- 
moins leurs  reconnaissances  jusqu’à  Soudjouk-Kalé  et 
Pchad. 

Cette  guerre  pleine  de  périls  tira  en  longueur  et 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


occupa  tous  les  moments  du  chef  du  corps  détaché  du 
Caucase,  qui  se  succédèrent  sans  rien  terminer,  sans 
avancer  même  notablement  l’œuvre  de  la  pacification. 
Ce  furent  après  Rosen,  les  généraux  Golovine,  Neid- 
hart,  prince  Michel  Vorontzofï,  prince  Alexandre 
Bariatinsky  et  le  grand-duc  Michel,  frère  de  l’empe- 
reur Alexandre  II.  Le  système  de  la  défensive  fut 
substitué  sous  Neidhart  à celui  de  l’offensive  sans 
produire  des  résultats  plus  satisfaisants,  malgré  la 
sagesse  et  les  talents  administratifs  de  ce  gouverneur 
général.  Cependant  l’armée  fut  alors  portée  de  60,000 
hommes  jusqu’à  120,000.  Là  aussi  des  murides  fana- 
tisaient le  peuple  surtout  depuis  1832  où  Kasi-Moullah 
fit  sa  première  campagne  sur  le  Kouban.  Les  plus 
redoutables  des  insurgés  étaient  les  Chapsoukhs.  Ils 
avaient  pour  alliés  les  Oubikhs,  et  ils  finirent  par  s'en- 
tendre avec  Schamyl,  le  jeune  compagnon  de  Kasi- 
Moullah,  qui  était  devenu  dans  l’intervalle  l’âme  du 
mouvement  dans  l’Avarie,  le  Kasi- Koumouk,  la 
Tchétchénie,  et  bientôt  aussi  dans  une  grande  partie  du 
Lesghistan  y compris  le  sultanat  d’Elissou,  où  Daniel- 
Beg  était  pour  le  muride  un  utile  auxiliaire  depuis 
qu’en  1844  les  Lesghiens  étaient  sortis  de  l'indifférence 
qu’ils  avaient  d’abord  opposée  à ces  prophètes. 

C’était,  dans  cette  contrée  surtout,  sur  le  plateau  de 
l’Avarie,  aux  environs  des  forts  de  Khoundzakh,  de 
Dargo,  de  Himri  fortifié  de  nouveau,  et  plus  au  nord, 
que  se  concentrait  la  guerre  sainte  dont  le  commande- 
ment avait  été  déféré,  en  1836,  à Schamyl,  de  préférence 
à Hadji-Tachaf  et  à d’autres  prétendants.  Schamyl  avait 
alors  près  de  quarante  ans  ; son  évasion  de  Himri  au 
temps  de  la  mort  de  Kasi-Moullah,  l’avait  entouré  d’un 
grand  prestige.  D’abord  à la  tête  de  20,000  hommes 
seulement,  il  étendit  de  plus  en  plus  son  influence  et, 
au  bout  de  quelques  années,  arrivé  à l’apogée  de  sa 
puissance,  il  pénétra  jusque  chez  les  Kabarcliens,  qui 
résistèrent  pourtant  à la  prédication  de  la  guerre  sainte. 
Peu  de  temps  auparavant  (1843),  ii  avait  pu  un  instant 
faire  assiéger  Mozdok.  Toutes  les  expéditions  des 
Russes,  entreprises  depuis  Tiflis  d’année  en  année, 
restaient  sans  effet  considérable,  et  les  négociations  du 


GUIDE  AU  CAUCASE 


33 


prince  Vorontzofï  (depuis  1845)  ne  produisaient  pas  de 
meilleurs  résultats. 

Il  est  impossible  de  rappeler  ici,  même  très  succinc- 
tement, les  divers  incidents  de  cette  guerre  de  religion 
qui  dura  jusqu’à  la  fin  de  1859,  où  elle  se  termina  par 
la  reddition  forcée  de  Gounib,  quand  Schamyl  poursuivi 
jusque  dans  ses  derniers  retranchements,  dut  à la  fin 
rendre  les  armes  au  prince  Bariatinsky  et  échanger 
contre  une  longue,  mais  honorable  et  douce  captivité 
en  Russie,  les  périls  journaliers  d’une  lutte  opiniâtre  et 
héroïque.  Il  suffit  de  rappeler  quelques  traits  de  la 
curieuse  carrière  de  Schamyl,  de  donner  entre  autres  un 
souvenir  de  la  fameuse  prise  d’Akhoulgo  le  23  juillet 
1839,  et  delà  défense  désespérée  que  les  Tchétchènes, 
soutenus  avec  intrépidité  par  leurs  femmes,  opposèrent 
au  brave,  mais  malheureux  général  Grabbe.  Après  avoir 
battu  Schamyl  deux  mois  auparavant  à Arguani,  dans 
un  combat  corps  à corps  qui  dura  deux  jours,  Grabbe 
avait  enfermé  le  nouveau  muride  dans  le  fort  d’A- 
khoulgo situé  sur  un  rocher  à pic  non  loin  du  rapide 
Koïsou,  et  il  se  croyait  sûr,  après  un  blocus  de  quelques 
semaines,  de  se  rendre  enfin  maître  de  sa  personne. 
Mais  au  milieu  d’un  combat  sanglant,  le  muride  trouva 
moyen  de  s’échapper  de  la  mêlée  et  dut  son  salut  à la 
fuite.  Ses  guerriers  crièrent  au  miracle  comme  après 
l’évasion  de  Himri.  Schamyl  se  cacha  dans  les  épaisses 
forêts  de  lTtchkérie,  passa  ensuite  de  la  Soundja  au 
Koïsou  et  se  prépara  à une  nouvelle  défense  dans 
Yaoul  fortifié  de  Dargo.  Peu  de  temps  après,  il  se 
trouva,  comme  nous  l’avons  dit,  à l’apogée  de  sa 
puissance.  Mais  elle  déclina  tout  aussi  rapidement,  et 
la  guerre  dite  d’Orient  de  1855  ne  put  rien  faire  pour  la 
relever.  L ’aoul  fortifié  de  V eden  que  les  Russes  enlevè- 
rent le  12  avril  1859,  en  devint  pour  ainsi  dire  le 
tombeau  , Daniel-Beg  abandonna  alors  l’intrépide 
muride , dont  Gounib  fut,  quelques  mois  après,  le 
dernier  refuge.  Les  Russes  l’y  assiégèrent  encore,  et 
comme  Schamyl  n’avait  pas  assez  de  monde  pour  bien 
défendre  cette  position  où  des  rochers  extrêmement 
escarpés  étaient  encore  surmontés  par  TaoaZ,  il  se  laissa 
surprendre  par  trois  colonnes  ennemies,  qui  avaient  pro- 


3 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


fité  d’un  épais  brouillard  pour  escalader  le  côté  où  le 
guerrier  se  croyait  le  moins  en  danger.  Il  avait  d’abord 
répondu  au  prince  Bariatinsky  qui  le  sommait  de  se 
rendre  : « Le  Gounib-dagh  est  haut,  mais  Allah  est 
encore  plus  haut,  et  toi,  tu  es  en  bas  ! » Maintenant  rien 
ne  pouvait  plus  le  sauver.  Il  se  décida  à se  rendre.  Le 
général  russe  ainsi  que  son  maître,  s’honorèrent  en 
n’abusant  pas  de  ce  coup  du  sort  : l’empereur  Alexandre 
ordonna  à Bariatinsky  de  traiter  son  prisonnier  avec 
distinction  et  clémence.  Schamyl  fut  transféré  en 
Russie  ; lé  côté  oriental  du  Caucase  fut  alors  pacifié. 

Malgré  les  concessions  qui  furent  faites  aux  Circas- 
siens  en  1860  et  1861,  des  tribus  entières,  voyant  leurs 
brigandages  définitivement  arrêtés,  émigrèrent  par 
permission  de  leurs  vainqueurs  sur  le  territoire  turc; 
mais  l’émigration  volontaire  se  changea  bientôt  en 
déportation,  et  en  1864  plus  de  400,000  Tcherkess 
furent  bannis.  Ce  dernier  acte  a clos  la  conquête  russe 
du  Caucase. 

La  guerre  de  Crimée  et  la  guerre  russo-turque  sont 
trop  récentes  et  trop  connues  pour  qu’il  soit  nécessaire 
de  retracer  ici  la  part  qu’y  prit  le  Caucase.  Il  faut 
attendre  que  le  temps  ait  calmé  toutes  les  susceptibilités,, 
ait  éclairé  les  faits,  et  que  l'histoire  impartiale  ait  dit 
son  dernier  mot  et  rendu  justice  à chacun. 


GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE  1 

Aucune  région  du  globe  n’ofïre  des  limites  natu- 
relles plus  tranchées  à l’E.  etàl’O.,  et  un  caractère 
général  mieux  défini  que  le  Caucase  : un  isthme  mon- 
tagneux entre  deux  mers.  La  mer  Noire  et  la  mer 
d’Azofï en  baignent  le  côté  occidental  depuis  les  environs 
de  Batoum  jusqu’à  l’embouchure  du  Don,  dans  un 
développement  à vol  d’oiseau  de  1065  kilomètres  ; le 
côté  oriental  est  baigné  par  la  mer  Caspienne  depuis 

1,  D’après  Vivien  de  Saint-Martin,  Elisée  Reclus,  Dubois 
de  Montpéreux,  les  cartes  de  l’Etat-Major  russe  et  les  notes 
de  M.  Zagoursky. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


35 


les  bouches  du  Volga  jusqu’à  l’Astara  au  S.  du  Len- 
koran,  sur  un  parcours  de  978  kil.  La  largeur  de 
l’isthme,  d’une  mer  à l’autre  est,  en  ligne  droite,  de 
535  kil.  dans  la  partie  la  plus  étroite  sous  le  42e 
parallèle;  au  N.  et  au  S.  de  ce  parallèle,  elle  s’aug- 
mente d’une  manière  notable.  L’aréa  de  cette  région 
ainsi  délimitée  et  répondant  à peu  près  au  gouverne- 
ment russe  du  Caucase,  est  évalué  à 388,700  verstes 
carrées,  environ  457,000  kil.  carrés  \ c’est-à-dire  aux 
quatre  cinquièmes  de  la  superficie  de  la  France.  Mais 
il  s’en  faut  de  beaucoup  que  cette  grande  étendue  de 
pays  soit  propre,  comme  la  France,  à nourrir  une 
population  compacte.  Au  N.  elle  se  compose,  en 
grande  partie  de  vastes  steppes,  plaines  nues,  basses  et 
sablonneuses  ; au  S.  elle  offre  une  suite  ininterrompue 
d’âpres  montagnes  et  de  vallées  rapides  dont  quelques 
portions  seulement  sont  propres  à la  culture.  Ce  n’est 
qu’en  descendant  jusqu’au  bord  des  rivières  principales 
où  viennent  aboutir  les  torrents  des  hautes  vallées,  à 
l’O.,  le  Kouban,  l’Ingour,  le  Kodor,  le  Rion,  le 
Tchorok  ; à UE.,  le  Térek,  le  Soulak,  le  Semour,  la 
Kouma,  l’Alazan,  l’Iora,  la  Koura  et  l’Araxe,  que  le 
climat  moins  rude  et  le  sol  plus  fertile  ont  permis  à 
l’industrie  humaine  de  se  développer  librement  et  que 
de  riches  campagnes  peuvent  rivaliser  avec  les  plus 
belles  contrées  du  monde. 

Hérissée  d’éternels  glaciers,  couronnée  de  pics  nei- 
geux aux  sommets  d’accès  difficile,  revêtue  sur  ses 
flancs  d’un  sombre  manteau  de  forêts  séculaires  et 
coupée  d’un  très  petit  nombre  de  passages  praticables, 
la  chaîne  du  Caucase  se  dresse  sur  la  limite  commune 
des  steppes  du  N.  et  les  hautes  vallées  du  S.  et 
semble  fermer  l’isthme  entre  les  deux  mers.  Ou  plutôt, 
cette  chaîne  même  n’est,  à vrai  dire,  que  l’escarpement 
septentrional  d’un  haut  plateau  de  100  lieues  de  largeur 
du  N.  au  S.,  qui  sépare  le  fond  de  la  mer  Noire  du 
bassin  de  la  Caspienne  et  qui  forme  le  prolongement 
oriental  du  grand  plateau  de  l’Asie-Mineure.  C’est,  en 
effet,  du  côté  de  la  steppe,  c’est-à-dire  par  sa  face  sep- 


1.  465,778  kil.,  d’après  Élisée  Reclus. 


36 


GUIDE  AU  CAUCASE 


tentrionale,  que  la  chaîne  continue  des  Alpes  cauca- 
siennes, dominant  les  basses  plaines  d’une  hauteur  de 
4 à 5,000  m.  et  s’abaissant  en  un  talus  rapide,  éveille 
dans  l’esprit  l’idée  d’une  muraille  gigantesque  élevée 
par  la  nature  pour  marquer  la  séparation  de  deux 
mondes.  Du  côté  du  S.,  le  plateau  qui  s’appuie  à la 
chaîne,  se  soutenant  lui-même  à une  hauteur  de  près 
de  2,000  m.,  les  crêtes  y paraissent  beaucoup  moins 
élevées  et  leur  descente  est  moins  abrupte. 

Les  deux  grandes  régions  de  l’isthme,  que  divise  la 
chaîne  du  Caucase,  ne  diffèrent  pas  moins  par  leurs 
populations  que  par  leur  aspect  et  leur  caractère  phy- 
sique. Les  steppes  du  N.  ont  été  de  tout  temps  aban- 
données aux  Ilots  mobiles  de  tribus  nomades,  diverses 
d’origine,  semblables  de  mœurs  et  d’habitudes,  qui  y 
sont  venues  planter  leurs  tentes  et  conduire  leurs 
troupeaux;  les  grandes  vallées  du  S.  au  contraire, 
sont  occupées  depuis  l’origine  des  temps  historiques 
par  deux  nations  sédentaires,  les  Géorgiens  et  les 
Arméniens,  et  elles  ont  été  très  anciennement  le  siège 
d’empires  florissants. 

Le  Caucase  ne  forme  pas  une  chaîne  unique.  La  plus 
grande  et  centrale  qui,  courant  du  N. -O.  au  S.-E. 
depuis  Anapa,  sur  la  mer  Noire,  non  loin  du  détroit  de 
Kertch,  jusqu’à  la  presqu’île  d’Apchéron  sur  la  Cas- 
pienne, porte  en  russe  le  nom  de  Glavnè  Kavkazki 
Krèbet , ou  chaîne  principale  du  Caucase.  Presque  au 
milieu  s’élève  l’Adaï-Khokh  d’où  se  détache  la  chaîne 
latérale  du  Caucase  ( Vokovoï  Kavkazki  Krébet ).  Elle 
va,  à peu  près  parallèlement  au  N.  de  la  chaîne  prin- 
cipale jusqu’à  la  Caspienne.  Elle  présente  plusieurs 
sommets,  entre  autres  le  Kazbek,  d’une  hauteur  consi- 
dérable. Elle  est  coupée  par  des  vallées  transversales 
où  coulent  vers  le  N.  et  le  N.-E.  le  Térek,  la  Soundja, 
etc.  En  outre  d’autres  chaînes  secondaires  vont  ou 
parallèlement  entre  elles  ou  se  rencontrent  pour  se 
séparer  de  nouveau  en  formant  de  place  en  place  des 
nœuds  montagneux.  Entre  ces  nœuds,  les  chaînes  cir- 
conscrivent des  espèces  de  bassins  profondément  en- 
caissés, dont  l’une  des  faces  présente  toujours  une 
brèche,  une  crevasse,  par  laquelle  s’échappe  une  rivière 


GUIDE  AU  CAUCASE 


37 


formée  de  la  réunion  des  petits  torrents  qui  descendent 
le  long  des  flancs.  Ces  bassins  intérieurs  sont  un  trait 
caractéristique  de  l’orographie  du  Caucase.  Le  point 
culminant  de  la  chaîne  est  l’Elbrouz  (5,646  m.). 

La  chaîne  du  Caucase,  plus  étroite  que  celle  des 
Alpes,  la  dépasse  beaucoup  en  hauteur.  On  admire  de 
loin  ses  cimes  neigeuses.  Les  formes  hardies  et  décou- 
pées de  l’Elbrouz,  du  Kazbek  et  delà  haute  crête 
dentelée  qui  sépare  ces  deux  colosses,  frappent  l'ima- 
gination. Quand  on  a pénétré  dans  l’intérieur  des 
montagnes,  cette  impression  grandiose  s’efface  parfois. 
Le  voyageur  jouit  rarement  d’une  vue  d’ensemble  ; de 
grands  escarpements  bornent  son  horizon,  et  il  faut 
s’élever  à des  hauteurs  beaucoup  plus  grandes  que  dans 
les  Alpes  pour  pouvoir  contempler  de  vastes  panoramas 
semblables  à ceux  qui  font  la  beauté  de  ces  montagnes. 
Les  vallées  très  encaissées  sont  difficilement  accessibles 
dans  leurs  parties  supérieures  ; les  glaciers,  retirés 
dans  les  montagnes,  ne  viennent  point  s’étaler  à tous 
les  regards  et  offrir  au  savant  ou  au  touriste  l’attrait 
qu’ils  présentent  dans  les  Alpes.  Il  en  est  peu  qui 
descendent  au-dessous  de  2,000  à 2,400  m.,  hau- 
teur où  l’explorateur  va  rarement  les  chercher.  Dans 
les  Alpes,  au  contraire,  la  limite  inférieure  de  plu- 
sieurs des  glaciers  principaux  se  trouve  entre  1,000  et 
1,300  m.  D’où  vient  cette  différence?  Elle  tient  en 
grande  partie  aux  climats.  Mais  elle  provient  aussi  de 
la  configuration  même  du  pays.  Malgré  la  hauteur  de 
ses  cimes,  on  ne  trouve  pas  au  milieu  d’elles  ces  vastes 
réservoirs  et  ces  grands  plateaux  qui  favorisent  dans 
les  Alpes  l’accumulation  des  neiges  ; les  crêtes  plus 
escarpées  offrent  une  moins  grande  surface  au  déve- 
loppement des  névés,  et  cette  cause,  unie  à la  tempé- 
rature plus  élevée,  explique  pourquoi  le  Caucase  ne 
donne  pas  naissance  à des  glaciers  comparables  aux 
grands  glaciers  alpins. 

La  chaîne  du  Caucase  présente  dans  sa  longueur 
trois  sections  bien  caractérisées  : la  première  de  la 
mer  Noire  aux  sources  du  Kouban,  sur  une  longueur 
de  450  kil.  ; la  deuxième  des  sources  du  Kouban  au 
mont  Barbalo,  300  kil.  ; c’est  le  Caucase  central  ; la 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


troisième  du  montBarbalo  à la  mer  Caspienne,  450  kil. 
Cette  dernière  partie,  avec  ses  rameaux,  forme  la 
contrée  connue  sous  le  nom  de  Daghestan. 

Division  occidentale.  — Cette  section  s’étend 
parallèlement  à la  côte  N.-E.  de  la  mer  Noire  dont  elle 
n’est  séparée  que  par  une  distance  de  10  à 40  kil.  Le 
premier  sommet  remarquable  qu’on  y rencontre,,  l’Ido- 
kopaz,  ne  s’élève  pas  à plus  de  735  m.  ; il  est  situé 
par  36°  de  longitude  E.  à l’E.-N.-E.  du  cap  du  même 
nom  et  au  N.-E.  de  la  baie  de  Ghélendjik.  A partir  de 
là,  la  chaîne  se  dirigeant  au  S.-E.  se  relève  progressi- 
vement jusqu’à  3,500  m.  (col  de  Maroukh)  ; vers  les 
sources  du  Pchekh,  affluent  de  la-Bielaïa,  ellq  dépasse 
2,000  m.;  elle  en  a 2,852  au  mont  Ochten.  En  face 
de  ce  pic,  vers  le  N.,  commence  la  première  chaîne 
secondaire,  appelée  Kara-Iaïla  ou  montagnes  Noires, 
qui  va  rejoindre  le  massif  de  l’Elbrouz  en  courant 
parallèlement  à la  chaîne  principale.  Cette  chaîne  dont 
la  crête  est  peu  élevée  s’abaisse  doucement  vers  le  N. 
et  presque  verticalement  au  S.,  comprenant  entre  elle 
et  le  Caucase  proprement  dit  le  premier  des  bassins 
dont  nous  avons  parlé.  A une  hauteur  insignifiante,  la 
crête  des  montagnes  Noires  est  déchirée  par  des  cre- 
vasses à travers  lesquelles  plusieurs  rivières  s’écoulent 
vers  le  N.:  la  Grande  et  la  Petite-Laba,  l’Ouroup,  le 
Grand  et  le  Petit-Zélentchouk  et  le  Kouban.  Les  contre- 
forts du  Caucase  occidental  s’en  détachent  généralement 
à angle  droit  ; du  côté  S. -O.  ils  tombent  brusquement 
sur  lamer  Noire,  en  séparant  les  uns  des  autres  les  cours 
d’eau  du  littoral;  le  dernier  : le  Djouman-taou,  forme 
la  limite  entre  l’Abkhazie  et  la  Souanétie.  Ceux  du 
versant  N.-E.  s’avancent  plus  loin  dans  le  bassin  du 
Kouban,  séparant  les  longues  vallées  transversales  des 
affluents  de  cette  rivière.  A partir  du  Djouman-taou,  la 
chaîne  principale  tourne  au  N.-E.  dans  le  prolonge- 
ment de  ce  rameau  pour  s’avancer  vers  le  massif  de 
l’Elbrouz;  quelques  défilés  établissent,  à travers  cette 
partie  de  la  chaîne,  des  communications  entre  la  steppe 
et  le  rivage  de  la  mer. 

Division  centrale.  — Le  Caucase  central  prend 
d’abord  sa  direction  de  l’O.  à l’E.  jusqu’à  l’Adaï- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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khokh  ( kliokh , en  langue  russe,  signifie  « montagne  ». 
C’est  probablement  de  ce  radical  que  vient  le  nom  de 
la  chaîne).  L’axe  s’incline  alors  brusquement  au  S.-E. 
jusqu’au  mont  Zikari  (3,129  m.)  pour  reprendre 
ensuite  sa  marche  directement  versl’E.  jusqu’au  mont 
Barbaio  (3,287  m.).  Cette  inflexion  le  divise  natu- 
rellement en  deux  parties  à peu  près  d’égale  lon- 
gueur qui  présentent  chacune  trois  chaînes  secondaires 
indépendamment  de  la  chaîne  principale.  Le  Caucase 
central  forme  ainsi  trois  longues  vallées  parallèles, 
coupées  de  place  en  place  par  des  rameaux  transversaux 
qui  les  partagent  définitivement  en  quinze  bassins.  La 
partie  occidentale,  celle  qui  s’étend  entre  l’Elbrouz 
(5,646  m.)  et  l’Adaï-khokh  (4,646  m.)  est  la  plus 
élevée  de  tout  le  système  (3,800  m.).  Elle  ren- 
ferme, outre  l’Elbrouz,  plusieurs  pics  toujours  couverts 
de  neige.  On  peut  citer  l’Ouloukhoul,  le  Dongourozoun, 
le  Koch-taou  (5,211  m.),  le  Dikh-taou  (5,158  m.), 
l’Aghik-taou  et  le  Passis-mta.  Du  mont  Zikari  au 
mont  Barbaio,  le  Caucase  présente  cette  particularité 
que  les  plus  hauts  sommets  se  trouvent  non  plus  dans 
la  chaîne  principale,  mais  dans  la  première  secondaire 
vers  le  N.  Celle-ci,  dont  le  point  culminant  est  le  mont 
Kazbek  (5,045  m.),  part  de  l’Adaï-khokh  et  est 
coupée  par  plusieurs  cours  d’eau,  tels  que  l’Ardone  et 
le  Térek.  Le  Caucase  central  est  traversé  par  plusieurs 
passages,  mais  le  principal  est  celui  du  Darial  que 
suit  la  route  militaire  de  Vladikawkaz  à Tiflis  : il  a 
2,263  m.  d’altitude  au  col  de  la  Croix  (Krestovaïa- 
gora). 

Plusieurs  embranchements  importants  détachés  du 
Caucase  central  se  portent  au  S.  Le  premier  part  du 
mont  Zikari,  il  se  dirige  au  S. -S. -O.  en  formant  la 
limite  des  gouvernements  de  Tiflis  et  de  Koutaïs,  et  il 
sépare  les  eaux  du  Rion  de  celles  de  la  Koura.  C’est  ce 
rameau,  nommé  monts  de  Souram,  qui  relie  le  Caucase 
aux  montagnes  de  la  Transcaucasie  ou  Petit-Caucase. 
Son  point  culminant  est  le  Lakhou  (1,926  nu).  Un 
second  embranchement  se  dirige  vers  le  S.  entre  le 
Xan  et  l’Aragva  ; un  troisième  court  entre  UAragva  et 
l’Iora;  un  quatrième  partant  du  mont  Barbaio  sépare 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


Tlora  de  l’Alazan,  tous  affluents  de  gauche  delaKoura. 
Ce  dernier  porte  la  dénomination  de  mont  de  Kakhétie 
et  traverse  la  contrée  du  même  nom. 

Division  orientale.  — Du  mont  Barbalo  (3,296  m.) 
la  chaîne  principale  se  dirige  vers  l’E.-S.-E.  jus- 
qu’au Sari-dagh,  en  séparant  le  pays  des  Lesghiens 
de  la  Géorgie  Quoiqu’elle  présente  encore  des  sommets 
couverts  de  neiges  persistantes,  cette  partie  est  géné- 
ralement moins  élevée  que  la  précédente.  Du  Barbalo 
se  détache  une  série  de  montagnes  qui,  s’avançant  à 
travers  le  pays  des  Tchétchènes  en  se  dirigeant  d’abord 
au  N.-E.  jusqu’aux  sources  de  l’Axaï,  puis  à TE.  vers 
le  Soulak,  portent  le  nom  de  montagnes  d’Andi,  et  la 
cime  culminante  en  est  le  Téboulos-mta  (4,500  m.). 
Du  Sari-dagh  part  un  autre  embranchement  appelé 
montagne  d’Anouk  ou  Karadagh,  qui  se  dirige  à 
TE.  jusqu’au  Djouloudagh,  puis,  tourne  brusquement 
au  N. -N.-E.  et  va  finir  sur  l’autre  rive  du  Soulak, 
près  de  Tarki,  au  mont  Douz-dagh  qui  n’est  éloigné 
que  de  5 kil.  du  Sala-taou.  La  chaîne  principale  avec 
ses  deux  embranchements  d’Andi  et  d’Anouk  embrasse 
un  vaste  bassin  de  170  kil.  de  longueur,  entrecoupé  de 
rameaux  boisés  qui  forment  de  nombreuses  vallées, 
arrosées  par  des  ruisseaux  tributaires  du  Soulak.  Cette 
région  habitée  par  les  Tchétchènes  et  parles  Lesghiens 
porte  chez  les  géographes  russes  le  nom  de  Haut- 
Daghestan.  A partir  du  Sari-dagh  (3,662  m.)  la 
chaîne  se  dirige  droit  au  S.  pendant  environ  50  kil. 
pour  reprendre  ensuite  sa  direction  au  S.-E.  jusqu’à 
la  mer.  Du  Sari-dagh  part  un  second  émissaire  qui 
court  vers  l’E.  jusqu’auprès  de  Derbent,  entre  le 
Kourak-Tchaem  et  le  Samour,  et  qui  ferme  au  N.  la. 
vallée  de  ce  fleuve.  Celle-ci  est  limitée  au  S. -O.  et  au 
S.  par  la  grande  chaîne  et  au  S.-E.  par  un  nouveau 
rameau  qui  ne  laisse  entre  lui  et  le  précédent  qu’un 
étroit  passage  au  N.-E.  par  lequel  le  Samour  se  préci- 
pite vers  la  mer.  A partir  de  ce  point,  la  chaîne  s’a- 
baisse sensiblement  et  va  finir  dans  la  presqu’île  d’Ap- 
chéron  par  des  collines  d’une  faible  élévation  ; mais 
auparavant,  elle  envoie  un  nouvel  émissaire  qui  se 
termine  par  le  Beck-Barmak,  en  formant  sur  la  mer 


GUIDE  AU  CAUCASE 


41 


une  sorte  de  promontoire.  Le  rameau  qui  s’étend  du 
Sari-dagh  à Derbent  sépare  le  Daghestan  septentrional 
du  Daghestan  méridional.  Là,  près  de  Derbent,  se 
trouvent  les  « Portes  Albaniennes  » des  anciens.  Ce 
défilé,  entre  la  montagne  et  la  mer,  se  nomme  chez  les 
Arabes  Bab-el-Abouab  (porte  des  portes). 

Petit-Caucase.  — Sous  les  noms  de  Petit-Caucaser 
Caucase  inférieur,  monts  Transcaucasiens,  on  comprend 
tout  un  système  de  montagnes  qui  parcourent  la  Trans- 
caucasie russe,  en  limitant  le  bassin  de  la  Koura  et  de 
l’Araxe,et  qui  se  rattachent  au  Caucase  central  par  les 
monts  de  Souram.  On  donne  plus  particulièrement  le 
nom  de  Caucase  inférieur  (monts  d’Adjarie,  d’Arsiani* 
etc.)  à une  chaîne  qui  part  des  côtes  de  la  mer  Noire 
entre  Poti  et  le  fort  Saint-Nicolas,  court  de  l’O.  à l’E. 
parallèlement  à la  grande  chaîne,  en  séparant  Tlrnéré- 
thie  de  l’Arménie,  tourne  brusquement  au  S.  sous  le 
nom  d’Elladara  ou  « montagne  du  Vent  » et  va  finir 
au  mont  volcanique  d’Alagôz  (4,000  m.)  près  du 
célèbre  monastère  d’Edchmiadzine.  Elle  se  relie  par 
plusieurs  gradins  étagés  entre  le  Tchorok  et  le  haut 
Araxe  au  système  du  Taurus.  Il  s’en  détache  vers 
l’E.  une  chaîne  qui  sépare  le  district  d’Elisabethpol  de 
celui  d'Erivan,  et  la  Koura  de  T Araxe.  On  l’appelle 
montagne  de  Bambak,  et  elle  atteint  sa  plus  grande 
hauteur  au  N.-E.  du  lac  Sévang  ou  Goktchaï.  Là.  elle 
se  divise  en  plusieurs  rameaux,  dont  le  principal  porte 
le  nom  déchaîné  de  Karabagh,  d’une  ancienne  province 
persane  dont  le  capitale  était  Choucha  (gouvernement 
d’Elisabethpol).  Un  autre  rameau  se  dirige  droit  au 
S.  et  sous  le  nom  de  Migri,  traverse  tout  le  district  de 
Nakitchévan  (gouvernement  d’Erivan). 


42 


GUIDE  AU  CAUCASE 


OROGRAPHIE  1 


Glaciers.  — Quoique  Dubois  de  Montpéreux  ait  fait 
allusion  aux  traces  cUune  période  glaciaire  qu’il  avait 
constatées  au  Caucase,  l’existence  de  cette  période 
n’est  reconnue  que  depuis  peu  de  temps.  Grâce  aux 
études  d’Abich,  de  Kolénati  et  Palgrave,  on  admet  que 
les  glaciers  ont  occupé  autrefois  une  place  plus  étendue 
qu’aujourd’hui,  mais  la  question  de  savoir  jusqu’où  se 
prolongeait  la  couche  de  glace  au  S.  de  la  chaîne  reste 
encore  non  résolue.  Il  est  certain  que  les  fleuves 
congelés  descendaient  beaucoup  plus  avant,  principale- 
ment sur  le  versant  N.  ; près  de  l’issue  des  vallées  de  la 
Malka,  du  Baksan,  du  Térek  on  voit  des  blocs  erra- 
tiques arretés  à une  faible  hauteur  sur  les  pentes  des 
promontoires  qui  dominent  les  plaines.  La  pierre  de 
Yermoloff  (défilé  du  Darial)  a 29  mètres  de  longueur, 
son  volume  est  de  5,655  mètres  cubes.  En  Souanétie, 
les  hauts  villages,  situés  maintenant  à 2 kilomètres  de 
l’extrémité  des  glaciers,  sont  construits  avec  les  débris 
de  moraines  délaissées  par  les  glaciers  d’autrefois.  Dans 
la  période  contemporaine,  le  recul  est  certain  ; de  1849 
à 1873,  le  Baksan  a remonté  de  la  cote  2,240  à la  cote 
2,325  ; de  1861  à 1873,  le  Bissinghi  s’est  relevé  de 
1,006  à 2,130  mètres. 

Tandis  que  tous  les  glaciers  du  Caucase  ont  reculé 
comme  ceux  des  Alpes,  le  Devdoraki,  au  contraire,  un 
des  huit  qui  descendent  du  Kazbek,  après  avoir, 
depuis  1776,  fait  écrouler  plusieurs  fois  ses  glaces, 
eaux,  pierres,  et  barré  en  1832  le  cours  du  Térek,  a, 
depuis  1863  à 1876,  progressé  de  230  mètres  vers  la 
vallée.  L’attraction  des  montagnes  s’exerce  avec  beau- 
coup de  force  dans  cette  partie  du  Caucase:  entre 
Vladikawkaz  et  Douchet,  la  déviation  du  fil  à plomb 
vers  les  roches  intermédiaires  est  de  38  secondes. 


1.  D’après  Élisée  Reclus  et  Vivien  cle  Saint-Martin. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


43 


La  limite  des  neiges  au  Caucase  est  en  moyenne  à 
4,000  m.  ; mais  vers  l’E.  et  dans  le  Petit-Caucase, 
elle  s’élève  davantage  ; sur  l’Ararat,  un  peu  plus  au 
S.,  elle  atteint  4,270  m.  En  revanche,  les  glaciers 
empiètent  souvent  sur  la  zone  des  prairies,  et  dans  les 
parties  où  le  sol  est  granitique,  comme  dans  le  Caucase 
central,  ils  descendent  quelquefois  à 2,700  m.  Les 
glaciers  les  plus  remarquables  sont  ceux  de  l’Elbrouz, 
du  Dikh-taou,  du  Passis-mta,  de  l’Adaï-khokh  et  du 
Kazbek  ; celui  qui  donne  naissance  au  Rion  descend 
plus  bas.  Vers  les  extrémités  de  la  chaîne  et  particu- 
lièrement au  S. -E.,  bien  quon  rencontre  encore  des  pics 
très  élevés,  il  n’y  a presque  plus  de  glaciers.  On  ne 
peut  citer  dans  le  Caucase  oriental  que  celui  du  Djoulti- 
dagh  (Daghestan  ) et  celui  du  Chakh-dagh,  qui  donne 
naissance  au  Samour. 


Limite  inférieure  des  principaux  glaciers  du 
Caucase  d'après  Abich . 


Ouloukham  (O.  de  l’Elbrouz) 2,659  mètres. 

Kitchinakol 2,384  — 

Baksan  (E.  de  l’Elbrouz) 2,325  — 

Terskol 2,625  — 

Irik 2,552  — 

Ourouk-Don  (E.  de  l’Elbrouz) 2,610  — 

N.  du  Passis-mta 2,565  — 

S.  du  Passis-mta 2,243  — 

Psekansou 2,210  — 

Adoul 2,225  — 

Tcherek 2,059  — 

Bissinghi 2,130  — 

Tzea-don 2,004  — 

Kaltchi-don 1,739  — 

Tetnould  (sources  de  l’Ingour) 1,954  — 

Stépan-Tzminda  (E.  du  Kazbek) 2,898  — 

Devdoraki  (N.  du  Kazbek) ....  2,239  2,311  — 

Bogos 2,659  — 

Bilinghi 2,428  — 

Chakh-dagh 3,163  — 


44 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Neiges,  pluies,  vents,  climat.  — Les  stations 
météorologiques  établies  sur  divers  points  ont  permis 
de  mesurer  approximativement  la  diminution  d’humi- 
dité qui  force  la  limite  des  neiges  à se  relever  graduelle- 
ment de  l’O.  à l’E.  de  la  chaîne,  à mesure  que  les  vents 
pluvieux  s’éloignent  de  la  mer  Noire  et  se  rapprochent 
du  Caucase  oriental,  où  dominent  les  vents  continen- 
taux. Dans  le  Caucase  tourné  vers  le  Pont-Euxin,  il 
tombe,  sous  forme  de  pluie  et  de  neige,  une  quantité 
d’eau  près  de  trois  fois  plus  considérable  que  dans  la 
partie  centrale  de  la  contrée,  et  six,  huit,  même  dix 
fois  supérieure  à celle  que  Ton  observe  dans  le  bassin 
de  la  Koura  et  dans  la  péninsule  d’Apchéron.  L’in- 
fluence des  vents  pluvieux  de  la  mer  Noire  ne  s’étend 
pas  au  delà  des  monts  Souram.  Quant  à la  Caspienne, 
elle  ne  fournit  qu’une  très  faible  quantité  de  pluie  et  de 
neige  aux  monts  orientaux  de  la  chaîne.  Il  est  vrai  que 
le  vent  continental  du  N.-E.  emprunte  une  certaine 
quantité  de  vapeur  d’eau  à la  Caspienne,  mais  il  la 
dépose  presque  en  entier  sur  les  premiers  contreforts 
du  Caucase,  au  pied  des  massifs  élevés  du  Daghestan. 

Quoique  la  grande  chaleur  de  l’été  contribue,  avec 
les  vents  secs,  à relever  la  limite  moyenne  des  neiges 
persistantes,  dans  le  Caucase,  bien  au-dessus  de  celle 
des  Pyrénées,  il  ne  faut  pas  en  conclure  que  la  tempé- 
rature moyenne  de  ces  montagnes  dépasse  celle  des 
Pyrénées  ou  même  des  Alpes.  Malgré  sa  latitude  méri- 
dionale, les  vents  froids  du  N.-E.  non  tempérés  par 
l’action  des  vents  chauds  du  S. -O.  qu’arrêtent  les 
plateaux  de  l’Asie-Mineure,  abaissent  la  température 
normale  du  Caucase.  Le  climat  oscille  autour  d’une 
même  moyenne  en  Caucasie  et  en  Suisse  ; mais  les 
extrêmes  s’écartent  beaucoup  plus  dans  la  région  ponto- 
oaspienne  que  dans  celles  de  l’Europe  centrale. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


45 


Températures  et  hauteurs  d'eau  pluviale  en  Caucasie, 
d'après  Voyeïkov , Stebnitzky , Statkovsky. 


Altitude 

Température 

Température 
ramenée  airniveau 
de  la  mer 

Eaux  pluviales 

Période 

d'observations 

(T)  C3 

Koufcaïs 

Sotchi 

147- 

22  5 

14°85 
14  33 

» 

» 

2m398 
2 098 

Années 

5 

3 

ci  3 

O <D 

2 S 

Poti 

6 

14  69 

» 

1 760 

4 

cz  t 

O c 

c 

Redout-Kaleh. 

6 

14  44 

» 

1 608 

22 

Ttf  \ 

S-,  l 

J 

Novo-Rossiisk 
r Vladikawkaz. 

4 

678 

13  44 
9 03 

» 

14°17 

0 762 
0 920 

2 

5 

Is 

O c 

02  ! 
C3 

| Alaghir 

701 

8 05 

1416 

0 972 

22 

O \ 
CD  '£  / 

O , 

P \ 

, Piatigorsk. . . . 

516 

9 37 

13  73 

0 548 

5 

3 ° 
0^1 
P Qj  ] 
C3 

ZJ  1 

O 

02  j 

O | 

1 Stavropol.  . . . 

589  5 

8 62 

13  30 

0 677 

9 

^ Derbent 

» 

1416 

» 

0 370 

2 

Souram 

734 

9 61 

14  61 

0 558 

25 

^<D 

Tiflis 

109 

12  67 

14  73 

0 471 

25 

Bakou 

18 

15  30 

» 

0 238 

10 

O 

2 

C3  1 

j Elisabethpol.  . . . 

458 

12  89 

1518 

0 209 

25 

O 1 

m 

fl 

Aralikh  (p.  l’Ararat) 

833 

1140 

15  52 

0 152 

22 

c3 

Sh 

■Lh 

Chémakha 

679 

11  13 

15  20 

0 380 

25 

Choucha 

1122 

8 01 

15  58 

0 528 

22 

, Alexandropol  . . . 

1469 

5 35 

15  13 

0 316 

25 

Au  Caucase,  où  les  journées  les  plus  courtes  sont  de 
9 h.  14  m.,  les  plus  longues  de  15  h.  10  m.  entre  le 
lever  et  le  coucher  du  soleil,  et  où  les  aurores  et  les 
crépuscules  sont  de  très  courte  durée,  la  zone  la 
plus  salubre  pour  l’homme  est  comprise  entre  750  et 
2,000  m.  d’altitude.  La  hauteur  d’environ  1,200  m. 
ost  la  plus  recherchée. 


46 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Le  littoral  de  la  mer  Noire,  sur  une  longueur  d’en- 
viron 400  kil.,  à la  base  du  Caucase  occidental,  devien- 
dra une  autre  Crimée,  quand  l’insalubrité  du  sol  aura 
disparu.  Toutefois  l’Abkhazie  a le  désavantage  d’être 
peu  abritée,  si  ce  n’est  sur  le  versant  méridional  des 
chaînons  latéraux.  La  masse  considérable  d’eaux 
marines,  à une  température  moyenne  élevée,  qui  rem- 
plit les  abîmes  de  la  mer  Noire  au  bord  de  la  côte, 
contribue  puissamment  à réchauffer  Tatmosphère  ; 
jusqu’à  la  fin  de  novembre,  elle  maintient  une  tempé- 
rature de  14  ou  15°,  et  la  moyenne  des  mois  d’hiver  à 
Soukhoum-Kaleli  varie  de  7°3  à 8°5.  Les  vents  du 
S.- O.  y soufflent  avec  violence  en  automne  et  au  prin- 
temps, et  portent  quelquefois  en  Colchide  la  froidure 
hivernale  des  plateaux  âè l’Anatolie  ; quand  ils  régnent, 
la  navigation  devient  très  périlleuse  dans  ces  parages, 
qui  manquent  de  bons  ports  de  refuge.  La  côte  d’Ab- 
khazie est  protégée  contre  les  vents  du  N.-E.,  froids 
courants  polaires  qui  viennent  de  parcourir  les  steppes 
de  la  Caspienne  et  de  la  Kouma  ; mais  à son  extrémité 
du  Nord,  le  Caucase  occidental  n’est  plus  assez  élevé 
pour  empêcher  le  passage  de  ce  vent  glacial.  Le  bora , 
car  les  marins  italiens  et  grecs  qui  fréquentent  la  mer 
Noire  ont  donné  à ce  vent  le  même  nom  qu’au  fléau  du 
golfe  dè  Trieste,  descend  en  rafales  des  collines  qui  sépa- 
rent les  steppes  et  Novo-Rossiisket  bouleverse  la  mer. 

Toute  la  région  côtière  de  la  mer  Noire  est  très 
humide  et  en  même  temps  certaines  parties  du  pays 
souffrent  souvent  d’un  excès  de  sécheresse.  La  tempé- 
rature moyenne  de  Koutaïs  (14°85)  est  d’environ  un 
degré  et  demi  plus  élevée  qu’elle  ne  semblerait  devoir 
l’être,  à en  juger  par  le  climat  des  villes  du  littoral. 
Cette  anomalie  est  causée  par  le  vent  d’E.  sec,  brûlant 
et  d’une  grande  impétuosité,  qui  souffle  fréquemment 
sur  la  vallée  du  Rion,  flétrissant  les  plantes,  énervant 
les  hommes  et  les  animaux.  De  l’E.  à LO.  le  vent 
s’affaiblit  peu  à peu  ; à Poti  il  n’est  plus  désagréable  et 
ne  se  fait  plus  sentir  à Redout-Kaleh.  Le  moindre 
courant  d’air  venu  de  T O.  qui  succède  au  vent  d’E. 
dans  la  vallée  du  Rion,  annonce  les  nuages  pluvieux 
de  la  mer  Noire. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


47 


Le  bassin  de  TAraxe  est  une  des  contrées  de  la 
Transcaucasie  ou  l’on  a le  plus  à souffrir  des  extrêmes 
de  température.  Le  climat  d’Erivan  est  encore  plus 
excessif  que  celui  de  Tiflis.  Tandis  qu’en  hiver  la 
température  peut  descendre  à — 30°,  et  même  — 33°, 
et  qu’elle  est  en  moyenne  de  — 15°  pour  tout  le  mois  de 
janvier,  ce  qui  s’explique  en  partie  par  la  hauteur  de  la 
plaine,  située  à un  millier  de  mètres  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer,  les  chaleurs  de  l’été  dépassent  40, 
atteignent  même  44  et  45°.  Aussi  les  fièvres  malignes 
et  autres  maladies  y sont-elles  fréquentes.  Heureuse- 
ment que  pendant  les  chaleurs  la  plaine  d’Erivan  est 
balayée  tous  les  soirs  par  un  vent  du  N.  ou  du  N.-N.- 
0.,  sorte  de  mistral  qui  descend  avec  une  extrême 
véhémence  des  montagnes  d’Alagôz. 

L’ensemble  des  massifs  volcaniques  des  monts 
Trialeth  et  des  terrasses  montueuses  qui  s*élèvent  à 
l’G.  de  Tiflis,  forme,  en  avant  de  l’Asie-Mineure,  une 
sorte  de  promontoire  qui  est  pour  la  Kartalinie  le  grand 
laboratoire  des  orages.  Une  autre  zone  d’orages  et  de 
tempêtes  de  grêle  s’étend  à la  base  des  montagnes 
d’Elisabethpol. 


HYDROGRAPHIE  1 

Le  régime  des  eaux  du  Caucase  se  rattache  d’une 
manière  directe  à celui  des  glaciers.  Ces  derniers  sont 
en  effet,  les  sources  premières  des  principales  rivières, 
le  Kouban,  le  Térek  et  le  Rion.  Seule,  la  Koura  prend 
naissance  dans  une  vallée  marécageuse  du  district 
d’Ardaglian.  Toutefois,  un  grand  nombre  de  ses 
affluents,  la  Liakhva,  la  Ksanka,  l’Aragva,  la  Yora  et 
l’Alazan  descendent  des  glaciers. 

Si  les  cours  d’eau  sont  très  nombreux  sur  les  deux 
versants,  les  lacs  sont  relativement  très  rares,  surtout 
dans  le  Caucase  septentrional.  Le  Grand-Caucase 
n’en  compte  que  deux,  le  Kéli  à 3,200  m.  (au 
S.-E.  du  Kazbek  et  à l’O.  de  la  station  deGoudaour), 

1.  D’après  Lemosofï  (Grande  Encyclopédie). 


48 


GUIDE  AU  CAUCASE 


qui  donne  naissance  à la  rivière  Ksanka,  et  le  lac 
Forelnoé,  dans  le  groupe  de  l’Andi.  En  Transcaucasie, 
les  lacs  sont  plus  nombreux.  Le  plus  important,  le 
Goktchaï  (Sévanga  des  Arméniens),  à une  altitude 
de  2,000  m.,  occupe  une  surface  de  1,370  kil. 
carrés.  Les  autres,  à des  altitudes  très  élevées,  ceux  de 
Tébitskouri  près  Borjom,  de  Limasse  près  Donchet 
(gouvernement  de  Tiflis)  ne  changent  point  l’état 
physique  du  pays.  La  plupart  nourrissent  une  grande 
quantité  de  poissons  ; quelques-uns  comme  le  Topo- 
rovan  (gouvernement  de  Tiflis)  et  le  Tchaldir  (ou 
Galdir),  près  de  Kars,  ont  une  certaine  importance  par 
la  régularité  qu'ils  impriment,  en  quelque  sorte,  à la 
Kouraet  à l’Araxe,  en  alimentant  un  certain  nombre  de 
leurs  affluents.  A citer  encore  le  Paléostom,  au  fond 
vaseux,  avec  une  profondeur  d’environ  4 mètres,  situé 
près  de  Poti  et  qu’il  était  question  d’utiliser  comme 
port.  Un  autre,  l’Akh-Zibir,  sur  le  bord  de  la  Caspienne, 
a 16  kil.  de  long  et  2,200  m.  de  largeur.  Quant  aux 
rivières  du  Caucase,  dont  plusieurs  se  perdent  dans  les 
sables  de  la  steppe  avant  d’atteindre  la  mer,  un  système 
intelligent  de  canalisation  ne  tardera  probablement  pas 
à les  utiliser.  Le  Kouban  et  le  Rion  peuvent  être  rendus 
navigables.  La  Koura,  le  Térek  et  l’Araxe  semblent 
destinés  par  la  nature  spécialement  à l’irrigation.  La 
disposition  de  presque  tous  les  autres  cours  d’eau  permet 
d’en  tirer  avantageusement  parti  comme  force  hydrau- 
lique. 

GÉOLOGIE  1 

A la  fin  des  dépôts  jurassiques,  de  formidables 
éruptions  ont  soulevé  le  Caucase  et  la  chaîneTaurique 
qui,  pendant  l’époque  de  la  craie,  ont  formé  deux 
longues  îles  étroites.  La  fin  de  l’époque  crayeuse  vit 
soulever  les  monts  d’Akhaltzik  avec  une  partie  des 
flancs  du  Caucase.  Pendant  l’époque  tertiaire,  la  mer 
Noire  et  la  mer  Caspienne  communiquaient  par  un 

1.  D’après  Dubois  de  Montpéreux,  Élisée  Reclus,  Vivien  de 
Saint-Martin  et  P.  Lemosofï. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


49 


long  et  large  bras  de  mer  resserré  par  l’île  caucasienne 
au  S.  et  par  le  plateau  crayeux  du  Don  au  N.  Au  delà 
du  Caucase,  il  ne  paraît  pas  que  la  communication 
existât  ; seulement  deux  grands  golfes,  de  Colchide  et 
de  Géorgie,  venaient  se  toucher  par  leurs  extrémités, 
séparés  seulement  par  l’isthme  étroit  et  porphyrique 
qui  servait  de  pont  entre  la  chaîne  du  Caucase  et  celle 
d’Akhaltzik.  La  plupart  des  rivières  existaient  déjà 
dans  la  partie  supérieure  de  leur  cours  ; l’Aragva,  le 
Térek,  le  Kouban,  le  Phase-Rion.  Le  soulèvement  qui 
eut  lieu  à la  fin  de  l’époque  quaternaire  donna  en  gros 
aux  pays  du  Caucase  la  forme  qu’ils  ont  à présent. 

Dans  son  ensemble,  la  chaîne  suit  la  même  direction 
que  les  monts  de  la  Perse,  la  plupart  des  crêtes  de 
l’Asie-Mineure  et  tant  d’autres  systèmes  montagneux 
du  continent.  L’origine  du  Caucase  se  rattache  donc 
aux  lois  qui  ont  plissé  une  grande  partie  de  la  surface 
de  l’ancien  monde.  Avec  une  régularité  dont  aucune 
autre  chaîne  n’offre  d’exemple,  il  se  prolonge  au  delà 
de  ses  roches  saillantes  par  des  buttes  d'argile  que 
vomissent  des  lacs  souterrains  cle  boue  toujours  en 
ébullition  volcanique.  Des  deux  côtés,  une  péninsule 
basse,  frémissant  sous  la  pression  des  matières  enfer- 
mées, se  continue  dans  la  mer  : à l’O.  c’est  la  péninsule 
de  Taman  ; à l’E.  celle  d’Apchéron.  La  première  est  à 
peine  séparée  d’une  autre  presqu’île,  celle  de  Kertch, 
projetée  par  les  monts  de  la  Crimée,  tandis  que  la 
seconde  se  poursuit  dans  la  Caspienne  par  des  îlots 
volcaniques,  puis  par  un  seuil  immergé  qui  sépare 
nettement  les  deux  grandes  cavités  marines  du  N. 
et  du  S.  De  part  et  d’autre  la  sonde  descend  à 400  m. 
plus  bas  que  sur  la  ligne  de  prolongement  du  Cau- 
case. Sur  la  rive  orientale  de  la  mer,  le  cap  auquel  se 
rattache  le  seuil  sous-caspien,  au  N.  de  la  péninsule 
de  Krasnovodsk,  est  le  point  de  départ  d’une  chaîne  de 
hauteurs,  montagnes,  collines,  simples  rochers  ou 
rebords  escarpés  du  plateau,  qui  continuent  exactement 
la  ligne  du  Caucase  jusqu’à  la  vallée  de  Mourghale 
entre  Merv  et  Hérat.  C’est  par  ces  hauteurs  et  celles 
du  N.  de  l’Afghanistan  que  le  système  du  Caucase  est 
relié  à celui  de  l’Hindou-Kouch. 


4 


50 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Les  vomitoires  de  boue  de  la  péninsule  de  Taman 
étaient  jadis  beaucoup  plus  actifs  qu’aujourd’hui.  Ils 
sont  alignés  sur  Taxe  ou  le  prolongement  des  faîtes 
parallèles  delà  presqu'île,  et  c'est  sur  la  continuation 
d'un  de  ces  faîtes,  dans  le  voisinage  de  la  ville  de 
Temrouk,  qu’un  îlot  volcanique  jaillit  en  1799;  cet  îlot, 
qui  avait  environ  400  m.  de  circonférence  et  dont 
la  boue  noirâtre  s’élevait  à 4m.  au-dessus  de  la  mer 
d'Azoff,  disparut  bientôt,  mais  pour  être  remplacé  en 
1814  par  un  deuxième  cône  de  débris  qui  se  montra 
pendant  quelque  temps  au-dessus  des  flots.  Les  mon- 
ticules boueux  de  la  péninsule  de  Taman  sont  parmi 
les  plus  remarquables  de  la  terre,  car  ils  présentent 
toute  la  série  des  phénomènes  entre  le  simple  suinte- 
ment des  boues  et  les  explosions  volcaniques  ; les 
Cosaques  petits-russiens  ont  donné  à plusieurs  d'entre 
eux  le  nom  de  Peklo  ou  « enfer  ».  L’îlot  de  Temrouk, 
en  1799,  lança  des  flammes  et  de  la  fumée.  A 12  kilo- 
mètres au  N. -O  de  Taman,  le  Koukou-Oba  ou  la 
((  colline  bleue  » ouvrit  son  cratère  pendant  l’hiver  de 
1794  avec  accompagnement  de  flammes  et  lança  des 
fragments  de  terre  gelée  à plus  d’un  kilomètre  de 
distance.  D'autres  buttes  rejettent  des  pierres  en  même 
temps  que  des  boues  argileuses.  Les  vases  contiennent 
aussi  des  algues,  des  racines  de  joncs  et  de  plantes 
aquatiques  di  verses;  la  source  du  volcan  est  évidemment 
en  communication  avec  le  fond  des  ((  limons  » et  le  lit 
de  la  mer  ; on  dit  que  lors  des  tempêtes  on  entend  un 
mugissement  continu  dans  le  puits  des  montagnes  de 
boue.  Jadis  des  fragments  de  poteries  grecques  et 
scythiques  se  trouvaient  en  très  grande  quantité  dans 
les  argiles  rejetées  par  les  cratères  et  dans  le  voisinage 
immédiat  des  monticules.  Pallas  se  demande,  pour 
expliquer  la  présence  de  ces  débris,  si  les  anciens 
n’avaient  pas  l'habitude- de  jeter  des  vases  et  autres 
objets  en  offrande  aux  volcans. 

Les  sources  qui  distillent  le  naphtedans  la  péninsule 
et  sur  le  versant  septentrional  du  Caucase  de  l’O.  sont 
alignées  aussi  dans  le  même  sens  que  les  buttes  d’argile 
boueuse.  La  région  de  formation  tertiaire,  contenant 
l’huile  de  naphte,  s’étend  sur  un  espace  émergé  d’au 


GUIDE  AU  CAUCASE 


51 


moins  1,550  kilomètres  et  se  continue  aussi  sous  les 
limons.  Les  eaux  du  lac  de  Temrouk  contiennent  une 
légère  proportion  de  naphte,  ce  qui  n’empêche  pas  les 
brochets,  les  perches  et  d’autres  poissons  d’y  prospérer. 

La  presqu’île  d’Apchéron,qui  forme  le  prolongement 
oriental  de  la  chaîne  du  Caucase,  et  le  littoral  qui  se 
développe  au  S.  jusqu’aux  bouches  de  la  Koura,  sont 
le  théâtre  d’une  incessante  activité  volcanique  ; des 
jets  de  gaz,  des  eaux  chaudes,  des  sources  d’huile 
minérale,  des  volcans  de  boue  et  même  de  lave,  témoi- 
gnent de  la  fermentation  intérieure  du  sol  dans  toute  la 
région  qui  s’arrondit  en  demi-cratère  autour  du  golfe 
de  Bakou.  On  dirait  que  les  forces  qui  soulèvent  le 
Caucase  font  effort  en  cet  endroit  pour  en  continuer  le 
rempart  à travers  la  Caspienne,  et  cependant  il  y a eu 
affaissement  pendant  la  période  récente,  ainsi  que  le 
prouve  l’édifice  englouti  dans  le  port  de  Bakou  et  ainsi 
que  le  raconte  la  tradition  d’après  laquelle  l’île  de 
Nargin  aurait  fait  autrefois  partie  du  continent.  Depuis 
le  xe  siècle  jusqu’à  nos  jours,  la  côte  de  la  Caspienne, 
à l’extrémité  orientale  du  Caucase,  a été  soumise  à des 
alternatives  d’oscillation  ; après  avoir  été  de  18  m. 
plus  haute  qu’aujourd’hui,  elle  descendit  à 5 m.plus 
bas,  pour  se  relever  de  nouveau,  puis  s’abaisser  encore. 
La  péninsule  d’Apchéron  tout  entière  et  les  diverses  îles 
qui  la  continuent  à l’Orient  sont  évidemment  dressées 
hors  des  flots  par  la  poussée  intérieure,  mais  d’une 
manière  inégale,  car  le  relief  du  sol  porte  les  traces  de 
nombreux  plissements,  semblables  à ceux  d’une  étoffe, 
et  provenant  sans  doute  de  pressions  latérales.  Des 
marécages  emplissent  toutes  les  cavités  du  terrain-. 
Quant  à la  pointe  de  la  presqu’île,  elle  a été  pour  ainsi 
dire  taillée  en  faucille  comme  les  terres  sablonneuses 
du  delta  de  la  Koura.  L’île  Sainte  « Svatoï  ost.rov  » 
appelé  aussi  Paralagaï,  au  N.  de  la  pointe  d’Apchéron, 
a pris  une  forme  analogue.  Cette  île  et  toutes  celles  des 
environs  sont  de  formation  volcanique  ; l’une  d’elles, 
Koumani,  s’éleva  du  fond  de  l’eau  en  1864;  une  autre, 
Lozi,  fit  trois  fois  éruption  en  1876  et  rejeta  des  pierres 
jusque  sur  le  cap  Alat  dans  le  continent. 

Des  tremblements  de  terre  se  produisent  à des  inter- 


52 


GUIDE  AU  CAUCASE 


valles  rapprochés  dans  les  vallées  de  l’Araxe  et  de  la 
Koura.  En  outre,  des  soulèvements  réguliers  du  sol 
ont  eu  lieu  aux  deux  extrémités  de  la  chaîne  cauca- 
sienne. Les  falaises  escarpées  qui  dominent  le  petit 
port  de  Pét.rovsk,  dans  le  Daghestan,  sont  marquées 
de  lignes  horizontales  qui  furent  taillées  jadis  par  le 
heurt  continu  des  vagues.  Sur  les  côtes  de  l'Abkhazie 
les  traces  des  mouvements  de  la  rive  sont  aussi  de 
toute  évidence  ; jusqu’à  la  hauteur  de  150  m.  se 
voient  d’anciennes  terrasses  marines,  plages  aban- 
données, semblables  à celles  que  vient  laver  actuelle- 
ment le  flot  de  la  mer.  Les  sources  marécageuses,  qui 
suintent  du  sol  à cette  hauteur,  renferment  des  crus- 
tacés des  mêmes  espèces,  Mysis  et  Gammarus , que 
celles  qu’on  retrouve  dans  la  mer  Noir.e.  Le  petit  lac 
Abraou,  près  de  Novo-Rossiisk  contient  aussi  une 
faune  demi-marine  qui  s’est  adaptée  peu  à peu  à l'eau 
douce.  Peut-être  les  oscillations  du  sol  qui  ont  soulevé 
ces  lacs  ont-elles  eu  lieu  pendant  la  période  quater- 
naire, mais  des  mouvements  récents  se  sont  certaine- 
ment produits.  Les  débris  de  constructions  que  l’on 
voit  dans  les  alluvions  près  de  Soukhoum-Kaleh,  au- 
dessus  et  au-dessous  du  niveau  de  la  mer,  prouvent 
que,  depuis  l’époque  historique,  le  sol  s’est  d’abord 
abaissé  sous  le  flot  marin,  puis  qu’il  émergea  et  qu’il 
s’affaisse  de  nouveau.  Des  ruines  sont  aujourd’hui 
couvertes  de  5 à 6 m.  d’eau.  La  mer  a rejeté  après 
les  tempêtes  quelques  monnaies,  des  anneaux  et 
d’autres  objets  antiques.  Comme  à Bakou,  il  y a donc 
eu  en  cet  endroit  soit  un  affaissement  graduel,  soit  un 
effondrement  local. 

Non  seulement  le  Caucase  n’a  pas  de  lacs  semblables 
à ceux  des  Alpes,  mais  il  n’a  même  pas  de  ces  vasques 
lacustres  comme  on  en  rencontre  tant  dans  les  mon- 
tagnes de  la  Suisse  et  du  Tyrol.  Quant  aux  lacs  d’eau 
douce  qui  s’étendaient  au  pied  des  monts,  dans  les 
plaines  des  deux  versants,  ils  se  sont  vidés  depuis  la 
période  glaciaire.  Un  de  ces  anciens  lacs,  contemporain 
des  éruptions  volcaniques  de  la  contrée,  est  celui  que 
remplacent  maintenant  les  campagnes  de  Vladikaw- 
kaz  et  d’Alaghir,  dans  la  vallée  du  Térek.  Un  autre 


GUIDE  AU  CAUCASE 


53 


lac,  non  moins  vaste,  emplissait  au  S.  le  bassin  de  la 
Kartalinie,  entre  Souram  et  Mtzkhet,  et  disparut  lors 
de  la  rupture  des  barrages  qui  arrêtaient  les  eaux  de  la 
Koura.  Toute  la  vallée  de  l’Alazan  et  celle  de  son 
tributaire,  FAïritchaï,  étaient  également  remplies  d’eau, 
et  le  lac  ne  put  trouver  une  issue  que  par  une  cluse 
s’ouvrant  à angle  droit  dans  les  contreforts  avancés  du 
Caucase.  Toutes  les  vallées  fluviales  qui  descendent 
du  Caucase,  celles  du  Kouban  et  de  ses  affluents,  de 
même  que  celle  de  la  Koura,  notamment  au  bassin 
d’Akhaltzik,  servirent  de  réservoirs  à des  eaux  lacus- 
tres ; on  peut  dire  pour  ce  pays  que  toutes  ses  rivières 
sont  des  lacs  étranglés,  des  fjords  rétrécis.  Le  Petit  ou 
Anti-Caucase,  vaste  plateau  montueuxou  ensemble  de 
massifs  irréguliers  et  dirigeant  leurs  axes  vers  des 
angles  divers,  offre  par  cela  même  beaucoup  plus  de 
dépressions  sans  issue  et  contraste  par  ses  lacs  avec  la 
chaîne  ponto-caspienne. 

Les  cimes  les  plus  élevées  du  Caucase  sont  grani- 
tiques. Sur  les  deux  flancs  se  présentent  d’abord  des 
porphyres,  puis  des  schistes  cristallins,  et  enfin  des 
terrains  sédimentaires  qui  en  recouvrent  la  base  et 
s’allongent  dans  la  plaine.  Les  granits  appartiennent 
aux  plus  anciennes  formations  géologiques  et  dominent 
dans  le  Caucase  central,  surtout  entre  l’Elbrouz  et  le 
Kazbek  ; on  les  rencontre  aussi  à l’origine  des  monts 
Andi,  dans  la  partie  N.-E.  des  monts  Souram  et  dans 
ceux  de  Karabagh.  Les  roches  porphyriques  sont 
composées  de  porphyre  rouge,  d’amphibole  et  de 
pyroxène noire  (augite).  Elles  contiennent  généralement 
des  diorites,  des  diallages  et  des  serpentines  ; elles  sont 
souvent  mêlées  à des  roches  plus  modernes  d’origine 
volcanique.  Celles-ci  sont  des  trachytes  et  des  dolérites 
qui,  dans  le  Petit-Caucase,  affectent  fréquemment  la 
forme  d’anciennes  coulées  de  lave,  accompagnées  d’ob- 
sidienne et  de  pierre  ponce.  Ces  roches  ne  forment 
nulle  part  de  grandes  masses  ; on  les  rencontre  surtout 
dans  la  petite  chaîne  volcanique  d’Alaghôz,  sur  la  rive 
occidentale  du  lac  Goktchaï,  dans  les  monts  Ararat  et 
dans  la  petite  chaîne  qui  les  prolonge  vers  l’O.  Toutes 
ces  régions  renferment  en  quantité  des  sources  ther- 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


males.  Les  formations  sédimentaires  se  composent  de 
grès, de  schistes, de  craies,  de  marnes,  etc.,  appartenant 
à plusieurs  époques  géologiques.  Ainsi  dans  le  Petit- 
Caucase  et  surtout  en  Arménie,  au  S.  de  l’Araxe,  on 
trouve  des  terrains  carbonifères.  Les  terrains  crétacés 
ont  une  grande  importance  dans  le  Caucase  proprement 
dit,  où  ils  forment  les  deux  extrémités  de  la  grande 
chaîne,  la  presque  totalité  des  chaînes  secondaires,  et 
où  ils  s’étendent  au  N.  jusque  dans  le  plateau  de 
Stavropol. 

MINÉRALOGIE  ET  MINES  1 

Les  richesses  métalliques  du  Caucase  sont  fort 
variées  et  les  gisements  fort  importants.  En  Ciscau- 
casie,  on  trouve  de  la  houille,  du  plomb  argentifère;  au 
Daghestan,  du  soufre  ; en  Transcaucasie,  du  fer,  du 
cuivre,  du  manganèse,  du  plomb,  de  l’argent,  du  zinc, 
du  cobalt,  de  l’alun,  du  sel  gemme,  du  sel  Glauber,  de 
la  houille,  sans  parler  du  naphte  que  l’on  exploite  sur 
les  deux  côtés  de  l’isthme,  à l’O.  au  Kouban  et  à TE. 
dans  la  péninsule  d’Apchéron. 

Les  exploitations  minières  au  Caucase  semblent 
assurées  du  plus  bel  avenir.  Jusqu’ici,  les  recherches 
ont  été  très  nombreuses,  mais  peu  pratiques.  Voici, 
avec  les  moyennes  approximatives  de  production  ou  de 
rendement  annuel,  les  noms  des  principales  usines, 
mines,  salines,  houillères,  etc.,  qui  donnent  des  résul- 
tats: T Cuivre.  Gouvernement  de  Tiflis  : Alaverdy. 
Akhtal  (Société  française),  moyenne  annuelle:  3,000 
pouds  cuivre  ; Chamlouk,  540  p.  c.  Gouvernement 
d’Erivan  : Cicimadan.  Gouvernement  d’Elisabethpol: 
KédabeketKalakent, 38,000,000  p.  c.  ; Delijane,  2,700p. 
minerai , Ouzourtchaï,  3,700  p.  c.;  Katar,  2,000  p.  c. 
Galizour,  500  p.  ; Lazarevsky,  800  p.  c.  D’autres  gise  - 
ments de  cuivre  se  trouvent  dans  le  bassin  du  Tchorok 
et  en  Kakhétie.  — 2°  Plomb  argentifère.  Province 

1.  D’après  les  données  fournies  par  l’Administration  des 
Mines  au  Caucase,  et  les  notes  de  M.  Thiébaut. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


55 


du  Térek,  vallée  cl’Alaghir  : Sadone  (mine  et  fonderie 
appartenant  à l’Etat),  teneur  de  la  galène  pure:  75  % 
de  plomb  et  2 kilos  d’argent  à la  tonne  ; Holst  (à  15  kil. 
de  Sadone),  776  p.  de  minerai,  3 zolotnik  d’argent  et 
23  livres  de  plomb.  District  de  Batoum:  Vaïo,  près 
Artvine,  100  p.  minerai.  — 3°  Fer.  Gouvernement 
de  Tiflis  : Tchasakh  a donné  autrefois  900  tonnes  de 
fonte,  avec  1,600  tonnes  de  minerai.  L’usine  n’a  pas 
prospéré,  les  propriétaires  n’ayant  voulu  faire  que  la 
fusion  du  minerai  au  lieu  de  fer  dont  le  Caucase  a 
besoin.  — 4°  Zinc.  District  de  Batoum  : Hot,  1,000p. 
minerai.  — 5°  Cobalt.  Daghestan,  et  gouvernement 
d’Élisabethpol  : 116  p.  de  cobalt  ; 111p.  fer  magné- 
tique. — 6U  Manganèse.  Gouvernement  de  Koutaïs  : 
Tchiatoury,  4,300,000  p.  minerai.  — 7°  Soufre. 
Daghestan  : Tchirkat  ou  Khiout,  80,000  p.  minerai  ; 

72.000  p.  soufre.  — 8°  Sel  de  Glauber.  Gouver- 
nement de  Tiflis  : 72,000  p.  — 9°  Houillères.  Pro- 
vince du  Kouban  : 1.300,000  p.  charbon.  Gouver- 
nement de  Koutaïs  : Tkwibouly,  10,000  tonnes. 
— 10°  Salines.  Gouvernement  cl’Erivan  : Koulpa. 

625.000  p.  sel;  Nakitchévan,  300,000  p.  s.;  Soustine, 

141.000  p.  s.  Province  de  Kars  : Kaghisman,  710,000 
p.  s.  Gouvernement  de  Bakou  : Lacs  salés,  335,000  p.  s. 
Daghestan  : Lacs  salés,  120,000  p.  s. — 11°  Naphte  : 


Province  du  Térek 

— Daghestan  . . . 

— Kouban 

Gouvernement  de  Tiflis 

— d’Elisabethpol 

— de  Bakou .... 

— id.  et 


90.000  p.  Naphte  brut, 

3,900  p.  — — 

1,000,000  p.  — — 

40.000  p.  — — 

80/)00  p.  — — 

124,000,000  p.  — — 

40,000  p.  de  kir. 


En  dehors  des  grandes  exploitations  de  Bakou,  de 
Kédabek  et  de  Sadone,  l’industrie  minière  est  encore 
dans  l’enfance  au  Caucase.  Les  gisements,  filons,  nids, 
couches  et  minéraux  de  toutes  sortes  y sont  cependant 
très  abondants.  La  Direction  des  Mines  du  Caucase 
reçoit  annuellement  près  de  100  déclarations  nouvelles. 
Parmi  les  dernières  on  peut  mentionner  du  graphite, 
du  mercure,  des  sables  aurifères  et  de  l’argent. 


56 


GUIDE  AU  CAUCASE 


EAUX  MINÉRALES  1 

On  désigne  sous  le  nom  générique  à! eaux  minérales 
du  Caucase  l’ensemble  des  émanations  hydro- miné- 
rales qui  existent  en  Ciscaucasie,  autour  du  Bechtaou 
(1,398m.)  à Piatigorsk,Yessentouki,  Kislavodsk,  Jeliez- 
novodsk,  quoique  d’autres  sources  importantes  se  ren- 
contrent également  dans  le  Caucase  et  la  Transcaucasie  ; 
mais  cette  désignation  un  peu  exclusive"  leur  a été 
donnée  parce  qu’elles  furent  les  premières  exploitées* 
puis  à cause  de  leur  nombre  et  de  leur  étonnante  variété. 
Ces  sources  ne  paraissent  avoir  été  découvertes  par  les 
Russes  que  dans  la  seconde  moitié  du  XVIIIe  siècle, 
mais  on  suppose  qu’elles  étaient  déjà  connues  en  1717, 
lors  de  la  mission  du  médecin  Schobert  que  le  tsar 
Pierre  le  Grand  envoya  à Pétrovsk  et  dans  le  Térek. 
Les  récits  de  divers  savants  voyageurs  comme  Pallas 
(1793),  Klaproth  (1807),  Dubois  de  Montpéreux  (1834) 
éveillèrent  l’attention  du  Gouvernement  russe  qui  créa 
dans  cette  contrée  un  centre  de  colonisation,  fit  élever 
la  ville  de  Piatigorsk,  devenue  depuis  1830  chef-lieu, 
du  district,  et  encouragea  l’exploitation  de  ces  eaux. 
Les  généraux  Obreskoff,  Ermolofï,  les  princes  Vo- 
rontzofï  et  Bariatinsky  contribuèrent  à la  formation 
des  établissements  thermaux  et  au  développement  des 
stations.  M.  Jules  François  (1874)  et  M.  Léon  Dru 
(1882),  chargés  de  missions  officielles  par  les  Gouver- 
nements français  et  russe,  ont  largement  ajouté  à la 
connaissance  de  ces  régions. 

Les  sources  qui  composent  les  groupes  du  Nord- 
Caucase  sont  sulfureuses  sodiques,  hydro-suif  urées, 
acidulés  alcalines,  bicarbonatées  ferrugineuses  acidulés* 
chlorosulfatées  sodiques  et  magnésiennes  acidulés,  avec 
ou  sans  brome  d’iode.  Leur  température  varie  de  10 
à 62°  c.  — Le  versant  S.  possède  aussi  de  nombreuses 
sources  sulfureuses,  alcalines,  carbonatées,  calcaires. 


1.  D’après  Lemosofï  ( Grande  Encyclopédie). 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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ferrugineuses  acidulés  et  des  chlorosulfatées  sodiques 
et  magnésiennes  : Kobi,  Tiflis,  Nakalakévi,  Borjom, 
Abastouman,  etc.,  etc.  Dans  la  partie  centrale  delà 
chaîne  et  au  Daghestan  il  y a peu  de  vallées  qui  ne 
renferment  pas  des  eaux  minérales.  La  nomenclature 
dressée  par  le  général  Chodzko  avec  les  additions 
récentes,  dépasse  le  chiffre  de  600  sources  diverses 
présentant  des  analogies  remarquables  avec  les  sources 
les  plus  célèbres  de  l’Europe  occidentale  (Vichy, 
Vais,  Luchon,  Spa,  Schwalbach,  Aix-la-Chapelle, 
Kissingen,  Marienbad). 


FAUNE  1 

L’ours  à collier  blanc,  le  loup,  le  chacal,  le  lynx,  le 
renard,  le  blaireau,  la  martre,  la  fouine,  l’écureuil  et 
le  chat  sauvage  peuplent  les  forêts  et  les  montagnes. 
Quelques  bisons  ( dombays ) se  rencontrent  près  de 
l'Elbrouz  ; leur  crinière  est  moins  fournie  que  celle  des 
bisons  lithuaniens.  Les  sangliers  se  cantonnent  dans 
les  fourrés  et  les  roseaux  au  bord  des  rivières  que 
fréquentent  les  loutres.  Les  cerfs,  chevreuils,  lièvres  se 
cachent  dans  les  halliers  ; à 2,500  pieds  habite  le 
chamois,  et  à 6,000  pieds,  sur  les  pics  de  la  Souanétie, 
du  Letchkoum  et  du  Kazbek  régnent  le  bouquetin  et 
le  touri  dont  les  cornes  polies  et  montées  en  argent 
servent  de  vases  à boire.  Les  gazelles,  hyènes,  petites 
panthères  ne  sont  pas  rares  dans  les  plaines  de  la  basse 
Koura  ; le  tigre,  venu  des  plateaux  de  la  Perse,  ne  se 
hasarde  pas  en  Transcaucasie  au  delà  du  Lenkoran. 

L’aigle  plane  sur  les  cimes  ; le  milan,  la  buse,  l’é- 
pervier,  le  faucop,  le  tiercelet,  le  hibou,  le  chat-huant 
décrivent  leurs  courbes  monotones  et  font  la  guerre 
aux  mulots  et  aux  taupes.  Les  faisans  et  francolins  sont 
assez  rares  aujourd’hui.  Les  perdrix  géantes  et  les 
tétras  nichent  dans  les  rochers  ; les  coqs  de  bruyère  se 
tiennent  à la  limite  des  bois  et  de  la  région  du  rhodo- 

1.  D’après  Élisée  Reclus. 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


dendrum  ; les  cailles  passent  au  mois  d’août.  Les 
bécasses,  bécassines,  doubles,  petites  et  grandes  ou- 
tardes, sarcelles,  canards,  vanneaux,  oies,  hérons, 
cormorans  s’ébattentà  côté  des  tortues  dans  les  marais 
où  grouillent  les  sangsues.  Les  mouettes  et  goélands 
viennent  annoncer  souvent  les  tempêtes  de  la  mer 
Noire.  Les  sansonnets  roses  exterminent  les  sauterelles  ; 
les  jolies  corneilles  bleues,  rossignols,  chardonnerets, 
merles,  rouges-gorges,  tourterelles,  ramiers,  grives 
répandent  dans  l’air  leur  douce  musique. 

Les  sterlets,  esturgeons,  saumons  remontent  de  la 
Caspienne  les  eaux  de  la  Koura  ; les  truites,  carpes  et 
une  loule  de  poissons  ((blancs»  nagent  dans  les  rivières, 
les  torrents  et  les  lacs. 

La  classe  des  reptiles  est  représentée  par  le  scorpion, 
les  phalanges  et  quelques  serpents  plus  ou  moins 
venimeux.  Mentionnons  les  moustiques  du  Gouverne- 
ment d’Erivan,  gros  cousins,  et  les  puces  blanches 
dont  les  piqûres  sont  malfaisantes  et  provoquent  des 
accès  de  fièvre  douloureux. 

Parmi  les  animaux  domestiques,  les  chevaux  du 
Caucase  et  surtout  du  Karabagh,  ont  une  réputation 
qu’ils  méritent.  Quoique  en  général  de  petite  taille, 
ils  sont  excellents,  sobres,  intelligents,  infatigables  et 
d’une  agilité  extrême.  Ils  valent  mieux  comme  bêtes  de 
selle  que  d’attelage.  Dans  les  steppes  et  sur  les  pâturages 
les  moins  élevés  on  entretient  de  nombreux  troupeaux 
de  moutons  à grosse  queue.  Les  paysans  les  plus 
pauvres  ont  au  moins  une  vache  ou  une  chèvre  pour 
fournir  à leurs  besoins.  La  race  de  bœufs  del’Oukraine 
a été  introduite  par  les  Tartares  de  la  Ciscaucasie.  Les 
buffles  et  les  chameaux  ont  le  triste  sort  de  ne  servir 
qu’aux  plus  pénibles  travaux.  Les  ânes  blancs  de 
Bakou  et  les  mulets  de  Souanétie  se  vendent  trois  fois 
plus  cher  que  ceux  de  la  plaine.  Les  chairs  fumées  des 
porcs  du  Ratcha  sont  fort  appréciées  des  gastronomes, 
et  les  chapons  mingréliens  sont  presque  aussi  succu- 
lents que  ceux  de  la  Bresse  et  du  Mans. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


5£ 


CHASSE 

Il  n’y  a pas  de  contrée  offrant  plus  que  le  Caucase 
un  terrain  propice  et  une  telle  variété  de  gibier  à plume 
et  à poil.  Le  chasseur  y trouve  : ours,  sanglier,  loup, 
hyène,  chacal,  renard,  blaireau,  lynx,  chat  sauvage, 
martre,  fouine,  loutre,  cerf, chevreuil,  gazelle,  bouquetin 
( touri ),  lièvre,  tétras  caucasica,  faisan,  perdrix,  fran- 
colin,  caille,  bécasse,  double-bécassine,  canard  et  tous 
les  gibiers  d’eau. 

Les  plus  belles  enceintes  de  tir  pour  la  grosse  bête 
sont  à Karaïas  (chasse  de  S.  A.  I.  le  grand-duc 
Michel)  ; Borjom  (id.)  ; au  Kouban  (chasse  de  S.  A.  I.  le 
grand-duc  Georges  Michaïlovitch)  ; Zougdidi,  etc.,  etc. 
Pour  le  faisan  et  le  francolin  : à Chamkor,  Moukhrane. 
Pour  le  bouquetin  : Tsékour  (Mingrélie),  la  Svanétie, 
Borjom,  les  environs  du  Kazbek.  Pour  les  gazelles  et 
lièvres,  les  environs  d’Elisabethpol.  Pour  les  cailles, 
presque  toutes  les  plaines  au  moment  du  passage.  Les 
loups,  renards,  chacals  se  rencontrent  un  peu  partout. 
Pour  le  gibier  d’eau,  le  Lenkoran,  Zougdidi,  le  lac 
Paléostome,  Tsékour,  etc.  La  Société  des  chasseurs 
du  Caucase  possède  des  chasses  gardées.  On  peut 
facilement  obtenir  d’un  des  membres  une  permission 
temporaire  ou  une  invitation  à une  battue.  Les  seules 
meutes  sont  celles  de  S.  A.  I.  le  grand-duc  Georges 
Michaïlovitch,  de  S.  A.  le  prince  d’Oldenbourg,  de 
S.  A.  le  prince  Achille  Murat.  Les  chiens  d’arrêt  sont 
en  général  des  séters;  les  chiens  courants  des  braques 
ou  des  lévriers.  On  ne  chasse  presque  plus  au  faucon 
ou  à l’épervier. 

PÊCHE 

La  Koura  n’a  guère,  dans  tout  son  cours  inférieur, 
d’utilité  industrielle  que  pour  la  capture  du  poisson 
qui  se  multiplie  prodigieusement  dans  ses  eaux.  Les 
diverses  pêcheries  de  Bank,  où  se  ramifient  les  bran- 
ches du  delta,  sont  probablement  les  lieux  de  la  terre 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


où  le  plus  grand  nombre  de  poissons  sont  capturés  en 
une  fois  : c’est  par  dizaines  de  milliers  que  les  pêcheurs 
de  la  Société  concessionnaire  tuent  les  poissons  blancs 
et  les  esturgeons,  par  centaines  de  milliers  qu’ils  exter- 
minent chaque  année  les  poissons  de  moindre  valeur. 
L’État  ne  retire  pas  moins  de  410,000  roubles  de  la 
location  des  pêcheries.  D’après  les  descriptions  de 
Pallas,  il  semble  que  la  multitude  des  poissons  était 
encore  beaucoup  plus  considérable,  il  y a un  siècle, 
dans  les  eaux  de  la  Koura  : on  y prenait  alors  15,000  es- 
turgeons en  un  seul  jour.  Quand  par  hasard  la  pêche 
se  trouvait  interrompue  pendant  vingt-quatre  heures, 
les  poissons  emplissaient  la  rivière  en  une  masse  mou- 
vante, et  pourtant  la  Koura  n’a  pas,  en  cet  endroit, 
moins  de  144  mètres  de  largeur  sur  22  de  profondeur. 

Tout  le  littoral  de  la  mer  Noire  est  très  poissonneux; 
èntre  Soukoum-Kaleh  et  Batoum,  on  pêche  des  dau- 
phins, des  esturgeons,  des  saumons,  des  soudaks,  des 
harengs,  des  céphales;  les  carpes  et  brochets  du  lac 
Paléostome  ont  un  goût  vaseux  désagréable.  Les  truites 
saumonées  des  lacs  Goktchaï,  Tébitskour  sont  renom- 
mées; les  esturgeons  du  Rion  sont  énormes.  Dans 
presque  tous  les  torrents  on  attrape  de  petites  truites 
et  dans  quelques  ruisseaux  des  écrevisses  et  une  espèce 
de  crabes  assez  délicats. 


FLORE1 

C’est  surtout  au  point  de  vue  de  la  flore  que  la  chaîne 
du  Caucase  forme  une  véritable  muraille  entre  deux 
mondes  : au  nord,  la  steppe  plate,  aride;  au  midi,  sur 
le  versant  le  plus  rapproché  de  la  mer  Noire,  la  végé- 
tation la  plus  riche  et  la  plus  variée.  Sous  le  rapport 
de  la  végétation  le  versant  méridional  se  divise  en  cinq 
zones.  La  première  s’étend  de  la  plaine  jusqu’à  la 
hauteur  où  l’on  cesse  de  cultiver  la  vigne,  c’est-à-dire 
une  altitude  moyenne  de  1,000  m.  (Dans  quelques 

1.  D’après  Élisée  Reclus,  Vivien  de  Saint-Martin,  Lemosoff 
(Grande  Encyclopédie ) et  les  notes  du  prince  André  Eristofï. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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régions  favorisées  de  la  partie  orientale  et  du  Petit- 
Caucase,  la  vigne  qui,  dit-on,  est  originaire  de  cette 
contrée,  réussit  jusqu’à  1,100  ni.)  Cette  zone  jouit 
d’une  température  élevée.  On  y cultive  tabac,  coton, 
riz,  mûrier  et  les  plantes  tinctoriales.  La  seconde  zone 
(entre  1,000  et  1,500  m.},  caractérisée  par  un  climat 
modéré,  est  favorable  à la  culture  des  jardins.  On  y 
sème  froment,  millet,  graines  oléagineuses;  les  noyers, 
amandiers,  pêchers,  abricotiers  y donnent  des  fruits 
en  abondance.  Au-dessus  de  1,500  m.  s’étendent  les 
grandes  forêts  ; le  climat  devient  frais  et  l’on  n’y  cultive 
plus  que  l’orge,  le  seigle,  l’avoine,  le  blé  de  mars. 
Dans  les  forêts  dominent  les  arbres  à feuilles  acicu- 
laires,  entremêlés  de  buis,  érables,  frênes,  aulnes, 
noyers  et  arbres  fruitiers  à l’état  sauvage.  Les  grandes 
forêts  ne  dépassent  guère  2,000  m.,  mais  on  trouve 
encore  des  arbres,  surtout  des  pins  et  des  bouleaux, 
jusqu’à  2,700  m.  Passé  cette  altitude,  on  ne  rencontre 
plus  que  bouleaux  nains,  saules  rampants  ou  arbustes 
particuliers  à ces  régions  (Rhododendron  Caucasicum, 
Azalea  Pontica ),  et  enfin  des  gazons. 

En  Transcaucasie,  les  glaciers  sont  entrecoupés  de 
petits  jardins  qui  forment  des  oasis  au  milieu  des 
neiges.  Dans  la  chaîne  centrale  également,  l’abondance 
des  verdures  sur  de  hautes  altitudes  frappe  vivement 
les  touristes.  Freshfield  cueillit  des  fleurs  sur  l’Oukou, 
glacier  au  N. -O.  du  Kochtan-taou,  à 4,200  m.  Radde 
trouva  des  fleurs  sur  fi  Elbrouz  à plus  de  4,000  m.  Les 
moraines  elles-mêmes  se  couvrent  vite  de  fleurs,  ce 
qui  permet  d’étudier,  en  même  temps  que  la  flore  du 
Caucase,  les  lois  du  mouvement  des  glaciers  dans  cette 
région,  car  chaque  recul  ou  avance  d'un  glacier  cor- 
respond à la  formation  ou  à la  disposition  dun  tapis 
de  gazon . 

En  Transcaucasie,  les  plantes  s’entremêlent  avec 
une  prodigieuse  variété  et  se  présentent  sous  leurs 
formes  les  plus  belles.  Grâce  à l’abondance  des  pluies 
et  à la  protection  que  la  haute  arête  du  Caucase  offre 
aux  arbres  contre  les  vents  desséchants  du  N.-E., 
les  diverses  essences  forestières  et  cultivées  montent 
beaucoup  plus  haut  sur  les  pentes  méridionales  des 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


montagnes  qu’on  ne  pourrait  s’y  attendre,  en  les  com- 
parant à d’autres  contrées  ayant  la  même  température 
moyenne.  En  aucun  pays  du  monde  on  ne  trouve  une 
aussi  grande  quantité  d’arbres  portant  des  fruits  à 
pépins  et  à noyaux  ; dans  les  forêts  de  la  Kartalinie  au 
S.-O.  du  Kazbek  se  voient  plusieurs  espèces  d’arbres 
inconnues  ailleurs,  qui  n’ont  pas  encore  été  améliorées 
par  la  culture  et  dont  les  baies  aigrelettes  sont  excel- 
lentes. 

Autant  les  forêts  de  la  Mingrélie  et  de  l'Abkhasie 
sont  opulentes  de  feuillage,  autant  leurs  jardins,  comme 
ceux  du  Lazistan,  sont  riches  en  fleurs  et  en  fruits 
auxquels  les  horticulteurs  de  l’Occident  donneraient 
facilement  du  parfum  et  une  saveur  exquise. 

Comme  clôtures,  de  jeunes  peupliers  plantés  très 
serrés  alternent  avec  les  acacias,  noisetiers,  mimosas  et 
mûriers  ; des  allées  de  rosiers  géants  et  de  chèvrefeuilles 
embaument  les  chemins;  aux  troncs  mousseux  des 
ormeaux  la  vigne  vagabonde  s’appuie  et  s’enroule  en 
liberté,  couvrant  de  ses  verts  arceaux  les  moissons 
dorées  de  maïs  ; sur  des  pelouses  de  gazon  les  arbres 
fruitiers  s’épanouissent  et  se  couvrent  de  leurs  plus 
brillantes  parures,  offrant  complaisamment  leur  abri 
et  suspendant  généreusement  en  été,  devant  les  fenêtres 
et  les  balcons  des  habitations,  leurs  fruits  et  leurs 
grappes  vermeilles. 

De  tous  les  bassins  des  rivières  du  Caucase,  c’est 
celui  du  Rion  qui  offre  le  plus  d’intérêt.  Il  est  fermé 
au  N.  par  les  rameaux  de  la  grande  chaîne,  à l’E.  et 
au  S.  par  les  montagnes  du  Petit-Caucase  et  celles 
d’Adjarie.  Cette  situation  exceptionnelle,  en  lui  assu- 
rant le  concours  de  deux  principaux  agents  naturels, 
la  chaleur  et  l’humidité,  crée  des  conditions  très 
favorables  au  développement  de  la  végétation.  Cette 
région  est  naturellement  d’une  admirable  richesse,  et, 
quoique  le  terrain  ne  soit  pas  excellent,  diverses  espèces 
de  plantes  et  certaines  essences  se  développent  avec 
une  rapidité  et  une  fraîcheur  étonnantes  : Dès  la  pre- 
mière année,  les  semis  sont  déjà  des  taillis,  et,  en  cinq 
ans,  ce  sont  des  forêts.  Splendides!  s’écrie  le  voyageur 
en  les  traversant  et  en  admirant  ces  arbres  gigantesques 


GUIDE  AU  CAUCASE 


63 


dont  les  cimes  sont  enlacées  par  des  plantes  grimpantes 
et  couronnées  de  vignes;  chaque  éclaircie  offre  un 
tableau  nouveau  : ici  un  groupe  de  rhododendrons,  de 
grenadiers  aux  fleurs  éclatantes  ou  un  bouquet  d’azalées, 
hune  des  gloires  de  la  flore  terrestre,  et  un  rideau  de 
buis,  dont  l’odeur  pénétrante  emplit  l’atmosphère;  là, 
des  noyers  et  des  châtaigniers  étalant  largement  leur 
frondaison  vernissée  ; sur  les  collines  le  laurier,  le 
sapin,  le  chêne  et  quelques  oliviers  entremêlant  et 
étendant  leurs  rameaux  ; plus  loin  un  fouillis  de 
charmes,  d’épicéas,  de  hêtres,  d’ormes,  de  tilleuls, 
d’érables  et  de  frênes  ; ailleurs  enfin,  sous  la  feuillée, 
de  petits  étangs  au  bord  desquels  les  aulnes,  les  joncs 
et  les  roseaux  encadrent  les  lis.  Malheureusement 
cette  végétation  luxuriante  qui  produit  comme  mau- 
vaises herbes  des  plantes  de  serre  chaude,  trésors  de 
nos  jardiniers  d’Europe,  est  un  grand  obstacle  à la 
culture;  mais  ce  n’est  pas  le  seul  ennemi  que  les 
indigènes  aient  à combattre;  il  en  est  un  autre  plus 
terrible  et  plus  invincible  : c’est  l’eau.  Le  sol,  la 
plupart  du  temps  argileux,  retient  l’élément  humide, 
et  les  plaines  se  couvrent  d’immenses  marais  et  de 
bourbeux  marécages.  Des  futaies  entières  restent 
immergées  pendant  des  années  à la  suite  des  grandes 
pluies,  des  inondations  et  des  débordements  des  rivières, 
et  sont  ainsi  irrévocablement  perdues,  leurs  proprié- 
taires n’ayant  pas  les  ressources  nécessaires  pour  faire 
des  drainages  coûteux  et  le  gouvernement  ne  pouvant 
les  aider.  A l’intérieur  comme  au  bord  des  forêts  et  des 
bois,  les  arbres  tombent  les  uns  sur  les  autres  ; quand 
l’un  d’eux  s’est  couché,  entraînant  avec  lui  quelques-uns 
de  ses  voisins,  il  pourrit  à moitié  dans  beau,  et  sur 
son  cadavre  la  végétation  naît,  grandit,  se  multiplie, 
s’étend  de  tous  côtés  avec  une  incroyable  puissance. 
Beaucoup  de  grands  arbres  inclinés  ne  tiennent  plus 
qu’à  demi  au  sol  par  leurs  racines,  et  d’autres  tiges 
repoussent  sur  leurs  troncs.  On  ne  saurait  faire  cin- 
quante pas  sans  se  servir  de  la  hache.  A vrai  dire,  on 
ne  voit  pas  la  terre;  on  trébuche  sur  des  débris  d’arbres 
ou  dans  l’eau,  à travers  des  barrières  infranchissables 
de  lianes  et  de  convolvulacées  gigantesques. 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


Sous  ce  rapport,  la  différence  est  frappante  entre  le 
bassin  du  Rion  et  celui  de  la  Koura  qui  n’est  pas 
accessible  aux  vents  chauds  et  humides  de  la  mer  à 
cause  des  monts  Souram  qui  le  bornent  à FO.  Tandis 
que  le  bassin  du  Rion  est  durant  tout  l’été  un  vaste 
jardin  riche  en  paysages  verdoyants  et  boisés  que 
vient  cependant  quelquefois  balayer  un  horrible  vent 
d’E.  sec  et  suffocant,  en  Géorgie  les  magnolias  blancs 
supportent  mal  l’hiver;  en  Kakhétie  les  ceps  de  vigne 
périssent  souvent  par  la  gelée,  et  les  rayons  ardents 
du  soleil  y brûlent  la  verdure. 

Par  l’ensemble  de  sa  végétation,  la  Transcaucasie 
occidentale  a plus  d’analogies  avec  la  France  atlantique 
•et  l’Europe  centrale  qu’avec  les  régions  du  littoral 
méditerranéen,  mais,  par  plusieurs  traits,  la  flore 
mingrélienne  semble  appartenir  aux  deux  zones  à la 
fois.  L’indigotier  croît  sur  les  bords  du  Rion,  à côté 
du  cotonnier.  En  Lazie  se  voient  quelques  rares 
et  chétifs  arbustes  à thé;  le  ramie,  l’araucaria  sont 
aussi  acclimatés  dans  le  pays.  L 'Eucalyptus  ne  réussit 
pas  en  Transcaucasie.  L’olivier  n’a  pu  être  introduit 
définitivement  sur  le  littoral  de  la  Mingrélie.  En  1850 
les  citronniers  prospéraient  à Poti,  dans  le  delta  du 
Rion  ; un  hiver  rigoureux  les  a fait  presque  tous  périr. 

Des  peupliers,  de  forme  pyramidale,  et  plantés  de 
main  d’homme,  dominent  dans  les  vallées  de  l’Araxe  ; 
mais  en  beaucoup  d’endroits  de  l’Arménie  russe  un 
autre  arbre  étale  ses  branches  au-dessus  des  cultures, 
le  nôlbônd,  espèce  d’ormeau  greffé,  dont  le  feuillage 
forme  une  énorme  sphère  de  verdure,  absolument 
imperméable  aux  rayons  du  soleil. 

FORÊTS 

Le  Caucase  possède  6,913,000  hectares  de  forêts, 
soit  16,2  p.  °/o  de  sa  superficie  totale.  Le  gouver- 
nement de  Koutaïs  est  le  plus  boisé  : 46,5  p.  °/°  de 
sa  superficie  ou  1 hectare  65  centiares  par  habitant.  On 
trouve  dans  les  forêts  du  Caucase  toutes  les  essences 
de  la  zone  tempérée  et  un  grand  nombre  d’espèces  par- 
ticulières aux  zones  tropicales. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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Mainte  foret  du  Caucase  a disparu  pour  faire  place 
aux  cultures  ; mais  il  en  est  plus  encore  que  l’on  a 
détruites,  sans  les  remplacer  par  des  céréales,  des 
vignes  ou  des  arbres  fruitiers.  Dans  les  districts  les 
plus  riches  en  forêts,  le  travail  de  déboisement  s’est 
fait  de  la  façon  la  plus  barbare.  Four  ne  pas  se  donner 
la  peine  d’abattre  les  arbres  à coups  de  hache,  et  peut- 
être  aussi,  comme  le  veut  la  tradition,  pour  assainir  le 
climat  local,  on  attaque  le  bois  par  le  feu  ; quand  les 
bestiaux  manquent  de  foin,  on  détruit  les  arbres  pour 
nourrir  les  animaux  avec  les  feuilles  et  les  bourgeons 
du  branchage.  Telle  région,  récemment  couverte  d’im- 
pénétrables fourrés  n’ofïre  plus  que  la  terre  laide  et 
nue.  Même  sur  les  pentes  des  montagnes  les  forêts 
diminuent  rapidement.  De  fréquents  incendies  allumés 
par  l'imprudence  des  bergers  ou  des  bûcherons  con- 
tribuent, avec  le  déboisement  irrationnel,  à modifier 
singulièrement  l’action  des  eaux,  des  pluies,  des  vents 
et  le  climat  général. 

Dans  les  forêts  riveraines  de  la  mer  Noire,  la  rou- 
lure, la  gerçure , la  pourriture  au  cœur  sont  fréquentes 
et  quelquefois  tellement  prononcées  et  multipliées  dans 
un  même  arbre  qu’il  est  impossible  d’en  tirer  parti.  En 
outre,  le  châtaignier,  le  noyer  et  le  chêne  ont  un  en- 
nemi terrible,  le  limexylon , coléoptère  de  couleur  brune 
ayant  2 à 3 millimètres  de  long  et  une  grosse  tête 
armée  de  deux  mandibules.  Son  apparition  a lieu  entre 
avril  et  juillet.  C’est  par  millions  que  l’insecte  se  pré- 
cipite le  soir  sur  les  bois  tendres  abattus  qui  lui  servent 
de  nourriture  et  de  nid.  Il  dépose  ses  larves  dans  l’é- 
corce et  l’aubier  ; puis  le  ver  éclos  pénètre  dans  le  bois 
et  le  coeur.  L’animal  est  tellement  répandu  au  Caucase 
qu’il  est  rare  qu’un  bois  en  grume  soit  exempt  de  ses 
attaques.  Des  chênes  sans  écorce,  transportés  en  France 
pendant  l’hiver  emportent  donc  fatalement  avec  eux 
les  larves  qui  se  développent  à la  saison  chaude.  Du 
reste,  il  est  reconnu  que  les  bois  venant  du  Caucase 
sont  peu  ((  marchands  ».  Le  chêne  a la  fibre  grosse, 
ordinairement  gorgée  d’eau,  ce  qui  permet  un  fendage 
facile,  mais  il  travaille  trop  et  il  est  vite  atteint  par  la 
pourriture  sèche  et  humide.  Quand  on  équarrit  des 


5 


66 


GUIDE  AU  CAUCASE 


pièces  de  chêne  on  observe  souvent  la  cadranure,  la 
gélivure,  le  cœur  rouge  et  échauffé , vices  très  graves 
que  n’admet  pas  l’exportation.  On  utilise  le  chêne  pour 
parquets,  portes,  etc.  Le  frêne  est  admirablement 
veiné,  il  ne  s’emploie  que  pour  la  construction.  Le 
hêtre  sert  comme  bois  de  chauffage  et  accidentellement 
pour  bâtisses.  Le  châtaignier  est  de  bonne  qualité  ; le 
tilleul,  le  poirier  et  le  pommier  sauvages  s’emploient 
pour  meubles,  l’orme  seulement  comme  bois  de  cons- 
truction ; l’aulne  est  véreux;  le  sapin  est  de  bonne 
venue  et  donne  des  poutres  et  des  planches  assez 
belles,  mais  il  joue  énormément.  Le  charme  ne  fournit 
que  du  bois  de  chauffage.  Le  buis  est  d’assez  bonne 
qualité  et  s’expédie  en  Angleterre  pour  faire  des  navettes 
et  des  poulies.  L’if  est  bien  veiné,  mais  assez  rare  et 
peu  employé,  les  indigènes  ne  connaissent  pas  sa  va- 
leur pour  la  carrosserie  ; on  l’exporte  fort  peu.  Les 
loupes  de  noyer  sont  devenues  presque  introuvables  au 
Caucase.  Quoique  l’Etat  perçoive  comme  droit  de  sor- 
tie 10k.  en  or  par  poud,  soit  17  k.  papier,  l’exportation 
du  bois  de  noyer  est  lucrative  ; on  en  a expédié 
250,000  pouds  en  1888  provenant  de  la  Kakhétie  et  du 
gouvernement  de  Koutaïs. 

Les  seules  forêts  exploitées  et  donnant  des  résultats 
sérieux  sont  celles  de  la  vallée  d’Aténi  près  Gori, 
d’Adjameth  près  Rion,  de  Borjom  près  Michaïloff. 
Toutes  les  autres  exploitations  dans  l’intérieur  du  pays 
ou  riveraines  de  la  mer  Noire  ont  été  désastreuses  ou 
décevantes  ; la  plupart  des  exploitants  ne  connaissant 
pas  les  mœurs,  les  lois,  se  heurtant  constamment  à 
l’absence  du  cadastre,  de  titres  en  règle  de  propriété,  ont 
été  assaillis  de  procès,  décimés  par  les  fièvres,  arrêtés 
par  les  difficultés  de  transport  et  désillusionnés  fina- 
lement sur  la  valeur  réelle  des  bois  qu’ils  abattaient1. 

1.  Forêts  du  Caucase  appartenant  à l’État — C’est  en  1841, 
que  le  gouvernement  russe  a créé  pour  le  Caucase  entier  une 
administration  forestière  spéciale.  L’arpentage  a eu  lieu  en  1849; 
en  1857,  on  constata  d’abord  que  les  forêts  appartenant  à l’Etat 
occupaient  2,182,514  déciatines  (une  déciatine  =2,400  sagônes 
carrées;  109,250  ares,  1,092  hectares);  ce  chiffre  doit  être 
aujourd’hui  environ  4,800,000  (en  Ciscaucasie  : 1,600,000;  en 
Transcaucasie  : 2,600,000),  représentant  à peu  près  600,000  r. 
de  revenu,  et  250,000  de  dépenses. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


67 


ANTHROPOLOGIE  ET  ARCHÉOLOGIE 

Dans  leur  ensemble  les  Caucasiens  sont  brachycé- 
phales ; leur  indice  céphalique  moyen  s’élève  à 85,85. 
Les  extrêmes  sont  : 91  chez  les  Lazes,  83  chez  les  Gou- 
riens.  En  ce  qui  concerne  la  couleur  des  yeux  et  des 
cheveux,  on  y constate  pour  ceux-ci  une  proportion 
d’environ  50  p.  °/o  châtains  ; 33  p.  % noirs  ; 11  p.  % 
blonds.  Les  yeux  sont  généralement  noirs  ou  d’un  brun 
foncé;  on  en  trouve  pourtant  un  certain  nombre  de 
bleus  et  de  gris  bleuâtre. 

L’impossibilité  de  faire  concorder  les  connaissances 
actuelles  avec  les  diverses  notions  historiques,  géogra- 
phiques fournies  sur  le  Caucase  et  ses  habitants  par 
les  anciens  écrivains,  le  doute  qui  plane  encore  sur 
toutes  les  populations  plus  ou  moins  aborigènes  de 
cette  contrée,  le  dédale  des  langues  et  des  dialectes,  et 
surtout  l’absence  de  nombreuses  et  sérieuses  obser- 
vations anthropologiques  rendent  fort  difficiles  et  ha- 
sardeuses toute  chronologie,  attribution,  classification 
dans  les  découvertes  archéologiques  du  Caucase. 

Indispensable  pour  retrouver  les  types  primitifs  des 
habitants  d’une  contrée,  suivre  leur  filiation  et  constater 
leurs  mélanges,  l’anthropologie  n’est  pas,  croyons-nous, 
absolument  nécessaire  pour  apprécier  les  progrès  et  les 
décadences  d’une  civilisation,  lorsque  les  découvertes 
sont,  par  elles-mêmes,  assez  éloquentes  pour  attester 
le  degré  de  culture  d’un  peuple,  quel  que  soit  son  nom, 
plus  ou  moins  discutable  d’ailleurs,  et  qu’il  soit  bra- 
chycéphale, dolichocéphale,  macrocéphale  ou  non. 

Nous  sommes  loin  de  vouloir  résoudre  ici  la  question 
si  grave  de  l’origine  de  l’art  de  la  métallurgie  au  Cau- 
case; mais  le  problème  semblerait  déjà  avoir  fait  un 
grand  pas,  si  l’on  pouvait  tomber  d’accord  sur  la  simi- 
litude de  culture  et  de  main-d’œuvre  qu’on  observe 
dans  tous  les  objets  provenant  de  toutes  les  régions  de 
l’isthme  caucasien.  C’est  le  point  sur  lequel  nous 
insisterons  et  qu’il  nous  paraît  difficile  de  ne  pas  ad- 
mettre. En  effet,  quelques  différences  signalées  dans 
les  détails  ne  s’écartent  pas  sensiblement  d’une  forme 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


primitive  générale  et  d’un  petit  nombre  de  modèles 
plus  ou  moins  semblables,  généraux  ou  caractéris- 
tiques, dont  on  a attribué  la  paternité  particulièrement 
à certains  cimetières  ou  nécropoles  du  Caucase;  pater- 
nité que  nous  n’avons  pu  reconnaître,  et  que  les  civili- 
sations des  plateaux  de  l’Iran,  celles  de  l’Egypte,  de 
l’Assyrie  et  de  la  Grèce  pourraient,  peut-être,  avec 
quelque  raison  réclamer. 

La  division  systématique  de  la  vie  primitive  de 
l’homme  aux  différentes  époques,  en  général  admise  à 
l’égard  du  N.  et  de  l’O.  de  l’Europe,  ne  peut-être  en- 
tièrement appliquée  au  Caucase.  L’étude  des  antiquités 
de  l’isthme  caucasien  ne  date  que  d’hier,  mais  les  ré- 
sultats déjà  acquis  prouvent  suffisamment  que  le 
développement  de  la  culture  s’est  opéré  dans  des  con- 
ditions tout  autres  qu’en  France  et  en  Allemagne  par 
exemple  ; et  par  conséquent  pour  en  mesurer  les  pro- 
grès successifs,  il  faut  supposer  différentes  étapes,  qu’en 
l’ absence  de  documents  suffisants  on  ne  peut  cependant 
pas  adopter  encore  avec  certitude. 

Ni  dans  les  recherches  géologo-paléontologiques,  ni 
dans  les  travaux  archéologiques  du  Caucase,  on  ne 
trouve  tous  les  matériaux  nécessaires  pour  la  classifi- 
cation des  époques  de  l’âge  de  pierre  et  des  cultures 
postérieures,  comme  elles  se  sont  succédé  en  Europe. 
Mais  tout  ce  qui  a été  réuni  jusqu’à  ce  jour  par  l’an- 
thropologie, la  linguistique  et  l’ethnologie  a assez 
ébranlé  la  réputation  séculaire  du  Caucase  d’avoir  été 
le  berceau  ou  la  patrie  commune  primitive  de  l’huma- 
nité. 

L’existence  d’une  période  glaciaire  n’est  admise 
que  depuis  peu  de  temps,  mais  on  n’a  pu  encore  déter- 
miner les  limites  jusque  auxquelles  avait  pu  s’étendre 
la  couche  de  glace.  Les  quelques  rares  trouvailles 
faites  dans  la  haute  vallée  de  l’Euphrate  font  croire 
que  l’homme  quaternaire  habitait  les  abords  O.  du 
plateau  arménien,  seul  endroit  du  pays  libre  de  glace 
à cette  époque.  La  période  de  la  pierre  polie  semble 
n’avoir  duré  que  peu  de  temps  dans' la  contrée  ; elle  fut 
bientôt  remplacée  par  celle  du  bronze  et  du  fer. 

Dans  le  Caucase  septentrional  on  a constaté  la  pré- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


69 


sence  d’une  grande  quantité  de  débris  de  mammouths; 
en  Transcaucasie,  on  a trouvé  dans  le  gouvernement 
d’Elisabethpol,  à Kazak  et  au  confluent  du  Kram  et 
de  la  Koura  des  restes  d ’elephas  antiquus  et  d ’hippo- 
potamus  major;  mais  nulle  part  un  vestige  de  l’homme 
contemporain  du  mammouth  ni  une  trace  de  vie 
humaine.  Ces  débris  proviennent  d’endroits  près  des- 
quels il  n’y  a ni  grottes  ni  cavernes,  et  on  n’en 
connaît  au  Caucase  aucune  dont  l’étude  ait  pu  éclairer 
la  vie  primitive  et  préhistorique. 

Quoi  qu’il  en  soit,  les  résultats  des  recherches  ne  sont 
pas  encore  suffisants  pour  qu’on  puisse  absolument 
nier  l’existence  au  Caucase  de  toute  trace  de  l’homme 
à l’époque  paléolithique.  Presque  tous  les  objets  en 
pierre  trouvés  en  Ciscaucasie  sont  attribués  à l’époque 
néolithique.  Ce  sont  des  marteaux  taillés,  percés  quel- 
quefois d’un  trou,  et  qu’on  rencontre  dans  les  tombeaux 
mêlés  à des  objets  de  bronze  et  de  fer.  On  ne  cite 
qu’une  seule  découverte  d’une  hache  en  pierre,  dans 
un  tombeau  de  pierre  brute,  avec  quelques  instruments 
en  os,  sans  bronzes,  mais  avec  des  vases  d argile,  qui 
sont  d’un  travail  trop  fini  pour  qu’ils  soient  très  anciens 
et  qui  laissent  même  croire  qu’ils  ont  pu  être  façonnés 
avec  des  outils  métalliques.  Les  objets  en  pierre  trou- 
vés en  Transcaucasie  sont  en  général  peu  travaillés  : 
ce  sont  surtout  des  couteaux,  racloirs,  pointes  de  flèches 
en  obsidienne  qui  accompagnent  le  plus  souvent  le 
fer  et  le  bronze. 

Un  intérêt  spécial  s’attache  aux  marteaux  de  pierre 
de  très  grandes  dimensions,  en  porphyre  vert  ou  pyroxé- 
nique,  labradorite,  serpentine  ou  en  roche  dioritique, 
ayant  un  collier  d’attache  et  recueillis  dans  les  mines 
de  sel  de  Koulpa  et  de  Nakitchévan  ; leur  antiquité 
est  des  plus  contestées.  Car  s’il  est  vrai  que  les  salines 
ont  dû  attirer  l’attention  de  l’homme  primitif,  on  de- 
vrait admettre  la  même  hypothèse  à propros  des  mines 
de  métaux- dont  le  Caucase  est  si  riche.  Or,  la  question 
de  savoir  si  oui  ou  non  l’homme,  au  Caucase,  a,  dès 
les  temps  reculés,  inventé  ou  connu  la  métallurgie, 
trouve  des  partisans  et  des  adversaires  parmi  les  savants, 
qui  s’appuient  les  uns  et  les  autres  sur  les  résultats  des- 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


fouilles  des  tombeaux  dont  nous  allons  essayer  de 
résumer  l’ensemble. 

Pendant  ces  dernières  années,  des  recherches  plus 
ou  moins  régulières  ont  été  faites  au  N.  du  Caucase 
dans  le  territoire  de  la  Kabarda  ; en  Ossétie,  dans  les 
vallées  centrales  de  la  chaîne  du  Caucase,  celles  du 
Darial  et  d’ Alaghir  ; au  Daghestan  près  de  Derbent  ; en 
Transcaucasie  à l’O.  des  monts  Souram  ; en  Géorgie, 
et  enfin  dans  la  partie  adjacente  de  l’ancienne  Arménie 
dans  les  vallées  d’Akstafa,  de  la  Débéda  et  récemment 
à Akthala. 

En  Kabardie,  les  tombeaux  ne  datent  que  de  l’époque 
du  paganisme  et  du  commencement  de  Père  chrétienne  ; 
ceux  des  environs  de  Vladikawkaz  du  XIVe  siècle. 
Dans  la  vallée  du  Darial,  près  de  Tchmy,  des  cata- 
combes ont  mis  au  jour  des  objets  en  or,  argent,  fer, 
bronze,  des  pierres  dures  gravées  et  des  poteries  en 
argile  noire.  A Stépan-Zminda  (Kazbek)  on  a fait  de 
riches  collections  de  figurines  en  bronze,  d’armes, 
pointes  de  flèches  en  fer,  pendeloques,  représentations 
d’animaux,  fibules,  bracelets,  grains  de  colliers,  bijoux 
en  or,  etc.  En  Digorie,  à Koban  se  rencontrent  des 
fibules,  des  bracelets  en  spirale,  de  grandes  plaques 
de  ceintures  de  bronze  émaillé,  des  poignards,  des 
épingles  à cheveux  et  surtout  des  haches  courbées,  gra- 
vées, d’un  joli  travail  et  présentant  un  type  caractéristi- 
que, mêléà  à des  pointes  de  fer.  Au  Daghestan,  les  tombes 
sont  assez  curieuses  comme  construction,  mais  ne  ren- 
fermaient presque  que  des  ossements.  On  en  a rapporté 
cependant  quelques  bronzes  fort  intéressants.  En  Gou- 
rie,  au  Transcaucase,  on  a trouvé  des  haches  pareilles 
à celles  de  Koban  (Ossétie);  à Samthravo  (Mtzkhet) 
plusieurs  étages  superposés  appartiennent  à des  épo- 
ques différentes  (âge  de  bronze,  de  fer  et  tombes  plus  ré- 
centes). Dans  la  vallée  de  la  Débéda  et  à Akthala  les 
bronzes  se  distinguent  par  leurs  formes  et  leurs  ressem- 
blances avec  ceux  de  l'Assyrie.  Enfin  à Redkine 
(vallée  de  l’Akstafa)  on  amis  au  jour  des  nécropoles 
certainement  fort  anciennes,  contenant  un  mobilier 
funéraire  très  varié  et  peu  de  fer. 

Dans  aucun  cimetière  du  Caucase,  on  n’a  pu  recon- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


71 


naître  les  preuves  caractéristiques  de  l’âge  de  bronze, 
c’est-à-dire  la  présence  de  ce  métal  mêlé  à la  pierre 
polie  et  à l’os.  On  admet  généralement  que  les  nécro- 
poles les  plus  anciennes  sont  celles  de  Koban,  Sam- 
thavro  (étage  inférieur),  Redkine,  Stépan-Zminda, 
Akthala  (Ve  ou  VL  siècle  av.  J.-C.)1. 

La  culture  métallique  du  Caucase  est-elle  née  dans 
le  pays  ou  bien  y a-t-elle  été  introduite,  et,  dans  ce 
dernier  cas,  d’où  est-elle  venue  et  d’où  s’est-elle  pro- 
pagée? Cette  question  est  des  plus  discutées  : les  opi- 
nions sont  complètement  différentes  et  nous  ne  pouvons 
les  exposer  toutes  ici.  Nous  renvoyons  le  lecteur  aux 
ouvrages  deM.  le  comte  Ouvaroff,  de  Virkhow,  Smir- 
noff,  Bayera,  de  Morgan,  Dolbescheff. 

Sans  doute  le  travail  des  métaux  remonte  à des 
époques  bien  reculées,  mais  faut-il  attribuer  au  Cau- 
case l’honneur  de  la  découverte  du  bronze  lorsqu’on 
n’y  commit  pas  même  une  seule  mine  d’étain?  Est-ce 
en  Egypte,  en  Assyrie,  dans  l’Inde  ou  dans  l’ Asie- 
Centrale  qu’il  faut  chercher  l’origine  du  précieux 
alliage?  Nous  inclinons  à le  croire.  L’analyse  des 
bronzes  caucasiens  accuse  10  à 12  p.  % d’étain  avec 
quelquefois  des  traces  de  plomb.  Il  est  probable  que  le 
bronze  était  importé  au  Caucase  en  lingots  ou  en  ou- 
vrages fabriqués.  On  peut  difficilement  admettre  que, 
dans  des  temps  si  lointains.il  pût  y avoir  un  commerce 
de  métaux  purs.  A Koban,  Samthavro,  Redkine, 
Akthala  y a-t-il  un  seul  objet  de  cuivre  pur,  dont  il 
existe  cependant  des  mines  dans  les  montagnes  voisines  ? 
Y a-t-il  des  séries  de  moules  variés  qui  auraient  servi 
à couler  les  différents  bronzes  et  qui  auraient  pu  ou  dû 
être  enfouis  comme  l’ont  été  les  pierres  à aiguiser  ? Si 
la  culture  s’est  propagée  du  Caucase  et  n’y  a pas  été 
introduite,  comment,  en  dehors  d’un  seul  type  plus  ou 
moins  original  de  hache,  n’y  voit-on  pas  les  instru- 

1.  Parmi  les  collections  d’antiquités  caucasiennes  les  plus 
riches,  nous  citerons  celles  du  musée  de  TifLis,  du  comte 
Ouvaroff,  du  général  Komaroff,  du  comte  Bobrinsky,  du 
musée  de  Lyon,  du  musée  d’ethnographie  du  Trocadéro,  du 
musée  de  Saint-Germain,  de  S.  A.  I.  le  grand-duc  Georges 
Michaïlovitch. 


72 


GUIDE  AU  CAUCASE 


ments  en  bronze  caractéristiques  de  l’Europe  occi- 
dentale et  de  la  Sibérie  orientale?  Serait-ce  le  Caucase 
qui  aurait  inventé  les  grandes  fibules  arquées  artis- 
tement  travaillées  et  non  l’Asie-Mineure?  De  ce  que 
l’abondance  des  parures  en  spirale  fait  rapprocher  la 
culture  du  Caucase  de  celle  correspondante  d’Europe, 
s’ensuit-il  que  cet  ornement  ait  une  origine  cauca- 
sienne? Si  on  l’admet,  pourquoi  trouve-t-on  au  N. 
ces  parures  sans  les  fibules  et  à l’O.  sans  la  hache 
caucasienne?  Est-ce  que  des  ornements  et  des  parures 
de  bronze  en  spirale  ne  se  trouvent  pas  aussi  à Hissarlik 
et  à Mycènes  qui  sont,  dit-on,  d’époque  antérieure  à 
Koban  ? 

Autant  les  bronzes  caucasiens  ont  leurs  traits  com- 
muns avec  ceux  de  l’Asie-Mineure  et  de  la  Grèce,  autant 
les  poteries  sont  différentes  : à Chypre,  à Rhodes,  à 
Mycènes  on  voit  les  premiers  germes  des  formes  clas- 
siques et  des  peintures  qui  décoreront  plus  tard  les 
vases  ; au  Caucase,  au  contraire,  rien  de  pareil  ; et  c’est 
cette  infériorité  dans  l’ornementation  de  la  céramique 
qui  empêche  de  croire  que  Koban,  par  exemple,  soit 
contemporain  de  Mycènes.  La  culture  qui  a pénétré  au 
Caucase  fut  et  resta  rude,  et  Mycènes  a subi  la  salutaire 
influence  de  l’Egypte. 

Les  représentations  d’oiseaux  et  d’animaux  semblent 
particulières  au  Caucase.  Nulle  part  en  Europe  occi- 
dentale il  n’y  a des  types  pareils  en  si  grand  nombre. 
Ils  sont  évidemment  locaux.  Parmi  eux,  il  y en  a un 
fantastique  : on  l’admet  pour  un  léopard,  quoique  les 
pieds  ressemblent  un  peu  à ceux  du  cheval.  Il  est  gravé 
sur  les  haches,  les  plaques  de  ceintures,  mais  ne  se 
rencontre  jamais  sous  forme  de  statuette.  Il  avait  peut- 
être  une  signification  symbolique.  On  a cru  reconnaître 
sur  ces  objets  une  influence  assyrienne;  mais  alors  on 
devrait  retrouver  les  sujets  familiers  aux  Assyriens  : le 
lion  et  le  sphinx  ailé,  au  lieu  de  moutons  et  d’oiseaux 
qui  sont  fort  rares  sur  leurs  monuments.  Le  seul  point 
de  ressemblance,  c’est  une  tendance  commune  à em- 
ployer la  faune  comme  ornementation,  tendance  signa- 
lée aussi  au  N.  dans  les  découvertes  de  Perm.  Sous 
ce  rapport  la  Sibérie,  le  Caucase  et  l’Assyrie  se  pré- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


73 


sentent  en  parallèle  clans  une  meme  culture  qui  s’est 
ramifiée. 

On  pourrait  admettre,  croyons-nous,  F Asie-Centrale 
comme  point  de  départ  ou  foyer  principal  d’un  grand 
mouvement  de  culture  dans  différentes  directions,  et  la 
formation  de  divers  foyers  secondaires  devenus  à leur 
tour  de  nouveaux  centres  rayonnants.  Il  a dû  y avoir 
deux  courants  civilisateurs  : l’un  venant  de  FAltaï  et 
ougro-finnois,  a pénétré  en  Russie,  mais  n’a  pas  atteint 
la  Scandinavie  et  n’a  pas  touché  le  Caucase,  où  cepen- 
dant on  pourrait  constater  quelques  analogies  avec  les 
produits  de  cette  industrie  métallurgique  et  de  cet  art 
dont  il  ne  profita  pas;  l’autre,  passant  au  S.  de  la  mer 
Caspienne,  a mis  en  mouvement  les  peuples  sémitiques 
et  aryens  de  l’Asie -Mineure,  et  par  divers  chemins  est 
parvenu  à la  Méditerranée  et  par  suite  à l’Europe. 

Quoique  les  squelettes  trouvés  à Koban  soient  en 
grande  partie  dans  un  état  de  destruction  presque 
complète  et  que  les  crânes  intacts  soient  en  fort  petit 
nombre,  on  peut  croire  que  le  type  prédominant  était 
dolichocéphale,  de  même  qu’aux  nécropoles  de  Sam- 
thavro  et  Redkine.  Ce  type  se  distingue  essentiellement 
du  type  brachycéphale  de  la  population  actuelle.  Ce- 
pendant, il  est  possible  que  le  mélange  d’éléments 
brachycéphales  ait  commencé  déjà  à des  époques  recu- 
lées, comme  l’atteste  la  découverte  d un  assez  grand 
nombre  de  crânes  brachycéphales  à Koban  et  à Sam- 
thavro  ; mais  ces  éléments  ne  prouvent  pas  le  mélange 
avec  les  Touraniens,  car,  malgré  leur  bracliycéphalie, 
ils  n’ont  pas  les  autres  caractères  de  la  race  touranienne. 
Les  crânes  de  Koban,  Samthavro  et  Redkine  sont  de 
type  aryen. 

C’est  donc  au  courant  aryen  qu’il  faudrait  attribuer 
la  culture  antéhistorique  du  Caucase,  mais  il  est  diffi- 
cile de  doter  le  Caucase  d’un  titre  quelconque  parmi 
les  rôles  de  civilisateurs  que  d’autres  pays  peuvent 
réclamer  justement.  La  culture  y fut  monotone,  pres- 
que uniforme,  sédentaire,  locale,  et  ne  participa  pas  au 
grand  courant  qui,  en  s’écoulant  lui  avait  jeté  quelques 
épaves.  Depuis  les  temps  historiques,  accepter  toujours, 
imiter,  s’assimiler  en  déguisant  les  emprunts,  faire. 


74 


GUJDE  AU  CAUCASE 


concorder  avec  le  climat  ses  mœurs,  ses  habitudes,  ses 
goûts  et  tout  ce  qui  répondait  à des  besoins  momen- 
tanés, subir  toutes  les  influences  étrangères,  faire  pis 
et  rarement  mieux,  telle  a été  la  fortune  du  Caucase 
au  point  de  vue  de  l’art;  et  il  serait  vraiment  étrange 
qu’à  des  époques  préhistoriques  il  se  soit  produit  un 
miracle  au  profit  de  cette  contrée,  miracle  dont  l’anti  - 
quité,  le  moyen  âge  et  les  temps  modernes  eussent 
retrouvé  quelque  preuve  certaine,  ou  gardé  du  moins 
souvenance.  Ce  qu’a  pu  faire  et  ce  qu’a  fait  le  Caucase, 
le  voici  : Au  point  de  vue  physique,  la  nature  n’y  pré- 
sentait pas  en  général  les  commodités  nécessaires  pour 
que  l’homme  primitif  s’y  soit  fixé,  et  pour  que  les  ca- 
vernes et  les  grottes  qui  n’ont  pu  encore  attester  sa 
présence,  lui  aient  offert  un  refuge  suffisant.  Mais,  au 
moment  où  un  flot  humain  inondait  les  plaines  ouvertes 
au  N.  et  au  S.  de  la  chaîne,  et  à travers  lesquelles  l’in- 
vasion des  peuples  de  l’Asie  passait,  des  fuyards,  qui 
ont  fait  souche  depuis  et  formé  des  nationalités,  mais 
qui  alors  n’avaient  même  pas  de  nom,  ont  été  refoulés 
dans  les  montagnes,  s’y  sont  réfugiés  et  s’y  sont  fixés. 
Dans  cette  déroute  qui  eut  lieu  peut-être  vers  l’époque 
de  l’âge  de  fer  de  l’Europe  occidentale,  quelques 
modèles  de  bronze  furent  sauvés  et  copiés  par  les 
plus  habiles,  et  ceux-ci  essayèrent  de  retrouver  dans  de 
nouveaux  foyers  les  minerais  et  les  alliages  nécessaires 
à la  résurrection  d’un  art,  qui  avait  été,  et  peut-être  par 
eux-mêmes,  pratiqué  ailleurs.  Les  mines  du  Caucase 
furent  mises  à contribution  : on  n’y  trouva  pas  l’étain  ; 
on  le  fit  venir,  et  on  alla  chercher  probablement  au  loin 
le  bronze  en  lingots  pour  simplifier  la  fabrication  ; le 
fer  ne  fut  que  peu  employé. 

Par  le  S.,  par  la  mer  Noire,  par  la  Scythie,  les  in- 
vasions se  multiplièrent.  Que  de  cultes  s’inaugurèrent! 
Que  de  langues  et  de  cultures  s’introduisirent,  se  heur- 
tèrent, se  succédèrent,  se  fondirent  peu  à peu  sans  se 
perfectionner  ! Les  siècles  s’écoulèrent,  amenant  quel- 
ques progrès  ou  des  décadences,  et  ce  furent  les  colonies 
grecques,  en  s’établissant  le  long  du  Pont-Euxin,  qui 
sauvèrent  le  Caucase  de  sa  barbarie,  et  lui  apportèrent 
généreusement,  avec  leur  civilisation  et  leurs  produits, 


GUIDE  AU  CAUCASE  7 5 

les  idées  d’art,  de  religion,  d’industrie  et  de  commerce, 
auxquelles,  en  dépit  de  toutes  les  vicissitudes,  il  est 
resté  depuis  presque  toujours  fidèle. 


ETHNOGRAPHIE  ET  ETHNOLOGIE 

On  a longtemps  considéré  le  Caucase  comme  le 
berceau  de  la  race  européenne.  Cette  théorie  parait 
abandonnée  depuis  que  les  sciences  anthropologique  et 
ethnologique  ont  prouvé  l’origine  commune,  mais  étran- 
gère, des  populations  actuelles  du  Caucase.  Klaproth 
fut  un  des  premiers  qui  s’éleva  contre  la  désignation 
qu’on  attribuait  aux  peuples  caucasiens  en  leur  appli- 
quant le  terme  de  race  caucasienne . D’après  le  baron 
Ùslar,  ((  le  Caucase  n’a  jamais  été  le  lieu  de  passage 
d’un  peuple  en  migration,  mais  le  refuge  de  popula- 
tions opprimées  dans  les  plaines  voisines.  Ces  peuples 
paraissent  en  effet  être  les  débris  de  peuples  préhisto- 
riques ayant  appartenu  à une  même  race,  et  qui  sem- 
bleraient avoir  disparu  partout  ailleurs  qu’au  Caucase. 
Quant  à la  diversité  si  grande  qu’on  observe  chez  les 
peuples  caucasiens,  elle  doit  être  attribuée  aux  croise- 
ments qui  ont  dû  s’opérer  à diverses  époques  entre  les 
premiers  occupants  et-des  émigrés  nouveaux  venus, 
appartenant  aux  trois  grands  groupes  humains,  sé- 
mite, indo-européen  et  mongol,  qui  ont  encore  des 
représentants  sur  divers  points  de  la  chaîne.  » 

M.  Maxime  Petit,  dans  un  article  de  la  Grande 
Encyclopédie  (Arménie)  dit  : ((  Lorsque  les  premières 
tribus  aryennes  venues  du  plateau  de  Pamir  se  furent 
établies  soit  dans  la  vallée  du  Sind,  soit  sur  le  plaieau 
de  l’Iran,  les  émigrants  qui  vinrent  ensuite  ne  trou- 
vèrent plus  d’autre  route  ouverte  que  celle  de  l’O.  ; ils 
se  heurtèrent  contre  la  chaîne  du  Caucase,  et  quelques- 
uns  d’entre  eux,  tige  des  Arméniens,  occupèrent  les 
plaines  ou  les  vallées  que  laissent  entre  eux  les  ra- 
meaux et  les  contreforts  du  Caucase  et  du  Taurus.  Du 
côté  du  Tigre  et  de  l’Euphrate,  il  y avait  déjà  des 
peuples  sémitiques  venus  par  la  Mésopotamie  armé- 
nienne ; du  côté  du  lac  de  Van  ou  dans  les  plaines  de 


76 


GUIDE  AU  CAUCASE 


l'Ararat  se  trouvaient  des  hommes  dont  les  Géorgiens 
sont  les  représentants  actuels.  Les  premiers  établisse- 
ments arméno-aryens  se  firent  sans  doute  vers  le  cours 
moyen  du  Tigre  et  de  l’Euphrate,  parmi  les  peuplades 
sémites  naturellement  moins  belliqueuses  que  celles 
qui  se  trouvaient  dans  la  vallée  de  l’Araxe.  Plus  tard, 
les  Arméniens  s’établirent  dans  la  plaine  de  l’Ararat, 
comme  le  souvenir  s’en  est  conservé  dans  la  légende 
nationale,  mais  pendant  longtemps  ils  ne  purent  faire 
de  ce  côté  aucun  progrès  ; ce  n’est  qu’à  la  suite  des 
grandes  invasions  du  moyen  âge  que  les  Géorgiens  se 
retirèrent  derrière  l’Araxe,  et  que  les  gens  de  l’Oudi 
disparurent  comme  les  Albanais  ou  Aglovans.  )) 

Les  trouvailles  archéologiques  faites  en  Transcauca- 
sie par  M.  de  Morgan  dans  les  nécropoles  de  Cheithan- 
thag,  d’Akhtala,  de  Moucy-iéri,  et  aux  environs  de 
Van  et  de  Diarkébir  ont  une  analogie  frappante  avec 
les  objets  retrouvés  en  Ossétie,  en  Géorgie  et  un  peu 
avec  ceux  de  l’Assyrie.  Ce  fait  indiquerait  que  les 
populations  géorgiennes  et  sémitiques  étaient  peut-être 
les  premiers  occupants  post-quaternaires  du  sol  armé- 
nien. 

Malgré  les  divergences  considérables  qu’on  observe 
chez  les  peuples  caucasiens,  divergences  qui  se  mani- 
festent surtout  dans  leurs  langues  et  dans  certaines 
pratiques  extérieures,  ces  populations  conservent  divers 
traits  caractéristiques  communs,  qui  les  placent  en 
quelque  sorte  au-dessus  des  autres  peuples  du  conti- 
nent asiatique.  Tous  les  voyageurs  sont  presque  una- 
nimes à louer  la  beauté  physique,  l’énergie,  les  habi- 
tudes chevaleresques  et  l’élégance  de  ces  braves 
peuplades.  Les  Russes  eux-mêmes  conservent  pour 
ces  populations  soumises  certains  égards,  tant  pour  la 
vaillance  qu’ils  ont  montrée  en  se  défendant  que  pour 
la  beauté  des  régions  au  milieu  desquelles  ils  eurent  à 
lutter.  Certains  épisodes  de  guerre  ressuscités  par  les 
écrivains  et  poètes  russes  1 sont  loin  d’être  au  désa- 

1.  Pouchkine  a chanté  les  paysages  des  montagnes  circas- 
siennes  ; Lermontoff  a raconté  surtout  les  traditions  et  les  mœurs 
des  habitants,  et  a placé  dans  le  Caucase  la  scène  de  son 
roman  : Le  Héros  de  notre  temps . 


GUIDE  AU  CAUCASE 


77 


vantage  des  peuples  vaincus.  Néanmoins,  la  diversité 
des  races  qui  peuplent  actuellement  le  Caucase  et  la 
variété  des  éléments  ne  permettent  pas  de  traiter  de 
l’ethnographie  de  ce  pays  sous  un  point  de  vue 
unique;  on  est  obligé  d’établir  un  certain  groupement 
entre  les  diverses  classes  d’individus  dont  se  compose 
à présent  la  population  de  ce  beau  pays. 

Géographiquement,  le  S.  est  habité  par  les  des- 
cendants des  anciens  Ivères  : ce  sont  les  Géorgiens 
ou  Grousiens  dans  la  vallée  de  la  Koura;  les  Min- 
grèliens  dans  celle  du  Rion  et  del’Ingour;  les  Imè- 
rèthiens  sur  le  cours  moyen  du  Rion  ; les  Gouriens, 
au  S.  du  Rion;  les  Radchviliens , les  Svanes  dans  les 
hautes  vallées  de  la  Tskénis-tskali  et  du  Rion  ; les 
Khevsours , Pchaves,  Touches , près  des  sources  de 
l’Iora  et  de  l’Alazan;  les  Adjures , les  Lazes  dans  les 
vallées  du  Tchorok  et  de  l’Adjarie.  La  partie  N. -O. 
au  bord  de  la  mer  Noire  était  habitée  par  les  Tcherkess 
ou  Circassiens . Depuis  1864,  date  de  leur  émigration, 
il  n’y  a que  la  principale  tribu,  les  Kabardiens,  qui 
soit  restée  sur  le  versant  N.  de  la  montagne  jusqu’à  la 
Kouban  et  au  Térek. 

La  partie  moyenne  de  la  chaîne,  de  chaque  côté  de 
la  route  militaire  de  Géorgie,  est  occupée  par  les 
Ossètes,  peuplade  à part,  d’origine  aryenne.  La  rami- 
fication orientale  est  peuplée  par  deux  groupes  prin- 
cipaux, les  Tchétchènes  et  les  Daghestanais . Les 
premiers  se  donnent  le  nom  de  Naktchaï  et  sont  sur 
le  versant  N.  jusqu’au  Térek,  mais  en  deux  parties 
séparées  par  une  forte  colonie  russe;  ils  sont  divisés 
en  plusieurs  tribus.  Les  Daghestanais  ont  aussi  été 
divisés  en  une  foule  de  tribus  localisées  dans  les  vallées 
ou  les  villages,  et  dont  les  langues  sont  inintelligibles 
pour  les  tribus  voisines.  Les  plus  importantes  sont  : 
les  Avares,  entre  Batlich  et  Témir-Khan-Choura;  ceux 
du  Sud  sont  encore  désignés,  comme  dans  l’antiquité, 
sous  le  nom  de  Lesghiens . Les  Russes,  les  Arméniens, 
les  Tartares,  les  Persans,  ont  immigré  partout  au 
Caucase  et  au  Transcaucase. 

Ethnologiquement,  nous  adopterons  la  classification 
donnée  par  MM.  Zazoursky  et  Seidlitz,  et  nous  consa- 


78 


GUIDE  AU  CAUCASE 


crerons  aux  Géorgiens,  aux  Arméniens  et  aux  mon- 
tagnards du  Caucase  des  articles  spéciaux. 

CLASSIFICATION  ETHNOLOGIQUE  DES  PEUPLES 
DU  CAUCASE1 

En  général,  la  partie  centrale  du  Caucase  et  la  partie 
occidentale  du  Transcaucase  sont  occupées  par  des 
groupes  de  nationalités  dont  la  parenté  avec  d’autres 
peuples  du  monde  n’a  pas  encore  été  trouvée.  Ces 
groupes  sont  : celui  des  Kartvels  ou  Ivères,  celui  des 
montagnards  occidentaux,  et  celui  des  montagnards 
orientaux.  On  peut  les  appeler  « essentiellement  cau- 
casiens »,  parce  qu’on  les  rencontre  uniquement  au 
Caucase2.  Ils  appartiennent  à la  race  blanche;  mais 
comme  leurs  langues  ne  présentent  aucune  parenté 
avec  celles  des  autres  peuples  de  la  même  race,  le  savant 
Frédéric  Miller  les  appelle  « peuples  isolés.  » Les 
groupes  « essentiellement  caucasiens  » sont  entourés  au 
N.,  à TE.  et  au  S.  par  des  peuples  de  la  race  blanche 
et  de  la  race  mongole.  Plus  tard  sont  arrivés  les  Russes; 
avec  eux  et  après  eux  est  venue  une  partie  insignifiante 
des  peuples  qui  habitent  aujourd’hui  PEurope.  Vo  ci 
comment  peuvent  être  classés  les  peuples  habitant] le 
Caucase  : 

1.  La  classification  des  peuples  du  Caucase  proposée  dans 
ce  chapitre  est  basée  principalement  sur  les  langues  qui  indi- 
quent les  origines  ethniques  des  peuples  en  question.  Mais 
comme  toutes  les  langues  caucasiennes  n’ont  pas  encore  été 
suffisamment  étudiées,  une  classification  exacte  de  ces  peuples 
est  impossible.  Les  données  statistiques  qu’on  trouvera  ici  ont 
été  puisées  dans  les  ouvrages  de  M.  N.  C.  Seidlitz,  Tableau 
des  populations  du  Caucase  d'après  les  races,  t.  YII  du 
Recueil  de  renseignements  sur  le  Caucase.  Toutefois,  après 
la  publication  de  ces  nomenclatures,  quelques  change- 
ments ont  eu  lieu  dans  la  classification  de  ces  populations; 
les  travaux  récents  ont  fourni  des  chiffres  plus  ou  moins  diffé- 
rents de  ceux  qui  avaient  été  donnés  précédemment,  et  les 
statistiques  complètes  ne  sont  pas  encore  terminées.  Par 
conséquent  les  chiffres  que  nous  donnons  ici  ne  doivent  être 
considérés  que  comme  approximatifs. 

2.  Une  partie  très  peu  importante  des  représentas  de  ces 
peuples  se  trouve  dans  la  Turquie  d’Asie  . 


GUIDE  AU  CAUCASE 


79 


A.  — RACE  BLANCHE 

I.  Famille  indo-européenne  (aryenne) 

1)  RACE  SLAVE 

a)  Les  Russes , formant  la  plus  grande  majorité  des 
populations  du  Caucase  septentrional,  occupent  prin- 
cipalement la  province  du  Kouban  (1,087,000),  le 
gouvernement  cle  Stavropol  (500,000),  et  représentent 
presque  un  tiers  des  habitants  de  la  province  du 
Térek  (222,000)  Au  Transcaucase , dans  les  villes, 
villages  où  la  population  russe  domine,  dans  les  can- 
tonnements militaires,  les  colonies,  elle  atteint  le  chiffre 
de  115,000.  Le  nombre  total  des  Russes,  dans  tout  le 
pays,  peut  être  évalué  à 1,925,000  âmes. 

b)  Quelques  milliers  de  Polonais  sont  dispersés  et 
ne  forment  nulle  part  des  colonies  séparées. 

c)  Les  Tchèques , peu  nombreux,  ont  commencé  à 
se  fixer  au  Caucase  depuis  peu  de  temps.  Ils  ont 
quelques  villages  dans  l’arrondissement  de  la  mer 
Noire. 

Le  nombre  des  représentants  des  autres  nationalités 
de  race  slave  est  si  minime  qu’il  est  inutile  d’en  parler. 

2)  RACE  LITHUANIENNE 

Elle  est  représentée  par  les  Lithuaniens  peu  nom- 
breux. 

3)  RACE  GERMANIQUE 

A cette  race  appartiennent  presque  uniquement  des 
Allemands  (21.000)  dont  les  colonies  sont  répandues 
dans  le  Caucase  septentrional  et  le  Transcaucase. 

4)  RACE  ROMANE 

Moldaves  (Roumains),,  Français  et  Italiens.  Dans 
l’arrondissement  de  la  mer  Noire,  un  millier  d’émigrés 
moldaves. 

5)  RACE  PÉLASGIQUE 

Les  Grecs  (47,000)  forment  des  colonies  dans  le 
gouvernement  de  Tiflis  et  l’arrondissement  de  la  mer 
Noire.  Ils  habitent  aussi  le  Caucase  septentrional 


80 


GUIDE  AU  CAUCASE 


(province  du  Kouban,  gouvernement  de  Stavropol). 
Le  plus  grand  nombre  d’entre  eux  se  trouvent  dans  la 
province  de  Kars  (23,000). 

6)  RACE  IRANIENNE 

a)  Les  Ossètes,  serrés  entre  les  trois  groupes  des 
((  peuples  caucasiens  proprement  dits  » (montagnards 
de  PE.,  de  PO.  et  Kartvéliens),  habitent,  au  nombre 
de  75.000,  principalement  le  Caucase  septentrional, 
dans  la  province  du  Térek,  la  partie  centrale  du  Cau- 
case, dans  les  vallées  du  Térek  moyen  et  de  ses  affluents 
de  gauche.  Une  partie  de  ce  peuple,  traversant  la 
haute  chaîne  du  Caucase,  est  allée  se  fixerau  S.,  dans 
la  région  occupée  par  les  Géorgiens,  vers  les  sources 
du  Liakvi,  du  Ksanki,  du  Rion.  Dans  le  gouvernement 
de  Tiflis  il  y en  a 50,000,  parmi  lesquels  il  faut 
compter  35,000  (district  de  Gori),  13,000  (district  de 
Douchet),  et  3,000  (gouvernement  de  Koutaïs,  district 
du  Radcha).  Le  nombre  total  des  Ossètes  peut  être 
évalué  à 130,000.  La  langue  ossétienne,  qui  porte  les 
traces  d’une  origine  iranienne  antique,  se  compose  de 
deux  dialectes  : le  tagaourien  ou  iranien  proprement 
dit  et  le  digorien . Les  branches  des  Ossètes  sont  : 

a)  La  branche  orientale,  tagaourienne  ou  ironienne 
proprement  dite  (Rives  du  Térek  moyen  et  de  ses 
affluents  : Fiagdone,  Giseldone  et  Ardone). 

b)  La  branche  occidentale,  digorienne,  le  long  de  la 
rivière  Ouroukh  et  de  ses  affluents  Leskène  et  Tché  - 
ghème. 

c)  La  branche  méridionale,  toualienne  (sur  le  versant 
méridional  du  Caucase).  Le  dialecte  toualien  n’est 
qu’une  modification  du  dialecte  ironien . 

b)  Les  Perses , qui  ont  joué  autrefois  un  grand  rôle  au 
Transcaucase,  surtout  dans  la  partie  orientale,  ne  for- 
ment qu’une  population  peu  nombreuse  ( 12,000.)  % 

1.  ïl  est  hors  de  doute  que  les  armées  persanes,  qui  ont  fait 
autrefois  irruption  dans  le  Transcaucase,  se  composaient  essen- 
tiellement de  Tatars  de  l’Aderbeïdjan  ; il  est  fort  probable 
aussi  que  les  Perses  qui  se  sont  transplantés  au  Transcaucase 
se  sont  tartarisés,  et  pourtant  il  est  étrange  que  dans  les  statis- 
tiques on  ne  trouve  pas  un  seul  Perse  dans  le  gouvernement 
d’Erivan  ni  dans  celui  d’Elisabethpol. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


81 


parmi  lesquels,  dans  le  gouvernement  de  Bakou , 

6.000,  et  dans  celui  de  Tiflis,  principalement  à Tiflis, 

2.000.  Il  y en  a presque  autant  dans  les  villes  de  la 
province  du  Térek  (Kisliar,  Vladikawkaz,  Mozdok, 
etc.).  Dans  la  province  ci-devant  de  Bakou  il  y en  a 
plus  de  1,500. 

c ) Les  Taies , parlant  un  dialecte  qui  se  rapproche 
beaucoup  de  la  langue  persane  moderne,  habitent  prin- 
ci pal ement  le  gouvernement  de  Bakou , districts  de  Bakou 
(35,000),  de  Kouba  (44,000),  et  le  Daghestan  méri- 
dional (arrondissement  de  Kaïtago-Tabassaran  (3,000)  ; 
en  tout  82,000. 

d)  Les  Taliches , parlant  un  dialecte  qui  a une  cer- 
taine parenté  avec  El  langue  persane  moderne,  mais 
qui  a conservé  du  zend  plus  de  débris  que  les  peuples 
iraniens  du  littoral  de  la  mer  Caspienne,  sont  au 
nombre  de  43,000  dans  le  district  de  Lenkoran. 

e ) Les  Kurdes , parlant  une  langue  qui,  quoique  se 
rapprochant  beaucoup  de  la  langue  persane  moderne , 
peut  être  considérée  comme  originale,  habitent  le  Trans- 
caucase  méridional,  principalement  dans  le  gouver- 
nement d’Erivan  (28,000),  dans  celui  de  Kars  (27,000), 
et  dans  quelques  districts  du  gouvernement  d’Elisa- 
bethpol.  Ils  mènent  une  vie  nomade  dans  la  province 
de  Batoum  et  dans  le  gouvernement  de  Tiflis.  Leur 
nombre  s’élève  à 72,000.  Ils  ont  deux  dialectes  : celui 
de  Kourmandji  et  celui  de  Zaza;  les  Kurdes  de  la 
frontière  russe  parlent  le  premier. 

7)  ARMÉNIENS 

Considérés  jusqu’à  présent  comme  appartenant  au 
groupe  iranien,  les  Arméniens,  d’après  les  investiga- 
tions récentes,  forment  un  peuple  séparé,  quoique  se 
rapprochant  beaucoup  par  leur  langue,  des  peuples  du 
susdit  groupe1.  Le  plus  grand  nombre  d’entre  eux  se 
trouvent  dans  le  gouvernement  d’Erivan  (290,000), 

1.  Le  professeur  Patkanofï  dit:  « La  langue  arménienne, 
occupant  le  milieu  entre  les  groupes  iranien  et  slavo-latin, 
représente  un  groupe  indépendant,  mais  disparu  (peut-être 
celui  de  FAsie-Mineure  ) des  langues  indo-européennes.  » 

6 


82 


GUIDE  AU  CAUCASE 


dans  celui  d’Elisabethpol  (200,000),  et  dans  celui  de 
Tiflis  (160,000).  Dans  le  gouvernement  de  Bakou  on 
en  compte  25,000.  Ils  habitent  aussi  la  province  de  Kars 
(37,000)  ; mais  dans  la  partie  occidentale  du  Transcau- 
case  il  y en  a peu  (12,000)  ; au  Caucase  septentrional 
on  en  compte  27,000  ; là  on  les  rencontre  principale- 
ment à Kisliar,  Mozdok,  dans  la  ville  de  Sainte-Croix, 
à Vladikawkaz  et  à Edessia.  Le  nombre  total  de  la  po- 
pulation arménienne  dans  le  pays,  y compris  les  Ar- 
méniens catholiques1 2,  s’élève  à 750,000  âmes. 

8)  RACE  INDOUE 

Tsiganes . Il  y en  a parmi  eux  qui  mènent  depuis 
longtemps  une  vie  nomade  dans  le  Caucase  ; d’autres 
sont  venus  de  Russie.  Dans  ces  derniers  temps,  les 
Tsiganes  de  Bessarabie  ont  commencé  à peupler  le 
pays.  Leur  nombre  total  n’a  pas  encore  été  fixé  ; en 
tout  cas,  il  y en  a fort  peu. 

II.  Famille  sémitique. 

a)  Juifs . Un  grand  nombre  de  Juifs  habitent  le  Cau- 
case depuis  une  époque  reculée  : ce  sont  d’abord  les 
soi-disant  Juifs  montagnards  qui  parlent  le  dialecte  des 
Tates  et  qui  habitent  principalement  dans  la  province 
du  Térek  et  du  Daghestan.  Parmi  ceux  qui  sont  établis 
depuis  longtemps  il  faut  citer  aussi  les  Juifs  géorgiens 
parlant  géorgien.  Après  la  pacification  du  Caucase, 
des  Juifs  de  Russie  sont  également  venus.  On  peut 
évaluer  leur  nombre  total  à 38,000. 

b et  c)  Il  y a des  Syriens  et  des  Chaldéens  dans 
quelques  villages  du  gouvernement  d’Erivan,  dans  la 
steppe  de  Karaïas  et  à Tiflis.  Dans  cette  ville  vivent 
aussi  des  Chaldéens  qui  viennent  y chercher  du  travail. 
Le  nombre  des  Syriens  et  des  Chaldéens  est  de  3,000\ 

1.  Aux  Arméniens  appartiennent  aussi  les  « Arméniens  ca- 
tholiques ».  Parmi  ces  derniers,  il  y en  a qui  habitent  depuis 
une  époque  reculée  en  Géorgie,  en  ïméréthie,  et  qui  ont  perdu 
la  langue  de  leurs  ancêtres  et  parlent  géorgien.  Ils  s’appellent 
en  général  « catholiques  » tout  court;  il  y en  a qui  se  nomment 
« géorgiens».  On  dit  aussi  que  parmi  ceux  nommés  catholiques, 
il  y en  a beaucoup  d’origine  géorgienne. 

2.  Dans  les  Matériaux  pour  étudier  la  vie  économique  des 


GUIDE  AU  CAUCASE 


83 


III.  Groupe  des  peuples  proprement  dits 
Caucasiens. 

1)  groupe  kartvélien  (ivérique). 

a)  Géorgiens . Leurs  subdivisions1 . 

a)  Géorgiens  proprement  dits,  habitant  le  gouver- 
nement de  Tiflis,  la  Kartalinie  et  la  Kakhétie  (bassins 
du  cours  moyen  et  du  cours  supérieur  de  la  Koura).  En 
ajoutant  à leur  nombre  les  soi-disant  Inghiloziens  de 
l’arrondissement  de  Zakatal,  et  qui  ont  été  autrefois 
convertis  à l’islamisme,  on  arrivera  au  chiffre  de 
310,000. 

b)  Géorgiens  montagnards  : Khevsours,  Pchaves  et 
une  grande  partie  des  habitants  de  la  Touchétie2,  peu- 
plant aussi  le  gouvernement  de  Tiflis;  on  en  compte  en 
tout  20,000. 

c)  Iméréthiens  et  Gouriens  (gouvernement  de  Kou- 
taïs),  380,000. 

d)  Adjares,  Koboulétiens  et  en  général  les  Géorgiens 
qui  habitent  la  ci-devant  province  de  Batoum  (arron- 
dissement de  Batoum,  défilés  sauvages  et  inaccessibles 
de  l’arrondissement  d’Artvine,  ceux  de  Mourgoul  et  de 
Khatil,  etc.),  46,000*. 

paysans  de  la  Couronne  au  T r anse auras e on  trouve  des  Arçtbes 
mentionnés  (gouvernement  de  Bakou)  parmi  les  peuples  sé- 
mitiques du  pays.  Mais  les  arguments  relatifs  à l’existence 
actuelle  d 'Arabes  au  Caucase  ne  sont  pas  fort  persuasifs. 

1.  Les  conditions  locales,  orographiques  et  autres,  ainsi  que 
les  circonstances  historiques,  ont  contribué  à la  formation  des 
subdivisions  des  Géorgiens.  Ces  subdivisions  ne  présentent  que 
quelques  particularités  de  caractère  et  de  mœurs  ; par  consé- 
quent il  ne  serait  pas  juste  de  les  considérer  comme  des  races 
ou  des  peuplesà  part 

2.  La  dénomination  de  « Touchétie  » n’est  pas  à vrai  dire 
ethnique  ; dans  cette  contrée  il  y a 4 communautés  dont  trois 
d’origine  géorgienne,  et  une,  celle  des  Tsoves,  se  rattache  aux 
soi-disant  Kistines,  qui  ont  une  parenté,  vu  leur  origine  et  leur 
langue,  avec  les  Tchétchènes.  Les  Tsoves,  qui  se  sont  établis 
depuis  des  temps  reculés  dans  la  Touchétie,  sont  entrés  en 
rapports  intimes  avec  ses  autres  communautés  et  ont  aussi 
vaillament  que  ces  derniers  défendu  le  pays  contre  l’invasion 
des  Lesghiens  et  des  Kistines. 

3.  Ce  sont  des  Géorgiens  mahométanisés  qui  rappellent  par 
le  type,  le  langage  et  le  caractère,  leurs  voisins  les  Gouriens. 
A ce  propos  ajoutons  que  les  Turcs  ont  mahométanisé  autre- 


84 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Le  nombre  total  des  Géorgiens  est  de  755,000  âmes. 

b)  Ming  réliens'  (200,000),  gouvernement  de  Koutaïs. 

c)  Les  Lazes  (2,000),  arrondissement  de  Batoum, 
occupent  une  partie  du  littoral  de  la  mer  Noire2. 

d)  Svanes  (12,000),  gouvernement  de  Koutaïs. 

2)  GROUPE  DES  MONTAGNARDS  OCCIDENTAUX 

a)  Les  vrais  Abkhazes  ( Azègas),  arrondissement  de 
Soukhoum  (32,000).  Les  Abazes  10,000  (partie  du  S.- 
E.  de  La  province  de  Kouban,  et  surtout  district  de 
Batalpachinsky.  On  compte  en  tout  42,000  Azégas. 

b)  Tcherkess  ( Adighés ).  Le  plus  grand  nombre 
d’entre  eux,  sous  le  nom  de  Kabardes  (72,000),  habitent 
la  province  du  Térek  (Grande  et  Petite-Kabarda,  plaines 
du  bassin  de  la  Malka  et  rive  droite  du  Térek  jusqu’à 
la  rivière  Kourpa).  Le  Térek  sépare  la  Grande  et  la 
Petite-Kabarda.  En  outre,  les  Adighés  sont,  sous  dif- 
férentes dénominations,  dispersés  dans  la  partie  S.  de 
la  province  du  Kouban  au  N.  des  Abazes.  On  dis- 
tingue les  Abadzeks  (16,000),  les  Bjedouks  (12,000), 
les  Kabardes  (12,000),  les  Beslémiens  (6,000),  les  Chap- 
soughs  (2,500).  En  tout  57,000  Adighés  dans  la  pro- 
vince de  Kouban.  En  ajoutant  à ce  nombre  le  reste  des 
Adighés  de  l’arrondissement  de  la  mer  Noire  (1,200), 
on  arrivera  au  chiffre  total  de  plus  de  130,000 3 . 

fois  aussi  les  habitants  de  la  Kartalinie  supérieure  (nommée 
Saatabago)  qui  fait  partie  actuellement  du  district  d’Akhaltzik 
et  des  contrées  voisines.  Cette  population  ressemble  par  la 
langue  et  son  caractère  aux  Kartaliniens . 

1.  Les  Mingréliens  parlent  une  langue  répandue  dans  toute 
la  Mingrélie  et  qui  offre  beaucoup  de  rapport  avec  le  géorgien. 

2.  Le  plus  grand  nombre  des  Lazes  sont  restés  sous  la  domi- 
nation turque.  Les  formes  étymologiques  des  langues  mingré- 
lienne  et  laze,  ainsi  que  leurs  lexiques,  ont  une  telle  ressem- 
blance que  plusieurs  savants  les  considèrent  comme  idiomes 
de  la  même  langue.  Cette  opinion  a besoin  d’être  scientifique- 
ment contrôlée.  En  ce  qui  concerne  les  formes  étymologiques 
et  le  lexique  de  la  langue  svanétienne,  cette  dernière  s’éloigne 
beaucoup  des  autres  langues  du  groupe  kartvélien. 

o.  Nous  n’appelons  pas  les  branches  de  la  famille  tcherkess 
races  ni  peuples,  parce  que  ces  branches,  autant  qu’on  le  sait 
jusqu’à  présent,  parlent  une  même  langue  se  divisant  en  deux 
dialectes,  le  haut  circassien  (kabardien)  et  le  bas  circassten. 
Il  y a d’autres  dialectes  circassiens  qui  n’ont  pas  encore  été  étudiés. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


85 


GROUPE  DES  MONTAGNARDS  ORIENTAUX 

a)  Tchétchènes  et  leurs  parents,  d’après  l’origine  et 
la  langue,  les  soi-disant  Kistines1.  Les  Tchétchènes 
habitent  dans  la  province  du  Térek,  à l’E.  des  Ossètes, 
entre  cette  rivière  et  la  frontière  S.  de  la  province  du 
même  nom,  depuis  le  défilé  du  Darial  jusqu’à  la  source 
de  la  rivière  Aktacha.  Cet  espace  toutefois  n’est  pas 
entièrement  occupé  par  eux;  leurs  terres  sont  entre- 
coupées par  les  champs  des  Cosaques  et  les  tentes 
des  Koumiks.  On  distingue  : les  purs  Tchétchènes 
(arrondissement  de  Grosnaïa),  les  Tchétchènes  mon- 
tagnards (arrondissement  d’Argoun),  les  Aoukovs 
(arrondissement  de  Khasav-Yourt),  les  Itckères  (arron- 
dissement de  Véden).  Tous  les  Tchétchènes  de  la 
province  du  Térek  sont  au  nombre  de  195,000.  Ils 
ont  une  parenté  avec  les  Ingouches.  Ils  sont  originaires 
de  la  Kistétie,  pays  montagneux  qui  s’étend  au  N. 
de  la  Touchétie  et  de  la  Kevsourie  et,  vers  l’O.,  jus- 
qu’aux rivières  Makaldona,  affluent  du  Térek,  et 
Aragva.  Les  Ingouches  (28,000),  vivent  dans  l’arron- 
dissement de  Vladikawkaz  (province  du  Térek),  et  les 
Kistines  (3,000),  au  N.  des  districts  de  Tioneth  et  de 
Douchet  (gouvernement  de  Tiflis)2. 

b)  Lesghiens.  Ils  habitent  principalement  le  Da- 
ghestan. Parmi  les  langues  lesghiennes  il  y en  a qui 
sont  surtout  répandues,  par  exemple  : l’avare,  la  dargho 
et  la  kurine  parlées  jadis  par  les  peuples  qui  ont  do- 
miné au  Daghestan  ; parmi  les  moins  répandues  il  faut 
citer  celle  des  Kazikoumouks  et  des  Tabassarans. 

1.  La  langue  tchétchène  ayant  une  parenté  avec  la  les- 
ghienne,  nous  classons  les  Tchétchènes  dans  le  groupe  des 
montagnards  orientaux. 

2.  A une  époque  reculée,  la  communauté  nommée  Tsove  a 
émigré  de  Kistétie  en  Touchétie.  La  langue  de  cette  commu- 
nauté, étudiée  par  l’académicien  Schifner,  atteste  une  certaine 
parenté  avec  celle  des  Tchétchènes,  mais  présente  aussi  des 
particularités  qui  permettent  de  la  classer  comme  langue  in- 
dépendante. Le  dialecte  des  Ingouches  n’a  pas  encore  été 
étudié.  A propos  de  la  langue  tchétchène,  M.  Uslar  a publié 
un  travail  remarquable  à la  suite  duquel  Schifner  a fait  des 
comparaisons  entre  les  langues  tchétchène  et  tsove  que  l’aca- 
démicien a nommée  par  erreur  langue  des  Touches. 


86 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Viennent  ensuite  celles  que  parlent  quelques  milliers 
d’individus  appartenant  à d’autres  peuplades.  Après  les 
recherches  et  les  études  approfondies  d’Uslar  et  de 
Schifner,  on  peut  rejeter  comme  erronée  l’ancienne 
opinion  qui  faisait  admettre  les  peuples  du  Daghestan 
comme  extraordinairement  polyglottes.  Quelques-unes 
de  ces  langues  manifestent  une  grande  parenté  entre 
elles,  et  on  peut  les  considérer  comme  groupes  particu- 
liers. Les  autres,  paraît-il,  sont  tout  à fait  indépen- 
dantes, quoiqu’elles  aient  une  parenté  avec  toutes  les 
langues  lesghiennes.  Il  était  à souhaiter  que  les  études 
de  linguistique  eussent  été  continuées,  mais  depuis  la 
mort  d’Uslar  elles  ont  été  complètement  négligées. 
Quoi  qu’il  en  soit,  on  peut,  en  se  basantsur  les  données 
acquises,  affirmer  que  les  Lesghiens  et  Tchétchènes 
forment  une  famille  à part,  n’ayant  aucune  parenté 
avec  les  peuples  qu’on  a étudiés  sous  le  rapport  de  la 
linguistique. 

a)  Groupe  avaro-anclien.  Le  premier  rang  parmi  les 
peuples  de  ce  groupe  appartient  aux  Avares  dont  la 
langue,  grâce  à leur  ancienne  prédomination  dans  le 
pays,  s’est  répandue  du  N.  au  S.  des  deux  côtés  des 
chaînes  du  Daghestan,  et  est  d’un  usage  général  pour 
les  rapports  mutuels  entre  les  montagnards  de  cette 
contrée.  Le  plus  grand  nombre  des  Avares  se  trouvent 
dans  l’arrondissement  de  Gounib  (Daghestan  central), 
et  dans  celui  d’Avarie  (Daghestan  occidental).  Dans  le 
Daghestan  ils  sont  au  moins  100,000.  En  outre,  ils  ont 
pénétré  autrefois  dans  l’arrondissement  actuel  de  Za- 
katal  où  ils  forment  à présent  presque  la  moitié  de  la 
population  (30,000).  Le  nombre  total  des  Avares  (Sa- 
lataves)  dans  la  province  du  Térek  est  de  12,500  ; en 
tout,  leur  nombre  s’élève  à 142,000.  Dans  l’arrondis- 
sement d’Andi  (Daghestan  occidental),  qui  est  le  plus 
polyglotte  de  tout  le  Daghestan,  il  y a huit  clans  parlant 
des  dialectes  différents,  mais  ayantune  certaine  parenté. 
La  plus  nombreuse  de  ces  familles  est  celle  des  Andis 
(7,000),  puis  viennent  lesKaratas,  les  Tchamalales,  les 
Andalales,  les  Bawalales,  les  Akhvakhs,  les  Botlikhs 
et  les  Godobéris  qui  avec  les  Andis  forment  une 
population  de  24,000  âmes.  D’après  M.  Zagoursky , 


GUIDE  AU  CAUCASE 


87 


leurs  dialectes  ont  quelque  parenté  avec  la  langue 
avarienne. 

Dans  l’arrondissement  d’Andi  habitent  aussi  les 
Didos  et  les  Kvarchis  (6,000  environ),  mais  on  n’a  pu 
jusqu’à  présent  établir  définitivement  leur  parenté  avec 
les  races  précitées 

b)  Groupe  dargho.  Les  peuples  de  ce  groupe  qui 
occupent  surtout  la  partie  orientale  du  Daghestan,  ont 
des  dialectes  tellement  apparentés,  qu’on  peut  les  con- 
sidérer comme  parlant  une  seule  langue.  Ces  peuples 
ne  portent  cependant  pas  le  nom  de  Dargho  (cette  dé- 
nomination ayant  été  jadis  plutôt  politique  qu’eth- 
nique)1. Les  dialectes  dargho  se  divisent  en  : Aboucha 
qui  est  le  plus  répandu  dans  l’arrondissement  de  Dar- 
gho (Daghestan  septentrional)  ; Khaïdak  arrondisse- 
ment de  Kaïtago-Tabassaran  (Daghestan  méridional), 
et  Voukourne  (Daghestan  central).  A ce  dernier  il  faut 
rattacher,  paraît-il,  la  langue  des  Koubatchis  qu’on 
prenait  jadis  pour  des  « Francs  »,  et  dont  le  dialecte, 
d’après  M.  Zagoursky,  aune  grande  ressemblance  avec 
la  langue  dargho.  Le  nombre  des  peuples  parlant  les 
dialectes  dargho  dépasse  le  chiffre  de  90,000. 

c)  Groupe  kura.  Les  Kuras  (87,000)  occupent  une 
contrée  large  et  allongée  sur  les  deux  rives  du  Samour 
(Daghestan  méridional);  ils  habitent  aussi  dans  le 
district  de  Ivouba  (gouvernement  de  Bakou),  et  en 
petit  nombre  dans  le  district  de  Noukha  (gouver- 
nement d’Elisabethpol).  On  en  compte  en  tout  plus  de 
131.000. 

Il  existe  une  certaine  parenté  entre  les  langues  des 
Routouls  (11,500)  et  des  Sakours  (15,000)2  qui  habitent 
dans  le  haut  bassin  du  Samour. 


1.  Le  nom  de  Dargho  dérive  du  mot  darghouci  qui  signifie 
« fédération  » (formée  de  communautés  libres,  pour  se  dé- 
fendre contre  les  attaques  des  peuples  voisins).  La  plus  consi- 
dérable de  ces  fédérations  était  celle  d’Akoucha  (Daghestan 
septentrional).  Les  Koumiks,  qui  habitent  dans  le  voisinage  de 
cette  fédération,  en  ont  nommé  les  habitants  « Darghilars  », 
d’où  dérive  le  mot  russe  « Darghinci  » ; et  cette  dénomination 
s’est  étendue  ensuite  à toutes  les  « fédérations  » montagnardes 
qui  sont  apparentées  par  leur  langue  avec  les  Akoucha- 
Darghoua. 

2.  10,000  habitent  l’arrondissement  de  Zakatal. 


88 


GUIDE  AU  CAUCASE 


d ) Peuplades  dont  la  proche  parenté  avec  les  autres 
peuplades  lesghiennes  n'a  pas  été  constatée  : 

Les  Lakis  (Kazikoumouks),  au  Daghestan  central 
(35,000). 

Les  Tabassarans,  au  Daghestan  méridional  (17,000). 

Les  Artchis  habitant  le  petit  « aoul  » (village)  d’Art- 
chi,  à 30  v.  de  Koumoukh. 

Les  Kapoutchas , au  Daghestan  central.  A cette  caté- 
gorie appartiennent  aussi  les  Agouls  (5,500),  voisins 
des  Tabassarans  (selon  les  uns,  leur  langue  est  appa- 
rentée à celle  des  Tabassarans,  selon  les  autres  à celle 
des  Kuras);  les  Kriscis,  les  Djekhis,  les  Boudoughs  et 
les  Khinaloughos  ainsi  appelés  d’après  les  noms  de 
leurs  « aouls  » (gouvernement  de  Bakou,  district  de 
Kouba).  Les  Djekhis,  Kriscis  et  Boudoughs,  d’après 
les  indigènes,  parlent  des  dialectes  de  langue  kura, 
tandis  que  les  Khinaloughs,  au  dire  des  Kuras,  parlent 
un  dialecte  particulier,  incompréhensible.  Les  plus 
nombreuses  de  ces  tribus  sont  celle  des  Djekhis  (6,000) 
et  celle  des  Kriscis  (5,000). 

e)  Oudiens,  peuple  lesghien  qui  s’est  fixé  depuis  des 
temps  très  reculés  au  Transcaucase.  Ce  sont  proba- 
blement les  descendants  des  Agvans  (Albanais)  dont 
parlent  les  chroniqueurs  arméniens1.  Les  Arméniens 
avaient  réussi  à baptiser  une  grande  partie  de  ce  peuple  ; 
mais  le  christianisme  n’a  pas  pris  racine  chez  les  Ou- 
diens, et  ils  sont  devenus  musulmans  après  l'invasion 
des  Tartares.  Aujourd’hui  la  langue  oudienne  est  parlée 
dans  deux  villages  du  district  de  Noukha  : Vartachène 
et  Nige  ; là  le  nombre  des  Oudiens  s’élève  à 10,000. 
On  cite  encore  quelques  villages  musulmans  qui  ont, 
dit-on,  gardé  quelques  débris  de  la  langue  oudienne. 
Tout  en  ayant  conservé  les  bases  des  langues  lesghien- 
nes, la  langue  des  Oudiens  a subi  l’influence  tartare  et 
elle  a emprunté  une  foule  de  mots  à l’arménien. 

1.  Cette  assertion  est  confirmée  par  les  études  de  linguistique 
de  M.  Zagoursky. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


89 


B.  — RACE  MONGOLE 

I.  Famille  turque. 

Les  peuples  de  cette  famille  sont  venus  au  Caucase 
par  le  S.  et  le  N.  Ceux  établis  au  Transcaucase  sont 
arrivés  de  Turquie  et  de  Perse;  ces  derniers  sont  les 
plus  nombreux. 

1)  PEUPLES  TURCS  HABITANT  LE  CAUCASE 

a)  Tatars  d’ Aderbeïdjan.  Comme  l’indique  leur 
dénomination,  ils  sont  venus  d’Aderbeïdjan,  province 
de  la  Perse.  Leur  dialecte,  qui  a subi  l’influence  de  la 
langue  persane,  est  extrêmement  simple  et  facile  à 
apprendre.  Profitant  de  la  protection  des  schahs,  ils 
ont  réussi  à se  fixer  dans  la  partie  S.-E.  du  Trans- 
caucase. Les  Oudiens,  subjugués  par  eux  et  convertis 
à l’islamisme,  ont  appris  leur  langue  et  se  sont  faits 
Tatars.  D’autres  peuples  tatars,  dont  le  type  est  fort 
différent  du  leur,  par  exemple  les  Mongols  qui  habitent 
actuellement  dans  l’arrondissement  de  Zakatal,  au 
nombre  de  21,000,  se  sont  aussi  approprié  leur  langue. 
Les  Tatars  de  l’Aderbeïdjan  ont  pénétré  dans  la  zone 
maritime  du  Daghestan  jusqu’à  Derbent  et  au  delà,  où 
ils  se  sont  rencontrés  avec  les  Koumiks,  peuple  turc 
arrivé  par  le  N.  Le  plus  grand  nombre  de  ces  Tatars 
habitent  trois  gouvernements  orientaux  du  Trans- 
caucase : celui  d'Elisabethpol  (360,000),  celui  de 
Bakou  (305,000)  et  celui  d'Erivan  (212,000).  On  peut 
évaluer  le  nombre  des  Tatars  parlant  le  dialecte 
d’Aderbeïdjan  à 940,000  \ C’est  une  population  mixte 

1.  M.  Seidlitz,  dans  son  ouvrage.  Tableau  des  populations 
du  Caucase,  inséré  dans  le  t.  Vil  du  Recueil  de  renseigne- 
ments sur  le  Caucase . a exagéré,  il  semble,  le  nombre  des 
Tatars  d’Aderbeïdjan  qu’il  évalue  à 975,758.  (L’ouvrage  en 
question  a été  publié  en  1880.  les  statistiques  ont  été  recueillies 
en  1870.)  Dans  ce  chiffre  figurent  les  Tatars  des  districts 
d’Akhaltzik,  d’Akhalkalaki,  annexés  à la  Russie  en  vertu  du 
traité  d’Andrinople,  et  qui  parlent  turc.  Mais  on  peut  se 
demander  si  toute  cette  population  est  vraiment  turque.  Les 
autorités  locales  russes  ont  donné  indistinctement  le  nom  de 
« Tatars  » à tous  les  musulmans;  or,  l’histoire  prouve  que  la 


90 


GUIDEAU  CAUCASE 


dont  le  type,  en  grande  partie,  ressemble  à celui  de  la 
race  blanche. 

b)  Les  Turcs  habitent  principalement  dans  les 
régions  récemment  annexées  à la  Russie  : province  de 
Kars  (42,500)  et  dans  celle  de  Batoum  (34,000);  là 
ils  occupent  une  grande  partie  de  l’arrondissement 
d’Artvine  (Chavchète),  tout  le  district  d’Ardanoutch 
et  la  partie  méridionale  du  district  d’Artvine. 
On  en  trouve,  à Batoum  (3,000)  et  dans  quel- 
ques localités  de  ce  district.  Il  y faut  aussi  compter 
comme  Turcs  les  soi-disant  « Tatars  » des  districts 
d’Akhaltzik  et  d’Akhalkalaki.  Enfin,  on  rencontre 
des  Turcs  dans  deux  villages  du  district  d’Ozourghet 
(Gourie)  et  dans  quelques  endroits  du  littoral  de  la 
mer  Noire.  Leur  nombre  total,  y compris  les  Tatars 
dont  il  est  parlé  dans  la  note  n°  1,  p.  89,  peut  être 
estimé  à 100,000. 

c)  Les  Turcmènes  (Tarakamans),  peuple  dont  la 
langue  diffère  de  celle  des  Turcs,  ont  émigré  de  Turquie. 
Ils  sont  dans  la  province  de  Kars  plus  de  9,000.  Un 
petit  nombre  d’entre  eux  s’est  fixé  dans  le  district 
d’Akhaltzik  où  on  les  nomme  Tarakamans. 

d)  Les  Karapapaks . On  ne  peut  rien  dire  de  précis 
relativement  à leur  origine  et  à leur  langue.  On  en 
compte  23,000  dans  la  province  de  Kars. 

2)  PEUPLES  TURCS  HABITANT  LE  CAUCASE  SEPTENTRIONAL 

a)  No  g aïs.  L’invasion  principale  des  peuples  turcs 
aux  frontières  du  Caucase  date  du  XIIe  s.,  au  temps  de 
Tchighis-Khan.  Parmi  les  différentes  hordes  qui  ont 
attaqué  à cette  époque  la  région  du  N.-E.,  les  Nogaïs 
tenaient  le  premier  rang.  Us  se  sont  établis  d’abord 
avec  d’autres  dans  les  steppes  méridionales  de  la 
Russie  actuelle,  entre  la  Caspienne  et  la  mer  Noire. 
Mais  au  XIVe  s.  commencèrent  les  mouvements  des 
Adighés  : les  Kabardiens  enlevèrent  aux  Nogaïs  la 

plupart  des  habitants  actuels  des  districts  d’Akhaltzik  et 
d’Akhalkalaki  ont  été  convertis  à l’islamisme,  et  leur  origine 
géorgienne  est  attestée  par  le  type,  l’accent  et  la  langue  géor- 
gienne elle-même,  que  beaucoup  d’entre  eux  parlent  encore. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


91 


contrée  connue  actuellement  sous  le  nom  de  Grande- 
Kabarda  et  isolèrent  ainsi  les  Tatars  qui  restèrent  sur 
les  terres  d’amont  des  rivières  arrosant  la  Grande- 
Kabarda.  Plus  loin  les  Nogaïs  ont  été  aussi  refoulés 
vers  les  sources  du  Kouban  et  les  régions  voisines  où 
ils  sont  encore  près  de  5,000;  d’autres  ont  occupé  les 
champs  de  la  partie  orientale  du  gouvernement  de 
Stavropol  où,  au  nombre  de  44,000  \ ils  mènent  une 
vie  nomade;  une  partie  d’entre  eux  parcourent  les 
steppes  qui  s’étendent  jusqu’à  la  province  du  Térek. 
Enfin,  plus  de  3,500  Nogaïs  sont  fixés  dans  l’arron- 
dissement de  Khasav-Yourt. 

b)  Les  Koumiks , venus  aussi  au  Caucase  au  XIIe  s., 
sont,  d’après  leur  langue,  apparentés  aux  Nogaïs  et 
appartiennent  à la  même  branche  (nogaïque).  Ils  sont 
campés  plus  au  S.  ; ils  occupent  la  région  au  N.  de 
Derbent,  le  long  du  littoral  de  la  Caspienne,  et  au 
N. -O.  jusqu’aux  montagnes  de  Katchkalik  (province 
du  Térek).  C’est  un  peuple  civilisé  qui  a une  certaine 
influence  sur  les  peuplades  voisines  dont  le  .déve- 
loppement intellectuel  est  inférieur.  Ils  habitent  au 
Daghestan  et  dans  la  province  du  Térek  (arrondissement 
de  Khasav-Yourt  et  une  partie  de  celui  de  Kisliar). 
On  évalue  leur  nombre  à 77,000,  dont  40,000  sont 
fixés  au  Daghestan. 

c)  Kabardiens  montagnards.  (Communautés  mon- 
tagnardes de  l’arrondissement  de  Naltchik.)  Ceux-ci 
n’ont  pas  une  dénomination  générale  et  portent,  pour 
la  plupart,  le  nom  des  localités  qu’ils  occupent.  Ils 
habitent  vers  les  sources  des  rivières  qui  coulent  à 
travers  la  Grande-Kabarda.  Leurs  communautés  sont  : 
les  Balkars  ou  Malkars,  les  Bisingues,  les  Koulous 
aux  sources  du  Térek,  les  Tchéguèmes  (vallée  de  la 
rivière  Tchéguème),  et  les  Ouroussbis  (vallée  de  la 
rivière  Baksane).  Leur  nombre  total,  y compris  les 
5,000  Balkars,  dépasse  13,000.  On  prétend  que  ces 
communautés  sont  apparentées  aux  Koumiks  et  aux 
Nogaïs,  mais  cette  assertion  demande  à être  vérifiée. 

1.  Les  Nogaïs  y sont  connus  sous  les  noms  de  Kara-Nogaïs, 
Atchikoulouk-Djembelouks,  Edissans  et  Edicbkoul-Nogaïs. 


92 


GUIDE  AU  CAUCASE 


d)  A la  branche  des  Nogaïs  appartiennent  aussi  les 
Karatchaves , qui  habitent  au  nombre  de  19,000  vers 
les  sources  du  Kouban  et  de  ses  affluents  supérieurs. 

e)  Dans  le  gouvernement  de  Stavropol,  vers  l’em- 
bouchure du  Kalaous  et  de  la  Kouma,  on  rencontre  les 
Trukmènes  (18,000),  nomades  originaires  probablement 
des  steppes  transcaspiennes  où  errent  aussi  les  Truk- 
mènes appartenant  à la  branche  ouïgoure  du  groupe 
turc. 

II.  Race  purement  mongole. 

Kalmouks . La  langue  kalmouke  se  rattache  au 
groupe  mongol  des  langues  ouralo-altaïques.  D’abord 
rejetés  par  les  Kirghiz  sur  la  rive  droite  de  l’embou- 
chure du  Volga,  les  Kalmouks  ont  changé  ensuite  de 
campement  et  ont  pénétré  dans  les  steppes  du  gouver- 
nement de  Stavropol  au  S.  du  Manitch  où  se  trouve 
actuellement  « l’oulous  du  Grand-Derbet.  » Beaucoup 
d’entre  eux  vont,  de  temps  à autre,  dresser  leurs  tentes 
sur  la  rive  droite  du  Térek  (arrondissement  de  Groz- 
naïa).  Leur  nombre  total  est  de  10,000. 

III.  Race  finnoise. 

Les  Estes,  seuls  représentants  de  cette  race  au 
Caucase,  ont  commencé  à s’y  fixer  dans  ces  derniers 
temps.  La  plupart  d’entre  eux  (950)  se  sont  établis 
dans  le  district  d’Alexandrovsky  (gouvernement  de 
Stavropol)  et  300  dans  l’arrondissement  de  la  mer 
Noire.  En  tout,  on  en  compte  1,400. 


LA  GÉORGIE  ET  LES  GÉORGIENS1 

Aperçu  historique.  — La  Géorgie,  placée  entre 
l’Europe  et  l’Asie,  a été  sans  cesse  exposée  aux  vicis- 
situdes de  la  politique  de  l’Orient.  Chrétienne  dès  le 
IVe  s. , persécutée  par  les  pyrolâtres  sous  les  Sassanides 
du  IIIe  et  IVe  s.,  elle  fut  perpétuellement  en  lutte  avec 

1.  D’après  Vakoucht,  Brosset,  Dubois  de  Montpéreux,  Vivien 
de  Saint-Martin,  Elisée  Reclus  et  les  notes  de  Bakradzé. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


93 


l’islamisme  depuis  la  moitié  du  VI  Ie  s.  Elle  est  soumise 
aux  Califes,  puis  aux  Seldjoucides  de  Perse  jusqu’à  la 
fin  du  XIIe  s.  Alors  paraissent  les  Mongols  qui  y font 
leur  première  invasion  en  1222.  Tamerlan  y vient  plu 
sieurs  fois  depuis  1384  et  la  ravage  de  fond  en  comble. 
Elle  continue  à être  soumise  à ses  successeurs,  puis, 
jusqu’à  la  fin  du  XVe  s.,  aux  dynasties  tartares.  Vient 
ensuite  la  dynastie  des  Sopliis  de  Perse.  La  Géorgie  est 
persécutée  et  décimée  par  Schah-Abbas  qui  emmène  en 
captivité  40,000  familles  de  la  Kakhéthie  qui  vont  périr 
dans  le  Mazandéran.  Un  moment  soumise  aux  Turcs 
sous  Amurath  III  (1578),  elle  est  partagée  entre  les 
Persans  et  les  Turcs  ; ceux-ci  gardent  la  partie  occi- 
dentale, c’est-à-dire  l’Akhalzikhé,  la  Mingréïie  et  le 
Gouria,  mais  la  domination  persane  ne  cesse  pas  jusque 
vers  la  fin  du  XVIIIe  s.  Malgré  les  persécutions  et  les 
calamités  de  tout  genre  qui  marquent  cette  longue  suite 
de  siècles,  la  Géorgie  parvint  à se  maintenir  sous  tant 
de  dominateurs.  Son  histoire  jette  de  l’éclat  aux  XIe  et 
XIIe  s.,  et  dans  les  cinquante  premières  années  du 
XIIIe  s.  surtout.  C’est  le  temps  glorieux  des  Bagrat,  de 
David  le  Réparateur  et  de  la  reine  Thamar  sous  le  règne 
de  laquelle  (1184-1212)  la  Géorgie  dévient  même  indé- 
pendante. On  ne  peut  assez  admirer  la  persistance  de 
cette  nationalité  au  milieu  de  tant  de  vicissitudes.  C’est 
la  foi  vive  de  son  peuple,  un  des  premiers  en  date  parmi 
les  peuples  de  la  chrétienté,  qui  la  soutint,  puis  son 
courage  naturel  qui  trouvait  d’ailleurs  des  éléments  de 
défense  dans  une  contrée  généralement  montagneuse. 
En  1586,  la  Géorgie  avait  déjà  des  rapports  réguliers 
avec  la  Russie  qui  lui  envoya  toute  espèce  de  secours 
en  hommes  et  en  argent.  En  1783,  le  roi  Héraclé  s’en 
déclare  vassal  et  repousse  les  propositions  du  schah 
de  Perse  Mahomed-Khan  (1784)  ; celui-ci  ajournant  sa 
vengeance  jusqu’en  1795,  fond  sur  la  Géorgie  et  dévaste 
Tiflis.  C’est  la  fin.  La  Russie  intervient  et  établit,  avec 
sa  domination,  la  sécurité  à jamais. 

Géographie.  — La  Géorgie  comprenait  : le  haut 
bassin  de  la  Koura,  les  bassins  du  Rion  et  de  l’Ingour, 
les  mont  d^Adjarie  et  le  littoral  de  la  mer  Noire  jusqu’à 
Trébizonde.  Une  grande  partie  de  cette  région  était 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


connue  dans  l’antiquité  sous  le  nom  d’Ibérie  ; quant  au 
nom  même  de  Géorgie,  il  est  d'origine  persane.  Gour- 
djistan  était  pour  les  Persans,  et,  d’après  eux,  pour  les 
* Arabes,  le  pays  du  Kour ; les  Turcs  disent  Qurdji  ; la 
forme  russe  est  Grousia  ; celle  de  Géorgie  a été  natu- 
ralisée en  Europe  par  les  moines  voyageurs  du  XIIIe  s. 
Les  Géorgiens  eux-mêmes  n’emploient  guère  que  les 
noms  particuliers  de  leurs  différentes  provinces.  Cepen- 
dant il  en  est  un  d’une  acception  générale  et  qui 
s’applique  souvent  au  pays  tout  entier,  c’est  celui  de 
Sakartvélo  (Géorgie)  et  de  Kartvéli  (Géorgien).  Kar- 
thlos,  dans  les  vieilles  légendes  nationales,  est  le 
patriarche  de  la  race. 

Situation  et  limites.  — La  Géorgie  confine  au 
N.-E,  au  Daghestan  dont  elle  est  séparée  par  la  partie 
orientale  du  Caucase;  au  N.  à l’Ossétie  et  aux  monts 
du  Caucase  occidental  ; à TO.  aux  districts  turcs  de 
l’Asie-Mineure ; au  S. -O.  et  au  S.  à l’Arménie;  au 
S.-E.  au  Chivan.  De  l’E.  à PO.  la  plus  grande  dimen- 
sion du  pays  est  d’environ  600  kilom.  avec  une  lar- 
geur moyenne  de  220  kilom.  environ. 

Limites  ethnographiques.  — Bien  que  le  bassin 
de  la  Koura  soit  le  foyer  principal  de  la  nationalité 
géorgienne,  les  limites  naturelles  du  bassin  n’ont  pas 
toujours  contenu  la  race  qui,  sur  plusieurs  points,  s’est 
épanchée  au  dehors,  et  elles  ne  l’ont  pas  toujours  dé- 
fendue contre  les  empiètements  des  populations  limi- 
trophes. C’est  ainsi  que  les  Arméniens  s’étaient  ap- 
proprié non  seulement  les  pays  qui  bordent  la  droite 
de  la  Koura,  depuis  la  Débéda  j usque  vers  le  confluent  de 
l’Araxe,  longtemps  avant  que  les  immigrations  turko- 
manes  du  moyen  âge  n’en  fissent  des  districts  presque 
exclusivement  tartares,  mais  aussi  la  presque  totalité 
de  la  partie  même  du  Kartli  située  au  S.  de  la  Koura, 
et  jusqu’à  la  région  des  sources  de  cette  rivière,  contrée 
dont  le  nom  de  Samstkhé , la  Meskhie  de  la  géographie 
gréco-latine,  se  rattache  aux  plus  anciennes  traditions- 
indigènes  de  la  race  géorgienne.  Bien  que  ces  deux  der- 
niers territoires,  le  Karthli  méridional  et  le  Samstkhé 
soient  restés  des  terres  essentiellement  géorgiennes 
par  la  nomenclature  géographique  non  moins  que  par 


GUIDE  AU  CAUCASE 


95 


toutes  les  traditions  de  l’histoire  indigène,  c’est  actuel- 
lement la  langue  arménienne  qui  y domine  là  où  la 
population  n’a  pas  fait  place  aux  Turkomans.  On  parle 
géorgien  dans  les  districts  de  Tiflis,  de  Douchet,  de 
Gori,  de  Koutaïs,  de  Thélaff,  de  Signak  ; on  parle 
arménien  dans  ceux  d’Elisabethpol,  de  Kasakhi,  etc. 
Il  résulte  de  cette  division  qu’à  l’exception  d’une  zone 
de  quelques  lieues  de  large,  que  le  géorgien  conserve  à 
la  droite  de  la  Koura,  dans  le  Karthli,  c’est  cette  rivière 
qui  forme  la  limite  générale  du  géorgien  et  de  l’armé- 
nien . 

D’un  autre  côté,  les  Lesghiens  sont  descendus  sur  la 
pente  occidentale  du  Caucase  et  ont  formé  la  population 
dominante  du  côté  gauche  de  la  vallée  de  l’Alazan, 
pendant  qu’au  N.  les  Ossètes  se  répandaient  sur  le 
versant  géorgien  du  grand  massif  central  et  occupaient 
une  portion  des  vallées  de  l’Aragva,  du  Ksan  et  du 
Liakvi.  Nous  avons  déjà  parlé  de  l’intrusion  postérieure 
des  tribus  turkomanes  qui  dominent  aujourd’hui  dans 
plusieurs  cantons  de  la  Géorgie  méridionale,  notam- 
ment dans  le  district  de  Kasakhi  auquel  des  tribus 
turques  ont  donné  son  nom.  Mais  la  race  géorgienne, 
à son  tour,  a dépassé  de  bonne  heure,  du  côté  de  l’O., 
la  limite  naturelle  du  bassin  de  la  Koura. 

Dès  les  temps  les  plus  anciens,  des  populations  de 
cette  race  avaient  franchi  la  chaîne  de  montagnes  qui 
sépare  le  bassin  de  la  Koura  de  celui  du  Rion,  l’ancien 
Phase,  et  s’étaient  répandues  dans  les  plaines  boisées 
de  la  Colchide  jusqu’aux  bords  du  Pont-Euxin.  Au 
N.,  ces  colonies  géorgiennes  s’avancèrent  jusqu’au 
Kodoretau  Caucase;  au  S.,  elles  descendirent  jus- 
qu’aux approches  de  Trébizonde  et  occupèrent  en 
grande  partie  le  bassin  du  Tchorok.  L’Iméréthie,  la 
Mingrélie,  la  Souanétie,  la  Gourie  et  le  Lazistan  ont 
été  habités  de  tout  temps  par  des  populations  de  sang 
géorgien.  Ces  dernières  provinces  constituent,  en  dehors 
de  la  Géorgie  orientale  ou  Grousie,  un  groupe  géogra- 
phique et  ethnographique  désigné  sous  le  nom  de 
((  pays  géorgiens  ».  Elles  sont  aujourd’hui  sous  la  do- 
mination russe  ainsi  que  la  Géorgie  proprement  dite. 
Une  partie  du  Lazistan  appartient  au  gouvernement 


96 


GUIDE  AU  CAUCASE 


turc.  Quant  à la  Grousie  ou  Géorgie  orientale,  la 
géographie  indigène  connaît  quatre  divisions  princi- 
pales : au  N.  de  la  Koura,  la  Khakhèthie  et  le  Kartlili  ; 
au  S.  de  la  Koura,  le  S omkhéthi  ou  Kartlili  méridional  ; 
dans  le  haut  bassin  de  la  Koura,  depuis  le  défilé  de 
Borjom  jusqu’aux  sources,  le  Samstkhé  appelé  aussi 
Sémo-Karthli  ou  Kartlili  supérieur.  Le  Rani  dont  on 
a formé  aujourd'hui  le  district  de  Noukha,  peut  être 
regardé  aussi  géographiquement  comme  une  dépen- 
dance de  la  Géorgie,  bien  qu’il  ne  soit  pas  compris 
dans  les  divisions  indigènes. 

Les  Kartvels  ou  Kartaliens  proprement  dits  sont  les 
Géorgiens  qui  habitent,  à TE.  des  montagnes  du  Sou- 
ram,  la  plaine  d’origine  lacustre  dont  la  ville  de  Gori 
occupe  le  centre  et  qui  se  termine  à Mtzkhet,  l’ancienne 
capitale  de  la  Kartalinie . Ils  se  confondent  à l’E.  avec 
les  Grousiens  de  Tiflis.  Les  Kakhéthiens,  les  plus 
orientaux  de  tous  les  Grousiens,  vivent  dans  les  vallées 
de  l’Iora  et  del’Alazan.  A l’O.  des  montagnes  de  Sou- 
ram,  les  Imérèset  les  Mingréliens  peuplent  les  vallées 
du  Rion,  de  la  Tskhénis-Tskhali,  du  Bas-Ingour;  les 
Gouriens  habitent  le  versant  septentrional  des  monts 
d’Adjarie,  tandis  que  par  delà  cette  barrière,  les  Lazes 
occupent  une  partie  du  bassin  du  Tchorok.  Enfin  les 
Souanes  et  quelques  autres  peuplades  se  sont  réfugiés, 
comme  en  des  forteresses,  dans  les  hautes  vallées  du 
Caucase. 

Outre  les  purs  Géorgiens,  la  Géorgie  compte  encore, 
dans  une  proportion  assez  forte,  d’autres  éléments  de 
population,  pour  la  plupart  fixés  dans  le  pays  depuis 
de  longs  siècles  et  qui  ne  s’y  regardent  nullement  comme 
étrangers.  Indépendamment  des  Russes,  ce  sont  des 
Arméniens,  des  Turkomans  et  des  Juifs.  Les  Armé- 
niens, que  les  Géorgiens  nomment  Somékliis , forment  en 
partie  la  population  presque  exclusive  d’une  grandepar- 
tiedu  Somkhéthi.  Les  Turkomans,  appelés  par  un  usage 
abusif  Tatars,  sont  répandus  dans  le  Somkhéthi  oriental, 
dans  la  Kakhéthie  méridionale,  dans  les  districts  les- 
ghiens  de  la  vallée  de  l’Alazan  et  dans  le  Rani.  Les 
Juifs  de  la  Géorgie,  nommés  Ourias  par  les  Géorgiens, 
demeurent  dans  des  villages  particuliers,  disséminés 


GUIDE  AU  CAUCASE 


97 


parmi  les  villages  arméniens,  géorgiens  et  turkomans. 
Ils  sont  assez  nombreux.  Par  leurs  habitudes  exté- 
rieures et  même  par  la  langue,  ils  se  rapprochent  en 
général  de  ceux  au  milieu  desquels  ils  vivent.  En  Géor- 
gie, on  les  confond  souvent  avec  les  Géorgiens. 

Ethnographie.  — Les  Géorgiens  ont  été  cités  de  tout 
temps  parmi  les  plus  belles  races  de  l’Asie.  Ils  sont  de 
taille  mince,  élancés,  bien  proportionnés,  d’une  haute 
stature  et  robustes.  Les  traits  sont  ordinairement  beaux  et 
très  prononcés  ; les  cheveux  noirs,  jamais  crépus  ; les 
yeux  sont  noirs  également  et  bien  fendus.  Le  nez  est  long 
et  souvent  aquilin.  Au  total,  la  face,  dans  sa  coupe  géné- 
rale, est  plutôt  arrondie  que  longue,  bien  que  les 
pommettes  ne  soient  jamais  saillantes,  et  l’ensemble 
des  traits  a quelque  chose  d’un  peu  ramassé.  Il  y a dans 
la  démarche  et  dans  toute  l’attitude,  surtout  chez  les 
classes  élevées,  un  naturel  de  noblesse  et  de  fierté  qui 
révèle  les  habitudes  d’une  population  belliqueuse.  Sans 
cesse  exposés  aux  attaques  des  Turcs  ou  des  Persans, 
et  plus  encore  aux  incursions  des  montagnards  du 
Daghestan,  les  Géorgiens  étaient  devenus  en  effet,  par 
position,  sinon  par  inclination,  un  peuple  guerrier. 
Les  circonstances  sont  changées  à cet  égard  depuis 
l’annexion  à l’Empire  russe  ; mais  la  disposition  morale 
qu’un  long  état  social  a créée  ne  se  modifie  pas  en  un 
jour.  Les  soldats  géorgiens  étaient  autrefois  réputés 
pour  leur  bravoure  et  l’excellence  de  leur  cavalerie. 
Sobres,  amis  du  vin  quoique  rarement  ivres,  ayant  la 
passion  des  chevaux,,  les  Géorgiens  ont  tout  à la  fois 
les  vices  et  les  vertus  du  soldat.  D’un  caractère  paci- 
fique quoique  armés  jusqu’aux  dents,  ils  n’emploient 
leurs  armes  que  pour  se  défendre.  D’une  politesse 
exquise  poussée  même  jusqu’à  l'exagération,  car  ils 
aiment  mieux  mentir  que  de  vous  désobliger,  ils  ont 
le  culte  de  l’hospitalité.  Sans  instruction  acquise,  mais 
doués  d’un  certain  bon  sens  naturel,  ils  savent  causer, 
improviser,  pérorer,  et  ont  de  temps  en  temps  dans  la 
conversation  ou  dans  leurs  speechs  des  mots  heureux 
et  toujours  imagés.  Assez  fins,  expansifs,  d’une  gaieté  de 
bon  aloi,  serviables  à l’occasion,  peu  soucieux  de 
l’avenir,  d’une  mollesse  invincible  qui  tient  peut-être 

7 


93 


GUIDE  AU  CAUCASE 


au  climat,  ils  sont  incapables  d’un  effort  soutenu.  Ils 
sont  faibles  dans  le  malheur,  amis  de  l’ostentation  et 
de  la  nouveauté;  défiants,  curieux  et  clairvoyants 
dans  les  desseins  des  autres,  très  avisés  à conduire  les 
leurs,  affectant  en  public  la  franchise  et  la  candeur, 
ils  cachent  leurs  sentiments  sous  une  avalanche  de 
salutations  réitérées,  de  protestations  perpétuelles,  de 
serments  et  de  signes  de  croix  multipliés  ; mêlant 
enfin  à des  superstitions  une  piété  toute  formaliste; 
vindicatifs,  ils  interprètent  le  point  d’honneur  à leur 
façon,  et  ont  avec  la  loi  et  le  droit  de  se  rendre  justice 
à soi-même,  des  accommodements  et  des  procédés  expé- 
ditifs qui  les  font  souvent  condamner  à la  Sibérie.  En 
général  pauvres  ou  ruinés,  mais  fort  entichés  de  leurs, 
alliances,  ils  se  disent  presque  tous  princes  ou  gentils- 
hommes, et,  à voir  leur  grande  tournure,  nul  ne  serait 
tenté  de  leur  contester  leurs  titres  de  noblesse. 

Le  costume  y est  pour  beaucoup  : une  tcherkesska, 
longue  capote  noire  ou  de  couleur,  fermée  d’un  rang 
d’agrafes  et  laissant  voir  Yarkhaloukhi,  sorte  de  tunique 
de  laine  ou  de  soie  à collet  haut  et  droit,  tombe  jusqu’à 
mi-jambes.  De  chaque  côté  de  la  poitrine  sont  adaptés 
des  morceaux  d’étoffe  tantôt  de  la  nuance  de  la  tcher- 
kesska, tantôt  d’une  couleur  plus  vive,  avec  des  sépa- 
rations destinées  à des  cylindres,  qui,  selon  la  fortune, 
plus  ou  moins  ornés,  sont  en  ivoire,  acier,  fer  poli, 
argent  oxydé  ou  doré,  et  qu’on  remplace  à l’occasion 
par  de  véritables  cartouches.  Une  ceinture  de  cuir  à 
ornements  d’argent,  à laquelle  est  suspendu  le  kindjal , 
poignard  à double  tranchant,  serre  la  taille.  La  plupart 
des  hommes  portent  la  barbe  et  ont  les  cheveux  longs 
rejetés  en  arrière  en  « coup  de  vent  ».  La  coiffure  se 
compose  d’un  papak,  bonnet  très  bas,  en  astrakan,  ou 
d’un  bachlik  gracieusement  jeté  sur  l’épaule,  et  qui,  en 
cas  de  pluie,  sert  de  capuchon  ou  plutôt  de  turban. 
C’est  tout  un  art  que  de  savoir  draper  cette  coiffure  à 
la  fois  pratique  et  seyante,  et  que  chacun  a une  manière 
plus  ou  moins  heureuse  de  porter.  Les  pieds  sont 
chaussés  de  tsoukhas,  babouches  souples  en  chevreau, 
à semelles  molles  et  à bouts  terminés  en  pointes  re- 
levées. Des  jambières  en  drap  ou  en  cuir  montent 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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jusqu’au-dessus  du  genou.  Enfin  l'indispensable  bour- 
ka,  manteau  imperméable  en  laine  longue,  complète  le 
costume. 

Brunes  ou  blondes,  les  femmes  purement  grou- 
siennes  % c’est-à-dire  les  Géorgiennes  de  Kakhéthie, 
du  Karthli,  de  Somkhéthie  , du  Samstkhé,  ne  mé- 
ritent pas  la  réputation  de  beauté  dont  elles  jouis- 
sent en  Occident.  Les  Géorgiennes  d’Iméréthie,  de 
Mingrélie  et  du  Gouriel  au  contraire  sont  presque 
toutes  assez  jolies.  Des  cheveux  abondants,  séparés  en 
bandeaux,  encadrent  d’abord  par  deux  grosses  boucles 
l’ovale  de  la  figure  et  tombent  sur  les  épaules  en  tresses 
un  peu  filandreuses  ; des  yeux  largement  ouverts,  avec 
des  cils  assez  longs  et  épais  pour  projeter  une  ombre 
sur  les  joues,  brillent  sous  un  sourcil  peu  arqué  ; le 
nez  aquilin,  l’oreille  bien  attachée.  En  général  le  teint 
est  fiévreux.  La  bouche  laisse  voir  les  dents  les  plus 
régulières,  les  plus  blanches  du  monde,  et  se  termine 
aux  deux  coins  par  un  léger  pli  qui  donne  au  visage 
une  certaine  expression  de  dédain  ; le  sourire  est 
charmant.  Grandes,  la  poitrine  haute  rarement  em- 
prisonnée dans  un  corset,  les  hanches  développées  et 
prononcées,  ce  qui  indique  une  prédisposition  naturelle 
pour  la  maternité,  elles  portent  le  buste  très  droit.  Le 
bras  est  joli,  la  main  fine,  et  elles  en  prennent  grand 
soin,  les  gestes  et  la  mimique  étant  l’accompagnement 
de  chaque  parole  ; la  voix  est  douce  et  s’élève  rarement, 
le  bon  ton  consistant  à parler  bas;  cachant  toujours 
leurs  pieds  qu’elles  ont  petits,  nonchalantes,  dès 
qu’elles  se  lèvent  « elles  ont  la  souplesse  des  espèces 
félines  comme  elles  en  ont  la  grâce  ondoyante  ».  Elles 
excellent  dans  l’art  de  faire  des  révérences,  s’embrassent 
sur  l’épaule  et  sur  le  côté  en  se  serrant  la  main.  Même 
les  paysannes,  qui  marchent  sans  chaussures,  ont  grand 
air,  une  prestance  naturelle  qui  n’a  rien  d’affecté,  une 
tenue  un  peu  cérémonieuse,  mais  un  tact  parfait,  etsont 
pleines  d’attentions  et  de  prévenances  pour  leurs  hôtes 
et  leurs  amis.  Presque  toutes  de  tempérament  froid  et 


1.  Gouvernement  de  Tiflis  (arrondissements  de  Signak, 
Thélafï,Tionet,  Douchet,  Tiflis,  Gori,  Akhaltzik,  Akkaltkhalaki). 


100 


GUIDE  AU  CAUCASE 


lymphatique,  leur  cœur  endormi  est  rarement  de  moi- 
tié dans  leurs  abandons.  Coquettes,  le  fard  joue  un 
rôle  indispensable  dans  leur  toilette,  elles  se  maquillent 
et  se  parfument.  Du  reste,  si  Ton  grisonne  en  Géorgie, 
on  peut  se  teindre  facilement  les  cheveux  ou  la  barbe 
avec  des  poudres  végétales  persanes1. 

L’ancien  et  élégant  costume  des  femmes  disparaît 
malheureusement  peu  à peu,  séduites  qu’elles  sont  par 
les  nouveautés  étrangères.  Le  démon  des  modes  pari- 
siennes se  faufile  partout  et  fait  perdre  le  cachet  na- 
tional et  original.  Comme  vêtements,  d’abord  pas  de 
chemise  ; une  camisole  de  percale  ouverte  sur  le  devant  ; 
un  long  pantalon  de  toile  ( kliondjani ) fermé,  serré  à 
la  taille  par  une  coulisse  et  attaché  à la  cheville  ; quel- 
quefois un  jupon  à volants  ; une  robe  à longue  traîne 
qu’on  ne  relève  jamais,  quelque  temps  qu’il  fasse;  sur 
la  tête  ou  un  simple  grand  voile  blanc  ou  un  tavsa- 
kravi,  sorte  de  tortil  de  baron  formé  d’un  bandeau  de 
velours  brodé  d’où  s’échappe  un  carré  de  mousseline 
qui,  passant  derrière  l’oreille,  entoure  le  bas  du  visage 
et  se  rejette  derrière  l’épaule.  Les  robes  de  couleurs 
éclatantes,  aux  manches  ouvertes,  laissant  apercevoir 
la  kaba,  vêtement  de  dessous  en  soie,  sont  serrées  à la 
taille  par  un  large  ruban  brodé  qui  retombe  devant  en 
longs  bouts  flottants,  ou  par  une  ceinture  en  argent 
niellé.  En  hiver,  une  sorte  de  surtout  de  velours  à 
manches  pendantes,  garni  de  velours  et  de  fourrures, 
orné  sur  la  poitrine  de  trois  gros  brandebourgs. 

1.  En  mélangeant,  dans  certaines  proportions,  de  Yinna  et 
du  basma,  on  peut  graduer  la  nuance  que  Ton  désire,  depuis  le 
blond  ardent  jusqu’au  beau  noir  le  plus  foncé.  L’opération  tou- 
tefois est  assez  longue  et  ennuyeuse.  On  délaye  de  la  poudre 
dans  de  l’eau  très  chaude,  et  on  en  fait  une  sorte  de  cataplasme 
assez  épais  qu’on  étend  peu  à peu  et  d’une  manière  égale  avec 
une  petite  palette  de  bois,  en  protégeant  la  peau  du  visage,  du 
cou  et  des  oreilles  par  des  bandelettes  de  papier.  Lorsque  la 
tête  est  couverte  de  l’enduit,  on  applique  de  grandes  feuilles  de 
papier  de  soie  et  par-dessus  une  couche  de  ouate  qu’on  re- 
couvre encore  d’un  linge  serré.  On  doit  conserver  cette  coiffure 
pendant  deux  heures,  puis  avec  de  l’eau  très  chaude  et  du  sa- 
von, on  termine  l’opération  en  arrosant  la  tête  avec  un  verre 
de  vinaigre  rouge.  Cette  teinture  très  solide,  qu’on  n’a  besoin 
de  répéter  que  tous  les  mois,  donne  aux  cheveux  qu’elle  for- 
tifie les  reflets  les  plus  brillants. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


101 


Une  Géorgienne  sort  peu  avec  son  mari,  et  celui-ci 
ne  lui  donne  pas  le  bras  dehors.  Une  femme  qui  serait 
marchande  et  qui  se  tiendrait  derrière  un  comptoir 
serait  huée  et  conspuée.  Aux  réceptions,  aux  fêtes,  les 
femmes  font  bande  à part  et  se  mêlent  peu  aux 
hommes. 

Avec  la  façon  dont  se  font  les  mariages,  c’est  plutôt 
intérêt  d’argent  qu’affaire  d’inclination  ou  de  sympathie 
qui  rapproche  les  deux  époux.  Dans  le  choix  de  son 
fiancé,  la  fille  n’ayant  pas  voix  au  chapitre  et  n’étant 
pas  consultée,  doit  se  soumettre  docilement  à la  volonté 
paternelle.  Ce  n’est  pas  une  compagne  surtout  que 
l’homme  recherche,  mais  un  appoint  utile  pour  aug- 
menter sa  fortune  personnelle  ou  faire  une  spéculation 
lucrative.  Ce  n’est  pas  un  mari,  un  soutien,  un  con- 
fident de  ses  chagrins  et  de  ses  joies  que  la  jeune  fille 
va  trouver  dans  son  époux,  mais  seulement  un  inconnu 
plus  ou  moins  séduisant,  destiné  à resserrer  une  alliance 
de  famille,  ou  le  libérateur  indifférent  qui  l’arrachera  à 
la  vie  triste  de  la  maison.  Quand  l’heure  de  la  désillu- 
sion arrive  avec  tout  le  cortège  des  incompatibilités  de 
caractères  et  de  goûts,  les  tiraillements  quotidiens 
aigrissent  les  rapports,  les  fautes  se  commettent  sous 
le  toit  conjugal,  sans  entraîner  de  séparations  bruyantes 
ou  de  scènes  violentes,  et  les  enfants  subissent  le 
contre- coup  des  infidélités  réciproques  qui  sont  le 
dénouement  fréquent  de  ces  unions  malheureuses. 

Ces  usages  et  ces  mœurs  subsistent  encore  à peu  près 
inaltérés  dans  les  classes  inférieures  ou  moyennes  et 
dans  les  districts  intérieurs.  La  triste  condition  des 
femmes  indigènes  contribue  pour  beaucoup  à l’absence 
de  toute  vie  de  société.  N’ayant  à leur  disposition  que 
peu  de  moyens  de  développer  leurs  facultés  naturelles, 
elles  restent  au-dessous  des  hommes  comme  des  êtres 
inférieurs.  Il  se  peut  que,  par  exception,  quelques-unes 
d’entre  elles,  intelligentes  et  énergiques,  prennent  en 
main,  au  grand  avantage  de  leur  mari,  la  direction  de 
leur  ménage,  de  manière  à être  en  fait  les  chefs  véri- 
tables de  la  famille,  mais  c’est  là  une  sorte  d’usurpation 
toute  morale.  Le  seul  droit  reconnu  d’une  Géorgienne 
est  de  travailler.  Qu’elle  soit  d’un  caractère  doux  et 


102 


GUIDE  AU  CAUCASE 


modeste  ou  qu’elle  soit  bavarde  et  médisante^  qu’elle 
soit  honnête  ou  légère  et  d’une  conscience  peu  délicate, 
son  sort  est  le  même  ; c’est  à elle  à se  garantir  du 
péril  de  mourir  de  faim  : son  plus  grand  mérite,  en 
même  temps  que  son  principal  devoir,  est  de  donner 
des  enfants  à son  mari.  Depuis  que  la  Géorgie  est  une 
province  russe,  1 éducation  européenne  qui  se  propage 
peu  à peu  commence  cependant  à exercer  une  heureuse 
influence,  et  déjà  plus  d’une  Géorgienne  peut  rivaliser 
dans  les  salons  de  Tiflis  avec  les  dames  de  l’aristocratie 
russe.  Cette  influence  de  la  civilisation  slave,  dont 
l’action  a ici  un  côté  politique,  se  fait  sentir  de  plus  en 
plus,  surtout  dans  les  hautes  classes  de  la  population 
et  au  voisinage  des  principaux  centres  administratifs. 
Bien  des  habitudes  européennes  introduites  dans  la 
vie  domestiqué  modifient  sensiblement  les  mœurs 
natales  et  les  usages  anciens. 

Le  prince  Vakhoucht,  au  début  de  sa  Description  de 
la  Géorgie,  écrite  avant  le  milieu  du  dernier  siècle,  en 
trace  un  tableau  précieux.  La  nation  était  anciennement 
partagée  en  six  classes,  indépendamment  de  la  race 
royale  , dans  laquelle  la  couronne  se  transmettait  direc- 
tement de  mâle  en  mâle  par  ordre  de  primogéniture,  et 
des  prêtres.  La  première  de  ces  six  classes  était  celle 
des  thavadis  ou  princes.  Tous  ceux  qui  jouissaient  de 
ce  titre  étaient  regardés  comme  des  descendants  directs 
de  Karthlos,  et  ils  possédaient  en  propre  des  villes,  des 
châteaux  et  des  vallées,  ce  qui  était  une  condition 
essentielle  de  leur  dignité.  Venaient  ensuite  : les 
aznaourïs  ou  nobles,  également  possesseurs  d’un 
château  et  de  villages,  et  qui  devaient  le  service  mili- 
taire ; les  éristhavis  ou  nobles,  littéralement  « têtes 
du  peuple  »,  gouverneurs  des  provinces,  établis  par 
les  rois,  mais  dont  les  gouvernements  se  transmettaient 
de  père  en  fils  ; les  marchands,  les  msakhouris  ou 
serviteurs  des  nobles  ; enfin,  les  paysans  des  cam- 
pagnes et  les  artisans  des  villes  ( glékhis ).  Ces  classes 
existent  encore  aujourdhui,  sauf  les  érithavis  ou  gou- 
verneurs des  provinces. 

Plusieurs  des  coutumes  anciennes  furent  changées 
ou  modifiées,  et  de  nouveaux  usages  furent  introduits 


GUIDE  AU  CAUCASE 


103 


à diverses  époques,  soit  par  les  Tatars,  soit  par  les 
Turcs-Ottomans  et  les  Persans,  lors  de  la  prédominance 
de  ces  peuples  sur  la  Géorgie  entière  ou  sur  quelques- 
unes  de  ses  provinces.  L’influence  persane  surtout, 
plus  ancienne  qu’aucune  des  autres,  fut  aussi  la  plus 
prolongée  et  la  plus  générale.  La  plupart  des  habitudes 
de  la  vie  domestique  semblent  modelées  sur  les  formes 
de  la  société  persane.  Le  costume  même  est  presque 
persan. 

Langue  et  Dialectes.  — On  a beaucoup  discuté 
sur  la  place  qu’il  faut  assigner  au  géorgien  dans  la 
classification  des  langues.  Il  y a trois  opinions  relatives 
au  caractère  fondamental  de  la  langue  géorgienne. 
MM.  Brosset  et  Bopp  ont  cherché  à établir  l’origine 
purement  aryenne  du  géorgien.  M.  Max  Muller  a cru, 
de  son  côté,  pouvoir  le  ranger  parmi  les  langues  tou- 
raniennes.  M.  Tstagaréli  avec  Klaproth,  Moller  et 
Spiegel,  considèrent  que  les  langues  caucasiennes,  y 
compris  le  géorgien,  n’auraient  aucun  lien  génétique 
ni  avec  les  langues  aryennes  ni  avec  les  touraniennes. 
Semblables  en  cela  au  basque,  elles  seraient  proba- 
blement les  restes  d’un  grand  groupe  de  langues 
répandues  dans  l’isthme  caucasien  bien  avant  la  venue 
des  Aryens  Sémites  et  Touraniens  dans  cette  région. 
D’après  Rosen,  les  langues  du  Caucase  occidental 
auraient  un  système  phonétique  commun,  qui  permet- 
trait de  les  exprimer  toutes  par  les  signes  de  l’alphabet 
géorgien,  usités  au  moins  depuis  le  Xe  s.  et  qui  sont, 
de  même  que  les  lettres  arméniennes,  dérivés  de  l’al- 
phabet araméen  par  l’intermédiaire  du  pehlvi  et  du 
zend.  En  définitive,  la  majorité  des  linguistes  excluent 
les  Géorgiens  du  groupe  aryen.  L’alphabet  géorgien 
se  divise  aujourd’hui  en  klioutzouri  (géorgièn  ecclé- 
siastique) et  mkédrouli  (géorgien  vulgaire  et  mondain). 
Ce  dernier  qui  dérive  du  khoutzouri , s’emploie  en 
littérature  contemporaine  et  même  dans  quelques  livres 
modernes  ecclésiastiques.  Le  géorgien  se  compose  d’un 
certain  nombre  de  dialectes  très  distincts  de  province 
à province,  et  ceux  qui  les  parlent,  à l’exception  du 
dialecte  mingrélien,  se  comprennent  entre  eux.  Ces 
dialectes  sont  au  nombre  de  quatre  principaux  : le 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


karthouli  qui  a lui-même  diverses  ramifications,  le 
mingrèlien , le  souané  et  le  laze . C’est  dans  le  Karthli 
que  se  parle  le  géorgien  le  plus  pur.  Le  dialecte  souané 
et  celui  des  Mingréliens  s’éloignent  le  plus  de  l’idiome 
karthouli . 

On  ne  sait  pas  exactement  à quel  siècle  ap.  J.-C. 
appartiennent  les  premiers  monuments  delà  littérature 
géorgienne.  Les  plus  anciens  documents  ecclésiastiques 
ne  remontent  qu’au  IXe  s.  quoique  M.  Tsagaréli  en  ait 
trouvé  quelques-uns  non  datés  qu’il  attribue  au  VIIe 
ou  au  VIIIe  s.  ap.  J.-C.  Les  premières  oeuvres  de  la 
littérature  mondaine,  la  plupart  traductions  et  imi- 
tations du  persan,  se  rapportent  au  XIIe  s.  (règne  de 
Thamar)  : ce  sont  les  poésies  de  Chota  Rousthavéli, 
les  romans  de  Ivan  Chawtéli,  Mossé  Khonéli,  Parguis 
Tmogvéli.  A cette  même  époque  sont  traduits  les 
ouvrages  de  Platon,  d’Aristote  et  de  quelques  philo- 
sophes byzantins.  Pendant  la  longue  période  qui 
s’écoule  jusqu’au  commencement  de  la  domination 
russe,  la  littérature  géorgienne  n’a  rien  produit  de 
remarquable;  on  ne  trouve  que  des  imitations  de 
Rousthavéli.  Au  XIXe  s.  apparaissent  cependant  trois 
savants  écrivains  : le  poète  David  Gouramichwili,  le  tsar 
Vakhtang  VI  et  son  fils  naturel  le  prince  Vakhoucht 
qui  se  sont  efforcés  d’éclairer  l’histoire  et  la  géographie 
géorgiennes  d’après  les  documents  anciens.  Vers  la 
première  moitié  du  XIXe  s.,  se  présente  un  groupe  de 
poètes  dont  le  talent  se  développe  sous  l’influence  de  la 
civilisation  russe.  Ce  sont  les  princes  Tchatchavadzé, 
Grégoire  Orbéliani,  Nicolas  Baratachvili  et  Georges 
Eristoff.  Enfin,  parmi  les  écrivains  de  la  seconde  partie 
de  notre  siècle,  il  faut  citer  le  prince  Akaki  Tsérételli 
et  Raphaël  Eristoff.  Après  avoir  débuté  par  de  modestes 
traductions  de  la  Bible  et  d’ouvrages  religieux,  la 
littérature  géorgienne  s’est  enrichie  peu  à peu  de  récits 
poétiques,  de  chansons,  de  comédies,  de  drames, 
d’ouvrages  étrangers.  Il  y a au  Caucase  onze  impri- 
meries géorgiennes.  Des  journaux  géorgiens  se  publient 
à Tiffis  et  à Kwirila.  « Une  Société  géorgienne  pour 
la  propagation  de  l’instruction  » fonctionne  depuis 
onze  ans. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


105 


Religion.  — A l’exception  des  Lazes  convertis  à 
l’islamisme,,  les  Karthaliens  sont  chrétiens  du  rite  grec, 
et  même  c’est  à un  patron  chrétien,  saint  Georges  le 
chevalier,  que  l’on  pourrait  peut-être  attribuer  avec 
raison  l’origine  du  nom  de  Géorgie  et  l’appellation  russe 
de  Grousie  qui  en  est  dérivée,  conformément  à la  pronon- 
ciation locale.  Au  N.  du  Rion  et  de  la  Koura , Georges 
est  le  saint  vénéré  par  excellence,  tandis  qu’au  S.  de 
ces  rivières  et  dans  tout  le  pays  arménien  le  culte  de 
Marie  a succédé  partout  à la  déesse  Ma  ou  Maya,  qui 
représentait  la  terre  féconde  et  présidait  aux  récoltes. 
L’église  orthodoxe  est  placée  sous  l’autorité  du  saint 
synode  russe,  qui  a un  consistoire  particulier  à Tiflis, 
le  consistoire  grousino-iméréthien,  lequel  est  présidé 
par  l’exarque  de  Géorgie. 

Les  Géorgiens  tiennent  fort  à leur  religion  et,  quoique 
assez  mous  de  caractère,  ils  ont  cependant  résisté 
toujours  avec  une  grande  énergie  aux  persécutions 
religieuses  que  leur  ont  fait  subir  les  Turcs  et  les 
Persans  au  temps  des  invasions  L’architecture  byzan- 
tine des  églises  géorgiennes  prit,  au  moyen  âge,  un 
caractère  original,  notamment  du  Xe  au  XIIe  s.,  au 
temps  de  la  puissance  nationale.  On  voit  encore  de 
cette  époque  de  belles  nefs,  des  clochers  et  des  absides 
de  la  plus  gracieuse  ordonnance.  Même  dans  les  vallées 
les  plus  reculées  des  montagnes,  on  rencontre  avec 
étonnement  des  églises  d’une  remarquable  beauté  de 
style,  d’autant  plus  belles  qu’elles  se  dressent,  pour  la 
plupart,  sur  des  collines  entre  des  bouquets  d’arbres 
touffus.  Presque  toutes  ces  églises  étaient  construites 
de  manière  à pouvoir  servir  de  forteresses.  Il  en  est 
aussi  de  souterraines  et  qui  pouvaient  donner  asile  aux 
populations  en  temps  de  guerre.  En  Kakhéthie,  dans 
les  rochers  de  la  steppe  de  Karaïas  qui  dominent  la 
vallée  de  la  Koura,  en  Karthli,  à Ouplis-Tsikhé  près 
Gori,  à Vardzia,  non  loin  d’Akhaltzik,  et  dans  toutes 
les  régions  montueuses,  on  connaît  des  labyrinthes  de 
cavernes  où  vivaient  des  populations  de  troglodytes. 
On  rencontre  aussi  une  foule  de  tours  qui  rappellent 
les  nuraghi  de  la  Sardaigne,  et  dont  chacune  a sa 
légende. 


106 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Habitations.  — L’ancien  mode  de  construction 
des  habitations  géorgiennes  s’est  maintenu  depuis  deux 
mille  ans.  Des  villages  entiers  ne  se  composent  quel- 
quefois que  de  trous  percés  dans  la  terre  et  ne  sont 
révélés  au  dehors  que  par  des  amas  de  branchages  ou 
par  des  toits  d’argile  sur  lesquels  s’asseyent  les  femmes 
à la  fraîcheur  du  soir.  Dans  la  plupart  des  villes 
géorgiennes  un  grand  nombre  de  maisons  sont  encore, 
suivant  la  coutume,  non  couvertes  d’un  toit,  mais  d’une 
couche  d’argile  battue,  d’environ  soixante  centimètres 
d’épaisseur  et  fort  légèrement  inclinée,  juste  ce  qu’il 
faut  pour  que  l’eau  puisse  s’écouler  par  les  ouvertures 
ménagées  dans  le  petit  mur  entourant  la  terrasse.  Sur 
cette  couche  de  terre,  sorte  de  jardin  aérien,  croît  une 
épaisse  végétation  herbacée  où  domine  le  Lepidium 
vesicarium  qui  se  flétrit  en  été.  Au  point  de  vue  hygié- 
nique, les  terrasses  d’argile  battue  sont  de  beaucoup 
préférables  aux  toits  à l’européenne;  elles  maintiennent 
dans  les  appartements  une  température  plus  douce  en 
hiver  et  plus  fraîche  en  été;  c’est  par  un  sot  esprit 
d’imitation  que  les  propriétaires  de  TifLis  font  bâtir 
leurs  maisons  dans  le  style  de  l’Occident. 

Mœurs  et  Coutumes.  — Un  des  traits  les  plus 
remarquables  de  la  race  géorgienne  est  son  amour  pour 
le  chant  et  la  danse.  Les  Grousiens  n’ont  pas  un  grand 
talent  musical,  et  leur  langue,  pleine  de  gutturales  et 
de  sifflantes,  ne  se  prête  guère  à la  mélodie;  mais  ils 
n’en  donnent  pas  moins  de  la  voix  tout  le  jour,  en 
s’accompagnant  de  la  daïra  ou  tambourin  et  du 
tchongouri , espèce  de  guitare  à trois  cordes.  En 
sarclant  leurs  champs  de  maïs  ou  en  s’occupant  de  toute 
autre  besogne  de  la  culture,  les  hommes,  disposés  par 
groupes  réguliers,  chantent  à plusieurs  parties  des 
paroles  rimées  : à mesure  qu’ils  avancent,  ils  préci- 
pitent leur  chant;  les  mouvements  deviennent  de  plus 
en  plus  rapides.  Arrivés  au  bout  du  sillon,  les  tra- 
vailleurs s’arrêtent  brusquement  pour  reprendre,  en 
revenant  sur  leurs  pas,  le  refrain  de  leur  chant  et  la 
cadence  de  leur  travail. 

La  coutume  a donné  aussi  force  de  loi  à la  célé- 
bration de  nombreuses  fêtes  analogues  aux  « féeries  » 


GUIDE  AU  CAUCASE 


107 


et  aux  ((  ducasses  » de  France.  A pied,  à cheval,  dans 
les  arbas  aux  roues  criardes,  toute  la  population  se 
transporte  au  lieu  de  la  fête  signalé  au  loin  par  une 
église  vénérée  ou  par  un  bosquet  de  hêtues,  car  le 
Géorgien  aime  beaucoup  la  nature  et  les  beaux 
horizons.  Les  chansons  et  la  danse,  lesghinka  ou 
lékouri , les  festins,  le  commerce,  les  cérémonies  reli- 
gieuses, tout  vient  à son  heure  ; mais  le  culte  lui-même 
se  célèbre  avec  assez  peu  de  recueillement.  Les  pèlerins 
arrivent  gaiement,  font  bénir  leur  offrande  et  sacrifient 
à la  porte  de  l’église  le  bélier  ou  le  taureau  qui  doit 
servir  au  banquet.  Les  chants,  les  libations  succèdent 
aux’  prières  et  prennent  parfois  l’aspect  de  combats. 
Autrefois  les  luttes  simulées  qui  se  livraient  dans  les 
rues  de  TifLis,  en  souvenir  de  l’expulsion  des  Persans, 
dégénéraient  en  batailles  rangées,  et  des  cadavres 
marquaient  toujours  le  lieu  de  la  fête. 

Climat,  Végétation,  Culture.  — La  Géorgie  jouit 
en  général  d*un  climat  doux,  propice  à la  culture  de 
la  soie,  du  coton  ; malheureusement  le  littoral  de  la 
mer  Noire  est  malsain  et  contraste  vivement  avec  l’air 
vivifiant  des  montagnes  de  l’intérieur.  Dans  ce  beau 
pays,  la  nature  se  plaît  dans  les  extrêmes.  Cependant, 
quelque  inégal  que  soit  le  climat,  il  ne  mettrait  aucun 
obstacle  au  développement  des  richesses  naturelles  si 
l’agriculture  était  plus  dans  les  goûts  des  populations. 
Par  le  fait,  rien  ne  leur  manque.  D’immenses  forêts, 
réunissant  toutes  les  essences,  alternent  avec  des 
étendues  non  moins  considérables  livrées  à la  charrue. 
De  toutes  les  céréales,  c’est  le  froment  (mais  presque 
exclusivement  le  froment  d’hiver)  qui  entre  le  plus 
dans  la  consommation  ; pourtant  dans  les  cantons  de 
l’Ü.  le  maïs  et  le  millet  (gomi),  employés  à la  confection 
du  pain,  y prennent  la  plus  grande  place.  Les  autres 
produits  importants  sont  : le  bois,  la  soie  et  le  vin.  Ce 
dernier  serait  meilleur  si  on  savait  mieux  le  traiter  et 
surtout  de  manière  à en  assurer  la  conservation  ; les 
vins  de  Kakhéthie  commencent  à être  déjà  sensiblement 
améliorés,  grâce  à l’emploi  des  barriques  et  des  bou- 
teilles qui  permettent  le  transport  du  liquide  mieux 
que  ne  le  font  les  outres  ou  bourdouks  dans  lesquels 


108 


GUIDE  AU  CAUCASE 


le  vin  prend  une  odeur  désagréable.  Puis  viennent  le 
coton,  le  tabac,  les  plantes  fourragères,  et  en  outre, 
une  foule  de  fruits,  notamment  les  mûriers. 

Divisions  administratives.  — Les  pays  qui  com- 
posaient l’ancien  royaume  de  Géorgie  forment  trois 
gouvernements  dont  voici  les  subdivisions  avec  la 
correspondance  des  divisions  anciennes  de  la  géographie 
indigène  : 


1°  GOUVERNEMENT  DE  TIFL1S 


( Grousie ),  8 districts  : 


1.  Signak 

2.  Thélaff 

3.  Tionet 

4.  Douchet 

5.  Tiflis 

6.  Gori 

7.  Akhaltzik 

8.  Akhalkhalaki . 


DIVISIONS  INDIGÈNES 

Kakhéthie. 

Karthli  avec  la  Somkhêthie. 

Samstkhè  ou  Sèmo-Karthli  ( Kar- 
thli supérieur). 


2°  GOUVERNEMENT  DE  KOUTAÏS 
( pays  dits  géorgiens ),  7 districts  : 

j Imèrêthic. 


Mingrèlie , Gourie , Souanètie. 


3°  PROVINCE  DE  BATOUM 
3 districts  : 

16.  Batoum ) 

17.  Artvine > Lazie. 

18.  Adjarie ; 

Statistique.  — En  1836,  les  documents  russes 
portaient  à 385,000  âmes  environ  la  population  totale 
de  la  Géorgie  avec  les  populations  montagnardes  de 
sang  géorgien,  les  Touches,  les  Pchaves  et  les  Kevsours 


9.  Charopan 

10.  Ratcha 

11.  Koutaïs. 

12.  Sénak 

13.  Zougdidi 

14.  Ozourghet 

15.  Letchkhoum.  . 


GUIDE  AU  CAUCASE 


109 


qui  habitent  au-dessous  de  la  Kakhèthie ; dans  ce  chiffre 
n’étaient  compris  ni  les  districts  lesghi-géorgiens  de  la 
vallée  orientale  de  l’Alazan  qui  renferment  38,000  habi- 
tants, ni  la  province  de  Rani  où  l’on  en  compte  plus 
de  110,000.  Le  chiffre  est  porté  bien  plus  haut  dans  le 
tableau  statistique  des  provinces  russes  du  Caucase 
dressé  en  1865  par  Stebnitzki,  d’après  les  données 
officielles.  Dans  ce  dernier  document  la  population  des 
pays  géorgiens  se  montait  en  1862  à 835,830  individus. 
En  1874,  le  recensement  par  nationalités  donna  pour 
tout  le  Caucase  910,080  Géorgiens.  En  tenant  compte 
de  ceux  qui  vivent  dans  les  territoires  annexés  et  dans 
le  Lazistan , le  nombre  des  Géorgiens  peut  aujourd’hui 
être  évalué  à 1,600,000  habitants. 

L’ARMÉNIE  RUSSE  ET  LES  ARMÉNIENS1 

Géographie.  L’Arménie  est  une  des  contrées  de 
notre  continent  qui  ont  joué  le  plus  grand  rôle  dans 
l’histoire.  Elle  fut  le  berceau  des  plus  vieilles  tradi- 
tions de  notre  race,  et,  durant  la  grande  époque  de  la 
puissance  romaine,  elle  figura  souvent  d’une  manière 
éminente  dans  les  événements  qui  agitèrent  le  monde. 
Aujourd’hui  l’Arménie  n’a  plus  d’existence  politique. 
Elle  n’est  plus  un  Etat  ayant  sa  vie  propre  parmi  les 
nationalités  de  l’Asie.  Puissante  et  redoutée  au  temps 
de  sa  première  monarchie,  longtemps  avant  l’existence 
politique  de  la  Grèce  et  de  Rome,  l’Arménie  s’affaiblit 
par  les  vices  de  sa  constitution  féodale  et  par  ses 
propres  dissensions  qui  la  livrèrent  à la  merci  des  am- 
bitions étrangères.  Les  grands  États  dont  elle  était  en- 
tourée l’asservirent  ou  la  démembrèrent.  Depuis  qua- 
torze siècles,  l’Arménie  a été  tour  à tour  persane  et 
grecque,  arabe  et  tatare;  aujourd'hui  elle  est  divisée 
entre  la  Russie,  la  Turquie  et  la  Perse.  En  même 
temps  que  chaque  invasion  nouvelle  introduisait  dans 
son  sein  de  nouveaux  éléments  de  population  étran- 
gère, les  Arméniens  eux-mêmes  se  jetaient  au  dehors 

1.  D’après  Vivien  de  Saint-Martin,  Dulaurier,  Chardin, 
Charles  Texier,  Dubois  de  Montpéreux,  Brosset,  Elisée  Reclus. 


110 


GUIDE  AU  CAUCASE 


par  de  nombreuses  émigrations,  qui  se  sont  répandues 
dans  une  grande  partie  de  l’Asie  et  dans  plusieurs  con- 
trées de  l’Europe.  De  là  il  est  sorti  un  double  fait  qui 
domine  aujourd’hui  la  géographie  et  l’ethnographie 
arméniennes  : au  point  de  vue  géographique,  des  pro- 
vinces arméniennes  appartenant  à la  Russie,  à la  Perse 
et  à la  Turquie,  mais  plus  d’Arménie  proprement  dite; 
au  point  de  vue  ethnographique,  une  nation  morcelée 
et  disséminée,  dont  chaque  fraction  a cependant  con- 
servé intactes  la  foi  de  ses  pères  et  la  langue  nationale. 
Ainsi,  chose  étrange,  l’Arménie  a péri  malgré  la  cohé- 
sion du  territoire;  et  la  nationalité  arménienne  s’est 
conservée  malgré  l’asservissement  et  le  morcellement 
de  la  nation  ou  sa  dissémination  hors  de  la  patrie  natale. 

La  région  qui,  dès  l’origine  des  temps  historiques, 
fut  le  siège  de  la  race  arménienne,  c’est-à-dire  le  haut 
plateau  montagneux  compris  entre  la  vallée  de  la  Koura 
et  les  plaines  de  la  Mésopotamie,  avait  une  assiette  na- 
turelle très  forte  et  des  limites  bien  marquées.  C’est 
une  contrée  d’une  altitude  moyenne  de  1.500  à 1 600  m. 
qui  offre  à sa  surface  de  nombreuses  plaines  mon- 
tueuses,  de  grands  enfoncements  d’origine  volcanique 
où  se  sont  formés  des  lacs  sans  écoulement,  et  des 
chaînes  de  montagnes  considérables  coupées  d’innom- 
brables vallées.  Sur  quelques  points  de  son  pourtour, 
à l’O.  en  venant  de  l’Anatolie  par  Erzéroum,  au  N. -O. 
en  venant  de  la  Géorgie  occidentale  par  Aklialtzikh  et 
la  région  des  sources  de  la  Koura,  au  S.-E.  en  venant 
de  la  Perse  par  Tauris,  on  entre  en  Arménie,  on  peut 
dire  de  plain  pied,  ou  du  moins  on  n’a  à monter  que 
des  pentes  peu  sensibles,  le  plateau  se  rattachant  dans 
ces  trois  directions  aux  hautes  plaines  des  contrées  en- 
vironnantes ; mais  de  tout  autre  côté  le  voyageur  n’y 
pénètre  qu’en  franchissant  une  suite  de  gradins  consi- 
dérables ou  en  gravissant  des  pentes  escarpées.  Même 
en  dehors  de  toute  mesure  directe,  la  grande  hauteur 
du  plateau  arménien  serait  suffisamment  indiquée  par 
cette  disposition  physique  de  ses  abords,  aussi  bien  que 
par  le  nombre  de  fleuves  et  de  rivières  qui  y ont  leurs 
sources,  et  qui  en  descendent  dans  toutes  les  directions 
pour  se  porter  vers  des  mers  différentes.  C’est  au  voisi- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


111 


nage  de  cette  région  des  sources,  la  plus  élevée  du  pla- 
teau, que  l’Ararat  projette  sa  double  cime,  c’est  là  que 
les  antiques  traditions  consignées  dans  la  Genèse  de 
Moïse  placent  le  berceau  du  monde  et  le  point  de  dé- 
part de  tous  les  peuples.  C’est  là  aussi  que  les  premières 
lueurs  de  l’histoire  nous  montrent  les  Arméniens  déjà 
constitués  en  une  monarchie  puissante  sous  les  descen- 
dants d’un  chef  (Haïk)  sorti  de  la  Babylonie  dans  le 
même  temps  que  se  formaient  les  autres  Empires  de 
l’ancienne  Asie  occidentale  : dans  la  vallée  de  la  Koura, 
la  monarchie  de  Karthlos  ; dans  les  pays  de  l’Euphrate  et 
du  Tigre,  la  monarchie  d’Assur;  dans  les  contrées  plus 
intérieures  de  la  haute  Asie,  l’Empire  médo-bactrien. 
D’après  les  traditions  nationales  consacrées  par  l’his- 
toire arménienne,  le  siège  originaire  delà  race  s’étendit 
de  la  vallée  supérieure  du  Mourad  à la  vallée  de 
l’Araxe,  dans  les  provinces  de  Douroubéran,  d’Ararat 
et  de  Siounik’h.  Là  est  l’Arménie  primitive,  le  Haïas- 
tan  proprement  dit  : car  Haïastan  fut  longtemps  le  seul 
nom  connu  et  employé  parmi  les  indigènes.  Celui 
d’Arménie,  qui  a été  universellement  adopté  par  tous 
les  étrangers,  est,  sans  aucun  doute,  d’origine  sémi- 
tique et  fait  allusion  à l’élévation  du  pays  par  rapport 
aux  plaines  mésopotamiennes. 

D’Arménie  primitive  ne  dépassait  nulle  part  les 
limites  extrêmes  du  grand  plateau;  mais  plus  tard  ces 
limites  furent  franchies  par  la  conquête,,  ou  par  l’exten- 
sion graduelle  de  la  population.  A l’O.,  les  Arméniens 
pénétrèrent  dans  la  haute  vallée  de  l’Euphrate  et  dans 
les  plaines  de  la  Cappadoce;  au  N.,  ils  envahirent  une 
portion  du  bassin  du  Tchorokh,  et  même  plusieurs 
parties  du  bassin  supérieur  de  la  Koura;  à l’E.,  ils 
s’avancèrent  à la  gauche  de  l’Araxe  dans  la  direction 
de  la  mer  Caspienne,  couvrirent  la  vaste  province 
qu’on  nomme  aujourd’hui  le  Karabagh,  dans  l’angle 
intérieur  de  la  Koura  et  de  LAraxe,  au-dessus  de  leur 
confluent,  et  remontèrent  la  vallée  droite  de  la  Koura 
depuis  sa  jonction  avec  l’Araxe  jusqu’aux  confins  du 
Karthli  méridional,  enveloppant  ainsi  complètement  le 
bassin  du  lac  de  Sévang,  dont  ils  n’avaient  originaire- 
ment occupé  que  le  côté  occidental.  Au  S.,  ils  se  ré- 


112 


GUIDE  AU  CAUCASE 


pandirent  aussi  dans  l’Aderbeïdjan,  principalement  au 
pourtour  occidental  du  lac  d’Ourmiâh,  pénétrèrent 
dans  quelques-unes  des  hautes  vallées  du  Kurdistan 
qu’arrosent  les  affluents  du  Tigre,  et  descendirent  les 
pentes  échelonnées  du  plateau  qui  dominent  les  sources 
de  ce  dernier  fleuve,  pour  venir  occuper  une  partie  des 
plaines  septentrionales  de  la  Mésopotamie.  Le  nom 
d’Arménie  ainsi  appliqué  à des  provinces  qui,  pour  la 
plupart,  avaient  été  antérieurement  occupées  par 
d’autres  populations  géorgiennes  mèdes  ou  sémi- 
tiques, reçut  à diverses  époques  une  acception  plus  ou 
moins  étendue,  et  il  en  est  résulté  une  assez  grande 
incertitude  sur  les  limites  précises  dans  lesquelles  ce 
nom  se  renferme.  Ces  doutes  seront  en  grande  partie 
écartés  si  l’on  s’attache  à cette  distinction  essentielle 
des  pays  originairement  arméniens  et  des  provinces 
annexées.  Dans  la  plupart  de  celles-ci,  en  effet,  par 
exemple  dans  les  districts  de  l’Aderbeïdjan,  du  Kurdis- 
tan et  de  la  Mésopotamie,  ainsi  que  dans  les  provinces 
conquises  de  la  haute  Géorgie,  les  populations  anté- 
rieures sont  toujours  restées  dominantes,  et  il  convient 
conséquemment  de  ne  pas  comprendre  ces  portions  de 
territoires  dans  les  limites  de  la  véritable  Arménie^ 
tandis  qu’on  y doit  rattacher  au  contraire  la  haute  vallée 
de  l’Euphrate  et  la  partie  droite  de  la  basse  vallée  de 
la  Koura,  depuis  la  rivière  de  Bortchalo  jusqu’au  con- 
fluent de  l’Araxe,  où  les  Arméniens  ont  formé  à toutes 
les  époques  connues  (antérieurement  à l’irruption  des 
tribus  de  langue  turque)  la  population  dominante, 
sinon  exclusive. 

L’Arménie  comprendra  ainsi  la  presque  totalité  du 
pays  situé  entre  la  Koura  et  l’Araxe,  à la  seule  excep- 
tion du  Somkhéthi  géorgien  et  de  la  Meskhie  ou  région 
des  sources  de  la  Koura  ; le  surplus  de  la  haute  vallée 
de  l’Araxe  : tout  le  bassin  des  deux  grandes  branches 
supérieures  de  l’Euphrate  jusqu'à  leur  jonction  ; enfin, 
le  bassin  particulier  du  lac  de  Van.  Dans  cette  circons- 
cription essentiellement  ethnographique,  l’Arménie 
conserve  cependant  encore  sur  une  grande  partie  de 
son  pourtour  ses  limites  naturelles.  Au  total,  el  malgré 
ses  extensions  partielles,  il  est  toujours  vrai  de  dire 


GUIDE  AU  CAUCASE 


113 


que  l’Arménie  est  la  terre  du  haut  plateau  caucasien. 
Au  point  de  vue  de  la  géographie  naturelle,  c'est  là 
son  trait  caractéristique.  Elle  se  partage  inégalement 
♦ entre  les  deux  grands  systèmes  d’eaux  de  l’Araxe  et  de 
l’Euphrate.  Le  premier  est  de  beaucoup  le  plus  étendu. 
Le  bassin  du  lac  de  Van  forme  entre  les  deux  un  petit 
système  isolé.  Le  morcellement  actuel  de  l’Arménie 
entre  les  trois  puissances  copartageantes  coïncide  lui- 
même,  en  général,  avec  la  distinction  des  grands  bas- 
sins auxquels  appartiennent  les  provinces  arméniennes. 

L 'Arménie  russe , située  tout  entière  entre  l’Araxe  et 
la  Koura,  comprend  la  presque  totalité  du  bassin  de 
UAraxe.  V Arménie  turque , sauf  une  portion  relative- 
ment faible  de  la  haute  vallée  de  l’Araxe,  ne  se  com- 
pose que  des  provinces  du  bassin  de  l’Euphrate,  avec 
le  bassin  particulier  du  lac  de  Van.  U Arménie  persane , 
beaucoup  moins  étendue  que  les  deux  autres,  ne  com- 
prend que  quelques  districts  de  la  droite  de  l’Araxe  et 
ne  forme  plus  ainsi,  en  quelque  sorte,  qu’un  appendice 
de  l’Arménie  russe. 

Les  grands  lacs  répandus  sur  le  plateau  arménien 
sont  une  des  particularités  les  plus  remarquables 'de  la 
configuration  physique  de  cette  haute  région.  Le  lac 
de  Van , le  lac  d 'Ourmiah  et  le  lac  de  Goktchaï  (qué 
les  Arméniens  nomment  Séoang , et  les  Turcs  Gheuk- 
tchaï),  le  premier  dans  l’Arménie  turque,  le  second 
dans  l’Arménie  persane,  le  dernier  dans  l’Arménie 
russe,  sont  de  magnifiques  nappes  d’eau  sans  écoule- 
ment extérieur,  vastes  réservoirs  enveloppés  de  mon- 
tagnes volcaniques.  Parmi  les  montagnes  dont  le  pays 
est  hérissé,  quelques-unes  sont  au  nombre  des  grandes 
sommités  de  l’Asie.  Le  plus  haut  sommet  de  V Ararat 
s’élève  à 5,156  m.  d’altitude  absolue  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  mer  et  domine  de  2,600  m.  le  niveau  du 
plateau.  L e Binglieul-Dagh  , au  S.  d’Erzéroum  , est 
élevé  de  3,752  m.  au-dessus  de  la  mer;  VAlaghôz , au 
N.  d’Erivan,  de  4,095  m.;  le  pic  de  Savalan , au 
S.  de  l’Araxe  inférieur,  de  4,813  m.  environ.  L’alti- 
tude des  sources  de  l’Euphrate  est  de  2,570  m.,  celle 
du  lac  de  Van  est  de  1,559  m.  ; celle  du  lac  Goktchaï 
de  1,925  m. 


8 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


Nous  avons  dit  qu’une  foule  de  cours  d’eau  nais- 
saient dans  les  parties  culminantes  du  plateau  arménien. 
Ce  sont  d’abord  les  affluents  du  Rion  (Phase)  et  le 
Tchorok  (qui  n’appartient  pas  tout  entier  à l’Arménie),, 
et  qui  s’écoulent  vers  le  fond  de  la  mer  Noire  ; la  Koura 
qui  reçoit  YAraæe  et  aboutit  à la  mer  Caspienne;  les 
deux  grandes  branches  supérieures  de  l’Euphrate,  le 
Kara-sou  d’Erzéroum  et  le  Mourad-tchaï  qui  portent 
à la  mer  des  Indes  la  masse  de  leurs  eaux  grossies  de 
celles  du  Tigre  ; toutes  ces  rivières,  les  plus  impor- 
tantes de  l’Asie  occidentale,  prennent  naissance  à peu 
de  distance  les  unes  des  autres  dans  un  espace  d’environ 
100  kil.  de  rayon.  Comme  tous  les  pays  de  montagnes, 
l’Arménie  est  coupée  d’un  nombre  infini  de  vallées 
que  sillonne  une  multitude  de  petites  rivières  et  d’im- 
pétueux torrents.  C’est  à cette  disposition  physique  que 
la  plupart  des  cantons  et  des  provinces  doivent  les 
terminaisons  de  dsor,  hovit  (vallée,  creux,  enfonce- 
ment), qui  entrent  dans  la  composition  de  leurs  noms. 
Lorsque  Tigrane,  retenu  dans  sa  jeunesse  en  otage  chez 
les  Parthes,  voulut  recouvrer  sa  liberté,  il  dut  leur 
abandonner,  dit  l’histoire,  soixante-dix  vallées,  c’est-à- 
dire  soixante-dix  cantons. 

Le  cadre  de  cet  article  ne  nous  permet  pas  de  con- 
sacrer à V Arménie  persane  et  à Y Arménie  turque  des 
notices  descriptives  spéciales.  L’ Arménie  russe  est 
renfermée  dans  la  vaste  presqu’île  que  forment  l’Araxe 
et  la  Koura  avant  de  se  réunir.  La  Koura  la  limite  au 
N.  et  à l’E.,  du  côté  de  la  Kakhéthie  et  du  Chirvan  ; 
l’Araxe  la  limite  au  S.  du  côté  de  l’Aderbeïdjan  et  de 
l’Arménie  persane.  Au  S.- O.  une  petite  chaîne  de 
montagnes  volcaniques,  qui  part  de  l’Ararat  et  enve- 
loppe les  sources  du  Mourad-tchaï,,  la  sépare  du  packa- 
lik  de  Baïazid;  et  à l’O.  elle  est  séparée  du  pachalik 
de  Kars  (qui  appartient  comme  le  précédent , mais 
en  partie,  à l’Arménie  turque),  par  une  rivière,  l’Arpa- 
tchaï,  affluent  delagauchede  l’Araxe.  Au  N. -O.  enfin, 
la  chaîne  très  élevée  des  monts  Pambaki  ou  Pensakhi 
forme  sa  limite  du  côté  de  la  province  géorgienne  de 
Somkhéthi.  Salongueur  de  l’E.  àl’O.,  depuis  Djevat, 
point  de  jonction  de  l’Araxe  et  de  la  Koura,  jusqu’à 


GUIDE  AU  CAUCASE 


115 


l’Arpatchaï,  est  de  420  kil.,  à ouverture  de  compas; 
sa  plus  grande  largeur,  entre  la  Koura  et  l’Araxe,  est 
de  250  kil.,  prise  également  en  ligne  droite  et  sans  tenir 
compte  des  inévitables  sinuosités  d’une  ligne  de  cette 
étendue  dans  un  pays  aussi  inégal.  L’Arménie  russe 
est  en  effet  une  contrée  des  plus  montagneuses.  Le 
Goktcliaï  ou  lac  Sévang,  qui  en  occupe  le  centre,  grande 
nappe  d’eau  de  72  kil.  de  longueur  sur  37  kil.  dans  sa 
plus  grande  largeur,  est  enveloppé  d’un  cirque  de 
montagnes  volcaniques  dont  beaucoup  de  sommets 
dépassent  la  région  des  neiges  perpétuelles.  Les  chaînes 
de  VAlagôz  et  de  Pambaki  s’y  rattachent  l’une  et 
l’autre,  la  première  courant  au  S.  vers  l’Araxe  qu’elle 
rencontre  près  d’Ordoubad,  où  le  lit  resserré  du  fleuve 
forme  à travers  les  rochers  une  suite  de  rapides  et  de 
cascades  que  les  Arméniens  nomment  Kharavaz  et 
les  Turcs  Arasbar;  la  seconde  courant  à l’O.  sur  la 
limite  commune  de  l’Arménie  et  de  la  Géorgie,  toutes 
deux  formant  ici,  avec  le  massif  même  où  se  creuse  le 
lit  du  lac,  l’angle  N.-E.  du  plateau  d’Arménie.  Un 
peu  au  S.  des  monts  Pambaki,  un  pic  isolé,  que  les 
Arméniens  nomment  Aragdaz  et  les  Turcs  Alagôz, 
projette  à une  hauteur  de  3,300  m.  environ  au-dessus 
de  la  plaine  où  il  est  assis,  la  plus  élevée  des  quatre 
aiguilles  de  granit  par  lesquelles  il  se  termine;  et  la 
plaine  elle-même  est  à près  de  900  m.  au-dessus  du 
niveau  des  mers.  M.  Parrot  a trouvé  pour  l’altitude 
absolue  du  pic  le  chiffre  de  12,871  pieds  (4,180  m.). 
Une  multitude  de  ramifications  des  chaînes  principales 
se  portent  d’ailleurs  soit  sur  le  bassin  de  la  Koura,  soit 
du  côté  de  l’Araxe,  et  sillonnent  partout  le  pays  d’in- 
nombrables vallées.  Les  rivières  y sont  nombreuses  ; 
mais  la  rapidité  générale  de  leurs  eaux,  résultat  de 
leur  pente  très  inclinée,  le  peu  de  longueur  de  leur 
cours,  et  leurs  intermittences  de  croissance  ou  de 
dessèchement,  selon  les  saisons,  leur  donnent  plutôt 
le  caractère  de  torrents  alpins  que  de  rivières  proprement 
dites.  Elles  se  partagent  en  deux  systèmes  : celui  de 
l’Araxe  et  celui  de  la  Koura. 

Le  territoire  actuel  de  l’Arménie  russe  répond  à 
quatre  provinces  de  l’ancienne  Arménie  : YOudi, 


116 


GUIDE  AU  CAUCASE 


F Artscikh,  le  Païtakaran  et  le  Siounikh,  avec  une 
portion  considérable  de  la  vaste  province  RArarat,  et 
la  partie  de  celle  de  Vaspourakan  qui  s’étend  sur  la 
gauche  de  l’Araxe.  Elle  a d’abord  formé,  sous  l’admi- 
nistration russe,  les  deux  provinces  d’Erivan  et  de 
Karabagh,  auxquelles  étaient  annexés  les  districts  de 
Gandja  ou  Elisabethpol,  de  Chamchadin  et  de  Kasakh  ; 
aujourd’hui  on  en  a formé  la  province  entière  d’Erivan, 
la  presque  totalité  de  la  province  d’Elisabethpoi , la 
province  de  Kars  et  une  portion  du  gouvernement  de 
Tiflis. 

Histoire.  — Les  commencements  de  l’histoire  ar- 
ménienne, comme  ceux  de  tous  les  peuples,  sont 
obscurs  et  légendaires;  ce  qu’on  y voit  de  plus  certain, 
c’est  que  les  Arméniens  devinrent  de  bonne  heure  les 
vassaux  des  monarques  assyriens  et  persans.  Au  rap- 
port des  écrivains  indigènes,  Haïk  fut  le  premier  chef 
ou  prince  qui  gouverna  leur  pays.  Il  était  fils  de  Ta- 
glath  qui,  selon  eux,  est  le  même  que  le  patriarche 
Thogorma,  petit-fils  de  Japhet.  Vingt- deux  siècles 
environ  avant  notre  ère,  il  quitta  Babylone  sa  patrie, 
et  vint  se  fixer  avec  toute  sa  famille  dans  les  montagnes 
d’Arménie  méridionale  pour  fuir  la  tyrannie  du  roi 
d’Ass}o*ie.  Aram,  le  sixième  successeur  de  Haïk,  vain- 
quit les  Mèdes,  s’empara  de  l’Assyrie  septentrionale 
et  poussa  ses  conquêtes  jusqu’en  Cappadoce,  où  il 
fonda  la  ville  de  Majakh  ou  Mazaca,  qui  depuis  fut 
nommée  Césarée.  Il  fit  alliance  avec  Ninus,  roi  d’As- 
syrie, qui  lui  accorda  le  premier  rang  en  Asie.  Son  fils 
Ara  périt  en  défendant  l’indépendance  de  son  pays 
contre  Sémiramis;  l’Arménie  devint  alors  une  province 
assyrienne,  mais  en  conservant  ses  rois  indigènes.  Cet 
état  de  choses  dura  jusqu’à  Paroïr,  trente -sixième 
successeur  de  Haïk.  Paroïr  se  joignit  aux  satrapes 
révoltés  qui  détrônèrent  Sardanapale  et  détruisirent 
son  empire  (VIIIe  s.  avant  notre  ère).  Le  royaume 
arménien  recouvra  son  indépendance,  mais  il  ne  revint 
à sa  première  splendeur  qu’au  temps  de  Dikran  ou 
Tigrane  Ier,  qui  régnait  en  565  av.  J.-C.  C’est  ce  Ti- 
grane  qui  fit  bâtir  la  ville  de  Tigranocerta,  située  aux 
bords  du  Tigre  et  portant  aujourd’hui  le  nom  d’Amid. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


117 


Le  dernier  roi  de  la  dynastie  de  Haïk  fut  Vahé;  il  périt 
l’an  328,  en  combattant  les  généraux  d’Alexandre  le 
Grand.  Après  la  mort  du  roi  de  Macédoine,  l’Arménie 
devint  le  partage  d’un  persan  nommé  Mithrinès,  qui 
en  avait  été  nommé  gouverneur  par  le  conquérant 
macédonien.  Un  peu  plus  tard  l’Arménie  rentra  sous 
la  domination  des  rois  de  Syrie,  qui  la  firent  gouverner 
par  des  envoyés;  mais  bientôt  Artaxias,  l’un  d’eux, 
Arménien  de  naissance,  se  révolta  contre  Antiochus  le 
Grand,  au  moment  où  ce  roi  venait  d’être  vaincu  par 
les  Romains.  Depuis  ce  temps  les  Séleucides  ne  purent 
rétablir  leur  puissance  dans  ce  pays.  Artaxias  transmit 
la  couronne  à ses  descendants,  qui,  à ce  qu’il  paraît,  ne 
la  conservèrent  pas  longtemps,  puisqu’on  voit  bientôt 
après  les  Arsacides  faire  la  conquête  de  l’Arménie  et  y 
établir  leur  race.  Cet  événement  eut  lieu  l’an  149  av. 
J.-C.  A cette  date  commence  la  seconde  dynastie  des 
rois  d’Arménie,  celle  des  Arsacides.  La  ville  deNisibe, 
en  Mésopotamie,  fut  la  capitale  du  nouveau  royaume. 
Vagharchak  fit  des  conquêtes  dans  l’Asie- Mineure, 
dans  le  pays  des  Lazes,  et  étendit  sa  domination  sur 
les  peuples  montagnards  du  Caucase.  A son  retour  de 
ces  expéditions  lointaines,  il  donna  des  lois  et  de  sages 
institutions  à son  peuple.  Tigrane  II,  son  arrière-petit- 
fils,  parvint  au  trône  l’an  89  avant  notre  ère;  doué  de 
quelques  talents  et  d’un  grand  courage,  il  voulut  sou- 
mettre tous  les  peuples  de  l’Asie  à son  Empire.  Non 
satisfait  d’avoir  réuni  à ses  Etats  la  Syrie  et  plusieurs 
provinces  de  l’Asie -Mineure,  il  attaqua  la  branche 
aînée  des  Arsacides  qui  régnait  en  Perse.  Son  audace 
fut  couronnée  du  plus  heureux  succès  : la  Mésopotamie, 
l’Adiabène  et  l’Atropatène  conquises  lui  valurent  le 
titre  de  ((  roi  des  rois  » que  les  princes  parthes  lui 
reconnurent.  Il  ne  balança  pas  à embrasser  la  cause 
de  Mithridate,  roi  du  Pont,  qui,  vaincu  par  les  Ro- 
mains, était  venu  chercher  asile  dans  ses  Etats  et 
implorer  son  appui.  Vainement  il  déploya  tout  son 
courage  pour  soutenir  ce  prince  malheureux;  l’orgueil- 
leux Tigrane  fut  défait,  contraint  d’abandonner  presque 
toutes  ses  conquêtes  et  de  renoncer  au  fastueux  titre  de 
« roi  des  rois  ').  Son  fils  Artavasdelui  succéda  et  périt, 


118 


GUIDEAU  CAUCASE 


l’an  34  av.  J.-C.,  par  la  perfidie  de  Marc-Antoine  qui 
s’empara  par  trahison  de  sa  personne,  l’emmena  captif 
à Alexandrie  et  livra  sa  tête  à Cléopâtre.  Son  royaume 
fut  donné  à Alexandre,  fils  de  cette  reine  et  d’Antoine  ; 
mais  les  Arméniens  ne  tardèrent  pas  à chasser 
cet  étranger.  Depuis  ce  temps  l’Arménie  ne  put 
jamais  se  relever.  Les  successeurs  de  Tigrane,  jouets 
de  la  politique  romaine  ou  de  celle  des  princes  parthes, 
virent  dans  tous  les  temps  leur  Empire  ravagé  par  ces 
deux  puissances,  trop  heureux  de  conserver  sous  la 
protection  de  l'une  des  deux  leur  trône  avili.  La  plu- 
part des  vallées  ou  cantons  de  leurs  pays  montagneux 
étaient  possédés  par  de  nombreux  vassaux  souvent 
aussi  puissants  que  leurs  maîtres  et  peu  disposés  à leur 
obéir.  Après  la  mort  d’Abgar,  arrivée  l’an  32  ap.  J.-C., 
le  royaume  fut  partagé  entre  son  fils  Anané  et  Sana- 
trouk.  Le  premier  continua  de  résider  à Edesse,  qui 
était  alors  la  capitale  du  royaume  ; le  second  régna  à 
Nisibe,  ville  qu’il  avait  fait  reconstruire.  Après  deux 
siècles  de  troubles  l’Arménie  fut  conquise,  en  232,  par 
Ardechir,  premier  roi  de  Perse  de  la  dynastie  des 
Sassanides,  sous  la  domination  de  laquelle  les  Armé- 
niens restèrent  pendant  vingt-huit  ans.  Toute  la  race 
des  Arsacides  de  l’Arménie  périt  à l’exception  de  Terdat 
ou  Tiridate,  qui  se  réfugia  à Rome  et  obtint  de  l’em- 
pereur une  armée  considérable,  avec  laquelle  il  attaqua 
les  Perses  et  rentra  en  Arménie.  Sous  le  règne  de  ce 
Tiridate,  auquel  les  historiens  arméniens  donnent 
l’épithète  de  Medz , ou  le  Grand,  la  religion  chrétienne 
fut  introduite  en  Arménie  (commencement  du  IVe  s.), 
mais  cette  conversion  devint  la  cause  de  longs  déchi- 
rements intérieurs  et  d’interventions  du  dehors.  Il  y 
eut  en  387  un  partage  de  l’Arménie  entre  les  Romains 
et  les  Perses  ; en  428  le  roi  de  Perse  fit  définitivement 
du  royaume  d’Arménie  une  province  de  l’Empire  des 
Sassanides.  Ainsi  finit  pour  toujours  la  dynastie  des 
Arsacides  ; elle  avait  régné  577  ans,  depuis  l’année  149 
avant  notre  ère.  La  monarchie  des  Sassanides  s’étant 
écroulée  en  632,  les  Arméniens  espérèrent  trouver  chez 
les  Grecs  la  protection  nécessaire  contre  la  puissance 
toujours  croissante  des  Arabes;  mais  pendant  cette 


GUIDE  AU  CAUCASE 


119 


guerre  entre  les  Mahométans  et  les  Grecs,  le  malheureux 
pays  fut  encore  une  fois  presque  entièrement  dévasté. 
Cependant  un  des  princes  de  la  glorieuse  famille  des 
Bagratides  se  conduisit  avec  tant  de  sagesse  et  de 
prudence,  qu’il  parvint  à se  concilier  également  la  con- 
fiance des  autres  princes  arméniens  et  l’amitié  du  Kalife, 
qui  le  fit  couronner  roi  d’Arménie,  en  885,  à Ani.  Achot 
fut  également  reconnu  par  les  Grecs  et  fonda  la  troisième 
dynastie,  celle  des  Bagratides.  Ani,  la  nouvelle  capitale, 
devint  florissante  et  célèbre  par  le  luxe  et  les  richesses  ; 
mais  la  famille  royale  se  divisa  en  plusieurs  branches, 
qui  bientôt  se  brouillèrent  entre  elles.  En  même  temps, 
les  Turcs  Seldjoucides  et  les  Grecs  se  disputèrent 
encore  une  fois  l’Arménie.  Finalement  les  Grecs  s’en 
emparèrent,  après  avoir  fait  périr,  en  1079,  le  dernier 
roi  bagratide,  et  en  réunirent  la  plus  grande  partie  à 
leur  empire.  Ce  fut  le  coup  final  porté  à la  nationalité 
politique  de  l’Arménie,  elle  ne  s’en  est  pas  relevée.  A 
côté  des  Grecs,  plusieurs  principautés  turques  se  for- 
mèrent dans  le  N.  du  pays,  et  les  Kurdes  s’établirent 
dans  les  cantons  méridionaux.  La  famille  des  Orbélians, 
originaire  de  la  Chine,  avait  aussi  des  possessions 
considérables  dans  le  voisinage  de  Lori,  en  Géorgie,  et 
au  N.-E.  de  Nakhitchévan,  en  Arménie,  mais  toutes 
ces  principautés  indépendantes  disparurent  au  milieu 
du  XIIIe  s.,  lorsque  les  Mongols  s’emparèrent  de 
l’Arménie  et  des  pays  voisins.  Dans  la  seconde  moitié 
du  XVe  s.,  l’Arménie  fut  envahie  par  les  Turkomans  ; 
et  enfin  depuis  1555,  après  de  longues  et  sanglantes 
alternatives,  la  contrée  tout  entière  fut  soumise  aux 
Turcs  Ottomans. 

Cependant  l’Arménie  avait  eu  une  sorte  d’existence 
posthume  dans  les  vallées  du  Taurus  cilicien  à l’ex- 
trémité S.-E.  de  TAsie-Mineure.  Déjà  dans  les  Ve  et 
VIe  s.,  beaucoup  de  familles  arméniennes,  pour  se 
soustraire  aux  persécutions  des  Persans,  s’étaient  ré- 
fugiées dans  cette  partie  du  territoire  grec.  Après  l’assas- 
sinat du  dernier  roi  bagratide  par  les  Grecs,  en  1079, 
un  de  ses  parents  nommé  Rhouben  se  retira  dans  les 
montagnes  de  la  Cilicie,  s’y  attacha  les  habitants 
d’origine  arménienne  et  chassa  les  Grecs  de  tous  les 


120 


GUIDE  AU  CAUCASE 


lieux  où  il  put  les  atteindre.  Ses  successeurs  étendirent 
leurs  possessions  au  point  que  toute  la  Cilicie  leur 
fut  soumise.  Ils  firent  des  alliances  avec  les  Croisés,  et 
ils  devinrent  si  puissants  que  Léon  II  obtint  le  titre  de 
roi  de  l’empereur  allemand  Henri  VI,  qui  le  fit  cou- 
ronner en  1198  à Sis,  par  l’archevêque  Conrad  de 
Mayence.  Le  royaume  des  Rhoubéniens  fut  pendant 
assez  longtemps  florissant.  Les  princes  surent  se  con- 
cilier l’amitié  des  Mongols  en  Perse,  et  résistèrent 
autant  qu’ils  purent  aux  Mamelouks  d’Egypte;  mais 
peu  à peu  leur  pays  fut  divisé  par  des  troubles  intérieurs 
que  l’influence  des  papes  augmenta  encore,  de  sorte 
qu’il  succomba  enfin  aux  attaques  des  sultans  d’Egypte. 
Le  dernier  roi  Léon  VI,  de  la  maison  de  Lusignan,  fut 
fait  prisonnier  en  1375,  et  mourut  à Paris  en  1391. 
Avec  lui  disparut  la  dernière  trace  d’existence  politique 
dont  aient  joui  les  Arméniens. 

Les  derniers  faits  qui  se  rapportent  encore  à l’histoire 
territoriale  de  l’Arménie  appartiennent  à notre  temps. 
Depuis  la  fin  du  XVI®  s.,  les  rois  de  Perse  avaient 
enlevé  aux  Ottomans  et  incorporé  à leur  Empire  la 
partie  orientale  de  l’ancien  royaume  arménien;  et  dans 
la  partie  supérieure  du  bassin  de  la  Koura,  les  succes- 
seurs des  anciens  rois  de  lTbérie  (dont  le  royaume 
avait  pris  le  nom  de  Géorgie)  avaient  étendu  leur 
autorité  sur  quelques-unes  des  anciennes  provinces 
arméniennes  entre  la  Koura  et  l’Araxe,àrO.  du  lac  Sé- 
vang.  En  1783,  Héraclé,  souverain  de  ce  petit  royaume, 
avait  reconnu  la  suzeraineté  du  Tsar;  en  1801,  peu 
après  la  mort  de  Georges  XIII,  successeur  de  ce  prince, 
ses  domaines  furent  déclarés  partie  intégrante  de  l’Em- 
pire. Ce  fut  le  premier  pas  de  la  Russie  sur  les  terres 
arméniennes.  Un  second  pas  plus  considérable  encore 
fut  fait  en  1827,  lors  de  la  paix  subie  par  la  Perse,  qui  dut 
abandonner  toutes  ses  possessions  du  N.  de  l’Araxe. 
Enfin,  en  1829,  le  traité  d’Andrinople  imposa  à la 
Turquie  une  rectification  de  sa  frontière  arménienne 
qui  ajouta  encore  quelques  districts  à la  Transcaucasie 
russe,  et  de  ce  côté  établit  la  limite  turco-russe  telle 
qu’elle  est  aujourd’hui. 

Après  l’acquisition  de  1827,  le  nom  de  province  d’ Ar- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


121 


ménie  avait  été  donné  par  l’administration  russe  à la 
partie  du  nouveau  territoire  où  se  trouvent  les  villes 
d’Erivan  et  de  Nakhitchévan  ; ce  nom  a disparu  dans 
la  nouvelle  organisation  territoriale  de  1868,  où  les  deux 
districts  prennent  le  nom  de  leurs  chefs-lieux  et  font 
partie  du  gouvernement  d’Erivan.  Géographiquement, 
la  vieille  dénomination  d’Arménie  n’existe  plus  que 
dans  la  nomenclature  administrative  de  la  Turquie,  où 
elle  prend  la  forme  Erménistan. 

Ethnographie.  — Il  y a eu  en  Arménie  tant  de 
causes  de  mélanges  et  de  croisements,  que  la  pureté 
des  types  individuels  y reste  toujours  entachée  de 
doute.  On  a pensé  avec  raison  que  la  colonie  arménienne 
d’Astrakhan  devait  présenter  sous  ce  rapport  une  plus 
grande  sécurité.  Les  Arméniens  réfugiés  à Astrakhan 
depuis  l’époque  de  leur  émigration  d’Ani,  au  XIV0  s., 
s’y  sont  trouvés  entourés  cle  populations  sauvages  et 
musulmanes;  isolés  ainsi,  pendant  plusieurs  siècles, 
de  tout  contact  étranger,  ils  ont  pu  conserver  leur  type 
national  dans  la  forme  sinon  primitive,  du  moins  telle 
qu’elle  existait  sous  les  premiers  Mongols.  En  Trans- 
caucasie, les  Arméniens  sont  de  haute  taille,  assez  bien 
faits,  mais  enclins  à l’obésité.  Une  épaisse  chevelure 
brune  couvre  leur  tête.  Les  yeux  noirs,  grands,  mais 
beaucoup  plus  encaissés  dans  l’orbite  que  chez  les 
Persans,  semblent  doux,  presque  mélancoliques  ; le 
front  est  bas,  le  nez  presque  sans  exception  est  très 
proéminent,  très  aquilin,  et  d’une  grande  longueur. 
L’ovale  du  visage  est  plus  arrondi  que  celui  des  Géor- 
giens ; les  traits  sont  aussi  d’ordinaire  plus  forts,  le 
cou  plus  gros  et  plus  court.  La  peau  assez  fine  chez  les 
jeunes  individus  est  très  sujette  à devenir  avec  l’âge, 
jaunâtre  et  couperosée,  chez  les  hommes  comme  chez 
les  femmes.  Fort  tranquilles  de  leur  nature,  dans  la 
vie  ordinaire,  aucun  Arménien  n’est  armé,  tandis  que 
le  costume  des  Géorgiens,  surtout  dans  le  bassin  du 
Rion,  se  complète  par  tout  un  arsenal  de  pistolets  et 
de  poignards.  Ainsi  se  révèle  d’une  manière  frappante 
le  contraste  des  caractères  nationaux.  Mais  précisément 
l’homme  désarmé,  le  résigné,  le  pacifique,  est  celui 
qui  a su  le  mieux  sauvegarder  sa  liberté  ; il  ne  recon- 


122 


GUIDE  AU  CAUCASE 


naît  point  de  nobles,  choisit  librement  ses  chefs,  et 
de  tout  temps  il  a su  se  soustraire  à la  dure  condi- 
tion de  serf  qui  fut  le  partage  de  la  plupart  des 
Géorgiens. 

Assez  ignorants,  en  général,  les  Arméniens  font 
preuve  d’une  intelligence  naturelle  remarquable,  et 
quand  roccasion  d’étudier  se  présente  à eux,  ils  s’ins- 
truisent avec  une  étonnante  rapidité;  ils  dépassent 
même  les  Slaves  par  la  merveilleuse  facilité  qu’ils  ont 
d’apprendre  et  de  parler  les  langues.  L’Arménien  a son 
intelligence  dans  la  tête,  tandis  que  le  Géorgien  l’a 
seulement  dans  le  regard.  Les  Arméniens  exercent  en 
Russie  et  par  conséquent  dans  toute  la  Caucasie  une 
influence  considérable,  due  à leur  intelligence,  à leur 
pratique  des  langues,  à leur  souplesse,  souvent  aussi  à 
leur  esprit  d’intrigue,  au  talent  remarquable  qu’ils  ont 
à pénétrer  dans  le  monde  des  fonctionnaires.  On  sait 
combien  large  est  la  part  de  domination  que  les  Haï- 
kanes  ont  prise  à Constantinople  sous  le  nom  de  leurs 
maîtres  Osmanlis.  A Saint-Pétersbourg,  ils  ont  com- 
mencé aussi  à jouer  leur  rôle,  analogue  à celui  que  les 
ingénieux  Italiens  ont  fréquemment  exercé  en  France. 
Dans  la  Transcaucasie  même  ils  essayent  d’accaparer 
peu  à peu  le  sol  ; comme  propriétaires,  ils  empiètent 
constamment  sur  leurs  voisins  les  Tartares. 

Malgré  leur  perpétuel  contact,  les  Géorgiens  mon- 
trent pour  les  Arméniens  de  l’aversion  et  un  peu  de 
mépris.  D’anciennes  guerres  où  les  Géorgiens  furent 
moins  souvent  vainqueurs  que  vaincus  peuvent  expli- 
quer cette  haine  nationale  encore  augmentée  par  la 
différence  radicale  des  mœurs,  des  goûts  et  des  habi- 
tudes. Le  Géorgien  avec  la  rudesse  et  l’ignorance  du 
soldat  en  a aussi  la  franchise  et  l’abandon  ; pacifique 
par  inclination  et  par  intérêt,  et  presque  exclusivement 
adonné  au  commerce,  l’Arménien  en  a dû  contracter 
les  habitudes  de  stricte  économie  et  peut-être  aussi  de 
duplicité  profondément  antipathiques  au  caractère 
ouvert,  libéral  et  hospitalier  du  Géorgiem.  Gens  de 
tous  métiers,  pourvu  qu’ils  soient  rémunérateurs,  les 
Arméniens  sont  poussés  par  leurs  aptitudes  natu- 
relles vers  le  négoce  et  la  banque  ; grâce  à leur 


GUIDE  AU  CAUCASE 


123 


esprit  de  parcimonie,  ils  réussissent  souvent  à accu- 
muler d’assez  grosses  fortunes.  Qu’il  soit  employé, 
fonctionnaire,  banquier,  prêteur  sur  gage,  l’Arménien 
n’a  qu’un  objectif,  l’argent;  il  a parfaitement  saisi  que 
c’est  la  grande  puissance  qui  domine  la  société  moderne, 
et  tous  tendent  leurs  efforts  vers  ce  but  qu’ils  pour- 
suivent sans  relâche  et  souvent  sans  beaucoup  de 
scrupules,  aussi  n’y  a-t-il  que  peu  de  Juifs  au  Caucase, 
les  Arméniens  rendantlaprésencedeces  derniers  inutile. 
Par  leur  travail  et  leur  esprit  de  suite,  les  Arméniens 
s’enrichissent  tandis  que  les  Géorgiens  s’appauvrissent 
pour  la  plupart  du  moins.  Une  réaction  cependant 
notable  est  à constater  depuis  les  faillites  de  quelques 
grands  capitalistes  de  Tiflis.  Ce  sont  les  petites  banques 
géorgiennes  qui  sont  devenues  propriétaires  de  quel- 
ques terrains  et  d’immeubles  qui  deviendront  produc- 
tifs, dès  qu’on  saura  en  tirer  suffisamment  parti. 

En  résumé,  si  l’on  s’accorde  à reconnaître  dans  les 
Géorgiens  une  certaine  supériorité  morale  sur  les 
Arméniens,  il  est  incontestable  aussi  que  ces  derniers 
1’emportent  par  la  finesse  et  par  une  plus  grande  ins- 
truction. Au  fond,  ces  deux  races  si  différentes,  assez 
hostiles  l’une  à l’autre,  se  mélangent  peu.  De  temps  à 
autre,  quelque  prince  géorgien  ruiné  cherche  à amé- 
liorer ses  finances  en  épousant  la  fille  de  quelque  riche 
Arménien.  Cette  absence  de  fusion  est  regrettable,  car 
le  croisement  des  deux  races  produirait  une  descen- 
dance que  la  combinaison  des  qualités  et  des  habitudes 
héréditaires  de  l’une  et  de  l’autre  devrait  douer  supé- 
rieurement. 

Religion.  — L’Eglise  arménienne  professe,  comme 
les  Eglises  grecque  et  latine,  le  dogme  des  deux  natures, 
des  deux  volontés  et  des  deux  opérations  en  J.-C.  Une 
ambiguïté  dans  les  termes  de  leur  idiome  employés 
pour  définir  la  coexistence  et  la  corrélation  des  deux 
natures  de  l’Homme-Dieu  a causé  la  méprise  dans 
laquelle  on  est  tombé  en  disant  que  les  Arméniens 
ont  embrassé  le  monophysisme  tel  que  l’ont  enseigné 
Eutychès,  archimandrite  de  Constantinople,  et  ses 
adhérents  Dioscore,  patriarche  d’Alexandrie,  et  Jacques 
Baradée  dit  Zanzale,  qui  ne  reconnaissaient  en  J.-C. 


124 


GUIDE  AU  CAUCASE 


qu’une  seule  nature,  la  nature  divine1.  Quant  aux 
grands  dogmes  de  l’Evangile,  tels  que  la  Trinité,  la 
Rédemption*,  etc. , l’Eglise  arménienne  admet  pour 
règlepde  sa  foi  le  symbole  des  Apôtres  et  celui  du  concile 
de  Nicée.  Elle  invoque  les  saints,  tient  en  honneur  les 
vœux  monastiques,  prescrit  de  longues  prières  et  de 
rigoureuses  abstinences.  Elle  ne  regarde  le  baptême 
comme  valable  que  lorsqufil  a été  administré  par 
immersion.  Les  Mékhitaristes  de  Venise  et  un  grand 
nombre  d’ Arméniens  vivant  en  dehors  de  la  Trans- 
caucasie et  de  la  Turquie  appartiennent  au  rite  des 
Arméniens  unis,  qui  se  rattachent  à l’Eglise  catholique 
romaine. 

Le  peuple  d’Arménie,  christianisé  au  commencement 
du  IVe  s.  par  Grégoire  lTJluminateur,  est  le  premier 
qui  se  soit  converti  en  masse;  mais  en  changeant  de 
dieux,  il  ne  perdit  point  ses  traditions  et  ne  modifia 
que  peu  à peu  son  culte;  la  transformation  ne  s’accom- 
plit que  lentement.  Encore  de  nos  jours,  comme  au 
temps  de  Zoroastre,  on  célèbre  le  feu  divin;  le  jour  de 
la  fête  annuelle,  un  couple  de  nouveaux  mariés  embrase 
dans  un  bassin  de  cuivre  tout  ce  que  la  terre  bien- 
faisante produit  de  meilleur,  fleurs  de  toute  espèce, 
tiges  de  céréales  en  épis,  pampres,  branches  de  laurier. 
Dans  tous  les  actes  importants  de  la  vie,  on  regarde 
vers  le  soleil,  comme  pour  lui  demander  la  force.  Les 
fiancés  tournent  leur  face  vers  lui  en  le  prenant  à 
témoin  de  leur  amour;  les  malades  lui  demandent  la 
santé;  les  mourants  espèrent  lui  donner  leur  dernier 
regard,  et  c’est  à ses  rayons  qu’on  enterre  les  morts. 
Lors  des  grandes  fêtes,  les  Arméniens  amènent  dans 
l’église  ou  sous  des  arbres  sacrés  des  taureaux  ou  des 
béliers  couronnés  de  fleurs  et  décorés  de  cierges 
allumés,  puis  les  égorgent  avec  accompagnement  de 
chants  et  de  prières  : c’est  évidemment  le  sacrifice  du 
dieu  Mithra  légué  par  l’ancienne  religion  à la  reli- 
gion nouvelle. 

La  constitution  du  clergé  arménien  est  hiérarchique. 
Au  sommet  se  trouvent  trois  patriarches  ayant  le  titre 


1.  Dulaurier. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


125 


de  Catholicos , dont  l’un,  le  plus  honoré,  sinon  le  plus 
puissant,  siège  à Edchmiadzine.  Le  second  réside  à 
Sis  en  Cilicie;  le  troisième  dans  File  d’Aghtamar  au 
milieu  du  lac  de  Van;  le  quatrième,  qui  n’a  que  le 
titre  de  patriarche , à Constantinople.  Au-dessous 
d’eux  est  le  corps  très  nombreux  des  évêques  et  des 
vardapets  (archimandrites)  qui,  à leur  tour,  ont  sous 
leur  domination  immédiate  les  diacres  et  les  prêtres. 
Le  mariage  des  prêtres  est  admis,  mais  seulement 
pour  ces  deux  derniers  ordres.  Le  Catholicos  d’Ed- 
chmiadzine  est  élu  par  un  conclave  ecclésiastique  et 
laïque,  mais  sa  nomination  doit  être  ratifiée  par  le 
Tsar. 

Population.  — Lors  de  la  conquête  du  pays  par  les 
Russes,  de  1828  à 1830,  environ  130,000  Arméniens 
de  Perse  et  de  Turquie  vinrent  s’établir,  sous  la  pro- 
tection des  armées  russes,  dans  les  vallées  de  l’Araxe, 
et  de  la  Koura  et  remplacèrent  les  Kurdes  et  les  Tatares 
qui,  de  leur  côté,  refluaient  vers  les  contrées  restées 
au  pouvoir  des  Mahométans.  Pendant  la  guerre  de  1877 
et  1878,  un  phénomène  analogue  de  double  migration 
s’est  accompli.  Le  district  d’Ardaghan,  dans  la  haute 
vallée  de  la  Koura,  et  celui  de  Kars,  dans  le  bassin  de 
l’Araxe,  se  sont  en  grande  partie  dépeuplés  de  leurs 
habitants  de  foi  musulmane,  mais,  en  revanche,  ils  ont 
reçu  des  multitudes  d’ Arméniens.  Ceux-ci  venaient  de 
tout  le  haut  bassin  de  l’Euphrate  et  des  bords  du 
Tchorok,  mais  surtout  du  territoire  que  le  traité  de 
San-Stéfano  avait  attribué  à la  Russie  et  que  lui  aretiré 
de  nouveau  le  congrès  de  Berlin.  Sans  doute,  ce  croi- 
sement d’exodes  nationaux  s’est  compliqué  de  terribles 
drames,  famines,  épidémies,  haines  de  religion,  de 
races,  etc.;  mais,  dans  l’ensemble,  les  populations  se 
sont  mieux  réparties,  conformément  à leurs  affinités 
naturelles. 

Jusqu’à  présent,  aucune  statistique  précise  n a donné 
le  nombre  des  Arméniens  qui  vivent  en  Asie-Mineure 
sur  le  territoire  mahométan,  mais  il  est  probable  qu’ils 
sont  moins  nombreux  que  ceux  du  territoire  russe. 
L’ensemble  de  la  nation  peut  être  évalué  à deux  millions 


126 


GUIDE  AU  CAUCASE 


six  cent  mille  âmes1.  Par  une  singulière  bizarrerie  qui 
témoigne  bien  de  l’état  de  dispersion  des  Arméniens,  il 
se  trouve  que  la  ville  où  les  hommes  de  cette  race 
vivent  en  plus  grand  nombre  est  éloignée  de  l’Arménie 
et  même  en  dehors  du  continent  d’Asie;  h’est  Constan- 
tinople où  on  compte  200,000  Arméniens.  Tiflis,  la 
deuxième  ville  haïkane  par  l’importance  de  sa  popu- 
lation, est  située  également  sur  une  terre  non  armé- 
nienne ; c’est  une  enclave  de  la  Géorgie.  Il  en  est  de 
même  de  plusieurs  autres  villes  de  Transcaucasie, 
arméniennes  par  la  majorité  de  leurs  habitants. 

Etat  social.  — Il  est  probable  que  l’élément  sémi- 
tique a pris  une  large  part  à la  constitution  du  peuple 
arménien,  car  de  nombreuses  émigrations  juives  et 
même  des  transportations  en  masse  ont  eu  lieu  de 
Palestine  en  Arménie.  Considérés  d’une  manière  géné- 
rale, les  descendants  de  Haïk  sont  des  Aryens,  se 
rattachant  intimement  aux  Perses  ; mais  les  vicissitudes 
incessantes  causées  depuis  quatre  mille  ans  par  les 
guerres,  les  conquêtes,  etc.,  ont  mêlé  ces  Aryens  avec 
toutes  les  populations  voisines,  et  les  Juifs,  notam- 
ment, furent  transportés  en  foule  dans  les  montagnes 

1.  Nombre  probable  des  Arméniens  : 

Caucasie  et  Russie  d’Europe.  840.000 

Arménie  turque A 760 . 000 

Arménie  persane 150.000 

Turquie  d’Europe 250.000 

Autres  pays 60.000 

Ensemble 2.060.000  (d’après  Elisée  Reclus). 

La  population  du  vilayet  d’Erzéroum  n’est  évaluée  dans  un 
document  de  1869  qu’à  1,200,000  âmes.  M.  Behm,  dans  ses 
relevés  statistiques  de  1872  la  porte  à 1,906,000  âmes.  Une  moitié 
environ  est  chrétienne,  et  l’autre  moitié  musulmane.  Sur  les 
600,000  chrétiens,  l’immense  majorité,  près  de  580,000  appar- 
tiennent à la  communion  arménienne  non  unie,  dite  grégo- 
rienne, les  communions  catholique  et  grecque  ne  comptent 
guère,  à elles  deux,  plus  de  20,000  membres. 

M.  Grigor  Arzruni,  dans  son  rapport  au  deuxième  congrès 
international  des  gens  de  lettres,  tenu  à Paris  en  1889,  dit  que 
le  nombre  des  Arméniens  chrétiens  (sans  compter  les  Arméniens 
musulmans),  dans  l’ancienne  patrie  arménienne, divisée  mainte- 
nant en  Arménie  russe,  turque  et  persane,  est  à peu  près  de 
quatre  millions,  dont  un  million  et  demi  dans  l’Arménie  russe. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


127 


d'Arménie,  comme  captifs  des  conquérants  assyriens. 
La  race  royale  la  plus  fameuse  qui  régna  sur  le 
Hayasdan  et  la  Géorgie,  celle  des  Bagratides,  tire 
meme  son  origine  des  Juifs  et  fait  remonter  sa  généa- 
logie jusqu’à  David  le  roi-prophète.  Parmi  les  divers 
émigrants,  on  cite  aussi,  comme  ayant  exercé  une 
influence  considérable  sur  la  nation,  cette  tribu  des 
Mamikomans  qu’un  prince  de  Djenasdan,  c’est-à-dire 
de  Chine,  introduisit  dans  le  Somkhet  en  Arménie,  au 
IIIe  s.  de  Père  vulgaire.  Les  récits  des  chroniqueurs 
prouvent  d’une  manière  évidente  que  la  plupart  de  ces 
étrangers  venus  à la  façon  des  Normands  et  des 
Varègues,  comme  chefs  de  guerre  et  combattants  au 
service  de  l’ami  ou  de  l’ennemi,  appartenaient  proba- 
blement à la  même  souche  que  les  Tadjeks  du  bassin 
de  l’Oxus. 

Les  désastres  qui  ont  frappé  l’Arménie  dans  son  unité 
nationale  l’ont  atteinte  également  dans  son  organisation 
sociale.  La  nation  tout  entière  était  autrefois  enveloppée 
dans  les  liens  d’une  forte  hiérarchie  ; organisation 
vicieuse  si  la  hiérarchie,  se  transformant  en  féodalité, 
affaiblit  ou  annule  l’autorité  centrale,  mais  qui  n’en 
recèle  pas  moins  des  éléments  de  puissance  et  de 
grandeur.  Tous  ces  éléments  ont  été  détruits  ou  se  sont 
graduellement  éteints  depuis  le  morcellement  de  la 
monarchie  de  Haïk.  L’antique  noblesse  arménienne, 
jadis  si  fière  et  si  puissante,  est  à peu  près  complè- 
tement éteinte.  Il  y a à Tiflis  deux  familles  qu’on  dit 
issues  des  Artzrouniks  et  des  Mamikonians  ; mais  on 
n’en  cite  nulle  part  aucune  autre  qui  se  rattache  aux 
vieux  noms  historiques  de  la  nation.  Aucun  Arménien 
ne  garde  souvenir  d’avoir  appartenu  autrefois  à l’aris- 
tocratie nationale.  Une  seule  province  fait  exception 
sous  ce  rapport,  c’est  le  Siounikh . Dans  ces  profondes 
vallées  qui  confinent  au  Karabagh,  et  que  la  nature 
des  lieux  a défendues  jusqu’à  un  certain  point  contre 
les  invasions  étrangères,  le  Siounikh  a gardé  quelques 
débris  de  l’ancienne  nationalité.  Là,  les  nobles  sont 
encore  nombreux,  quoique  pauvres. 

Depuis  des  siècles,  les  Arméniens  sont  répandus 
dans  tout  le  monde  oriental.  Dès  le  XIe  s.,  ils  émi- 


128 


GUIDE  AU  CAUCASE 


grèrent  en  foule  et  on  les  vit  pénétrer  en  Russie,  en 
Pologne,  en  Galicie,  etc.  Actuellement  on  les  trouve 
dans  toutes  les  grandes  villes  de  commerce,  de  Londres 
à Singapour  et  à Chang-Haï,  et  partout  nombre  des 
leurs  font  partie  des  négociants  notables.  Les  Haïkanes 
ne  le  cèdent  certainement  pas  aux  Israélites  en  ténacité 
religieuse,  en  esprit  de  solidarité,  en  instincts  mercan- 
tiles, en  habileté  commerciale;  mais  ils  sont  moins 
aventureux,  et  tandis  que  l’on  rencontre  jusqu’au  bout 
du  monde  des  Juifs  isolés,  soutenant  sans  faiblir  le 
combat  de  la  vie,  les  Arméniens  ne  s’avancent  que 
groupés  en  communautés  solides.  En  outre,  la  majorité 
des  Arméniens  restés  dans  leur  pays  d’origine  est  loin 
d’éprouver  la  même  aversion  que  les  Juifs  pour  le  tra- 
vail de  la  terre;  en  plusieurs  districts  de  la  Transcau- 
casie, les  paysans  sont  de  race  arménienne.  Ailleurs, 
comme  dans  certains  villages  du  Karabagh,  les  habi- 
tants vivent  de  l’émigration  temporaire  comme  maçons 
et  charpentiers.  En  aucun  pays  du  monde  on  ne  voit 
les  Juifs  gagner  leur  vie  de  cette  manière. 

Il  y a dans  les  races  un  principe  de  vie  qui  résiste 
durant  de  longs  siècles  à l’action  extérieure  des  causes 
de  dissolution  les  plus  puissantes.  Le  pays  peut  être 
envahi  et  morcelé,  le  nom  national  effacé,  la  nation 
même  dispersée  et  l’Etat  qui  est  l’œuvre  des  hommes 
et  du  temps  périt,  mais  la  race  ne  meurt  pas.  Si  la  pa- 
trie n’est  plus  dans  le  sol  natal,  elle  passe  tout  entière 
dans  la  puissance  des  souvenirs  et  la  sainteté  des  tradi- 
tions. Et  même  alors  que  le  cours  des  siècles  a usé  les 
souvenirs  et  affaibli  les  traditions,  il  est  un  double  lien 
plus  puissant  encore  et  plus  durable  que  les  autres,  qui 
continue  de  rattacher  entre  eux,  même  à leur  insu,  les 
membres  épars  de  la  race  proscrite  : c’est  la  commu- 
nauté du  langage  et  celle  de  la  foi  religieuse.  Les  Ar- 
méniens, comme  les  Juifs,  ont  donné  dans  l’histoire  ce 
grand  exemple  et  ce  grand  enseignement.  Disséminés 
tous  deux  parmi  les  nations  étrangères,  tous  deux  ont 
conservé,  presque  sans  altération,  dans  les  contrées  di- 
verses où  le  sort  les  a conduits,  les  mêmes  traits,  les 
mêmes  habitudes  et  le  même  caractère.  Tous  deux 
encore  offrent  cette  particularité  remarquable,  qu’après 


GUIDE  AU  CAUCASE 


129 


s’être  signalés  dans  les  temps  anciens  de  leur  existence 
historique  par  leur  esprit  remuant  et  leur  humeur 
belliqueuse,  ils  se  sont  tournés  prudemment  vers  les 
spéculations  anodines  et  pacifiques  du  négoce. 

Mœurs,  coutumes,  usages.  — Au  Caucase, 
comme  dans  presque  toutes  les  contrées  qu’ils  habitent, 
les  Arméniens  se  tiennent  assez  soigneusement  à l’écart 
des  hommes  d’autre  race  et  d’autre  langue.  D’ailleurs 
les  habitudes  du  négoce  en  font  souvent  une  classe  à 
part.  Qu’ils  soient  agriculteurs  ou  commerçants,  les 
uns  et  les  autres  sont  comme  murés  dans  leur  vie  de 
famille.  Ils  pratiquent  encore  les  mœurs  du  patriarcat. 
Le  grand-père  commande;  les  enfants,  les  gendres  et 
les  petits-enfants  obéissent.  Les  soins  du  ménage  in- 
combent aux  femmes  dont  la  vie  se  passe  à servir  leur 
mari  et  à élever  leurs  enfants.  Les  mariages  sont  pour 
la  plupart  d’une  merveilleuse  fécondité.  Beaucoup  de 
femmes  ont  à 30  ans  une  huitaine  d’enfants  et  il  est  peu 
de  ménages  où  l’on  ne  compte  quatre  ou  cinq  garçons 
et  filles.  Ces  nombreuses  familles  ne  sont  point  un 
fardeau.  Les  filles  se  marient  sans  dot,  et  les  garçons 
devant  gagner  leur  vie  dès  la  quatorzième  année,  ne 
restent  pas  longtemps  à la  charge  de  leur  famille.  Le 
respect  des  parents  est  poussé  plus  loin  peut-être  que 
partout  ailleurs.  Les  jeunes  gens  ne  sont  pas  consultés 
sur  le  choix  de  la  femme  qu’ils  doivent  épouser,  l’usage 
est  de  laisser  au  père  et  à la  mère  le  soin  de  la  trouver. 

Habitations,  villes  et  villages.  — Le  nombre  des 
habitations  souterraines,  dont  Xénophon  parlait  déjà 
avec  étonnement,  est  encore  considérable,  sinon  dans 
les  villes  du  moins  dans  les  campagnes.  La  plupart  dés 
villages  sont  bâtis  au  bord  des  routes  à la  pente  des  col- 
lines, de  façon  que  le  toit  est  de  niveau  avec  la  chaussée  ; 
il  résulte  de  là  que  l’on  peut  passer  à côté  d’un  village 
sans  en  soupçonner  l’existence,  l’hiver  surtout  quand 
la  neige  couvre  la  campagne.  La  pauvreté  de  l’intérieur 
de  ces  maisons  répond  à leur  triste  apparence.  Elles 
n’ont  qu’une  seule  chambre,  au  fond  de  laquelle  sont 
l’étable  et  l’écurie.  La  famille  vit  sur  une  sorte  d’es- 
trade bordée  de  sofas  grossiers,  à la  fois  sièges  et  lits. 

9 


130 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Dans  un  angle  est  pratiqué  un  étroit  foyer  ; les  aliments 
y sont  cuits  au  moyen  du  rézeh,  combustible  animal 
dont  l’odeur  trahit  l’origine  ; la  fumée  s’échappe  par 
une  ouverture  au  plafond.  L’aspect  des  villes  ne  dif- 
fère guère  de  celui  des  villages,  si  ce  n’est  qu’elles 
couvrent  une  surface  plus  considérable  et  que  les  cons- 
tructions et  les  jardins  sont  entourés  d’un  mur  en  pisé 
qui  les  cache  entièrement  à la  vue.  Les  terrasses  du 
même  îlot  de  maisons  se  trouvent  à peu  près  au  même 
niveau;  il  est  souvent  plus  facile  de  cheminer  sur  les 
toits  que  par  les  rues. 

Langue,  littérature,  instruction.  — La  langue 

des  Haïks  est  classée  par  tous  les  grammairiens  dans 
la  famille  aryenne  ; ses  plus  grandes  analogies  sont 
avec  le  zend  : par  la  syntaxe,  elle  est  iranienne  et,  par 
les  mots,  elle  présente  beaucoup  de  ressemblance  avec 
le  grec  et  les  langues  slavonnes.  Quoique  fort  rude, 
hérissé  de  consonnes,  l’arménien  est  l’égal  de  l’ionien 
pour  la  richesse  des  mots  et  des  formes  grammaticales  ; 
il  a la  même  flexibilité  de  construction,  la  même  puis- 
sance de  création  indéfinie  pour  les  mots  composés.  Il 
est  vrai  que  l’arménien  moderne,  subdivisé  d’ailleurs 
en  de  nombreux  dialectes  \ a pris  au  turc  et  au  géor- 
gien un  grand  nombre  d’expressions  ; dans  la  vallée 
inférieure  de  l’Araxe  notamment,  là  où  les  Arméniens 
sont  entourés  de  Tatars,  il  parlent  un  jargon  où  le  turc 

1.  On  distingue  Y arménien  littéral  de  Y arménien  moderne. 
Le  premier  est  celui  qu’ont  employé  les  anciens  auteurs  des 
siècles  littéraires  de  l’Arménie  et  qui  n’est  plus  actuellement, 
comme  le  grec  d’Hérodote  et  le  latin  de  Cicéron,  qu’une  langue 
morte  étudiée  seulement  par  les  hommes  instruits  ; le  second 
est  l’idiome  tel  qu’on  le  parle  aujourd’hui,  soit  en  Arménie 
même,  soit  parmi  les  Arméniens  des  autres  contrées.  On  dis- 
tingue dans  Y arménien  moderne  deux  dialectes  principaux  : 
le  dialecte  occidental  et  le  dialecte  oriental  partagés  l’un  et 
l'autre  en  un  grand  nombre  de  sous-dialectes.  Le  premier 
embrasse  les  provinces  turques  et  la  Crimée  ; le  second  est  le 
dialecte  des  habitants  mêmes  de  l’Arménie  actuelle,  avec  les 
Arméniens  de  la  Géorgie  et  ceux  du  S. -O.  de  la  Russie,  de  la 
Perse  et  de  l’Inde.  Depuis  une  cinquantaine  d’années,  ces 
dialectes  sont  devenus  l’objet  d’études  philologiques  et  gramma- 
ticales et  ont  créé  toute  une  littérature  à laquelle  appartiennent 
les  publications  de  Tiflis  et  de  Constantinople. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


131 


prédomine  parfois  sur  la  langue  haïkane;  de  même 
dans  le  Ckirvan,  au  S.  du  Caucase,  quelques  commu- 
nautés arméniennes  ont  presque  cessé  de  l’être  par  le 
langage  1 . De  pareils  changements  étaient  inévitables  à 
cause  de  la  dispersion  de  la  race  ; la  plupart  des  Ar- 
méniens depuis  longtemps  éloignés  de  la  mère-patrie, 
par  exemple  ceux  de  la  Bukowine  et  de  la  Transyl- 
vanie, ont  complètement  oublié  la  langue  des  ancêtres. 
Au  couvent  d’Edchmiadzine,  où  se  parle  le  haïkane  le 
plus  rapproché  de  la  langue  classique,  l’arménien  est 
encore  un  pur  dialecte  iranien.  Du  reste  la  littérature 
arménienne,  qui  ne  cesse  de  s’enrichir  depuis  plus  de 
deux  mille  années,  raconte  l’histoire  de  la  langue  et 
témoigne  de  ses  origines.  Dans  le  pays  de  Van,  des 
rochers  portent  des  inscriptions  arméniennes  en  carac- 
tères cunéiformes.  D’autres  documents  haïkanes  sont 
écrits  en  caractères  persans  et  grecs,  et,  dès  le  Ve  s. 
de  l’ère  actuelle,  à l’époque  de  la  grande  floraison  litté- 
raire, lorsque  trois  cents  écoles  étaient  ouvertes  aux 
jeunes  gens  du  pays,  l’arménien  se  donnait  en  propre 
l’alphabet  qu’il  emploie  encore  de  nos  jours  2.  C’est  au 
XIVe  s.  que  l’invasion  de  Tamerlan  vint  mettre  brus- 
quement un  terme  à la  période  de  littérature  classique 
du  Hayasdan. 

L’Arménie  a eu  ses  siècles  littéraires,  qui  tiennent 
une  place  considérable  dans  le  mouvement  intellectuel 
de  l’ancienne  Asie.  La  littérature  arménienne,  telle 
que  nous  la  présentent  les  monuments  dont  elle  s’est 
enrichie  dans  sa  première  période,  se  développa  sous 
l’influence  du  christianisme,  en  s’imprégnant  d’idées 
helléniques  qui  vinrent  se  mêler  à un  vieux  fonds  de 
doctrines  orientales.  Elle  procède  beaucoup  plus  de 
l’esprit  scientifique  et  réaliste  que  de  l’imagination  ; 


1.  Entre  autres  contrées  de  l’Arménie,  on  peut  citer  la  ville 
de  Césarée  (en  Asie-Mineure)  dont  la  population  arménienne 
sait  presque  par  cœur  toutes  les  prières  et  les  chants  de  son 
Eglise  nationale,  comprend  la  langue  maternelle  et  cependant 
ne  la  parle  pas. 

2.  C’est  à Mesrob,  au  IVe  s.  ap.  J.-C.,  que  revient  l’honneur 
d’avoir  donné  un  alphabet  dont  les  caractères  rendent  exacte- 
ment tous  les  sons  de  l’idiome  arménien,  qui  contient  des  sons 
particuliers,  manquant  aux  autres  langues  congénères. 


132 


GUIDE  AU  CAUCASE 


aussi  a-t-elle  donné  naissance  à une  multitude  d’his- 
toriens et  de  chroniqueurs  qui  se  succèdent  de  siècle  en 
siècle,  véritable  chaîne  d’or  dont  les  premiers  anneaux 
sont  soudés  au  IVe  s.  et  qui  se  prolonge  pendant  toute 
la  durée  du  moyen  âge  et  se  continue  jusqu’à  nos  jours. 
Four  l’exégèse  et  la  théologie,  cette  littérature  n’est  pas 
moins  précieuse  ; plus  qu’aucune  autre,  elle  abonde  en 
compositions  de  ce  genre.  Lorsqu’elle  cesse  d’être  ori- 
ginale pour  se  parer  de  richesses  étrangères,  elle  a le 
mérite  de  savoir  se  les  approprier  et  celui  de  les  repro- 
duire sous  la  forme  la  plus  fidèle. 

Dans  une  haute  antiquité,  lorsque  l’Arménie  était 
unie  à l’Empire  perse  par  des  liens  pratiques  très  étroits, 
par  des  croyances  religieuses  et  une  civilisation  com- 
munes, et  qu’elle  formait  une  partie  intégrante  du 
groupe  des  nations  iraniennes,  elle  possédait  une 
culture  littéraire  dont  le  souvenir,  quoique  bien  obscur 
aujourd’hui,  n’est  pas  cependant  tout  à fait  effacé. 
Toutes  les  productions  que  cette  culture  enfanta  furent 
anéanties  par  le  zèle  des  Apôtres  qui  vinrent  répandre 
dans  le  pays  les  semences  de  la  foi  chrétienne  ; mais 
l’existence  de  ce  primitif  développement  intellectuel 
est  mise  hors  de  doute  par  la  perfection  de  la  langue 
qu’ont  employée  les  écrivains  les  plus  anciens  parmi 
ceux  qui  nous  sont  parvenus,  et  qui  suppose  une 
longue  élaboration  antérieure,  par  des  fragments  de 
poésie,  par  des  traditions  et  des  légendes  qui  ont 
échappé  à cette  destruction  générale. 

Convertis  à la  foi  de  l’Evangile  dans  le  commen- 
cement du  IVe  s.  et  instruits  par  les  docteurs  de  la 
savante  école  de  Césarée  de  Cappadoce,  les  Arméniens 
s’éprirent  d’un  amour  passionné  pour  la  langue  de 
leurs  instituteurs  religieux  et  pour  ses  chefs-d’œuvre 
immortels.  Ils  accouraient,  entraînés  par  une  studieuse 
ardeur,  dans  les  écoles  les  plus  célèbres  : à Alexandrie, 
à Athènes,  à Constantinople  et  à Rome  ; ils  y apprirent 
l’art  que  ne  connut  jamais  aussi  bien  qu’eux  aucune 
des  nations  orientales,  l’art  de  bien  dire  et  de  bien 
écrire,  la  discipline  de  la  pensée,  les  délicatesses  du 
style  et  le  sentiment  du  beau. 

On  doit  à ce  culte  des  lettres  grecques,  si  florissant 


GUIDE  AU  CAUCASE 


133 


chez  les  Arméniens,  les  nombreuses  versions  faites  au 
IVe  et  au  Ve  s.,  sur  des  manuscrits  préservés  encore 
des  altérations  dont  la  main  des  copistes  les  a souillés 
dans  le  cours  des  âges,  et  la  conservation  de  quantité 
d’auteurs  dont  le  texte  original  est  maintenant  perdu. 
Il  suffira  de  citer  ici  la  Chronique d’Eusèbe,  retrouvée 
à Jérusalem  et  conservée  aujourd’hui  dans  la  biblio- 
thèque du  séminaire  arménien  de  Constantinople,  une 
portion  notable  des  traités  de  Philon  et  des  fragments 
de  Chrysostôme.  La  bibliothèque  du  couvent  patriarcal 
d’Edchmiadzine  renferme  des  trésors  du  même  genre, 
et  il  est  probable  qu’une  visite  faite  dans  les  monastères 
encore  inexplorés  de  l’Arménie  amènera  de  nouvelles 
découvertes,  peut-être  celle  d’un  Diodore  de  Sicile 
complet  qu’on  sait  avoir  été  traduit  au  Ve  s. 

Ambitieux  pour  leurs  familles,  les  Arméniens  cher- 
chent à fournir  à leurs  enfants  les  avantages  de 
l’instruction  ; il  n’est  pas  de  commune  qui  ne  s’occupe 
de  la  fondation  ou  de  l’entretien  d’écoles1,  et  souvent 
même  les  villages  arméniens  ont  à lutter  contre  leurs 
prêtres  qui  craignent  de  voir  diminuer  leur  influence 
au  profit  de  l’instituteur.  Le  mouvement  scientifique  et 
littéraire  est  devenu  assez  actif  et,  relativement  à leur 
nombre,  les  Arméniens  sont  peut-être  ceux  qui,  parmi 
les  habitants  de  l’Empire  russe,  impriment  le  plus 
d’ouvrages.. 

Autrefois,  les  livres  de  théologie,  d’histoire,  de 
métaphysique,  de  grammaire,  constituaient  à peu  près 
toute  la  littérature  arménienne;  aujourd’hui,  elle  aborde 
tous  les  sujets.  Outre  les  ouvrages  originaux  d’auteurs 
contemporains  comme  ceux  des  poètes  Raphaël  Patka- 
nian  et  Sembat  Chahasissian,  des  romanciers  comme 
Térentz  , Raffi,  Agaïantz  et  Prochiantz,  des  auteurs 
dramatiques  comme  Gabriel  Soundoukiantz  et  Michel 
Ter-Grigoriantz,  les  linguistes  et  historiens  : Etienne 

1.  Il  y a cinquante  ans  que  l’archevêque  Nersès  a fondé  à 
Tiflis  le  premier  collège  arménien  qui  porte  le  nom  de  Ner- 
sessian.  Le  nombre  des  élèves  dans  les  500  écoles  de  rArménie 
russe,  sans  compter  4 collèges  provinciaux  et  une  Académie  à 
Edchmiadzine,  est  de  500  filles  et  garçons.  (D’après  le  Dr, 
Grégoire  Arzrouni). 


134 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Balassan , Grégoire  Khalatiantz , Mikirtich  Emine, 
Kéropé  Patkanian , la  littérature  arménienne  s’est 
enrichie,  ces  dix  dernières  années,  de  nombreuses 
traductions  des  plus  grandes  œuvres  de  la  littérature 
européenne  : drames  de  Shakespeare,  de  Schiller, 
comédies  de  Molière,  romans  et  comédies  de  Dumas 
fils,  romans  de  Victor  Hugo,  Tourguénieffi,  etc.,  etc., 
ouvrages  philosophiques , historiques , pédagogiques 
d’écrivains  modernes.  En  1854  déjà,  il  y avait  en 
Europe  et  en  Asie  au  moins  22  imprimeries  armé- 
niennes. Des  journaux  arméniens  se  publient  àTiflis1, 
Saint-Pétersbourg,  Moscou,  Constantinople,  Smyrne, 
Varna,  Alexandrie  (Egypte),  Vienne,  Londres,  Mar- 
seille, New-York,  et  diverses  congrégations  s’occupent 
à Moscou,  Vienne,  Paris,  Venise,  de  la  publication 
des  monuments  de  l’ancienne  langue  et  d’ouvrages  en 
langue  moderne2.  La  plus  célèbre  institution  des 
Arméniens  à l’étranger  est  le  couvent  que  le  moine 
Mékhitar  ou  « le  Consolateur»  fonda  en  1717  dans 
l’île  de  San-Lazzaro,  près  du  chenal  des  lagunes  que 
suivent  les  gondoles  entre  Venise  et  le  Lido,  Dans  cet 
édifice  en  briques  roses,  entouré  de  jardins,  se  publient 
de  précieux  documents  et  se  trouve  une  bibliothèque 
renfermant  de  rares  manuscrits  orientaux3. 

1.  Il  y a,  au  Caucase,  6 éditions  périodiques  arméniennes 
appartenant  à deux  camps  différents,  les  unes  au  parti  clérical 
ou  conservateur,  les  autres  au  parti  progressiste.  A Edchmia- 
dzine,  paraît  une  revue  mensuelle  (YArarnt)  organe  de  ce 
monastère;  à Tiflis  paraissent:  YAgbur  (la  source),  revue 
mensuelle  pédagogique  ; le  Mourtsch  (le  marteau),  revue 
mensuelle  sociale  et  littéraire  ; Y ArdsaqanJ ?.  (l’écho),  revue 
illustrée  hebdomadaire  politique  et  littéraire;  le  Tarai  (la 
mode),  journal  illustré  mensuel,  et  enfin  les  deux  feuilles  poli- 
tiques et  littéraires  : le  Mscliak  (le  travailleur)  et  le  Nor-Dar 
(le  nouveau  siècle). 

2.  Il  s’est  formé  dernièrement  àTiflis  une  Société  arménienne 
de  gens  de  lettres  qui  a pour  but  d’encourager  matériellement 
les  écrivains  et  les  traducteurs  arméniens,  en  achetant  leurs 
manuscrits  et  en  les  faisant  paraître  aux  frais  de  la  Société. 
Les  deux  grandes  Sociétés  de  bienfaisance,  l’une,  celle  de  Saint- 
Grégoire  a Bakou,  et  l’autre  à Tiflis,  ont  aussi  pour  but  d’en- 
couraeer  l’enseignement  et  la  littérature  nationale. 

3.  D’après  le  rapport  de  M.  le  Dr.  Grigor  Arzrouni,  au 
déuxième  congrès  international  de  la  Société  des  gens  de 
lettres  à Paris,  1889. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


135 


LES  MONTAGNARDS  DU  CAUCASE 

TCHERKESSES 

Quoiqu’il  ne  reste  plus  au  Caucase  qu’un  petit 
nombre  d’Adighés  ou  Tcherkesses,  ces  peuplades  ont 
été  trop  longtemps  considérées  comme  le  type  des 
autres  tribus  caucasiennes,  elles  ont  aussi  exercé  trop 
d’influence  sur  celles  qui  n’ont  pas  encore  émigré,  pour 
qu’il  ne  soit  pas  nécessaire  d’étudier  la  nation  telle 
qu’elle  existait  avant  l’exode  de  1864.  Alors  sa  résistance 
énergique  aux  Russes  lui  avait  valu  une  renommée 
d’héroïsme;  ses  traditions  chevaleresques,  la  simplicité 
patriarcale  de  ses  mœurs,  la  beauté  physique  et  l’élé- 
gance de  ses  formes  faisaient  incontestablement  du 
Tcherkesse  le  premier  des  Caucasiens,  et  son  nom  était 
fréquemment  donné  d’une  manière  générale  à tous  les 
montagnards.  Malheureusement  il  ne  vivait  que  pour 
la  guerre,  si  bien  que  la  plupart  des  étymologistes  ex- 
pliquaient le  mot  de  « Tcherkesse  » par  le  sens  de 
((  brigands  )),«  bandits  ou  coupeurs  de  routes.  » Ce- 
pendant il  est  peut-être  dérivé  de  celui  de  Kerkètes, 
mentionné  par  Strabon.  La  langue  des  Adighés,  rude, 
gutturale,  est  très  difficile  à prononcer  pour  tous  les 
étrangers. 

Fort  beaux  pour  la  plupart,  ils  sont  élancés,  minces 
de  taille,  larges  d’épaules  : leur  figure  ovale,  au  teint 
clair,  à l’œil  brillant,  est  entourée  d’abondants  cheveux 
noirs,  parfois  aussi  châtains  ou  blonds.  On  attribue 
leur  port  si  droit  et  la  cambrure  de  leurs  reins  à l’habi- 
tude qu’ont  les  mères  d’élever  leurs  nourrissons  en  leur 
tenant  le  dos  appliqué  sur  une  planchette.  Hommes  et 
femmes  se  croient  déshonorés  par  l’obésité  ou  d’autres 
vices  de  formes,  et  ceux  qui  sont,  ainsi  affligés  s’abs- 
tiennent de  se  présenter  dans  les  fêtes  publiques  et  les 
réunions  populaires;  sachant  que  la  beauté  est  le  pri- 
vilège de  leur  race,  les  Tcherkesses  épousaient  rare- 
ment des  femmes  d’un  autre  sang  que  le  leur.  Le  cos- 
tume tcherkesse,  d’une  singulière  coquetterie,  sied 
parfaitement  à ces  hommes  adroits  et  souples;  aussi 
est-il  devenu  une  sorte  de  costume  national  pour  tous 


136 


GUIDE  AU  CAUCASE 


les  Caucasiens,  même  pour  les  Cosaques  russes,  et 
Ton  voit  jusqu’aux  Juifs  pacifiques  se  revêtir  de  la 
tcherkeska , ornée  de  cartouchières,  inutiles  pour  eux* 
De  même  que  les  Albanais  clu  Pinde,  avec  lesquels 
ils  offrent  beaucoup  de  ressemblances,  les  Tcherkesses 
ont  le  talion  pour  loi  suprême.  Le  sang  appelle  le  sang; 
le  meurtrier  doit  être  puni,  à moins  qu’il  ne  rachète 
son  crime  ou  qu’il  ne  réussisse  à voler  un  enfant  dans 
la  famille  de  son  ennemi,  pour  l’élever  lui-même 
comme  son  propre  fils  et  le  ramener  ensuite  dans  la 
maison  paternelle.  La  substitution  des  marques  de 
propriété  sur  les  chevaux  est  aussi  assimilée  au  meurtre 
et  doit  être  payée  par  le  sang.  Les  guerres  de  famille  à 
famille  duraient  pendant  des  générations  entières,  et 
pourtant  le  Tcherkesse,  différent  en  cela  de  son  voisin 
le  Svane,  dédaignait  de  se  cacher  dans  une  maison  de 
pierre.  Comptant  sur  la  force  de  son  bras,  il  n’habitait 
que  des  cabanes  en  bois  légèrement  construites.  D’ail- 
leurs, jamais  la  vengeance  ne  s’accomplissait  en  pré- 
sence des  femmes,  êtres  sacrés  dont  un  geste  pouvait 
arrêter  la  mort,  et  qui  pourtant  appartenaient  elles- 
mêmes,  soit  à un  père,  soit  à un  mari,  qui  s’arrogeait 
le  droit  de  les  tuer  sans  en  rendre  compte  à personne. 
Suivant  la  coutume  antique,  le  jeune  homme  s’empa- 
rait par  la  force  de  celle  qu’il  voulait  pour  épouse. 
D’avance  la  fille  du  Tcherkesse  savait  qu’elle  aurait  à 
quitter  la  maison  paternelle,  soit  par  une  violence 
réelle  ou  simulée  ; soit  par  une  vente  en  pays  étranger; 
mais,  telle  est  la  force  des  usages,  que  l’expatriation 
même  et  la  vie  dans  le  harem  ne  lui  causaient  d’ordi- 
naire aucun  effroi.  Il  est  vrai  que,  par  tradition,  les 
jeunes  filles  Tcherkesses  sé  croyaient  assurées  de  de- 
venir les  femmes  légitimes  de  grands  personnages, 
grâce  à leur  beauté,  à leurs  bonnes  manières,  à la  poésie 
de  leur  langage.  Tandis  que  les  autres  Orientales 
n’étaient  que  des  esclaves,  elles  avaient  vécu  en  per- 
sonnes libres,  et  c’est  là  ce  qui  faisait  leur  charme. 
Quant  aux  garçons,  ils  étaient  élevés  le  plus  souvent, 
non  par  leurs  propres  parents,  mais  par  un  atalik  ou 
((  éducateur  » que  l’on  choisissait  surtout  pour  ses  qua- 
lités physiques  et  morales,  son  courage,  sa  politesse. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


137 


son  éloquence,  son  adresse  à manier  les  armes  et  les 
chevaux.  Les  parents,  se  défiant  d’eux-mêmes  et  de 
leur  tendresse,  craignant  de  gâter  leurs  enfants,  leur 
donnaient  un  autre  père,  chargé  d’en  faire  des  cavaliers 
et  de  vaillants  chasseurs  à l'animal  et  à l'homme,  de 
leur  enseigner  les  beaux  préceptes  et  l’art  de  s’expri- 
mer simplement,  avec  éloquence  et  poésie.  Quand 
l’éducation  du  jeune  homme  était  terminée,  il  rentrait 
dans  la  maison  de  ses  parents,  mais  il  ne  cessait  de 
considérer  son  atalik  comme  un  véritable  père.  Autre- 
fois, c’est  par  un  vol  fictif  — singulier  reste  de  cou- 
tumes barbares,  --  que  l’atalik  s’emparait  de  l’enfant  : 
il  le  ravissait,  trois  jours  après  sa  naissance,  mais  en 
présence  de  sept  témoins,  chargés  d’attester  ensuite  par 
serment  l’identité  de  l’adolescent. 

Quoique  fiers  de  leur  liberté,  les  Tcherkesses  n’étaient 
point  égaux  entre  eux.  Ils  se  divisaient  en  trois  castes  : 
celles  des  princes  et  des  nobles  qu’avaient  abaissés  des 
luttes  intestines  et  celle  des  simples  paysans  guerriers; 
mais  tous  se  groupaient  en  tleouch  ou  « fraternités  ))  et 
en  groupes  de  fraternités,  et  ce  sont  ces  associations 
d’hommes,  dévoués  les  uns  aux  autres  jusqu  a la  mort, 
qui  donnèrent  aux  Tcherkesses  une  si  grande  force  de 
résistance  contre  les  Russes.  C’est  dans  la  plaine  sur- 
tout que  les  nobles  avaient  le  plus  d’autorité,  et  en  cer- 
tains endroits  ils  avaient  même  réussi  à constituer  un 
régime  presque  féodal,  mais  leurs  paysans  s’enfuyaient 
chez  les  Tcherkesses  de  la  montagne,  et  les  nobles  les 
réclamaient  en  vain.  De  là  d’incessantes  guerres,  qui 
eurent  pour  conséquence  la  défaite  des  nobles  et  le  re- 
cours de  plusieurs  d’entre  eux  à l’aide  de  l’étranger. 
Au-dessous  des  trois  classes  libres  travaillait  la  foule 
des  esclaves,  composée  entièrement  de  prisonniers  de 
guerre  et  de  réfugiés.  La  volonté  des  hommes  libres, 
exprimée  dans  les  assemblées  populaires,  devenait  la 
loi,  et  princes  et  nobles  n’en  étaient  que  les  exécuteurs. 
Les  prêtres,  classés  au  rang  des  seigneurs,  n’avaient 
qu’une  faible  influence,  car  les  religions,  fort  mélan- 
gées dans  le  pays,  rendaient  les  Tcherkesses  à la  fois 
païens  par  leurs  anciens  dieux,  chrétiens  et  mahomé- 
tans  parleurs  pratiques  officielles;  comme  païens  ils 


138 


GUIDE  AU  CAUCASE 


adoraient  Chiblé,  le  dieu  de  la  foudre,  de  la  guerre  et 
de  la  justice  : c’est  à lui  qu’après  la  victoire  ils  sacri- 
fiaient les  plus  belles  brebis  du  troupeau.  Ils  vénéraient 
l’arbre  frappé  du  tonnerre,  et  le  criminel  trouvait  sous 
son  branchage  un  asile  respecté.  Les  divinités  des  airs, 
des  eaux,  des  forêts,  des  arbres  fruitiers,  du  bétail, 
toutes  animées  du  souffle  d’un  Grand  Esprit,  avaient 
aussi  leur  culte  et  recevaient  leurs  offrandes,  au  moins 
quelques  gouttes  de  liqueur  solennellement  épanchée 
d’une  coupe.  Pour  implorer  la  mer  et  lui  demander 
d’être  clémente  aux  marins  aimés,  mère,  femme,  fian- 
cée confiaient  leurs  présents  aux  torrents  des  montagnes 
qui  les  portaient  à la  mer  Noire,  et  celle-ci  répondait 
par  le  sifflement  des  vents  et  l’ascension  des  nuées. 

Telle  était  la  religion  des  anciens  Tcherkesses  ; mais 
jusqu’à  la  seconde  moitié  du  XVIIIe  s.,  les  princes  et 
les  nobles  s’étaient  dits  chrétiens  pour  la  plupart,  s’a- 
genouillant dans  les  églises  dont  les  ruines  se  voient 
cà  et  là  au  sommet  des  collines.  Le  cheik  Mansour  fit 
de  presque  tous  les  Tcherkesses  des  musulmans  sun- 
nites , l’influence  des  Khans  de  Crimée  agit  dans  le 
même  sens,  et  la  foi  mahométane  devint  de  plus  en 
plus  ardente,  à mesure  que  s’accroissait  la  haine  contre 
le  Russe  chrétien,  l’envahisseur  de  la  patrie.  Cepen- 
dant certaines  pratiques,  notamment  la  polygamie,  ne 
s’introduisirent  pas  d’une  manière  générale  dans  le 
pays  ; les  mœurs  anciennes  s’étaient  maintenues  pour 
la  famille.  Quant  au  zèle  religieux,  on  ne  saurait  com- 
parer les  Tcherkesses  et  autres  montagnards  du  Cau- 
case occidental  aux  honnêtes  Tartares  dë  la  tribu  du 
Karatchaï  ou  du  « Torrent  noir  »,  qui  vivent  dans  les 
vallées  méridionales  du  Kouban,  à l’O.  de  l’Elbrouz, 
sur  un  territoire  que  la  légende  dit  avoir  été  habité 
autrefois  par  les  Frenghi,  c’est-à-dire  des  a Francs  » 
ou  Européens.  Ces  Karatchaï  sont  des  musulmans  par 
excellence.  Ils  s’occupent  surtout  de  négoce  et. servent 
d’intermédiaires  entre  les  tribus  de  versant  à versant 1 . 

1.  D’après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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ABKHAZES 

Les  Abkhazes,  qui  conservent,  à peine  modifié,  le 
nom  d’Abazes,  sous  lequel  ils  étaient  connus  des  Grecs, 
se  donnent  à eux-mêmes  l’appellation  d’Absoua.  Avant 
les  grandes  émigrations,  ils  occupaient  presque  tout  le 
versant  méridional  du  Caucase,  entre  la  vallée  de  l’In- 
gour  et  celle  de  Bzib,  et  dépassaient  sur  quelques  points 
la  crête  principale  des  montagnes  pour  empiéter  sur  le 
territoirre  des  Tcherkesses.  Les  dialectes  qu’ils  parlent 
ressemblent  à ceux  des  Adighés,  mais  on  remarque  un 
grand  contraste  entre  les  deux  peuples,  pour  l’apparence 
et  les  mœurs.  Les  Abkhazes  sont  plus  petits  que  les 
Tcherkesses,  plus  bruns  de  peau,  plus  noirs  de  cheve- 
lure : la  plupart  ont  les  traits  irréguliers,  la  physionomie 
dure,  sauvage.  Leur  sang  n’est  pas  si  beau  que  celui 
de  leurs  voisins;  les  esclaves  de  leur  race,  hommes  ou 
femmes,  étaient  livrés  pour  la  moitié  du  prix  auquel 
étaient  évalués  les  Circassiens.  Ils  n’ont  pas  les  allures 
chevaleresques  de  leurs  voisins,  mais  comme  eux  ils 
aimaient  à vivre  de  leur  épée,  et  longtemps  leur  métier 
préféré  fut  celui  d’écumeurs  de  mer  ; avant  que  le  Pont- 
Euxin  ne  fût  devenu  mer  russe,  leurs  longues  embarca- 
tions qui  pouvaient  marcher  soit  à la  rame,  soit  à la 
voile,  et  dont  l’équipage  se  composait  de  cent  à trois  cents 
hommes,  se  hasardèrent  sur  tous  les  rivages  de  l’Ana- 
tolie, de  la  Crimée  et  de  la  Turquie  d’Europe,  jusqu’à 
la  porte  du  Bosphore.  Comme  les  Tcherkesses,  les 
Abkhazes  se  groupaient  en  confédérations  guerrières 
ayant  leurs  princes,  leurs  nobles,  leurs  hommes  libres 
et  laissant  à des  mains  d’esclaves  tous  les  travaux 
pénibles  d’agriculture.  Chez  certains  Abkhazes,  l’argent 
était  encore  inconnu  avant  la  domination  russe,  et  le 
signe  de  l'échange  était  représenté  d’ordinaire  par  une 
vache,  dont  les  veaux  étaient  l’intérêt  ; il  arrivait  qu’au 
bout  de  quelques  années  un  petit  emprunt  devait  être 
payé  par  la  livraison  de  tout  un  troupeau  : c’est  en 
1867  seulement  que  ce  mode  primitif  d’usure  a été  rem- 
placé par  celui  que  pratiquent  tous  les  peuples  ((  civi- 
lisés. » Comme  les  Tcherkesses,  les  Abkhazes,  encore 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


païens  par  leur  façon  de  penser  et  par  certaines  pra- 
tiques, gardaient  dans  leur  foi  mahométane  quelques 
traces  de  l’ancien  culte  chrétien  : ils  vénéraient  les 
croix  et  les  églises,  mangeaient  de  la  viande  de  porc, 
apportaient  dans  les  temples  des  ex-voto,  cuirasses, 
armes  ou  vêtements  ; encore  de  nos  jours,  une  chapelle 
bâtie,  dit  la  légende,  par  l’apôtre  Paul,  sur  une  des 
montagnes  avancées  du  massif  du  Marouk,  est  un  de 
leurs  grands  lieux  de  pèlerinage.  Mais  le  temple  le 
plus  respecté  était  la  forêt  profonde  : c’est  aux  branches 
des  chênes  qu’ils  aimaient  à suspendre  leurs  offrandes 
et  à prononcer  leurs  serments.  Jadis  c’était  aussi  sous 
le  branchage  des  arbres  sacrés  qu’ils  plaçaient  les  cer- 
cueils. Leur  piété  pour  les  morts  est  extrême.  Les  lieux 
d’inhumation  sont  beaucoup  mieux  tenus  que  les  de- 
meures des  vivants  1 . 


KABARDES 

Les  Kabardes  ou  Kabardins,  qui  se  donnent  à eux- 
mêmes  le  nom  de  Kabertaï,  peuplent  presque  tout  le 
versant  septentrional  du  Caucase  central,  entre  l’El- 
brouz et  le  Kazbek.  Ce  sont  ethnologiquement  les 
proches  parents  de  ces  Adighés  ou  Tcherkesses  qui  ont 
presque  complètement  disparu  du  Caucase.  Beaux, 
souples  et  fiers  comme  les  Adighés,  aimant  comme  eux 
la  guerre  et  ne  se  prêtant  qu'avec  peine  aux  mœurs 
pacifiques  des  agriculteurs,  les  Kabardes  ne  se  dis- 
tinguent de  leurs  anciens  voisins  de  Circassie  que  par 
leur  langage,  d’ailleurs  plein  de  gutturales  et  de 
sifflantes  comme  celui  des  Tcherkesses.  Musulmans 
convertis,  ils  rattachent  leurs  origines  à celles  du 
peuple  de  Mahomet.  Toutefois  la  différence  que  l’on 
veut  avoir  remarquée  entre  le  type  des  princes  Kabardes 
et  celui  des  simples  guerriers,  semble  devoir  être 
attribuée  seulement  à la  différence  de  vie  et  à l’in- 
fluence de  quelques  croisements  avec  des  familles 
étrangères.  La  nation  vient  probablement  du  N. -O., 
peut-être  même  de  la  Crimée  ; elle  a été  graduellement 


1.  D’après  Élisée  Reclus. 


GÜJDE  AU  CAUCASE 


141 


refoulée  vers  les  rives  du  Térek,  d’abord  par  les  Tar- 
tares  Nogaï,  puis  par  les  Russes.  Les  Kabardes  ont 
gardé  quelque  chose  de  la  vie  nomade,  car  ils  s’occu- 
pent beaucoup  plus  de  l’élève  des  chevaux  et  des 
brebis  que  de  la  culture  des  champs.  Le  vol  hardi  est 
en  honneur  chez  eux,  mais  à la  condition  qu’il  se  fasse 
en  dehors  du  village  ou  de  la  communauté.  Il  est  aussi 
très  honorable  pour  le  jeune  homme  d’enlever  sa 
fiancée  ; quelques  jours  avant  la  noce,  il  se  glisse  dans 
la  chambre  de  la  jeune  fille  qui  l’attend  et  s’enfuit 
avec  elle  ; quand  il  reviendra  se  faire  pardonner,  il 
peut  compter  d’avance  sur  l’approbation  de  ceux  qui 
respectent  encore  les  anciennes  coutumes. 

Les  Kabardes  proprement  dits,  furent  jadis  la  pre- 
mière nation  de  la  Ciscaucasie  ; mais  ils  devaient  suc- 
comber plus  tôt  que  les  autres,  à cause  de  la  situation 
géographique  de  leur  pays,  exposé  à toutes  les  attaques 
du  dehors.  Il  suffisait  aux  Russes  de  franchir  quelques 
torrents  pour  entrer  sur  le  territoire  des  Kabardes,  et 
plus  loin  la  vallée  du  Térek,  pénétrant  du  N.  au  S.  en 
pleine  Kabardie,  servait  de  voie  naturelle  aux  enva- 
hisseurs. Des  forts,  des  postes,  placés  de  distance  en 
distance  le  long  du  fleuve,  coupaient  la  plaine  en  deux 
moitiés  distinctes  : à l’O.  la  Grande-Kabarda,  à l’E.  la 
Petite-Kabarda  ; c’est  là  que  passe  la  route  militaire 
entre  les  deux  versants  du  Caucase  et  que  les  Russes 
devaient  par  conséquent  tenter  tout  d’abord  d’établir 
solidement  leur  puissance.  D’ailleurs  la  forme  même 
des  villages  kabardes,  s’allongeant  en  sinueuses  rangées 
sur  le  bord  des  torrents,  rendait  la  défense  plus  diffi- 
cile. Dès  l’année  1763,  des  Kabardes,  christianisés  en 
apparence,  émigraient  sur  le  territoire  russe  et  s’éta- 
blissaient dans  la  steppe,  sur  le  Térek  moyen.  Au 
commencement  du  siècle,  plus  de  quarante  mille  indi- 
gènes de  la  Kabarda,  fuyant  la  domination  russe, 
allèrent  demander  asile  aux  Turcs  du  Kouban,  qui 
les  accueillirent  et  leur  donnèrent  des  terres,  de  nos 
jours  encore  habitées  par  les  descendants  de  ces  « Ka- 
bardes blancs  ».  Mais  le  gros  de  la  nation  resta  dans  le 
bassin  du  haut  Térek,  et  ses  jeunes  hommes  durent 
entrer  dans  l’armée  du  tsar.  C’est  parmi  eux  que  les 


142 


GUIDE  AU  CAUCASE 


empereurs  recrutèrent  d’abord  les  superbes  ((  Tcher- 
kesses  » qui  paradent  dans  les  cérémonies  officielles, 
caracolant  sur  de  nerveux  et  infatigables  chevaux, 
portant  avec  aisance  leur  élégant  costume,  le  papak  et 
lample  tcherkeska , ornée  de  cartouchières  et  serrant 
étroitement  la  taille  \ 

OSSES 

Les  Osses  ou  Ossètes,  sont  aussi  nombreux  que 
les  Kabardes  dans  le  bassin  du  Térek,  mais  ils  n’ha- 
bitent que  les  hautes  vallées,  dans  la  zone  montagneuse 
que  limitent  à l’O.  l’Adaï-Kokh,  à l’E.  le  Kazbek. 
Leurs  aoûts  ne  sont  pas  groupés  seulement  au  milieu 
des  pâturages  et  dans  les  fonds  du  versant  septen- 
trional; les  deux  cinquièmes  de  la  populaiion  ossique 
vivent  sur  le  versant  méridional  dans  les  vallées  tribu- 
taires du  Rion  et  de  la  Koura,  qui  prennent  leur  ori- 
gine sur  les  flancs  des  monts  Zikari  et  Broutsabseli. 
Diverses  théories  ont  été  imaginées  relativement  à 
l’origine  et  à la  parenté  de  ces  montagnards.  Sont-ils 
des  Alains?  Sont-ils  des  Aryens?  Faut-il  voir  en 
eux  soit  les  frères  des  Germains,  soit  plutôt  ceux  des 
Persans?  Sont-ils  des  Ases,  comme  ceux  qui  émi- 
grèrent en  Scandinavie?  Ou  bien  seraient-ils  partielle- 
ment des  Sémites?  A en  juger  par  la  diversité  des  types 
et  des  physionomies  qui  varient  chez  les  Osses,  la  race 
est  très  mélangée,  elle  comprend  des  Géorgiens,  des 
Arméniens,  des  Kabardes.  En  Digorie,  sur  le  versant 
N.,  plusieurs  familles  nobles  sont  d’origine  tartare; 
au  S.,  dans  la  vallée  du  Liakhvi,  quelques-unes  sont 
de  provenance  géorgienne.  Les  traits  de  la  plupart  des 
Osses  sont  anguleux,  leurs  formes  lourdes  ; ils  manquent 
absolument  de  ce  charme  du  regard,  de  cette  noblesse 
du  visage,  de  cette  souplesse  de  la  démarche,  qui  dis- 
tinguent les  Tcherkesses  et  les  Kabardes.  Les  blonds 
sont  plus  nombreux  que  les  bruns,  quelques-uns  ont 
des  yeux  bleus  comme  les  Scandinaves,  d’autres,  sur- 
tout ceux  qui  ressemblent  aux  brocanteurs  juifs  et 

1.  D’après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


143 


parlent  comme  eux  d’une  voix  caressante,  ont  les  yeux 
bruns  ou  noirs. 

Quelle  que  soit  la  race  à laquelle  la  majorité  des 
Osses  est  le  plus  apparentée,  leur  langue  doit  être 
rangée  parmi  les  idiomes  de  souche  aryenne.  Ils  se 
donnent  à eux-mêmes  le  nom  d’ Irons  qui  rappelle  celui 
de  l’Iran  ou  de  la  Perse,  et  leur  contrée  est  l’Ironistan. 
L’idiome  de  la  Digorie  est  très  mélangé  de  mots  tar- 
tares  et  circassiens,  mais  le  dialecte  que  l’on  parle  dans 
les  hautes  vallées,  et  qui  a gardé  sa  pureté,  se  dis- 
tingue par  sa  richesse  en  radicaux,  semblables  à ceux 
des  langues  indo-européennes,  grec,  latin,  slave,  alle- 
mand; il  est  plus  rude  que  celui  de  la  plaine.  On  a 
voulu  retrouver  dans  les  mœurs  des  Osses  d’autres  in- 
dices de  parenté  avec  les  nations  occidentales.  Les 
Osses  font  usage  du  lit,  de  la  table  et  du  siège,  ce  qui 
n’est  pointdans  les  habitudes  des  autres  montagnards;  ils 
saluent  à l’européenne,  embrassent  et  serrent  la  main 
comme  on  le  fait  dans  les  pays  civilisés  de  l’O.  ; enfin 
ils  savent  broyer  lorge  de  la  même  façon  que  les  Alle- 
mands, s’en  préparer  une  boisson  fermentée  et  se  servir 
de  pots  à bière  ayant  la  même  forme  que  ceux  des 
paysans  du  N.  de  l’Allemagne.  Les  habitations  des 
Osses  du  S.,  de  même  que  celles  des  Imères,  ressem- 
blent aux  granges  des  Alpes  : ce  sont  des  maisonnettes 
en  bois  couvertes  de  bardeaux  sur  lesquels  pèsent  de 
lourds  galets.  Mais  dans  les  hautes  vallées,  où  le  bois 
manque,  les  Osses  habitent  des  tours  de  pierre. 

En  général,  les  Osses  ne  font  guère  honneur  à la 
race  indo-européenne  dont  ils  passent  pour  les  repré- 
sentants caucasiens.  Inférieurs  physiquement  à leurs 
voisins  des  montagnes,  ils  ne  peuvent  non  plus  se  com- 
parer à eux  pour  la  fierté,  la  dignité,  le  courage.  Ils 
sont  toutefois  extrêmement  hospitaliers.  Leur  ancien 
métier,  pareil  à celui  de  tant  d’autres  montagnards, 
était  de  se  vendre  au  plus  offrant;  ils  entraient  comme 
soldats  dans  les  armées  des  Byzantins,  des  Géorgiens, 
des  Persans,  qui  envoyaient  des  agents  recruteurs  dans 
les  montagnes  ; les  mercenaires  ne  revenaient  chez  eux 
que  pour  dépenser  en  orgies  le  prix  de  leur  butin.  Les 
habitudes  de  guerre  avaient  tellement  démoralisé  les 


144 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Osses  qu’ils  ne  savaient  plus  à la  fin  s’occuper  que  de 
pillage;  ils  vénéraient  tout  particulièrement  et  vénèrent 
encore  le  dieu  du  brigandage,  Soubareg,  qui,  monté 
sur  un  cheval  noir,  escorte  le  bandit  dans  ses  expé- 
ditions et  lui  montre  le  chemin.  Encore  pillards  à 
l'occasion,  quand  ils  peuvent  tuer  et  voler  sans  grand 
danger,  ils  se  sont  bien  gardés  de  défendre  leur  liberté 
contre  les  Russes,  alors  qu’il  eût  fallu  se  battre  en 
désespérés  : quoique  possesseurs  des  vallées  centrales 
du  Caucase  et  maîtres  par  conséquent  des  points  straté- 
giques les  plus  importants  de  la  chaîne,  ils  laissèrent 
les  Tcherkesses  du  Caucase  occidental  et  les  Lesghiens 
du  Daghestan  combattre  et  succomber  séparément.  Au 
lieu  d’occuper  dans  la  guerre  sainte  le  premier  rang, 
qui  semblait  leur  revenir  de  droit,  ils  attendirent  pour 
prendre  définitivement  leur  parti  que  la  victoire  eût 
décidé  en  faveur  des  Russes.  La  misère  les  avait  livrés 
à des  exploiteurs  de  toute  race,  à des  familles  princières, 
parmi  lesquelles  se  rencontrait  même  un  Hongrois. 
Pour  mettre  fin  à toute  discussion  sur  la  propriété  du 
sol,  le  gouvernement  russe  déclara  toutes  les  terres  de 
la  plaine  propriété  d’Etat,  et  y fit  descendre  comme 
colons  les  habitants  « non  sûrs  » de  la  montagne.  La 
plupart  des  Osses  se  disaient  musulmans;  maintenant 
ils  se  prétendent  chrétiens  et  vénèrent  saint  Nicolas  avec 
non  moins  de  ferveur  que  le  prophète  Elie.  D’ailleurs, 
ils  avaient  déjà  changé  officiellement  trois  fois  de 
religion  pendant  les  dix  derniers  siècles.  Chrétiens 
avant  l’an  1000,  ils  s’étaient  convertis  à l’islamisme, 
pour  revenir  deux  cents  ans  plus  tard  à leur  premier 
culte,  sous  la  domination  de  la  reine  Thamar.  De  nou- 
veaux changements  politiques,  au  XVe  s.,  en  firent 
pour  la  seconde  fois  des  mahométans,  à l’excep- 
tion toutefois  de  ceux  qui  vivent  aux  confins  de  la 
Géorgie.  En  dépit  de  leur  christianisme  actuel  les 
Osses  pratiquent  la  polygamie,  avec  cette  aggravation 
que  la  première  femme  traite  en  esclaves  les  enfants  de 
ses  compagnes.  Sous  le  culte  officiel  et  sous  les  sédi- 
ments religieux  du  mahométisme,  reparaissent  les 
pratiques  païennes.  Pendant  la  semaine  sainte  du  rite 
chrétien,  les  Osses  font  des  offrandes  de  pain  et  de 


GUIDE  AU  CAUCASE 


145 


beurre  sur  les  autels  des  bois  sacrés,  dans  les  grottes, 
dans  les  chapelles  autrefois  chrétiennes,  et  mangent  la 
chair  des  moutons  tués  en  sacrifice.  Les  monuments  les 
plus  respectés  du  pays  osse  sont  les  sappads  ou  tom- 
beaux des  anciens  temps,  constructions  octogonales 
de  4 à 5 m.  de  hauteur,  se  terminant  par  un  toit  pyra- 
midal percé  de  trous1. 

SVANES.  RATCHIENS 

Les  Svanes,  qui  habitent  dans  la  haute  vallée  de 
PIngour  et  de  la  Tskhénis-Tskhali,  sont  une  peuplade 
de  race  mélangée,  quoique  le  fond  ethnique  se  compose 
de  Géorgiens  auxquels  ils  se  rattachent  par  leurs  dia- 
lectes. Ils  constituèrent  autrefois  une  nation  puissante 
mentionnée  par  Strabon,  et,  au  XVe  s.,  ils  occupaient 
encore  la  haute  vallée  du  Rion.  Ce  qui  reste  de  la 
nation  paraît  descendre  surtout  de  fugitifs,  que  les 
mauvais  traitements,  Poppression  des  seigneurs  ou  les 
misères  de  la  guerre  avaient  chassés  des  plaines  de 
Mingrélie  et  qui  certes  ne  pouvaient  trouver  un 
meilleur  asile  que  dans  ces  forteresses  naturelles  de  la 
montagne.  Les  Svanes  qui  se  réfugièrent  dans  le  voisi- 
nage des  glaciers  étaient  presque  inattaquables  ; les  crues 
de  PIngour  ferment  l’entrée  de  leur  vallée  et  pendant 
huit  mois  de  l’année  les  cols  des  montagnes  environ- 
nantes, obstrués  par  les  neiges,  ne  peuvent  être  abordés 
que  par  les  gravisseurs  les  plus  hardis.  Les  Svanes  du 
bassin  supérieur  de  la  Tskhénis-Tskhali  sont  moins 
séparés  : le  sol  qu’ils  habitent  est  de  plusieurs  centaines 
de  mètres  inférieur  en  élévation,  les  montagnes  qui  les 
entourent  n’offrent  pas  d’escarpements  aussi  abrupts; 
l’accès  par  les  défilés  d’entrée  est  plus  facile.  Aussi  les 
Svanes  de  cette  vallée  ont-ils  eu  à subir  le  régime 
féodal  le  plus  dur  et  des  princes  les  ont-ils  asservis  à 
la  glèbe;  on  leur  donne  le  nom  de  Svanes-Dadian, 
d’après  une  famille  souveraine  qui  les  gouvernait,  le 
titre  de  ((  dadian  » étant  celui  d’anciens  princes  de  Min- 
grélie. Ils  diffèrent  à peine  des  Imères  leurs  voisins,  et 

1.  D’après  Elisée  Reclus. 

10 


146 


GUIDE  AU  CAUCASE 


leur  langue  est  grousienne.  Les  Svanes-Dadichkilian, 
qui  vivent,  dans  la  partie  occidentale  du  haut  bassin  de 
l’Ingour,  étaient  également  inféodés  aux  princes 
Dadichkilian,  de  meme  que  les  Svanes-Dadian,  et 
comme  eux  considérés  comme  serfs.  Ils  furent  payés  à 
leurs  maîtres  par  le  gouvernement  russe  lors  de  l’abo- 
lition officielle  du  servage.  Les  communes  orientales 
du  haut  Ingour  ont  gardé  longtemps  leur  parfaite 
indépendance,  et,  quoique  ayant  prêté  serment  à la 
Russie  en  1853,  on  les  désigne  souvent  par  l’appellation 
de  ((Libres)).  A bien  des  égards,  elles  sont  libres  en 
effet,  quoique  le  suzerain  russe  soit  désormais  un  maître 
et  qu’un  village  rebelle  ait  été  démoli  en  1876  par 
ordre  du  gouverneur  général.  Les  Svanes-Libres  ou 
((  ci-devant  Libres  )).  comme  les  nomment  les  documents 
officiels,  n’ont  point  de  seigneurs,  ni  de  maîtres;  les 
prêtres  n’ont  aucun  pouvoir  sur  eux.  Dans  les  assem- 
blées communales,  tous  les  montagnards  ont  voix 
égale  et  les  décisions  importantes  doivent  être  prises 
à l’unanimité  : l’opposition  d’un  seul,  même  d’un  retar- 
dataire arrivant  après  que  la  résolution  est  votée,  remet 
tout  en  question  : il  faut  délibérer  et  voter  de  nouveau 
jusqu’à  ce  que  tous  soient  d’accord,  ce  qui  d’ailleurs 
finit  toujours  par  avoir  lieu.  Quant  aux  différends  entre 
particuliers,  la  commune  n’a  point  à s’en  occuper;  elle 
est  réglée  par  la  loi  du  talion,  de  même  que  les  dissen- 
sions entre  villages.  En  aucune  région  du  Caucase,  les 
lois  de  la  vendetta  ne  sont  plus  impérieuses  qu’en 
Svanie;  on  y rencontre  peu  d’individus  qui  n’aient  tué 
leur  homme,  et  le  père  y jette  une  balle  defusildans  le 
berceau  de  son  enfant.  Aussi  toutes  les  maisons  du  bord 
du  haut  Ingour  sont-elles  de  véritables  forteresses 
capables  de  soutenir  un  siège;  toutes,  perchées  sur  une 
saillie  de  roc,  sont  dominées  par  une  tour  quadran- 
gulaire  de  20  à 25  m.  de  hauteur.  Les  portes  d’en- 
trée de  ces  donjons  ne  sont  qu’au  deuxième  ou  au 
troisième  étage  et  l’on  ne  peut  en  descendre  que  par 
des  troncs  d’arbres  inclinés  et  munis  de  traverses. 

Les  haines  héréditaires  et  les  meurtres  qui  en  sont  la 
conséquence  contribuent  à réduire  l’excédent  de  la 
population,  à l’étroit  dans  la  froide  vallée  de  la  Libre- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


147 


Svanie:  mais  elle  n’en  reste  pas  moins  trop  nombreuse, 
et  les  Svanes  doivent  avoir  recours  à l’émigration  chez 
leurs  voisins.  Au  temps  de  leur  puissance  comme 
peuple  militaire,  ils  avaient  la  ressource  de  laisser 
émigrer  leurs  enfants  en  conquérants,  et  plus  d’une 
fois  ils  firent  des  incursions  de  pillage  dans  la  plaine  ; 
môme  à la  fin  du  XIVe  s.,  les  Svanes  descendirent 
jusqu’à  Koutaïs  et  brûlèrent  la  cité.  Il  y a peu 
d’années  encore,  les  Svanes  pratiquaient  l’infan- 
ticide pour  diminuer  l’excédent  des  familles  : les  gar- 
çons étaient  respectés,  mais  la  plupart  des  filles  devaient 
périr.  En  temps  de  famine,  les  montagnards  vendaient 
leurs  enfants  adultes  : le  prix  variait  de  700  à 1,200  fr. 
Classés  parmi  les  tribus  chrétiennes  du  Caucase,  les 
Svanes  « libres  » et  les  Svanes  ((princiers  » se  donnent 
une  sorte  de  prééminence  parmi  tous  leurs  coreligion- 
naires et  prétendent  que  leurs  ancêtres  ont  été  baptisés 
par  Jésus-Christ  lui-même,  mais  leur  christianisme 
s’est  développé  d’une  manière  originale,  en  se  mélan- 
geant avec  les  restes  de  cultes  plus  anciens.  Ainsi,  les 
chapelles,  petits  édifices  qui  peuvent  contenir  en 
moyenne  une  dizaine  de  personnes  et  autour  desquelles 
la  foule  se  rassemble,  ont  leur  crypte  remplie  de  cornes 
de  chamois  et  de  bouquetin,  qui  sont  l’objet  d’une 
grande  vénération.  Les  prêtres  forment  une  caste 
spéciale,  et  Jeur  dignité  se  transmet  de  père  en  fils, 
mais  ils  n’ont  d’autre  privilège  que  celui  d’échapper  à 
la  vendetta.  La  coutume,  telle  est  la  vraie  religion  des 
Svanes.  En  général,  hommes  et  femmes  sont  laids;  le 
goitre,  le  crétinisme  sont  fréquents  chez  les  habitants 
de  la  haute  vallée  de  la  Tskhénis-Tskhali.  Là  des  fa- 
milles entières  se  composent  de  crétins. 

La  haute  vallée  du  Rion,  connue  sous  le  nom  de 
Ratcha,  est  plus  vaste,  plus  populeuse  que  les  deux 
vallées  occidentales  de  la  Tskhénis-Tskhali  et  de  l’In- 
gour,  et,  de  plus,  elle  a servi  de  passage  aux  pâtres, 
aux  marchands  et  même  aux  guerriers  qui  voulaient 
traverser  obliquement  le  Caucase,  des  plaines  de  la 
Géorgie  à celles  du  Térek.  Aussi  les  Ratchiens,  qui 
sont  de  race  et  de  langue  géorgienne,  comme  presque 
tous  les  habitants  de  la  province  de  Koutaïs,  sont-ils 


148 


GUIDE  AU  CAUCASE 


plus  civilisés  que  leurs  voisins  les  Svanes,  et  leurs 
rapports  avec  les  étrangers  sont-ils  beaucoup  plus 
fréquents.  D’ailleurs  ils  sont  aussi  trop  nombreux  pour 
leur  territoire,  dont  toute  la  partie  haute  est  inutile 
pour  la  culture,  et  des  milliers  d’entre  eux  doivent 
émigrer  dans  les  campagnes  inférieures.  Très  laborieux, 
très  économes,  ils  ne  reviennent  dans  leur  pays  que 
munis  d’un  petit  pécule.  Presque  tous  les  charpentiers 
et  les  scieurs  de  long  que  l’on  rencontre  en  Iméréthie 
et  en  Mingrélie  sont  des  Ratchiens1. 

MINGRÉLIENS 

On  sait  combien,  au-dessus  des  régions  maréca- 
geuses, le  climat  et  le  sol  de  la  Transcaucasie  occidentale 
sont  propices  à l’homme  et  développent  sa  force  et  sa 
beauté.  Mais  il  ne  faut  pas  croire  que  les  habitants  de 
ces  contrées  appartiennent  à une  race  pure.  On  remarq  ue 
chez  eux  les  plus  grandes  variétés  de  types,  et  l’on  est 
frappé  tout  d’abord  du  contraste  que  présentent  les 
blonds  et  les  bruns  de  Mingrélie  : les  premiers  à front 
haut,  à face  ovale,  les  seconds  au  front  plus  bas,  à 
figure  plus  large,  mais  beaux  et  gracieux  les  uns  et 
les  autres.  Depuis  les  âges  les  plus  reculés,  les  rivages 
orientaux  de  la  mer  Noire  sont  visités  par  des  voyageurs, 
envahis  par  des  ennemis  de  toute  race,  et  parmi  ces 
étrangers  combien  sont  restés  dans  le  pays  et  ont  fait 
souche  de  familles  nouvelles  ! Mais  si  nombreux 
qu’aient  été  les  croisements,  tous  ces  éléments  divers 
se  sont  fondus  en  développant  chez  les  individus  la 
beauté  du  type  originaire.  Dans  les  régions  basses  de 
la  Mingrélie,  et  surtout  sur  les  premiers  contreforts 
des  monts,  jusqu’à  1,000  à 1,200  m.  d’altitude, 
presque  tous  les  hommes  sont  beaux;  il  suffit  de  se 
promener  un  jour  de  marché  à Zougdidi  ou  dans  telle 
autre  petite  ville  du  bas  Rion  ou  du  bas  Ingour  pour 
se  convaincre  que  nulle  part  la  race  humaine  n’a  de 
plus  admirables  représentants.  Mais  dans  le  cœur  des 
montagnes,  là  où  la  lutte  pour  l’existence  devient 

1.  D'après  Élisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


149 


pénible  et  souvent  périlleuse,  les  figures  sont  de  pro- 
portions moins  heureuses,  et  l’on  voit  çà  et  là  des  per- 
sonnes vraiment  laides,  surtout  parmi  les  femmes1. 

LAZES 

Quoique  habitant  naguère  en  dehors  des  limites 
politiques  de  la  Transcaucasie  russe,  les  Lazes  de 
l’Adjara  et  du  Tchorok  n’en  sont  pas  moins  les  frères 
de  race  et  de  langue  des  Mingréliens  et  des  Grousiens  ; 
ceux  qui  restent  soumis  à la  Turquie,  jusqu’au  delà  de 
Trébizonde,  sont  aussi  des  Géorgiens,  plus  ou  moins 
mélangés,  et  par  delà  ces  limites  beaucoup  de  noms 
démontrent  le  séjour  des  Grousiens  dans  l’intérieur  de 
l’Asie-Mineure  à une  époque  reculée.  Rosen,  qui  visita 
la  Lazie  en  1844,  a mis  hors  de  doute  que  l’idiome  des 
habitants  est  très  rapproché  des  dialectes  grousiens; 
le  parler  de  l’ancienne  frontière  russe  et  des  bords  du 
Tchorok  diffère  peu  du  mingrélien,  mais  le  langage  de 
la  côte  occidentale  est  très  mêlé  de  mots  turcs  et  grecs. 
Quant  aux  mœurs  des  Ad j ares  et  des  autres  montagnards 
lazes,  elles  ressemblent  à celles  des  Imères.  Les  uns  et 
les  autres  ont  le  respect  des  cheveux  blancs;  tous  pra- 
tiquent largement  l’hospitalité;  leur  attitude  est  pleine 
de  réserve,  quoique  leur  curiosité  soit  en  éveil.  Aimant 
le  luxe  et  l’élégance  des  vêtements,  bien  faits,  marcheurs 
intrépides,  agiles,  excellents  tireurs,  bons  cavaliers,  ils 
forment,  avec  les  Gouriels,  le  plus  beau  bataillon  de 
l’armée  du  Caucase. 

Leurs  champs  sont  bien  cultivés,  leurs  maisons  bien 
entretenues.  Les  femmes  lazes  sont  jolies  et  ont  la 
réputation  d’être  vaillantes.  Les  Lazes  du  littoral 
émigrent  en  grand  nombre;  beaucoup  se  font  matelots, 
et  leurs  felouques,  auxquelles  la  piraterie  est  désor- 
mais interdite,  voguent  de  port  en  port  sur  la  mer 
Noire.  D’autres  Lazes  se  rendent  vers  les  villes  popu- 
leuses où  ils  exercent  différents  métiers.  Autrefois, 
Constantinople  était  la  cité  vers  laquelle  ils  se  diri- 
geaient de  préférence,  et  depuis  la  récente  annexion  à 

1.  D'après  Elisée  Reclus. 


150 


GUIDE  AU  CAUCASE 


]a  Russie,  des  milliers  de  Lazes  musulmans  ont  émigré 
sur  le  territoire  resté  turc.  Le  gouvernement  des 
Osmanlis  avait  su  se  rattacher  la  masse  du  peuple 
laze,  en  abaissant  le  pouvoir  des  beys,  jadis  à demi 
indépendants,  dont  le  caprice  était  la  seule  loi  pour 
leurs  sujets.  Maintenant,  les  Lazes  chrétiens  apprennent 
le  chemin  de  Tillis  et  des  ports  russes  de  la  mer  Noire. 

Le  régime  turc  ne  pouvait  manquer  de  modifier  la 
population  laze  et  de  la  faire  contraster,  à certains 
égards,  avec  les  Mingréliens  d’outre-frontière.  Il  y a 
trois  siècles,  tous  les  Grousiens  des  hautes  vallées  de 
l’Adjara  étaient  chrétiens,  et  dans  nombre  de  villages 
on  voit  des  églises  bien  conservées  qui  sont  des  modèles 
d architecture  byzantine.  Certaines  communes  ne  se 
convertirent  au  mahométisme  qu’à  la  fin  du  XVIIIe  s.  ; 
on  en  cite  même  plusieurs  qui  sont  encore  chrétiennes 
de  fait  et  musulmanes  d’apparence;  elles  superposent 
les  deux  religions,  sans  trop  savoir  où  finit  leur  foi  en 
l’ancien  dogme,  où  commence  leur  croyance  aux  ensei- 
gnements nouveaux.  Avec  la  religion,  la  langue  des 
Turcs  s^est  aussi  introduite  dans  le  pays;  l’idiome  grou- 
sien  avait  naguère  complètement  disparu  des  villes  et 
des  gros  villages  ; on  ne  le  parlait  plus  que  dans  les 
campagnes  écartées.  Des  colonies  d’Arméniens,  éparses 
dans  le  pays  des  Lazes,  avaient  également  oublié  leur 
langue  maternelle  et  ne  se  servaient  plus  que  du  turc. 
Maintenant,  c’est  le  russe  qui  a chassé  peu  à peu  le 
turc  de  Batoum  et  des  autres  villes,  et  les  rites  chré- 
tiens ont  refoulé  de  nouveau  le  mahométisme1. 

PCHAVES.  TOUCHES.  KHEVSOURS 

La  Géorgie  orientale,  de  même  que  celle  de  l’occi- 
dent, se  complète,  au  point  de  vue  ethnologique,  par 
une  région  d’accès  difficile  où  vivent  des  montagnards, 
libres  naguère  : Ce  sont  les  Svanes,  les  Khevsours,  les 
Pchaves  et  les  Touches.  Les  hautes  vallées  du  Caucase 
ont  donné  asile  à des  fugitifs  de  toute  race  et  de  langues 
diverses,  qui  ont  fini,  grâce  à un  long  séjour  au  milieu 

1.  D’après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


151 


des  pâturages  et  des  neiges,  par  acquérir,  sinon  un 
type,  du  moins  une  physionomie  distincte,  et  se  sont 
groupés  en  peuplades;  des  Tchétchènes,  des  Lesghiens, 
des  Grousiens,  même  des  Juifs,  dit  la  légende,  sont 
entrés  dans  la  formation  de  ces  tribus  ; mais  les  prin- 
cipaux éléments  qui  ont  concouru  à ce  groupement 
nouveau  sont  venus  du  S.  Les  pratiques  chrétiennes, 
qui  prédominent  chez  ces  tribus,  témoignent  aussi  de 
l’influence  prépondérante  des  Géorgiens.  Cependant, 
sur  les  versants  du  N.,  l’idiome  dominant  est  d’ori- 
gine tchétchène. 

A TE.  du  Barbalo,  montagne  remarquable  comme 
centre  de  rayonnement  des  eaux,  s’étend  la  Touchie, 
arrosée  par  les  deux  torrents  qui  forment  le  Koïsou 
d’Andi.  Au  S.,  l’Alazan  de  la  Kakhéthie  n’a  sur  ses 
bords  qu’un  petit  nombre  de  Touches  et  la  population 
se  compose  surtout  de  Géorgiens.  Au  S. -O.  les 
sources  de  l’Iora,  celles  de  TAragva  orientale  jaillissent 
dans  le  territoire  des  Pchaves.  A l’Occident  et  au  N.-O., 
sur  les  deux  versants  de  l’arète  centrale  du  Caucase, 
vivent  les  Khevsours,  c’est-à-dire  les  gens  des  Gorges. 
Il  n’existe  pas  de  limites  précises  entre  les  domaines  de 
ces  tribus. 

Les  Pchaves,  qui  descendent  le  plus  bas,  soit  à l’al- 
titude de  1,000  m.  environ,  et  qui  vivent  dans  le 
voisinage  immédiat  des  Géorgiens  de  la  plaine,  sont 
les  plus  civilisés  de  ces  montagnards  et  parlent  un 
dialecte  grousien  : leur  nombre  s’est  grandement  accru 
depuis  qu’ils  vivent  en  paix  avec  leurs  voisins  et  por- 
tent leurs  denrées  sur  le  marché  de  Tiflis. 

Les  Touches,  moins  nombreux  et  très  à l’étroit  dans 
leurs  vallées  sauvages  entourées  de  tous  côtés  par  des 
monts  neigeux,  ont  la  réputation  d’être  les  plus  intelli- 
gents et  les  plus  industrieux  des  montagnards  de  cette 
région  du  Caucase.  La  plupart  des  hommes,  obligés 
d’émigrer  pendant  une  moitié  de  Tannée,  comme  les 
Savoyards  et  les  Auvergnats,  rapportent  de  leurs  voyages 
lointains  parmi  les  populations  diverses  de  la  plaine  des 
idées  plus  larges,  un  esprit  plus  entreprenant:  plusieurs 
ont  même  su  acquérir  une  certaine  instruction  et  parler 
plusieurs  langues,  en  outre  de  leur  idiome,  langage  extrê- 


152 


GUIDE  AU  CAUCASE 


mement  rude,  pauvre  en  voyelles,  richeen  consonnes;  ce 
langage  possède  en  propre  neuf  sifflanteset  huit  gutturales 
dont  Tune  se  combine  diversement  avec  les  consonnes 
précédentes  ou  suivantes  d’une  façon  tellement  intime 
qu’il  a fallu  inventer  des  signes  spéciaux  pour  les 
représenter. 

Les  Khevsours  sont  encore  des  hommes  grossiers, 
presque  barbares;  mais  par  quelques-uns  de  leurs 
traits  nationaux  ils  sont  restés  l’une  des  nations  les 
plus  curieuses  de  l’Asie.  Moins  bruns  en  moyenne  que 
les  Touches,  les  Khevsours  diffèrent  par  la  stature,  les 
traits,  la  couleur  des  yeux,  des  cheveux,  et  par  la  forme 
du  crâne  : la  plupart  ont  la  physionomie  sauvage,  le 
regard  fuyant.  Un  grand  nombre  d’entre  eux  sont  d’une 
extrême  maigreur.  Rarement  les  Khevsours  ont  les  fines 
attaches  du  Tcherkesse  : ils  ont  des  pieds  et  des  mains 
énormes,  hors  de  toute  proportion  avec  le  reste  de  leur 
corps.  Le  pays  qu’ils  habitent  leur  donne  des  muscles 
d’acier  ; ils  gravissent  les  roches  les  plus  abruptes  en 
portant  de  lourds  fardeaux. 

Quelques-unes  des  coutumes  khevsoures  et  pchaves, 
que  les  efforts  des  Russes  n’ont  pas  encore  réussi  à faire 
disparaître,  ressemblent  à celles  de  maintes  tribus  des 
Peaux-Rouges  et  d'autres  peuplades  sauvages  de  l’A- 
frique et  du  Nouveau-Monde.  Ainsi  les  femmes  doivent 
accoucher  dans  une  tanière  écartée,  sans  l’aide  de 
personne,  même  celle  de  leur  mari.  Seulement  ce 
dernier  rôde  autour  du  misérable  réduit  dans  lequel  est. 
enfermée  la  patiente,  et  lorsque  les  cris  l’avertissent 
que  le  travail  de  l’enfantement  est  pénible,  il  tire  des 
coups  de  fusil  pour  encourager  la  malheureuse.  Après 
la  naissance  de  l’enfant,  de  petites  filles,  averties  par 
le  père,  se  glissent  en  secret,  soit  au  crépuscule,  soit  à 
l’aurore,  pour  aller  porter  du  pain,  du  lait,  du  fromage 
à la  nouvelle  accouchée.  Celle-ci,  considérée  comme 
impure,  reste  pendant  un  mois  dans  son  réduit,  que 
l’on  brûle  après  son  départ.  Le  père  est  félicité  lors  de 
la  naissance  d’un  fils,  et  des  festins  se  font  à ses  frais, 
mais  il  ne  doit  point  y prendre  part.  Les  garçons  reçoi- 
vent d’ordinaire  des  noms  d’animaux  sauvages  : « Ours, 
Lion,  Loup,  Panthère,  » symboles  de  leur  vaillance 


GUIDE  AU  CAUCASE 


153 


future,  tandis  que  les  filles  sont  désignées  par  des  mots 
d’affection:  « Rose,  Perle,  Resplendissante,  Fille-du- 
Soleii,  Petit-Soleil,  Soleil-du-Cœur.  » 

La  plupart  des  mariages  sont  décidés  par  les  parents 
respectifs,  lorsque  les  enfants  sont  encore  au  berceau  ; 
cependant  les  jeunes  hommes  pratiquent  la  formalité 
de  l’enlèvement,  comme  si  la  fiancée  ne  leur  était  pas 
destinée  depuis  longtemps,  et  quand  le  mariage  est 
conclu,  même  célébré,  les  époux  évitent  pendant  des 
semaines  ou  des  mois  de  se  laisser  voir  ensemble.  Les 
usages  relatifs  aux  inhumations  ne  sont  plus  observés 
avec  la  même  rigueur  qu’autrefois.  Jadis  il  était  interdit 
de  laisser  mourir  quelqu’un  dans  la  maison  familiale; 
les  mourants  devaient  fermer  les  yeux  en  face  du  soleil 
ou  des  étoiles,  et  leur  dernier  souffle  se  mêlait  à celui 
du  vent.  En  face  du  cadavre,  les  parents  simulaient 
d’abord  la  gaieté  : mais  bientôt  venaient  les  pleureuses  : 
les  lamentations,  les  cris  de  douleur,  les  chants  de 
tristesse  commençaient.  Quand  un  enfant  mourait  avant 
le  baptême,  on  ne  manquait  pas  de  le  frotter  de  cendre. 

Très  fiers  d’être  chrétiens,  les  Khevsours  le  sont 
d’une  manière  originale.  Leur  dieu  principal  est  le 
dieu  de  la  guerre,  mais  parmi  leurs  dieux  et  leurs 
anges  ils  ont  aussi  la  Mère  de  la  T erre,  l’Ange  du  chêne 
et  l’Archange  de  la  propriété.  Ils  célèbrent  le  vendredi, 
refusent  démanger  du  porc,  abhorrent  les  coqs,  vénèrent 
les  arbres  sacrés,  offrent  des  sacrifices  aux  génies  de  la 
terre  et  des  airs.  Ils  ont  des  prêtres  chargés  de  soigner 
les  malades,  d’asperger  la  foule  du  sang  des  victimes, 
d’annoncer  l’avenir,  de  préparer  la  bière  sacrée,  et  c’est 
à ces  personnages  que  finissent  par  appartenir  les 
bijoux,  les  vieilles  médailles,  les  vases  d’argent  du 
pays.  Cependant,  c’est  avec  chagrin  que  les  Khevsours 
se  privent  des  ornements  de  leurs  personnes  et  de  leurs 
demeures,  car,  bien  différents  des  Touches  vêtus  de 
noir,  ils  aiment  beaucoup  les  costumes  à couleurs 
éclatantes,  ornés  de  franges  et  de  paillettes  \ 

Rien  n’est  plus  curieux  que  l’accoutrement  de  ces 
hommes  : ils  sont  revêtus  d’une  espèce  de  tunique  à 

1.  D’après  Elisée  Reclus. 


134 


GUIDE  AU  CAUCASE 


longues  manches  de  gros  drap  foulé,  couleur  marron 
ou  noir;  un  pantalon  de  même  étoffe  leur  arrive  au 
milieu  des  jambes  qui  sont  couvertes  de  jambières  en 
cuir  ornées  de  dessins  bizarres  ou  de  broderies  bigarrées. 
La  chaussure  consiste  en  brodequins  pointus  qui  arri- 
vent au-dessus  de  la  cheville  où  ils  vont  en  s’évasant. 
C’est  par-dessus  tout  cela,  qui  représente  le  chamois 
des  guerriers  du  moyen  âge,  qu’ils  mettent  leur  armure 
de  mailles.  Le  casque  est  formé  par  une  calotte  de  fer 
ornée  d’une  bande  de  cuivre  retenue  par  des  clous 
d’acier  ; au  centre  se  trouve  un  bouton  du  même  métal 
d’où  part  un  cordon  qui  s’attache  au  cou  et  témoigne 
du  peu  de  stabilité  de  cette  coiffure;  de  la  calotte  pend 
une  pièce  démaillés  qui  descend  jusque  sur  les  épaules 
par  derrière  et  sur  le  devant  n’arrive  que  jusqu’à  la 
hauteur  des  yeux  ; mais  de  chaque  côté  il  existe  un 
appendice,  qui,  au  moment  du  combat,  y est  fortement 
attaché  au  moyen  de  cordons  de  cuir,  et  garantit  ainsi 
le  reste  du  visage.  La  cotte  de  mailles  proprement  dite 
est  de  la  même  forme  que  la  tunique  qu’elle  recouvre 
entièrement,  et  le  pantalon  est  également  couvert  de 
mailles,  mais  par  dèvant  seulement;  et  cette  moitié  de 
défense  est  attachée  autour  de  la  cuisse  par  des  cordons 
de  cuir.  Quelques  Khevsours  ont  une  petite  armure  en 
mailles  sur  leurs  brodequins.  Deux  bandoulières  se 
croisent  sur  la  poitrine  et  sur  le  dos  ; l’une  soutient 
une  cartouchière  épousant  la  forme  du  corps,  et  dans 
laquelle  il  y a place  pour  douze  cartouches  ; l’autre 
supporte  la  chachka , sabre  qui  n’a  pas  de  croisillon  à 
la  poignée,  laquelle  entre  en  partie  dans  le  fourreau. 
Ces  bandoulières  en  cuir  épais  sont  ornées  de  clous  et 
d’ornements  d’argent;  de  distance  en  distance  pendent 
quelques  appendices  terminés  par  une  croix  en  argent. 
Le  corps  est  entouré  d’une  ceinture  pareille  qui  soutient 
à droite  une  boîte  d’argent  destinée  à contenir  la  graisse 
nécessaire  pour  l’entretien  des  armes,  et  à la  gauche  le 
kindjal , ce  long  poignard  du  Caucase  que  l’on  voit  au 
côté  de  tous  les  habitants  de  ce  pays.  Au  cou  est  pendu, 
par  une  longue  et  mince  courroie  de  cuir,  un  petit 
bouclier  de  bois  rond,  revêtu  à la  surface  extérieure 
de  bandes  concentriques  de  fer  fixées  par  des  clous  à 


GUIDE  AU  CAUCASE 


155 


tête,  en  forme  de  pointe  de  diamant;  au  centre  une 
plaque  carrée  fixée  par  les  mômes  clous  et  par  quatre 
bandes  de  fer  en  croix  assure  la  solidité  de  cette  arme 
défensive  ; l’intérieur  est  doublé  de  cuir  et  une  seule 
poignée  au  centre  sert  à la  saisir.  L’armement  est 
complété  parle  long  fusil  du  Caucase,  à la  crosse  mince 
et  étroite,  au  canon  de  damas  déroché,  maintenu  par 
une  multitude  de  capucines  en  argent. 

LESGHIENS 

Presque  toutes  les  peuplades  qui  habitent  les  vallées 
du  Caucase  oriental  à l’E.  des  Tchétchènes  sont 
confondues  sous  le  nom  de  Lesghi  ou  Lesghiens  qui 
semble  être  unedénomination  nationaleantique,  puisque 
les  Géorgiens  et  les  Arméniens  donnent  au  peuple, 
depuis  une  époque  immémoriale,  les  appellations  de 
Lèkes  ou  Lékses.  Le  nombre  des  tribus  lesghiennes 
n’a  cessé  de  changer  suivant  les  migrations  et  les 
guerres  : Kolenati  en  compte  55,  tandis  que  Bergé  en 
énumère  51  ; Komaroff,  s’en  tenant  aux  divisions 
générales,  se  borne  à marquer  le  domaine  de  vingt-sept 
peuples  sur  sa  carte  ethnologique  du  territoire  du 
Daghestan.  Toutes  ces  peuplades  ont  leurs  dialectes, 
pleins  de  sons  gutturaux  et  très  difficiles  à prononcer 
pour  une  bouche  européenne.  Uslar  et  Schifner  ont 
classé  ces  divers  idiomes  en  groupes  de  langues  dont 
les  principales  sont  l’idiome  des  Avares  dans  le 
Daghestan  occidental  et  les  langues  de  Dargho  et  de 
Kura  dans  le  Daghestan  oriental  ; mais  les  monta- 
gnards de  pays  éloignés  ne  peuvent  se  comprendre 
mutuellement  et  se  servent  d’une  langue  tierce  : chez 
les  tribus  occidentales,  c’est  ordinairement  T arabe  qui 
sert  de  moyen  de  communication  ; à l’E.,  le  patois  turc 
de  l’Aderbeïdjan  est  d’un  usage  général.  La  plus 
célèbre  des  tribus,  celle  qui  jbuit  du  plus  grand  renom 
de  vaillance,  et  qui  forme  à elle  seule  plus  du  cinquième 
de  tous  les  Lesghiens,  est  la  tribu  des  Avares,  qui  vit 
à l’orient  des  Tchétchènes.  Faut-il  voir  en  eux  les 
frères  de  ces  Avares  qui  fondèrent  un  grand  Empire 
sur  le  Danube  et  dont  triompha  Charlemagne?  La 


156 


GUIDE  AU  CAUCASE 


plupart  des  écrivains  l’admettent  comme  vraisemblable. 
Cependant,  d’après  Komarofï,  le  nom  d’ Avares,  qui  a 
le  sens  de  ((  fugitifs  »,  de  « vagabonds  » dans  le  langage 
turc  des  gens  de  la  plaine,  serait  d’origine  moderne. 

Le  Daghestan  a trop  peu  de  terres  arables  pour  qu’il 
fût  possible  au  demi-million  de  Lesghiens  qui  l'habi- 
taient d’y  vivre  de  la  culture  du  sol  et  de  l’élève  des 
bestiaux.  Cependant,  ils  sont  habiles  agriculteurs: 
leurs  jardins,  soutenus  de  murailles  et  arrosés  avec 
soin,  sont  parfaitement  tenus  et  fournissent  des  grains, 
des  fruits,  des  légumes.  C’était  à l’émigration  ou  au 
pillage  quhl  leur  fallait  demander  le  surplus  des  res- 
sources nécessaires  à leur  subsistance.  Etablis  sur  les 
deux  versants  du  Caucase,  ils  pouvaient  descendre, 
soit  au  N.,  dans  les  plaines  du  Térek  ou  du  Soulak, 
soit  au  S.  dans  la  féconde  Géorgie.  Non  moins  hardis 
que  les  Tchétchènes,  plus  tenaces  et  plus  infatigables, 
les  Lesghiens  avaient  le  désavantage  d’être  fractionnés 
en  un  grand  nombre  de  tribus,  qui  se  constituaient 
librement,  mais  qui  devenaient  souvent  hostiles  les 
unes  aux  autres,  et  leurs  jeunes  hommes,  ayant  l’habi- 
tude, comme  autrefois  les  Albanais  et  les  Suisses,  de 
se  louer  comme  mercenaires  à tous  les  petits  souverains 
des  alentours,  la  force  de  la  nation  s’épuisait  contre 
elle-même  en  d'incessantes  guerres.  Dans  leurs  combats 
ils  se  montraient  moins  nobles  que  les  Tcherkesses  : 
quand  le  Circassien  poursuivi  devait  abandonner  ses 
prisonniers,  il  les  délivrait  sans  leur  faire  aucun  mal, 
tandis  que  le  Lesghien  leur  coupait  la  main  droite, 
qu’il  rapportait  à sa  demeure  comme  un  trophée. 

Les  Lesghiens  n’ont  uhi  leurs  efforts  que  pendant 
les  dernières  luttes  soutenues  contre  la  Russie,  à la 
fois  pour  leur  indépendance  et  pour  leur  foi  religieuse. 
Parmi  les  tribus  lesghiennes,  on  cite  encore  les  Dido, 
qui  vivent  dans  la  haute  vallée  du  Koïsou  d’Andi, 
comme  ayant  une  religion  spéciale,  et  leurs  voisins  les 
disent  adorateurs  du  diable,  parce  qu’ils  cherchent, 
comme  les  fidèles  de  tant  de  religions  diverses,  à conju- 
rer le  méchant  dieu  par  des  sacrifices.  Tous  les  autres 
Lesghiens  sont  musulmans.  Fumeurs  de  tabac,  obser- 
vateurs de  pratiques  traditionnelles  dérivées  du  paga- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


157 


nisme  et  du  christianisme,  ils  n’en  sont  pas  moins  de 
zélés  sunnites,  et  c’est  grâce  à l’ardeur  de  leur  foi  qu’ils 
ont  pu  oublier  durant  de  longues  années  leurs  rivalités 
de  tribus  et  de  familles,  pour  soutenir  en  commun  la 
guerre  sainte  ou  ghazavat . Groupés  avec  les  Tché- 
tchènes autour  de  leur  compatriote  Khazi-Mollah,  puis 
autour  de  Schamyl,  de  la  tribu  du  Koïsou-bou,  ils 
firent  plus  d’une  fois  reculer  les  Russes  jusque  dans 
les  forteresses  de  la  plaine,  et  maintes  fois  ceux-ci 
durent  abandonner  les  colonies  militaires  et  les  garni- 
sons isolées  qui  s’étaient  établies  trop  avant  dans  la 
montagne.  La  force  des  Lesghiens  leur  venait  du 
mouvement  d’égalité  dans  lequel  ils  étaient  entraînés  : 
les  exploits  du  héros  légendaire  des  Lesghiens,  Hadji- 
Mourad,  commencèrent  par  une  guerre  contre  les 
Khans  des  Avares.  Peu  à peu  se  reconstitua  l’aristo- 
cratie des  naïbs  ou  gouverneurs,  qui  détenaient  le 
pouvoir  et  qui,  par  leurs  murides  ou  « élèves  )),  dis- 
posaient en  maîtres  de  toute  la  force  armée.  La  foule 
des  montagnards,  graduellement  asservie  à ses  propres 
chefs,  cessa  de  lutter  avec  la  même  énergie  qu’autrefois 
contre  les  envahisseurs  russes.  Cernés  de  trois  côtés, 
entourés  de  forts  et  de  colonnes  militaires  qui  se 
resserraient  autour  d’eux  comme  un  cercle  d’airain, 
voyant  leur  territoire  coupé  de  routes  où  passaient  les 
canons  de  montagne,  ils  durent  cesser  la  guerre,  après 
l’extermination  de  la  moitié  d’entre  eux  par  les  balles, 
les  maladies  et  la  faim.  Quand  Schamyl  se  rendit  en 
1859,  il  n’était  plus  entouré  que  de  quatre  cents 
hommes. 

Après  la  conquête,  les  anciennes  haines  de  famille  à 
famille  ont  reparu.  Le  Daghestan  lesghien  est,  parmi 
les  régions  du  Caucase,  celle  des  assauts  sanglants  et 
des  meurtres.  On  compte  qu’en  moyenne  un  individu 
sur  trois  cents  est  tué  ou  blessé  pendant  l’année.  Le 
((cercle»  de  Kaïtago-Tabasseran,  à l’O.  de  Derbent, 
a le  triste  privilège  d’avoir  parmi  ses  habitants  plus  de 
meurtriers  que  tout  autre  pays  de  l’Empire  russe.  Mais 
précisément  dans  le  voisinage  immédiat  de  ces  hommes, 
toujours  prompts  à se  servir  du  poignard  ou  du  fusil, 
vivent  les  pacifiques  Koubitchi,  dont  le  métier  est,  non 


158 


GUIDE  AU  CAUCASE 


pas  de  se  battre,  mais  de  fournir  des  armes  aux  monta- 
gnards des  alentours.  Indispensables  à tous,  ils  sont 
respectés  par  tous,  et  leur  neutralité  ne  fut  jamais  violée. 
Ils  fabriquaient  jadis  des  cottes  de  mailles,  maintenant 
ils  forgent  surtout  des  poignards  et  des  fusils  ; ils  ont 
même  su  fondre  de  petits  canons.  Quelques-uns  d’entre 
eux,  tisserands  habiles,  s’occupent  de  la  fabrication 
d’excellentes  étoffes  de  drap.  De  quelle  origine  est  cette 
peuplade  industrielle,  perdue  au  milieu  d’agriculteurs 
et  de  pâtres  ? Les  Koubitchi  se  disent  eux-mêmes 
Frenghi  ou  Frenki,  c’est-à-dire  Francs,  Européens. 
Mais  ni  leur  figure  ni  leur  idiome  qui  se  rattache  au 
groupe  des  langues  dargoua,  ne  justifient  cette  tradition  : 
ils  ne  sont  Européens  que  par  l’intelligence  avec 
laquelle  ils  ont  su  s’approprier  des  procédés  industriels 
enseignés  peut-être  par  quelques  fugitifs,  ou  surpris 
par  des  ancêtres  esclaves  ou  voyageurs.  Du  reste,  ils 
sont  fort  peu  nombreux  : on  en  compte  à peine  deux 
mille,  vivant  dans  quatre  cents  maisons.  Quelques 
fédérations  ou  magals  de  clans  lesghiens  offraient 
aussi,  grâce  à la  solidarité  commune  et  à la  liberté  de 
tous,  un  remarquable  bien-être  : telle  était  la  fédération 
des  cinq  clans  darghilars,  ou  du  Dargho,  qui  se  réu- 
nissaient dans  une  plaine,  près  d’Akoucha,  en  grandes 
assemblées  populaires.  Ce  magal  donnait  asile  à des 
émigrés  de  toutes  nations,  et  son  territoire  était  le  plus 
peuplé  de  tout  le  Daghestan  1 . 

TCHETCHENES 

Les  Tchétchènes,  désignés  sous  les  appellations  de 
Misdjeghi  par  les  Lesghiens,  leurs  voisins  orientaux, 
et  de  Listes  par  les  Géorgiens,  habitent  tout  le  Daghes- 
tan occidental  à l’E.  des  Osses  et  des  Kabardes,  et 
descendent  même  des  coteaux  avancés  dans  les  plaines. 
La  Soundja  traverse  leur  territoire  et  sépare  la  « Petite- 
Tchetchnia  »,  la  région  basse,  de  la  « Grande-Tche- 
tchnia  »,  le  pays  des  montagnards.  Tchétchènes  de.  la 
plaine  et  de  la  montagne  combattirent,  on  le  sait,  avec 

1.  D’après  Élisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


159 


le  plus  d’acharnement  contre  les  Russes;  au  siècle  der- 
nier, Daoud-Bey  et  Omar- Khan,  et  dans  ce  siècle 
Klmzi-Mollah,  puis  Schamyl,  groupèrent  autour  d’eux 
les  Tchétchènes,  et  ceux-ci,  plus  ardents  pour  leur 
culte  que  leurs  coreligionnaires  tcherkesses  etabkhazes 
du  Caucase  occidental,  luttèrent  avec  l’énergie  que 
donne  le  fanatisme,  uni  à l’amour  de  la  liberté  et  à la 
passion  des  combats.  Cependant  il  fallut  céder,  et 
depuis  1859  la  Tchetchnia,  le  pays  le  plus  fertile  et 
le  plus  salubre  de  la  Ciscaucasie,  n’est  plus  habitée  que 
par  des  vaincus,  sujets  de  la  Russie.  Dès  l’année  1819, 
la  forteresse  Groznaïa  ou  Menaçante,  devenue  main- 
tenant la  ville  de  Grozni,  avait  été  bâtie  par  les  enva- 
hisseurs, sur  les  bords  de  la  Soundja,  entre  les  deux 
territoires  de  Tchétchènes^  et  ses  menaces  ne  sont  point 
restées  vaines.  De  même  que  les  Tcherkesses,  les 
Tchétchènes  de  la  montagne  durent  abandonner  pour 
la  plupart  leurs  aoûts  paternels,  et  ceux  qui  ne  consen- 
tirent pas  à s’établir  dans  la  plaine  durent  émigrer. 

Les  habitants  de  la  Tchetchnia  ressemblent  beau- 
coup aux  Tcherkesses.  La  plupart  d'entre  eux  ont  le 
nez  aquilin,  le  regard  inquiet,  presque  méchant; 
toutefois,  ils  sont  magnanimes  et  conservent  toujours 
la  dignité  du  langage  et  du  maintien;  ils  tuent,  mais 
ils  n’insultent  pas.  Les  femmes  des  Tchétchènes  aisés, 
fort  gracieuses,  sont  habillées  d’une  veste  élégante 
dessinant  bien  la  taille,  et  de  larges  pantalons  de  soie 
rose;  elles  ont  aux  pieds  des  babouches  jaunes,  aux 
poignets  des  bracelets  d’argent;  une  pièce  de  drap 
retombant  sur  leurs  épaules  cache  en  partie  leur  che- 
velure. Les  demeures  des  Tchétchènes  sont  presque 
toujours  de  véritables  tanières  froides,  sombres,  hu- 
mides; quelques-unes  sont  creusées  dans  la  terre, 
d’autres  sont  formées  de  branchages  entrelacés  ou  de 
pierres  empilées  grossièrement.  L’ensemble  des  habi- 
tations forme  un  de  ces  aoûts  que  l’on  aperçoit,  perchés 
sur  quelque  promontoire  vertical  ou  surplombant,  et 
semblables  à des  blocs  erratiques  arrêtés  au  bord  d’un 
précipice.  Avant  la  conquête  russe,  la  grande  majorité 
des  montagnards  vivaient  en  communes  républicaines, 
se  gouvernant  elles-mêmes  par  des  assemblées  popu- 


160 


GUIDEAU  CAUCASE 


laires,  pareilles  à celles  des  cantons  primitifs  de  la 
Suisse. Tous  étaient  soumis  à Vadat  ou  droit  coutumier. 
Quoique  très  redoutés  par  les  habitants  de  la  plaine, 
comme  pillards  et  brigands,  les  montagnards  du  Da- 
ghestan, surtout  les  Tchétchènes,  étaient  peut-être  de 
tous  les  peuples  de  guerre  ceux  qui,  du  moins  pendant 
leur  lutte  suprême  contre  les  Russes,  montrèrent  les 
plus  brillantes  qualités  d'hommes  libres  : ((  Nous 
sommes  tous  égaux ,»  aimaient-ils  à répéter.  Des  captifs 
ou  des  fils  de  prisonniers  épousaient  souvent  des  filles 
de  leurs  maîtres  et  devenaient  ainsi  membres  de  la 
famille  et  les  égaux  de  tous.  Les  Tchétchènes  pous- 
saient la  fierté  jusqu’au  fanatisme;  leur  hospitalité  était 
sans  bornes,  quoique  mêlée  de  bizarres  pratiques.  Que 
de  fois  le  voyageur  n’a-t-il  pas  vu  une  bande  de  cava- 
liers descendre  vers  lui  au  grand  galop  du  haut  des 
escarpements,  en  tirant  au-dessus  de  sa  tête  des  salves 
de  coups  de  fusil  et  de  pistolet,  puis  s’arrêter  soudain, 
à dix  ou  quinze  pas  de  distance,  et  saluer  l’étranger 
d’un  ((  salamalec  » respectueux!  Dans  une  pareille 
société,  la  justice  devait  être  réglée  par  la  loi  du  sang 
et,  malgré  le  code  russe,  cette  loi  est  encore  respectée. 
Le  christianisme  a toujours  une  certaine  prise  sur  les 
Tchétchènes,  tous  devenus  sunnites,  à l’exception  de 
ceux  de  Bragouni,sur  la  Soundja.  Près  de  Kistinc,  trois 
églises  érigées  sur  une  montagne  en  l’honneur  de  Saint- 
Georges,  de  la  Vierge,  de  sainte  Marina,  sont  des  lieux 
de  pèlerinage  très  fréquentés,  et  l’on  vient  à des  époques 
fixes  y sacrifier  des  béliers.  Les  édifices  sont  pleins  de 
dépouilles  d’animaux1. 

TARTARES 

La  région  du  littoral  caspien,  voie  historique  des 
armées  et  des  peuples  qui  se  rendaient  d’Asie  en 
Europe  ou  d’Europe  en  Asie,  devait  recevoir  pour 
résidents  des  conquérants  ou  des  traînards  appartenant 
à toutes  les  races  qui  ont  suivi  ce  chemin  de  guerre  et 
de  commerce.  Mongols,  Sémites,  Aryens  et  Turcs  sont 

1.  D’après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


161 


représentés  dans  cette  étroite  zone  du  littoral.  Au  N., 
des  Nogaï  ont  planté  leurs  tentes  dans  les  steppes  qui 
bordent  le  Soulak.  De  ces  plaines  marécageuses  jusqu’à 
Derbent,  la  zone  côtière  est  occupée  principalement 
par  les  Tartares  Koumikes  qui  se  sont  avancés  vers 
le  N.,  en  repoussant  dans  les  vallées  latérales  les 
populations  indigènes,  mais  en  admettant  au  milieu 
d^eux  un  grand  nombre  de  marchands  arméniens. 
D’autres  Tartares,  appartenant  au  même  groupe  que 
ceux  de  la  Transcaucasie,  vivent  plus  au  S.,  dans  les 
plaines  de  Kouba  et  contribuent  à donner  la  prépon- 
dérance ethnique  à l’élément  turc  de  la  contrée. 

Les  Tartares  occupent  presque  toute  la  partie  orien- 
tale du  bassin  de  la  Koura,  en  aval  de  Tiflis.  En 
plusieurs  districts  ils  sont  groupés  en  masses  compactes, 
sans  mélange  d’autres  populations  : ce  sont  des  Turcs 
qui,  tout  en  ayant  perdu  leur  nom  de  race,  sont  incom- 
parablement moins  mélangés  que  les  Osmanlis  de 
Turquie;  les  Byzantins  et  les  Arabes  les  confondaient, 
sous  l’appellation  générale  de  Khazars^  avec  les  peuples 
qui  dominaient  sur  les  bords  du  Don  et  du  Volga.  On 
rencontre  tous  les  types  parmi  les  Tartares,  du  plus 
noble  au  plus  grossier,  mais  en  général  ils  sont  à peine 
moins  beaux  et  moins  souples  de  corps  que  leurs 
voisins  les  Kartvels  ; presque  tous  de  physionomie 
sérieuse  et  grave,  les  Tartares  de  la  Transcaucasie, 
considérés  en  masse,  ont  des  qualités  qui  manquent  à 
d’autres  populations  du  Caucase  : ils  sont  d’une  rare 
sincérité,  d’une  probité  à toute  épreuve  et,  quoique 
vindicatifs,  hospitaliers  avec  une  étonnante  délicatesse 
de  procédés.  La  plupart  sont  fort  actifs,  et  comme  pâtres, 
agriculteurs,  jardiniers,  artisans,  se  montrent  supérieurs 
aux  autres  races  du  pays.  Par  l’instruction,  ils  sont 
même  en  certains  districts  plus  avancés  que  les  Russes, 
car  la  plupart  savent  lire;  un  grand  nombre  d’entre 
eux  écrivent  purement  le  turc,  la  ((  langue  des  padi- 
chahs  »,  et  l’on  rencontre  fréquemment  des  Tartares 
qui  ajoutent  à la  connaissance  de  leur  langue  celle  des 
dialectes  indigènes  et  des  deux  idiomes  policés,  l’arabe 
et  le  persan,  l’un  sémitique  et  l’autre  aryen.  A cet 
égard,  les  Tartares  sont  un  peu  les  civilisateurs  du 


U 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


Caucase,  puisque  leur  langage,  qui  est  le  dialecte  turc 
de  l’Aderbeïdjan,  est  celui  qu’emploient  les  interprètes 
des  diverses  peuplades  pour  entrer  en  relations  les  unes 
avec  les  autres. 

Tous  les  indigènes  non  Arméniens  ou  Russes,  à 
quelque  autre  race  qu’ils  appartiennent,  sont  commu- 
nément désignés  sous  le  nom  de  Tartares  : c’est  ce  qui 
explique  le  manque  de  type  national.  Certainement  les 
Albanais  de  Strabon,  ces  hommes  « francs,  aussi  peu 
marchands  que  possible  )),  célébrés  par  le  géographe 
d’Amasie,  se  retrouvent  parmi  les  Tartares  qui  peuplent 
aujourd’hui  la  contrée.  On  rencontre  également  au 
milieu  d’eux,  ainsi  que  le  prouvent  les  noms  de  villages, 
des  représentants  des  populations  guerrières  qui  en- 
vahirent l’Europe  méridionale,  les  Koumanes , les 
Petchenègues  ; et  plusieurs  bourgades  sont  désignées 
parle  nom  d’Arab.  Si  les  Tartares  avaient  eu  plus  de 
force  d’initiative,  ils  auraient  peut-être  exercé  dans 
tout  le  pays  une  influence  décisive,  mais  en  beaucoup 
de  districts  ils  se  sont  laissé  ronger  par  l’usure,  et  les 
Arméniens  sont  devenus  leurs  maîtres.  Par  leurs 
mœurs,  les  Tartares  de  la  basse  Koura,  du  Chirvan  et 
de  Bakou  ressemblent  plus  aux  Persans  qu’aux  Turcs  ; 
quoique  la  religion  leur  permette  la  polygamie,  il  est 
rare  qu’ils  la  pratiquent,  et  les  femmes  travaillent  en 
général  librement  et  la  figure  découverte.  Les  chiites 
sont  en  grande  majorité , mais  ils  n’en  profitent  pas 
pour  molester  les  musulmans  sunnites.  Ils  sont  éga- 
lement tolérants  pour  les  chrétiens,  et  dans  certains 
villages  de  population  mixte  les  maires  sont  alterna- 
tivement arméniens  et  tartares , sans  que  personne 
ait  à s’en  plaindre.  Même  sur  la  frontière  persane, 
là  où  les  fêtes  chiites  célèbrent  la  mort  de  Hassan  et 
de  Hosseïn,  et  où  en  tête  des  processions  funèbres 
marchent  les  <(  Balafrés  »,  les  chrétiens  peuvent  assister 
aux  cérémonies  et  même  y prendre  part. 

D’autres  chiites  zélés  habitent,  à côté  des  Tartares, 
certaines  parties  delà  Transcaucasie  orientale.  Ce  sont 
les  anciens  maîtres  du  pays,  les  Persans,  qui,  sous  le 
nom  de  Tates,  synonyme  de  celui  de  Tadjiks  employé 
dans  le  Turkestan,  se  sont  maintenus  en  groupes 


GUIDE  AU  CAUCASE 


163 


compacts.  Ils  peuplent  les  alentours  de  Bakou,  et  se 
répandent  sur  le  revers  septentrional  du  Caucase,  jusque 
dans  le  voisinage  de  Kouba.  Presque  tout  le  district 
de  Lenkoran,  sur  la  frontière  persane,  appartient  aussi 
à l’Iran  par  l’origine  de  sa  population,  composée  de 
Taliches  ; ces  hommes  sont  encore  à demi  sauvages 
dans  la  région  des  montagnes  : ayant  longtemps  vécu 
à l'écart,  entre  les  hautes  cimes  et  les  marais  de  la 
basse  Koura,  ils  n’ont  pu  se  civiliser  comme  les  autres 
populations  de  la  Transcaucasie  orientale.  Leur  langue, 
dans  laquelle  on  ne  doit  point  voir  un  simple  patois, 
s’est  développée  parallèlement  aux  autres  dialectes 
iraniens  et,  à certains  égards,  ressemble  à l’afghan1. 

POPULATION 

Les  divers  recensements,  depuis  l’occupation  défi- 
nitive du  territoire  parles  Russes,  ont  fait  constater  un 
mouvement  progressif  assez  considérable.  En  1887,  on 
comptait  dans  le  Caucase  4.661.800  individus.  Le  dé- 
nombrement de  1877  accusa  une  population  de 
5.391.700.  Enfin  les  recensements  divers  opérés  de- 
puis 1882  ont  prouvé  que  la  population  du  Caucase,  y 
compris  les  territoires  annexés  de  Kars  (162.980  h.)  et 
de  Batoum  (92.450  h.)  se  montait  en  1886  au  chiffre 
de  7.307.849  hab.  La  densité  moyenne  de  la  population 
dans  le  Caucase  septentrional  est  de  10,3  par  kilomètre 
carré;  dans  le  Caucase  méridional,  elle  est  de  13.6,  pa- 
reille à celle  du  midi  de  la  Russie  d’Europe.  Les  gou- 
vernements de  Koutaïs,  d’Erivan  et  de  Tiflis  ont 
respectivement  une  densité  de  population  de  33.6  ; 20.8  ; 
et  17.8  par  kil.  c.  L’excédent  des  naissances  sur  la 
mortalité  est  juste  de  13  sur  1.000  individus. 

La  proportion  des  suicides  est  assez  forte  au  Caucase, 
et.  la  statistique  signale  ce  fait  remarquable  qu’ils  sont 
à peu  près  égaux  entre  les  deux  sexes.  C’est  là  un  con- 
traste frappant  avec  l’Europe  où  la  proportion  des 
suicides  d’hommes  est  de  trois  à quatre  fois  supérieure 
à celle  des  suicides  de  femmes. 


1.  D’après  ÉLisée  Reclus. 


164 


GUIDE  AU  CAUCASE 


AGRICULTURE 

Bétail.  — Instruments  agricoles.  — Moulins.  — Cultures  : 
çjomi  (millet),  riz,  vigne,  lin,  chanvre,  mûrier,  tabac,  coton- 
nier, ramie,  garance.  — Apiculture.  — Sériciculture. 

Au  Caucase,  pendant  longtemps  encore,  l’agriculture 
sera  l’élément  de  richesse  le  plus  considérable.  Le  sol 
fertile  du  pays  , le  climat  bienfaisant,  les  nombreux  cours 
d’eau  descendant  des  montagnes  servent  à souhait  les 
habitants.  Ce  qui  manque  surtout  ce  sont  des  canaux 
d’irrigation,  des  bras  et  des  capitaux  pour  mettre  en 
valeur  les  immenses  étendues  de  terres  donnant  deux 
et  même  trois  récoltes  par  an,  sans  s'épuiser. 

La  récolte  moyenne  des  diverses  céréales,  pendant 
5 des  dernières  années,  est  la  suivante  : Blé,  1.726.000; 
seigle,  130.066;  maïs,  418.990;  riz,  81.774;  orge, 
574.776;  pommes  de  terre,  153.064;  autres  céréales, 
267.943.  Soit  au  total  3.352.585  tonnes  métriques  ou 
460  kilogr.  par  habitant.  Défalcation  faite  des  quan- 
tités nécessaires  aux  semailles  et  à l’alimentation,  il 
restait  disponible  pour  la  vente  plus  d’un  million 
de  tonnes.  On  sait  qu’en  1891  la  Russie  a trouvé 
dans  le  Caucase  le  moyen  de  remplacer  un  tiers  du 
déficit  total  de  ses  récoltes. 

Outre  toutes  les  céréales  ordinaires,  gruau,  millet, 
légumes,  herbes  potagères  et  fourragères,  le  Caucase 
est  favorable  à la  culture  de  la  vigne,  du  noyer,  tabac, 
cotonnier,  sorgho,  de  la  ramie,  du  mûrier,  ricin , chanvre, 
lin,  de  la  garance,  du  safran  ; il  le  serait  peut-être  à 
celle  de  l’olivier,  de  l’arbre  à thé.  Les  primeurs  réussis- 
sent dans  le  gouvernement  de  Koutaïs,  mais  ont  peu  de 
goût.  Il  en  est  de  même  des  arbres  à pépins  et  à noyaux, 
dont  les  fruits  sont  petits  en  général,  peu  juteux  et 
acidulés  parce  que  les  greffes  sont  insuffisantes. 

Bétail. — Au  chapitre  Faune,  nous  avons  déjà  parlé 
des  animaux  domestiques,  des  bêtes  à cornes  et  autre 
bétail  du  Caucase.  Voici  leur  effectif  moyen  pendant 
ces  dernières  années:  Chevaux,  1.120.955;  ânes  et 
mulets,  87.303;  bêtes  à cornes,  6.710.112;  buffles, 
97.561;  chèvres,  3.454.093;  moutons,  15.452.843  ; 


GUIDE  AU  CAUCASE 


165 


chameaux,  32.996;  porcs,  1.024.547;  total  : 28. 020. 4001. 

Instruments  agricoles.  — Au  Transcaucase,  les 
paysans  sont  presque  seuls  à s’adonner  à l’agriculture, 
la  plupart  des  propriétaires  préférant  affermer  leurs 
terres.  Les.  instruments  et  les  outils  employés  pour  la 
culture  sont  très  imparfaits  et  difficiles  à transporter, 
aussi  les  progrès  agricoles  sont-ils  lents  et  ne  contribuent- 
ils  que  fort  peu  encore  au  rendement  général  du  pays. 

Le  tokhé  ou  bergui  est  le  type  par  excellence  des 
outils  campagnards,  remplaçant  à lui  seul  la  pelle,  la 
tranche,  la  pioche,  le  râteau,  et  ressemblant  à notre 
dioue.  La  charrue  indigène  est  faite  avec  un  long  morceau 
de  bois  horizontal  recourbé  à angle  aigu,  ayant  l’air  de 
notre  L renversée,  et  peu  ou  point  fermée.  On  y attelle, 
avec  un  joug  mobile  qui  porte  sur  le  cou  à la  hauteur 
des  épaules,  deux  bœufs  ou  deux  buffles.  Le  laboureur, 
tenant  dans  la  main  la  poignée  d’une  branche  torse 
fixée  au  timon,  guide  son  engin  et  trace  le  sillon  en 
effleurant  à peine  la  terre  qui  est  rejetée  également  des 
deux  côtés  du  soc.  La  charrue  dite  gouthani  ressemble 
à celle  de  la  Petite-Russie;  elle  est  en  grande  partie  en 
bois.  Elle  se  compose  d’un  avant-train  (essieu  à deux 
roues  inégales,  la  plus  grande  roulant  dans  le  sillon 
tracé)  accroché  à l’extrémité  de  la  volée  qui  est  courbée 
en  S.  Le  soc,  en  fer,  pesant  80  livres,  affecte  la  forme 
d’un  triangle  rectangulaire  à angles  émoussés,  et  est 
appliqué  sur  une  semelle  de  bois.  Le  couteau  très 
massif  est  fixé  par  des  coins  de  bois  dans  la  volée. 
L’oreille  n’est  qu’une  planche  droite  ajustée  à la  partie 
antérieure  de  la  volée  sous  un  angle  de  140°,  ce  qui 
fait  que  la  terre  au  lieu  d’être  rejetée  dès  le  début 
s’appuie  contre  cette  planche,  se  courbe  peu  à peu  et 
n’est  retournée  qu’avec  une  grande  résistance.  A 
l’arrière  de  la  semelle  se  dresse  un  montant  réuni  par 
une  tige  horizontale  à un  second  qui  s’appuie  sur 
l’oreille;  ces  manches  servent  à guider.  Les  colonistes 
allemands  se  servent  d’une  charrue  un  peu  meilleure, 
mais  nos  instruments  européens  ne  se  voient  qu’excep- 
tionnellement;  charrues  de  fer,  herses,  machines  à 


1.  D’après  V.  Thiébaut. 


166 


GUIDE  AU  CAUCASE 


battre,  à vanner,  faucheuses,  moissonneuses  ne  se  ren- 
contrent que  chez  quelques  rares  propriétaires  riches. 
Quand  le  sol  a été  passé  au  tokhé  ou  bergui , ou  labouré, 
on  emploie  pour  niveler  et  herser  le  partski , grande 
balayeuse  plate  et  carrée  faite  en  verges  tressées  et 
qu’on  traîne  sur  tout  le  champ.  Pour  le  dépiquage  du 
blé,  on  se  sert  du  khévri,  planche  épaisse  garnie  de 
morceaux  de  pierres  et  de  cailloux  à laquelle  on  attelle 
deux  vaches,  et  qu’on  promène  sur  les  gerbes  étalées. 

Mais.  — Au  Transcaucase,  l’objet  principal  de  la 
culture  est  le  maïs.  En  avril,  les  membres  de  la  famille 
du  paysan  viennent  aux  champs,  se  rangent  l’un  à côté* 
de  l’autre,  arrachent  les  vieilles  tiges,  les  brûlent,  sèment 
à la  volée,  puis  recouvrent  les  grains,  en  donnant  un 
léger  coup  de  charrue.  En  juin  et  juillet  on  vient  arracher 
avec  la  houe  les  mauvaises  herbes  parasites  et  on  butte 
légèrement  les  pieds  de  maïs. 

Notons,  en  passant,  une  habitude  patriarcale  des 
Géorgiens  pendant  l’époque  des  travaux  des  champs  : 
Une  ou  deux  fois  par  récolte,  chaque  propriétaire 
prie  ses  voisins  de  venir  l’aider  à labourer  sa  terre 
et  ceux-ci  considèrent  comme  un  devoir  de  se  rendre 
avec  leur  houe  à cet  appel,  au  jour  indiqué.  Dix,  vingt, 
quarante  paysans  réunis  travaillent  toute  la  journée 
sans  cesser  de  chanter  et  de  rivaliser  de  zèle.  Les 
femmes  viennent  les  encourager,  les  égayer  et  leur 
promettre,  s’ils  terminent  la  besogne,  un  excellent 
souper.  Le  soir,  en  effet,  on  sert  un  repas  extraordinaire 
où  la  plupart  du  temps  figure  un  bœuf  ou  un  mouton, 
suivant  le  nombre  des  invités  et  les  ressources  du  pro- 
priétaire,, et  on  débouche  à cette  occasion  la  nouvelle 
kouchine 1 de  vin.  Chacun,  du  reste,  s’est  multiplié  et 
s’est  consciencieusement  acquitté  de  sa  tâche.  A son 
tour,  le  paysan  qui  a organisé  la  journée  de  travail  et  le 
festin  est  tenu  d’aller  chez  celui  de  ses  invités  qui  l’en 
priera  pour  lui  rendre  son  contingent  de  travail. 

En  Mingrélie  le  maïs  atteint  une  hauteur  de  deux  à 
trois  mètres;  en  basse  Mingrélie  la  tige  porte  deux  et 
quelquefois  trois  épis  ayant  en  moyenne  800  grains. 


1.  Voir  la  note  1,  page  169. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


167 


Un  hectare  de  terre  ordinaire  donne  environ  125  pouds, 
soit  près  de  2.000  kilos.  C’est  aux  mois  de  septembre  et 
d’octobre  qu’a  lieu  la  récolte.  Paysans,  femmes  et 
enfants,  munis  de  paniers,  de  sacs,  se  rendent  aux 
champs  et  l’on  cueille  avec  joie  le  pain  annuel.  On  le 
charge  sur  Yavba 1 jusqu’à  la  maison  où,  au  milieu  des 
chansons,  on  se  met  à le  dépouiller  de  ses  enveloppes 
qui  servent  à garnir  les  paillasses.  Comme  pour  le 
labour,  les  voisins  viennent  faciliter  le  travail  et  on  ne 
se  sépare  qu’à  l’aube.  Les  épis  de  maïs  sont  ensuite 
déposés  dans  des  maisonnettes  en  bois,  élevées,  sou- 
tenues par  de  hautes  poutres.  Là,  à l’abri  de  l’humidité, 
aérés  convenablement,  ils  sèchent  peu  à peu.  Puis  on 
monte  dans  ces  greniers,  on  s’assied,  et,  à coups  de 
bâton  on  commence  à battre.  Des  fentes  pratiquées  au 
plancher  de  la  maisonnette,  laissent  les  grains  détachés 
tomber  à terre,  où  un  tapis,  un  morceau  cl’ étoffe  étendue 
les  reçoivent.  De  là  on  transporte  le  maïs  égrené  à la 
cabane  de  bois  dans  laquelle  on  le  conserve  jusqu’à  ce 
qu’il  aille  au  moulin. 

Le  moulin  caucasien  est  d’une  simplicité  extrême. 
Un  chéneau  de  6 m.  sur  0 m.  16  de  large,  lance  l’eau 
d’une  hauteur  de  1 m.  60  contre  une  roue  horizontale 
de  0 m.  80  de  diamètre  et  munie  d’une  vingtaine  de 
palettes.  L’eau  frappe  par  le  travers  les  palettes  de  la 
roue,  dont  l’arbre  tourne  en  faisant  mouvoir  la  meule 
supérieure  du  moulin  d’un  diamètre  de  0 m.  50  environ. 
La  farine  s’échappe  par  le  côté.  Une  petite  tringle  en 
bois  traînant  sur  la  meule  à mesure  qu’elle  tourne, 
communique  un  ébranlement  assez  fort  à l’entonnoir 
qui  laisse  tomber  la  quantité  de  grains  nécessaire.  Tel 
est  le  mécanisme  tout  à fait  primitif  de  ces  moulins, 
contenu  dans  une  hutte  en  bois  d’une  largeur  de  2 m.  50 
environ.  Le  moindre  courant  d’eau  suffit  pour  les 
alimenter.  Ils  peuvent  moudre  par  jour  25  kilogrammes 
de  grain. 

Gomi.  — (Millet  d’Italie)  objet  des  redevances 
dùiutrefois,  est  assez  peu  répandu  aujourd’hui,  quoiqu’il 
soit  plus  délicat  que  le  maïs  et  qu’il  remplace  aussi 


1,  Voir  la  note  3,  page  169. 


168 


GUIDE  AU  CAUCASE 


comme  alimentation  le  pain  de  froment  ou  de  seigle 
parmi  les  paysans.  La  terre  demande  à être  labourée 
avec  soin  et  exige  deux  façons.  Les  épis  donnent 
de  200  à 1 ,000  grains.  Au  mois  de  mai  on  le  cueille  au 
couteau  et  on  le  conserve  dans  une  maisonnette;  quant 
aux  tiges,  on  les  coupe  à la  serpe  et  elles  servent  d’ex- 
cellente nourriture  pour  les  chevaux  pendant  l’hiver. 
Elles  prennent  alors  le  nom  de  tchadi. 

Riz.  — La  culture  du  riz  est  très  pratiquée  au  Trans- 
caucase,  dans  les  endroits  arrosés.  La  zone  de  culture 
s'étend  au  N.  depuis  le  gouvernement  de  Tiflis  jus- 
qu'aux montagnes  de  la  grande  chaîne;  au  S.  jusqu’à 
la  frontière  de  Perse;  à LE.  jusqu’à  la  mer  Caspienne. 
L'espèce  qu’on  cultive  dans  cette  région  est  à tige 
courte  et  n’exige  pas  l’immersion.  D après  les  statis- 
tiques on  récolte  dans  les  gouvernements  d’Elisabethpol, 
de  Bakhou,  d’Erivan,  l’arrondissement  de  Zakatal, 
environ  1,000,000  d’hectolitres  en  moyenne  La  popu- 
lation indigène  consomme  la  plus  grande  partie  de  ce 
riz;  le  reste  est  expédié  dans  la  Russie  septentrionale 
où  on  le  vend  sous  le  nom  de  riz  persan.  Le  meilleur 
croît  dans  l’arrondissement  de  Lenkoran,  à Akoula.  Le 
riz  joue  un  rôle  très  important  dans  l’agriculture  trans- 
caucasienne parce  que  cette  culture  est  la  plus  lucrative. 
Malheureusement  la  graminée  exige  un  arrosement 
abondant,  et  comme  l’irrigation  au  Caucase  est  très 
irrégulière  et  mal  faite,  toutes  les  localités  où  pousse 
Je  riz  sont  très  fiévreuses  et  empestées  par  la  malaria . 

Vigne.  — La  culture  de  la  vigne  est  encore  au 
Caucase  dans  l’enfance,  malgré  les  sensibles  progrès 
faits  ces  dernières  années.  En  général,  on  ne  la  taille 
pas  et  on  laisse  la  ramure  s’enrouler  et  grimper  autour 
des  arbres  et  la  garnir  jusqu’au  sommet  du  réseau  de 
ses  pampres.  Or,  à ce  cépage  égal,  le  vin  provenant 
des  hautains  est  de  qualité  inférieure.  En  vignes  basses 
on  obtiendrait  un  bon  vin  de  table.  Les  vignes  demi- 
basses'sont  tenues  sur  les  souches  et  ont  leurs  sarments 
de  l’année  attachés  sur  des  perches.  Recevant  peu  de 
soins  d’entretien,  elles  participent  aux  désavantages 
des  hautains.  Avec  cette  méthode,  ou  les  plants  irrégu- 
lièrement placés  et  très  rapprochés  sont  soutenus  par 


GUIDE  AU  CAUCASE 


169 


des  rames,  et,  en  pleine  végétation  les  sarments  sont 
enchevêtrés  les  uns  dans  les  autres,  ou,  en  certains 
endroits,  les  plants  sont  trop  éloignés  et  la  vigne  se 
trouve  associée  à d’autres  plantes.  Le  soufrage  est 
impossible,  et,  faute  d’une  taille  bien  comprise,  le  bois 
pousse  au  détriment  du  fruit.  Lors  de  la  vendange,  qui 
a eu  lieu  en  octobre,  novembre  et  même  décembre,  on 
cueille  toutes  les  grappes  vertes  et  mûres  qu’on  porte  à 
la  maisonnette  destinée  à remplacer  la  cave  ; on  les 
mêle  ensemble;  le  foulage  s’exécute  avec  les  pieds  nus 
à défaut  de  pressoir;  le  cuvage  se  fait  dans  un  arbre 
creusé  de  50  c.  à 1 m.  de  diamètre  et  de  2 à 4 m.  de  long. 
Quand  la  fermentation,  qu’on  abandonne  à elle  même, 
est  jugée  suffisante,  le  tonneau  étant  objet  presque 
encore  partout  inconnu,  on  met  le  vin  dans  d’immenses 
cruches  ( kouchines ) 1 qu’on  enterre,  qu’on  bouche  et 
qu’on  ouvre  au  fur  et  à mesure  des  besoins,  en  y pui- 
sant avec  une  courge  emmanchée  d’un  bâton.  De  là  il 
est  transvasé  dans  des  bourdouks , peaux  de  buffle  ou  de 
mouton  qu’on  enduit  de  goudron  pour  leur  conserver 
de  la  souplesse,  ce  qui  donne  au  vin  un  goût  désa- 
gréable auquel  cependant  on  s’habitue.  Rien  n’est  plus 
curieux  que  de  voir  ces  peaux  gonflées  ayant  conservé 
presque  la  forme  primitive  de  l’animal  qu’elles  ont 
recouvert,  suspendues  aux  portes  des  doukans  2 ou 
transportées  sur  un  arba 3,  et  tressautant  à chaque 

1.  Les  vases  en  terre  cuite  où  l’on  conserve  le  jus  de  la 
treille  sont  à panse  large,  la  base  se  terminant,  en  pointe; 
l’ouverture  est  un  col  très  bas,  ordinairement  assez  resserré  et 
à lèvres.  Ils  ont  une  capacité  qui  varie  entre  100  et  3,000  litres. 
Quelques-uns  ont  jusqu’à  3 m.  de  haut  sur  2 de  large.  Pour 
nettoyer  ces  gigantesques  kouchines  on  y descend  à l’aide 
d’échelles.  11  y a de  ces  vases  qui  coûtent  i00  roubles.  Parfois 
si  solides  qu’iis  soient,  la  fermentation  du  vin  les  fait  éclater; 
le  sol  alors  en  boit  le  contenu.  La  plus  grande  kouchine  connue 
au  Caucase  se  dresse  en  l’air  dans  le  jardin  du  prince  Grégoire 
Gouriel  à Ozourghet.  Elle  a 3 m.  50  de  haut  et  10  de  circonfé- 
rence; elle  est  soutenue  par  les  poutres  et  le  plancher  d’un 
kiosque  en  bois  où  peuvent  prendre  place  vingt  personnes. 

2.  Cabarets  où  l’on  débite  du  vin,  de  l’eau-de-vie,  et  où  l’on 
donne  à manger;  dans  quelques-uns  on  peut  loger. 

3.  L 'arba  n’est  pas  un  chariot,  une  charrette  ou  un  camion, 
lia  une  forme  toute  spéciale.  Ni  trop  haut,  ni  trop  bas,  il  repose 
sur  deux  lourdes  roues  tournant  avec  leur  essieu.  Terminé  en 


170 


GUIDE  AU  CAUCASE 


instant  comme  des  bêtes  vivantes.  L’avantage  de  ces 
bourdouks  consiste  en  ce  que  la  ligature  étant  faite 
d’une  façon  très  hermétique  le  liquide  ne  ballotte  pas. 
La  majorité  des  vins  est  rouge.  Tous  se  conservent  très 
mal,  rarement  plus  d’un  an,  parce  qu'ils  sont  mal 
traités.  S’ils  supportaient  le  voj^age  et  si  leurs  prix 
étaient  relativement  moins  élevés,  ils  pourraient  servir 
pour  des  coupages1. 

La  vigne,  dont  la  Transcaucasie  est  pour  ainsi  dire 
la  patrie,  y est  sujette  à trois  maladies  : l’oïdium,  le 
mildevv  et  le  phylloxéra.  L’oïdium,  qui  s’est  fait  sentir 
surtout  après  la  guerre  de  Crimée,  continue  jusqu’à 
présent  dans  les  vignobles  du  gouvernement  de  Koutaïs, 
dans  les  districts  de  la  mer  Noire,  de  Soukhoum  et  de 
la  Kakhéthie.  Le  phylloxéra  a fait  son  apparition  au 
Transcaucase  il  y a onze  ans.  Il  s’est  propagé  aux  alen- 
tours de  Soukhoum,  puis  au  N.  du  Caucase.  Il  a été 
constaté  à Tiflis  et  dans  la  région  vinicole  de  la  mer 
Caspienne.  Le  mildew  a été  constaté  à Tiflis,  en  Kakhé- 
thie, à Douchet,  etc. 

Lin.  — Cette  culture  s’est  conservée  par  tradition  en 
Mingrélie  depuis  l’époque  des  colonies  égyptiennes 2 
ou  grecques  qui  y apportèrent,  probablement  avec  cette 
plante  inconnue,  l’art  de  filer  et  d’en  tisser  les  toiles. 

Chanvre.  — Quand  cette  plante  est  dans  un  sol 

pointe  par  devant,  il  va  s’élargissant  vers  l’arrière  où  il  est 
carré.  Un  double  lattis  en  ferme  les  bordages  latéraux.  Attelé 
d’une,  de  deux  ou  trois  paires  de  bœufs  ou  de  buffles,  Yarba 
sert  à la  fois  de  haquet  de  transport  pour  les  outres,  et  d’équi- 
page de  promenade  pour  les  familles  indigènes  ; dans  ce 
dernier  cas,  on  le  garnit  de  tapis  et  de  coussins  [moutalns) . 
L’allure  pesante  de  son  flegmatique  attelage  lui  imprime  un 
mouvement  cadencé  qui  rend  la  locomotion  assez  douce. 

1.  Voir  au  chapitre  : Productions  et  produits.  — Vins. 

2.  D’après  Hérodote  et  Diodore  de  Sicile,  les  Colches  seraient 
les  descendants  d’Egyptiens  venus  dans  la  Mingrélie  actuelle 
au  temps  de  Sésostris,  au  XVe  ou  XVIe  s.  av.  J.-C.  On  ignore 
ce  qu’étaient  ces  hommes  à teint  basané,  à cheveux  crépus, 
pratiquant  la  circoncision,  sachant  filer  le  lin  à la  manière 
égyptienne,  et  dont  Hérodote  fait  les  habitants  de  la  Cc-lchide. 
Us'lar  prétend  qu’ils  possédaient  un  développement  intellectuel 
et  matériel  avancé  et  appartenaient  à une  chaîne  de  peuples 
civilisés  qui,  partant  de  l’Egypte,  allait  jusqu’à  l’Inde  et  reve- 
nait par  la  Perse,  la  Colchide’et  la  Grèce  en  Egypte. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


171 


argilo-calcaire  profond,  elle  vient  bien;  mais  dans  les 
terres  argileuses  humides,  à sous-sol  imperméable,  elle 
ne  donne  que  peu  de  produits. 

Mûrier.  — Partout  où  prospère  la  vigne,  on  est 
assuré  de  voir  croître  et  prospérer  le  mûrier.  Il  ne 
“devrait  donc  pas  y avoir  de  contrées  plus  favorisées 
que  la  Mingréiie,  l’Iméréthie,  la  Kakhéthie,  le  gouver- 
nement d’Erivan  pour  la  culture  de  cet  arbre  et  l’édu- 
cation des  vers  à soie1.  Malheureusement,  pendant  long- 
temps cette  industrie  a été  abandonnée  à l’insouciance 
et  à l’ignorance  des  paysans.  D’abord,  sur  les  plateaux 
un  peu  élevés,  sur  les  coteaux  bien  exposés,  dans  les 
terrains  légèrement  sablonneux,  il  faudrait  et  beaucoup 
planter  et  tirer  un  meilleur  parti  des  plantations  déjà 
existantes.  Au  lieu  de  tailler  les  mûriers,  de  les  équili- 
brer en  les  maintenant  en  <(  gobelets  » à une  hauteur 
modérée,  on  les  laisse  croître  en  liberté  comme  des 
chênes  et  des  ormes. 

Tabac.  — Quoique  le  tabac  turc  soit  depuis  long* 
temps  en  usage  au  Transcaucase,  la  culture  d’espèces 
turques  ne  date  que  de  l’année  1873  Avant  cette  époque, 
les  tabacs  indigènes  étaient  récoltés  et  connus  sous  le 
nom  de  « mingrélien,  iméréthien,  borthchalien,  ma- 
danskien,  salanien  »,  etc.  Quoique  tous  de  qualité 
inférieure  et  mal  préparés,  ils  se  vendaient  cependant 
facilement  à la  population  campagnarde  et  à la  classe 
pauvre  des  villes.  Lorsqu’en  1883,  il  fut  défendu  de 
vendre  désormais  le  tabac  indigène  sans  la  banderole 
de  l’accise,  le  débit  de  tabac  caucasien  commença  à 
diminuer,  et  il  est  à supposer  que,  dans  un  avenir  pro- 
chain, il  sera  complètement  exclu  du  marché. 

Jusqu’en  1873,  le  prix  du  tabac  turc  importé  ne  dé- 
passait pas  7 roubles  le  poud  de  bon  « Samsoun  » et 
<(  Trébizonde  »,  et  18  roubles  le  poud  de  «Dubek», 
parce  que  le  droit  de  douane  qui  frappait  le  tabac 
étranger  imposé  au  Transcaucase  n’était  que  de  5 % de 
la  valeur,  soit  25  kopeks  par  poud.  Dans  ces  conditions, 
la  culture  du  tabac  turc,  au  Caucase,  ne  pouvait  pas 
être  lucrative.  Elle  ne  s’est  développée  que  grâce  à de 


1.  Voir  au  chapitre  : Sériciculture. 


172 


GUIDE  AU  CAUCASE 


nouveaux  droits  protecteurs  qui,  appliqués  à l’impor- 
tation du  tabac  étranger  dans  l’Empire  russe,  ont  été 
mis  en  vigueur  sur  toute  la  côte  de  la  mer  Noire.  La 
production  dans  cette  région  a été,  en  1864,  considé- 
rablement aidée  aussi  par  Uémigration  des  Circassiens 
et  l’établissement  en  Turquie,  en  1872,  d’une  régie.  Les 
cultivateurs  des  provinces  voisines  de  Trébizonde  et  de 
Samsoun,  gênés  par  le  système  du  monopole  introduit 
en  Turquie,  commencèrent  à émigrer  volontairement 
dans  les  possessions  russes  situées  au  bord  oriental  de 
la  mer  Noire  quittées  par  les  Circassiens,  et  à y faire 
des  plantations.  Au  Transcaucase,  le  premier  essai  de 
culture  de  tabac  turc  a eu  lieu  en  1873;  il  fut  motivé 
par  l’augmentation,  en  1872,  des  droits  de  douane  frap- 
pant de  2 roubles  le  poud  de  tabac  importé. 

Après  quelques  premiers  essais  et  grosses  dépenses 
inévitables  pour  les  innovateurs,  les  débuts  ne  furent 
pas  très  heureux;  du  reste,  le  droit  de  2 roubles  ne 
suffisait  pas  pour  préserver  la  production  locale  contre 
la  concurrence  de  l’importation.  Néanmoins,  de  1873  à 
1877,  plusieurs  de  ceux  qui  s’intéressaient  au  tabac  en 
ont  entrepris  la  culture  dans  divers  endroits,  mais  pres- 
que tous  ont  été  obligés  de  l’abandonner  faute  d’argent 
et  d’ouvriers,  ou  faute  de  rendement  satisfaisant. 

Enfin,  en  1877,  le  droit  de  douane  de  14  roubles  en 
or,  par  poud  de  tabac  importé,  fut  appliqué  au  Trans- 
caucase. Cette  mesure  du  gouvernement,  puis  le  com- 
mencement de  la  guerre  avec  la  Turquie  arrêtèrent 
complètement  l’arrivée  du  tabac  étranger.  La  demande 
de  tabac  en  feuilles  à des  fabriques  du  pays  s’augmenta 
par  suite  des  besoins  de  l’armée.  A partir  de  ce  moment, 
on  se  mit  avec  ardeur  à cultiver  le  tabac  ; k l’appel  des 
planteurs,  on  vit  arriver  une  foule  de  Turcs,  et  les 
indigènes  eux-mêmes  devinrent  peu  à peu  d’assez  bons 
travailleurs. 

De  1877  à 1878  et  1879,  les  récoltes  abondantes 
rétribuèrent  largement  de  leurs  peines  tous  les  cultiva- 
teurs ; les  demandes  se  soutenaient  fermes  et  les  prix 
proposés  étaient  élevés.  Malheureusement  les  planta- 
tions de  Laguodekh  et  celles  qui  s’étendaient  au  S.  de 
la  chaîne  du  Caucase  eurent  beaucoup  à souffrir  des 


GUIDE  AU  CAUCASE 


173 


dévastations  des  montagnards,  lors  de  l'insurrection 
des  Lesghiens  en  1877.  Le  massacre  de  beaucoup  de 
travailleurs  et  la  panique  qui  s’empara  alors  de  toute 
la  population  empêchèrent  de  récolter  et  de  rentrer  le 
tabac  mûr  sur  25  déciatines.  Aujourd’hui,  au  Trans- 
caucase,  les  principaux  rayons  de  culture  du  tabac  turc 
sont  : le  district  de  Signak,  l’arrondissement  de  Zaka- 
tal,  la  Gourie,  les  parties  supérieures  des  vallées  de 
l’Algeth  et  du  Khram,  les  districts  d’Artvine  et  de 
Soukhoum  et  celui  de  Tiflis.  En  1886,  la  récolte  de 
ces  régions  s'est  élevée  à 300,000  pouds,  dont  la  moitié 
provenait  de  la  vallée  de.l’Alazan  et  de  l’arrondisse- 
ment de  Zakatal.  Les  plantations  sont  groupées  au  pied 
des  montagnes  couvertes  de  forêts;  celles  qui  s’étendent 
sur  des  pentes  peu  élevées,  assez  douces,  et  orientées 
vers  le  S.  ou  S. -O.,  passent  pour  les  meilleures.  On 
occupe  aussi  avec  succès,  près  des  villages  ou  des 
fermes,  les  endroits  qui  servaient  autrefois  d’hivernage 
aux  brebis  ou  ceux  sur  lesquels  paît  le  bétail.  Les  meil- 
leures espèces  de  tabac  turc  croissent  sur  un  sol  amon- 
celé, rempli  de  décombres,  et  aussi  sur  une  terre  en 
friche  conquise  sous  une  forêt  et  riche  en  fumier  brûlé 
végétal.  Les  plantations  de  la  vallée  de  l’Iora,  et  celles 
de  Moukhrane,  près  Tiflis,  donnent  de  80  à 100  pouds 
par  déciatine;  les  feuilles  sont  succulentes,  épaisses  et 
d’un  goût  fort.  A Laguodek,  le  rendement  d’une  décia- 
tine est  de  60  à 75  pouds;  les  feuilles  sont  fines,  déli- 
cates, aromatiques  et  d'un  goût  agréable.  Les  conditions 
heureuses  du  climat  et  de  terrain  se  rencontrent  du 
reste  dans  la  plupart  des  plantations  de  l’arrondisse- 
ment de  Signak,  de  Zakatal,  et  le  pays  présente  une 
foule  d’autres  localités  aussi  privilégiées. 

Dans  la  culture  du  tabac,  le  capital  joue  un  rôle 
important;  le  paysan,  qui  s'y  livre  tout  entier  avec  sa 
famille,  est  obligé  de  s’adresser  à un  bailleur  de  fonds 
pour  se  procurer  les  denrées  de  première  nécessité  que 
la  terre  ne  lui  donne  pas.  S’il  loue  son  champ  et  son 
travail  à un  planteur,  qui  lui  abandonne  une  partie  de 
la  récolte,  celui-ci  doit  aussi  souvent  faire  appel  à un 
capitaliste  ou  marchand  de  tabac  pour  obtenir  des 
avances  de  fonds.  Les  conditions  de  ces  prêts  sont 


174 


GUIDE  AU  CAUCASE 


réglées  par  les  usages  locaux.  Au  Transcaucase,  et 
particulièrement  clans  le  district  de  Signak,  il  y a un 
mode  d’accommodement  en  usage  entre  planteur  et 
bailleur  de  fonds;  les  deux  parties  s’entendent  pour 
cultiver  le  tabac  sur  un  terrain  qu'elles  louent  à un 
tiers.  Pour  les  dépenses  de  culture,  elles  fixent  une 
certaine  somme  ( soit  200  à 350  roubles  environ  par 
déciatine  ) que  débourse  le  capitaliste  et  qui  lui 
sera  restituée  sur  le  prix  de  la  future  récolte.  Après 
vente  faite  du  tabac,  le  surplus  de  l’argent  retiré,  excé- 
dant le  montant  de  l’avance  consentie,  et  déduction 
faite  des  dépenses,  est  partagé  par  moitié  entre  le  prê- 
teur et  le  cultivateur.  En  Turquie,  les  bailleurs  de 
fonds  qui  interviennent  dans  ce  genre  d’affaires  sont 
exclusivement  traficants  de  tabac;  au  Transcaucase, 
au  contraire,  ce  sont  des  personnes  de  tout  état, 
mais  riches,  et  ne  faisant  de  contrats  avec  les  plan- 
teurs* que  par  pur  intérêt  et  en  vue  de  toucher  de 
gros  bénéfices. 

Plus  que  toutes  les  autres  branches  de  l’économie 
rurale,  la  culture  du  tabac  est  exposée  à une  foule  de 
hasards  et  d’éventualités;  aussi,  au  Transcaucase,  est- 
elle  considérée  comme  une  entreprise  risquée.  Jamais, 
même  dans  le  cas  d’une  bonne  récolte,  elle  ne  rému- 
nère suffisamment  le  planteur,  car  si  la  production 
dépasse  les  besoins  et  la  demande,  ou  bien  c’est  l’abon- 
dance qui  oblige  à baisser  les  prix,  ou  bien  c’est  l’excé- 
dent qui  ne  trouve  pas  de  débit  et  reste  pour  compte  au 
cultivateur.  Le  prix  de'  vente  des  espèces  médiocres 
de  tabac  du  pays  est  de  4 à 9 roubles  le  poud,  selon 
les  offres  et  les  demandes;  les  frais  de  culture  varient 
de  3 à 6 roubles  le  poud,  selon  les  saisons  et  les  diffé- 
rentes phases  delà  récolte. 

Sous  l’influence  de  mille  circonstances,  de  l’absence 
d’entente  solide  entre  le  capitaliste,  le  travailleur  et  le 
propriétaire  foncier,  la  culture  du  tabac  au  Transcau- 
case subit  d’années  en  années  des  vicissitudes  et  des 
écarts  considérables  au  point  de  vue  de  la  quantité  et 
de  l’étendue  des  terres  ensemencées.  La  récolte,  qui 
dans  le  district  de  Signak  et  dans  l’arrondissement  de 
Zakatal  ne  dépassait  jamais  autrefois  50,000  pouds. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


175 


s’est  élevée  en  1886,  à cause  de  la  hausse  des  prix  de 
1885,  jusqu’à  100,000  pouds.  Aussi,  sans  compter  la 
production  de  cette  même  année,  du  gouvernement  de 
Koutaïs  et  celle  des  arrondissements  de  Soukhoum  et 
d’Artvine  qui  ont  été  abondantes,  cette  récolte  dépas- 
sant près  de  moitié  les  besoins  locaux,  les  tabacs  de 
1886  sont  tombés  au  prix  incroyable  de  2 à 4 roubles  le 
poud,  et  une  grande  partie  reste  encore  aujourd’hui 
non  vendue. 

Le  tabac  du  Caucase  ne  supporte  pas  un  transport 
lointain  et  doit  rester  longtemps  en  magasin  ; cela  ne 
dépend  pas  toujours  de  sa  nature,  mais  provient  surtout 
de  ce  que,  après  la  récolte,  on  ne  le  laisse  pas  fermenter 
et  l’on  ne  sait  ni  l’assortir  ni  l’emballer  convenablement. 

Les  tarifs  protecteurs,  l’abondance  de  la  production 
et  la  facilité  des  débouchés  pendant  les  premières 
années,  ont  empêché  jusqu’ici  de  réaliser  les  amélio- 
rations et  de  chercher  les  débouchés  qui  seuls  pourront 
assurer  à la  culture  du  tabac  au  Transcaucase  un 
écoulement  certain  et  un  prix  rémunérateur  qui  mettront 
fin  à la  crise  qu’elle  traverse  actuellement1. 

Cotonnier.  — La  culture  du  cotonnier  était  jadis 
florissante  au  Transcaucase  ; partout  où  le  climat  le 
permettait,  elle  était  une  des  nécessités  domestiques. 
En  effet,  chaque  paysan  s’habillait  avec  les  tissus  et 
les  toiles  fabriqués  à la  maison  par  sa  femme  et  ses 
filles.  L’art  de  l’impression  et  de  la  teinture  était  même 
assez  avancé.  Mais  quand  les  cotonnades,  les  indiennes, 
les  cretonnes  européennes  importées  firent  leur  appa- 
rition au  Caucase, '"leurs  prix  modiques,  leurs  nuances 
heureuses,  leur  bonne  qualité  les  firent  préférer.  Dès 
lors  la  culture  du  cotonnier,  qui  exige  beaucoup  de 
soins,  qui  est  longue,  pénible  et  moins  productive  que 
celle  du  maïs,  de.  la  vigne  et  que  l’élevage  des  vers  à 
soie,  fut  dépréciée  et  délaissée.  L’absence  de  voies  de 
communication  rendait,  du  reste,  difficile  l’exportation 
du  coton  brut  ; aussi  Ton  vit  la  production  totale  du 
Transcaucase  tomber  à 40,000  pouds  dont30,000  étaient 
fournis  par  un  seul  gouvernement,  celui  d’Erivan.  La 

1.  D'après  le  rapport  de  M.  Enfiadjiantz  à la  Société  d’agri- 
culture du  Caucase. 


176 


GUIDE  AU  CAUCASE 


guerre  d’Amérique  développa  subitement  et  rapidement, 
dans  de  grandes  proportions,  culture  et  rendement. 
En  1859  et  1860  le  poud  de  coton,  au  Caucase,  se  ven- 
dait de  3 à 5 roubles  50  kopeks,  tandis  qu’à  Liverpool 
il  valait  de  18  à 20  roubles.  Mais  personne  n’osait  se 
risquer  à acheter  le  coton  caucasien  et  à l’exporter  en 
Europe.  Le  gouvernement  russe  intervint  et  commu- 
niqua aux  intéressés  les  rapports  encourageants  des 
consuls  accrédités  en  France,  Angleterre  et  Turquie. 
Un  indigène  entreprenant  expédia,  en  1862,  à Constan- 
tinople un  premier  chargement  qui  fut  vendu  avec  gros 
bénéfice.  Son  exemple  fut  aussitôt  imité.  De  4 roubles, 
le'  prix  du  poud  monta  en  quelques  mois  à 10,  12, 
17  1/2,  18,  19  1/2  et  même  20  roubles,  à Tiflis.  Le 
gouvernement  d’Erivan  qui,  en  1861,  n’exportait  que 

30.000  pouds,  produisit,  en  1862,  plus  de  60,000  pouds; 
et  en  1863,  plus  de  150,000  p.  En  trois  ans,  la  culture 
avait  donc  quintuplé.  Dans  le  gouvernement  de  Koutaïs 
aussi,  les  plantations  avaient  augmenté.  Au  lieu  de 

3.000  pouds  à 4 ou  5 roubles  qu’on  récoltait  autrefois, 
on  vendit,  en  1863,  plus  de  10,000  pouds  au  prix  de 
20  roubles.  Au  gouvernement  d’Erivan,  c’est  principa- 
lement dans  la  vallée  de  l’Araxe  et  dans  les  défilés 
élevés  que  se  cultive  le  cotonnier.  D’après  les  sta- 
tistiques officielles,  on  a récolté  dans  cette  région  : 

En  1876  132.810  pouds. 

- 1877  149.084  — 

Quant  aux  gouvernements  d’Elisabethpol  et  de 
Koutaïs,  les  chiffres  exacts  manquent.  Quoique  le  sol 
et  le  climat  y soient  favorables,  et  que  cette  culture  s’y 
développe  d’année  en  année,  on  n’y  rencontre  pas  de 
plantations  ayant  plus  d’un  quart  ou  d’un  demi-arpent. 

D’après  les  statistiques,  le  Transcaucase  a exporté  : 


En  1862  pour 

21.034  roubles  de  coton. 

— 1863  — 

263.680 

— 1865  — 

680.673 

— 1867  — 

526.555 

— 1868  — 

1.402.200 

- 1869  — 

1.127.842  — 

— 1870  — 

307-081  — 

— 1871  — 

237.149  — 

— 1872  — 

368.469  — 

GUIDE  AU  CAUCASE 


177 


Dans  les  années  ci-dessous  le  Transcaucase  n’a  pas 
exporté;  au  contraire,  il  a importé  de  Perse  et  de 
Turquie: 


En  1864  pour 
— 1866  — 
—1873  — 

— 1874  — 

— 1875  — 

— 1876  — 


842.356  roubles  de  coton. 
19.269  — 

444.406  — 

909.514  — 

945.485  — 

599.720  — 


En  somme,  au  Transcaucase,  la  culture  du  cotonnier 
est  minime  et  très  fractionnée  parmi  les  habitants . 
L’égrainage  s’opère  d’une  façon  rudimentaire,  avec  un 
instrument  composé  de  deux  bâtons  cylindriques  pa- 
rallèles, posés  l’un  sur  l’autre  et  supportés  par  deux 
pieds  d’un  mètre  de  haut.  Deux  femmes  assises,  mettant 
en  mouvement  une  manivelle,  font  tourner  en  sens 
contraire  les  deux  cylindres  entre  lesquels  le  coton  est 
saisi  et  entraîné.  Les  graines  tombent  en  dehors. 

Le  rendement  d’une  déciatine  n’est  que  de  15  à 
20  pouds  en  moyenne,  tandis  qu  elle  devrait  donner  un 
tiers  de  plus  au  moins,  si  la  plante  était  mieux  cultivée. 

Le  prince  Vorontzofï  avait  fait  venir  d’Egypte  des 
graines  qui  ont  été  distribuées  en  Mingrélie,  mais  qui 
n’ont  pas  donné  de  très  bons  résultats.  On  tente,  depuis 
quelques  années,  d’introduire  et  de  semer  des  graines 
d’Amérique  destinées  à remplacer  peu  à peu  le  coton 
caucasien  qui  est  blanc,  assez  soyeux,  mais  dont  le 
brin  est  court  et  peu  résistant. 

Les  semailles  de  coton  américain  faites  dans  le  gou- 
vernement d’Erivan  sont  attaquées  par  la  maladie  de 
la  rouille  à laquelle  l’espèce  indigène  nommée  karakoza 
n’est  pas  sujette.  A Karaïas,  près  Tiflis,  les  plantations 
ont  un  autre  ennemi,  la  chenille  du  papillon  Heliothis 
armiger  Hub.1. 

Ramie.  — Deux  espèces,  Vutilis  et  la  nivea , furent 
importées  pour  la  première  fois  de  France  au  Caucase 
en  1862.  L ’utilis  périt,  mais  la  nivea  au  contraire  a 
réussi,  malgré  tous  les  changements  de  température. 


1.  D’après  les  notes  de  M.  Chavrofï. 


12 


178 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Les  essais  faitsen  Kakhéthie,  Iméréthie,Gourie, Géorgie 
et  Mingrélie  sontconcluants  ; la  plante  s’y  développerait 
avec  vigueur,  et  au  bout  de  quatre  ans  on  pourrait  faire 
trois  coupes  ou  récoltes  annuelles. 

Garance.  — C’est  depuis  1873  et  la  découverte  de 
l’alizarine  par  MM.  Grâbe  et  Lieberman,  que  la  culture 
de  la  garance  au  Caucase  est  complètement  déchue. 
Cette  plante,  classée  parmi  les  agents  tinctoriaux  les 
plus  importants,  jouait  un  grand  rôle  comme  produit 
d’exportation  (20.000  pouds  par  an),  coûtait  cher  (6  r. 
en  moyenne  le  poud)  et  offrait  de  gros  bénéfices  aux 
cultivateurs;  elle  a été  détrônée  par  un  agent  artificiel 
et  chimique  qui  a presque  toutes  les  qualités  de  la 
garance  et  coûte  beaucoup  meilleur  marché.  Dans  l’ar- 
rondissement de  Kouba  et  au  Daghestan  méridional, 
plusieurs  milliers  d’arpents  restent  depuis  dix  ans 
abandonnés  et  improductifs,  et  sans  qu’on  ait  retiré  les 
plants  qu’ils  portent.  C’est  une  perte  évaluée  à dix  mil- 
lions de  roubles  U 

Apiculture.  — On  a calomnié  un  peu  le  miel  du 
Caucase.  On  a dit  et  écrit  que  fait  avec  les  sucs  de 
certaines  fleurs  il  causait  l’ivresse  et  même  était  véné- 
neux pour  l’homme.  Toute  part  faite  à l’exagération,  il 
faut  avouer  que  les  indigènes  évitent  de  manger  le  miel 
de  juin,  époque  de  la  floraison  des  azalées,  mais  on  ne 
peut  citer  un  seul  cas  d’empoisonnement.  Dans  les 
vallées  de  l’Ingour,  duTékour,  de  la  Tskhénis-tskhali, 
l’éducation  des  abeilles  est  l’occupation  principale  des 
habitants.  Les  ruches  sont  faites  avec  deux  longs  cy- 
lindres creux,  posés  sur  deux  pieds,  fendus  dans  le 
sens  de  la  longueur  et  superposés.  Sur  le  bord  de  la 
fente  qui  les  sépare  on  a pratiqué  de  petits  trous  pour 
l’entrée  et  la  sortie  des  mouches  qui  vont  butiner  dans 
les  bois,  sur  les  coteaux  et  dans  les  vallons  émaillés 
de  plantes  odoriférantes.  Une  fois  par  an,  au  mois  de 
janvier  ou  d’août,  on  recueille  le  miel;  pour  éviter  les 
piqûres  on  a soin  d’allumer  près  des  ruches  du  fumier 
sec  dont  la  fumée  étourdit  les  abeilles.  Le  miel  de 
Tchouria  en  Mingrélie  est  blanc  et  d’un  goût  exquis. 

1.  D’après  les  notes  de  M.  Chavrofï. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


179 


Le  pond  vaut  de  4 à 5 r.  La  cire  du  miel  suffit  à la 
fabrication  des  cierges  des  églises  du  pays. 

Sériciculture.  — De  1850  à 1863  le  Caucase 
produisait  chaque  année  de  550,000  à 600,000  pouds 
(le  poud  équivaut  à 16  kilos  380  gr.  ) de  cocons  frais, 
avec  lesquels  on  obtenait  environ  30,000  p de  soie 
grège  asiatique.  Depuis  1864  la  récolte  a successi- 
vement diminué.  En  1886  elle  est  supposée  n’avoir  été 
que  de  150,000  p.  de  cocons  frais,  dont  le  rendement  en 
soie  grège  pourrait  se  chiffrer  par  5,600  p.  seulement, 
défalcation  faite  des  déchets  de  cocons. 

Sans  parier  de  la  maladie  la  flàcherie  qui  a causé  de 
grands  ravages  dans  les  magnaneries  indigènes,  la 
cause  principale  de  l’état  peu  florissant  d’une  des  plus 
importantes  branches  des  industries  du  Transcaucase 
provient  de  ce  que  les  paysans  ne  veulent  pas  limiter 
la  quantité  de  graines  à élever  aux  ressources  et  aux 
moyens  dont  ils  disposent,  mais  s’entêtent  à faire  des 
éducations  au-dessus  de  leurs  forces.  Les  cocons, 
bourres  de  soie  et  une  certaine  quantité  de  grèges,  sont 
exportés  à Moscou  et  à l’étranger.  La  France  reçoit 
surtout  des  bourres  de  soies  grèges  et  ouvrées.  Les 
cocons  sont  envoyés  à Milan. 

PRODUCTION  ET  PRODUITS 

Vins.  — Laines.  — Poils  de  chèvres  et  de  chameaux.  — 
Réglisse.  — Saragane  et  Soumak.  — Pyrèthre. 

Vins.  — Le  Caucase  et  le  Transcaucase  présentent 
une  grande  variété  de  climats  et  de  sols,  variété  dont 
se  ressent  naturellement  la  qualité  des  différents  pro- 
duits de  l’économie  rurale,  et  entre  autres  celle  du  vin. 
Quoique  la  vinification  existe  depuis  bien  longtemps, 
il  n’y  a que  quinze  ou  vingt  ans  que  cette  branche  de 
l’agriculture  a commencé  à se  développer  et  à se  per- 
fectionner, et  encore  est-elle  loin  d’atteindre  le  déve- 
loppement qu’on  serait  en  droit  d’attendre,  étant  données 
les  conditions  si  favorables  du  climat,  l’excellence  du 
terroir  et  les  importantes  demandes  de  vins  que  fait  la 
Russie  et  auxquelles  il  faut  répondre. 

Le  Caucase  septentrional  a trois  rayons  vinicoles. 


180 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Les  vins  qu’on  y récolte,  connus  sous  le  nom  de  thikhir , 
se  débitent  dans  les  provinces  de  la  Russie  du  N.,  où 
on  les  emploie  principalement  comme  coupages  dans 
les  falsifications.  11  y a cependant  dans  cette  région 
quelques  vignerons  qui  procèdent  régulièrement  et  ont 
de  très  bons  vins.  Sur  la  côte  orientale  de  la  mer  Noire, 
le  domaine  de  la  Couronne,  « Abraou  »,  produit  des 
vins  remarquables  qui  sont  consommés  à la  Cour  de 
Russie  et  vendus  à Saint-Pétersbourg.  La  partie  méri- 
dionale de  la  côte  E.  de  la  mer  Noire  se  termine  au 
gouvernement  de  Koutaïs,  où  la  culture  de  la  vigne  et 
la  production  sont,  en  certains  endroits,  assez  dévelop- 
pées. Le  rayon  vinicole  de  Koutaïs,  qui  occupe  le  bas- 
sin du  Rion,  fournit,  en  général,  des  crus  assez  variés, 
qui  offrent  le  type  d’un  petit  vin  ordinaire  et  assez 
faible.  En  Mingrélie  et  au  Letchkhoum,  Yisabella, 
vigne  de  Crimée,  donne  un  vin  chargé  d’un  bouquet 
assez  agréable  (crus  d’Odjaleschi,  de  Salkhino). 

Au  delà  du  col  de  Souram,  les  conditions  climatolo- 
giques sont  tout  autres,  et  par  conséquent  les  vins  y 
diffèrent  beaucoup  de  ceux  de  Koutaïs.  Ce  sont  d’abord 
ceux  du  district  de  Gori,  parmi  lesquels  le  meilleur  est 
sans  contredit  le  vin  d’Athéni.  Ce  sont  des  vins  blancs 
et  rouges,  assez  mousseux,  et  qui  pourraient  facilement 
servir  à préparer  un  champagne  excellent.  Le  vin  de 
Douchet,  dans  le  district  voisin,  jouit  d’une  réputation 
méritée.  C’est  dans  les  environs  que  s’étagent  les  remar- 
quables vignobles  du  prince  Bagration  Moukhransky. 
Le  mode  de  traitement  des  vins  y est  français.  On  y 
récolte  des  vins  blancs  et  rouges  qui  se  distinguent  par 
quelques  qualités  supérieures.  A l’Exposition  de  Mos- 
cou, en  1882,  ils  ont  reçu  la  première  médaille. 

Aux  alentours  de  Tifiis,  la  culture  de  la  vigne  est 
peu  développée;  mais,  en  revanche,  un  peu  plus  loin, 
s’étend  le  rayon  de  vinification  le  plus  fameux,  la  Ka- 
khéthie,  qui  embrasse  les  districts  de  Thélaff,  de  Sig- 
nak  et  une  partie  du  district  de  Tioneth.  Cette  région, 
depuis  des  siècles,  produit  des  vins  blancs  et  rouges  de 
qualités  et  de  sortes  très  différentes.  Les  quartiers  les 
plus  renommés  sont  ceux  de  Kvaréli,  Kardanak,  Tsi- 
nandal,  etc.  Le  vigneron  et  producteur  le  plus  connu 


GUIDE  AU  CAUCASE 


181 


de  Kakhéthie  est  le  prince  Djordjadzé.  11  a créé  un 
grand  entrepôt  qui  alimente  Tiflis  et  beaucoup  de  villes 
de  la  Russie;  il  commence  à exporter  à l’étranger.  11  y 
a peu  de  temps,  l’administration  des  domaines  a fait 
l’acquisition  d’une  vaste  propriété,  Tsinandal,  ainsi 
que  des  villages  environnants.  On  y a agrandi  les  vi- 
gnobles et  l’on  y organise  de  vastes  caves  pour  y 
traiter  les  vins.  Le  comte  Chérémétieff,  à Kardanak, 
est  un  des  grands  viticulteurs  de  la  contrée. 

On  laisse  fermenter  les  vins  de  Kakhéthie  en  pré- 
sence des  pelures,  etc.;  ce  qui  leur  donne  une  âpreté 
que  les  vignerons  d’Europe  n’admettent  jamais.  La 
réputation  dont  jouissent  les  vins  de  Kakhéthie  a pro- 
voqué une  foule  de  falsifications  à Tiflis.  Partout  on 
lit  sur  les  devantures  des  magasins,  partout  on  n’offre 
que  ((  vins  de  Kakhéthie»,  tandis  qu’en  réalité,  sous 
cette  dénomination,  se  débitent  les  vins  d’Iméréthie, 
d’Elisabethpol  ou  autres,  mélangés,  délayés  d’eau-de- 
vie,  d’eau,  avec  différentes  substances  colorantes. 

Si  le  rayon  contigu  à la  Kathéthie  n’est  pas  très  riche 
en  vins,  cependant  ceux  de  Noukha  et  surtout  ceux  de 
Matracin  ont  de  la  valeur;  ce  sont  de  bons  vins  légers. 
Au  bord  de  la  mer  Caspienne  s’étend  le  district  de 
Derbent.  On  y récolte  de  bons  vins  qui  sont  assez  forts. 
En  Russie,  on  trouve  une  grande  quantité  de  « crus  de 
Derbent»,  mais  ce  sont  pourla  plupart  des  falsifications. 

Passons  au  rayon  qui  promet  de  devenir  le  pour- 
voyeur de  vins  forts  et  de  vins  de  dessert;  c’est  la 
région  qui  s’étend  du  S.  de  la  Koura  et  comprend  le 
gouvernement  d’Erivan  et  une  partie  de  celui  d'Elisa- 
bethpol.  Dans  ce  dernier  district,  les  colonies  allemandes 
produisent  de  très  bons  vins  de  table  et  même  quelques 
vins  fins.  Dans  la  partie  S. -O.,  la  récolte  est  faible;  le 
raisin  y sert  principalement  à la  distillation  de  l’eau- 
de-vie.  Mais  aux  environs  de  Choucha,  on  fait  un  vin 
qui  peut  être  compté  au  nombre  des  bons  vins  de  table. 
Le  raisin  de  la  partie  méridionale  du  gouvernement 
d’Elisabethpol  est  riche  en  sucre  et  peut  servir  à obtenir 
des  vins  forts  et  de  dessert. 

Dans  le  gouvernement  d’Erivan,  on  distingue  les 
crus  des  districts  d’Erivan  et  d’Edchmiadzine  et  les 


182 


GUIDE  AU  CAUCASE 


crus  plus  faibles  du  district  de  Nakitchevan.  La  prépa- 
ration de  ces  derniers  laisse  à désirer,  mais  le  raisin 
est  excellent.  Quand  ils  sont  quelque  peu  buvables,  ces 
vins  ont  un  goût  agréable  et  un  parfum  de  noisette. 
Tels  sont,  en  abrégé,  les  principaux  vins  plus  ou 
moins  remarquables  et  les  principales  régions  vinicoles 
du  Caucase. 

Les  défauts  de  la  vinification  indigène  sont  : Ceps 
mal  soignés;  préparation  des  vins  mauvaise;  traitement 
primitif;  pas  de  types  déterminés;  enfin,  caves  bien 
organisées  manquant  presque  partout  dans  le  pays1. 

Laines.  — Le  Caucase  produit  annuellement  en 
moyenne  200,000  pouds  de  laines  expédiées  à Marseille, 
Dunkerque,  Londres,  etc.,  que  l’on  peut  classer  en 
4 catégories  : 1°  Laines  fines  (6  à 7,000  p.),  envoyées 
à Moscou,  trop  courtes  pour  être  peignées  et  bonnes 
seulement  pour  la  carde.  Prix  moyen  : 6 r.  50  k.  le 
poud,  à Tiflis.  2°  Laines  des  Touches , Pshaves , Tou- 
chines , de  Touanèthi , Bouchet , Gori,  Kizik . Les 
secondes  tontes  sont  assez  propres,  assez  fines  et  peu 
piquées;  elles  n’ont,  comme  mélanges,  que  5 % de 
gris  et  noir.  Prix  : de  6 à 7 r.  50  le  poud.  Les  laines 
de  Gori,  lavées  en  rivière,  valent  de  8 à 9 r.  50. 
3°  Laines  Tarahamas,  en  général  très  sales,  donnent 
à peine  30  % de  blanc  piqué,  le  reste  est  noir  et  gros- 
sier. Prix  : 4 r.  Les  premières  tontes  seules  se  vendent. 
4°  Laines  intermédiaires , plus  ou  moins  blanches, 
ayant  moins  de  gris  et  les  blancs  moins  piqués  que  les 
Tarahamas . On  paj^e  souvent  les  Balmas  le  même 
prix  que  celles  de  Nouhha , quoiqu’elles  aient  20  à 
25  % de  gris  et  que  les  premières  tontes  ne  soient  pas 
bonnes.  Les  laines  de  Nouhha , de  Kahh , valent  de  5 
à 6 r.  le  poud;  les  Dèmour  6,  les  Eldar  4,  selon  que 
l’hiver  a été  plus  ou  moins  rigoureux,  et  selon  les  fluc- 
tuations du  marché.  Celles  d ’ Elisabethpol  (15,000  p.), 
qui  sont  sales  et  ne  donnent  que  40  % de  blanc  piqué, 
valent  à peu  près  le  prix  des  Tarahamas . Enfin,  celles 
de  Chahchévan  (5  à 6,000  p.)  donnent  60  % de  blanc; 
le  reste  est  gris  clair  et  noir. 

1.  D’après  les  notes  de  M.  Chavroff. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


183 


Poils  de  chèvres  et  de  chameaux.  — On  sait 
que  dans  les  poils  de  chèvres  il  y a deux  qualités  : 
l’une,  le  poil  proprement  dit;  l’autre,  le  duvet  ( poukh ). 
La  chèvre  du  Caucase  a le  poil  très  gros  et  le  duvet 
grossier  et  peu  blanc.  Le  poil,  qui  se  vend  4 r.  le 
poud,  ne  sert  qu’à  faire  des  tamis;  le  duvet,  qui  vaut 
6 roubles  et  est  gris  noir  et  sale,  ne  convient  pas  pour 
l’exportation;  il  se  vend  à Moscou,  où  les  fabricants 
1’emploient  pour  le  mélanger  avec  la  laine.  Le  véritable 
poil  de  chèvre  vient  de  Boukhara,  Khiva,  etc.  Il  est 
expédié  à Nijni-Novgorod  ; là,  il  est  acheté  par  des 
Tartares  qui  l’envoient  à Kassimofï  pour  le  nettoyer  et 
l’assortir1,  puis  il  est  réexpédié  à Moscou.  Le  duvet 
[poukh],  se  vend  alors  25  à 30  r.  le  poud  de  blanc; 
20  à 25  r.  le  poud  de  gris,  et  le  poil  4 r.  C’est  avec  ce 
poukh  que  les  fabriques  françaises  font  le  cachemire. 

Les  poils  de  chameaux  sont,  comme  ceux  de  chèvres, 
grossiers,  et  n’ont  que  peu  de  duvet  (taïlok).  Quoique 
les  indigènes  sachent  cependant  en  fabriquer  des  étoffes 
unies,  très  souples,  excellentes  et  d’une  jolie  nuance, 
les  poils  de  Perse  ne  valent  pas  mieux  que  ceux  du 
Caucase. 

Les  véritables  poils  de  chameaux  viennent  de  l’Asie- 
Centrale;  60,000  pouds  environ,  expédiés  à Nijni- 
Novgorod,  sont  achetés  surtout  par  l’Angleterre  et 
l’Amérique.  A Elbeuf,  en  France,  un  fabricant  de 
draps  en  utilise  une  petite  partie.  A Bélostok,  en  Po- 
logne, on  assortit  les  nuances  et  on  en  fait  un  débit 
assez  considérable2. 

Réglisse.  — La  réglisse,  qui  pousse  à l’état  naturel 
au  Caucase,  abonde  surtout  dans  les  gouvernements 
dhElisabethpol  et,  de  Bakou,  à droite  et  à gauche  du 
chemin  de  fer,  dans  les  champs  de  la  vallée  de  la  Koura. 
L’exportation  de  cette  plante  à l’état  brut,  en  balles 
pressées  hydrauliquement,  est  de  date  récente  (1886). 

Les  racines  s’achètent  sur  place,  à l’état  frais,  de  10 
à 25  k.  le  poud.  Après  triage  et  séchage,  elles  perdent 

1.  Le  nettoyage  et  rassortiment  des  poils  de  chèvres  sont 
fort  longs  et  fort  difficiles  ; les  femmes  tartares  n’arrivent  à 
trier  qu’un  quart  de  livre  par  jour,  en  moyenne. 

2.  D’après  les  notes  de  M.  Chavroff. 


184 


GUIDE  AU  CAUCASE 


50  °/°,  et  reviennent  à Batoum,  tous  frais  compris,  â 
environ  80  k.  ou  1 r.  le  poud.  Tandis  que  la  réglisse 
de  Smyrne  se  vend  en  Europe  de  30  à 45  fr.,  celle  du 
Caucase,  peu  appréciée  à cause  de  son  mauvais  assor- 
timent et  de  son  goût  un  peu  âpre,  ne  se  paye  que 
15  à 35  fr.  les  100  kilos. 

Saragane  et  Soumak.  — Au  Transcaucase  orien- 
tal, on  emploie,  pour  le  tannage,  les  feuilles  et  les 
jeunes  bourgeons  de  deux  espèces  d’arbustes  : le  sara- 
gane et  le  soumak  ( Rhus  cotinus  et  coriaria).  Ces 
deux  plantes,  très  répandues,  croissent  sur  les  pentes 
rocailleuses  et  quelquefois  dans  les  plaines.  On  utilise 
principalement  les  feuilles  du  saragane  qui  abonde  dans 
l’arrondissement  de  Noukha  et  le  gouvernement  d’Eli- 
sabethpol,  sur  les  domaines  de  la  Couronne,  et  où  la 
récolte  de  feuilles  est  soumise  à un  impôt  de  10  k. 
par  poud.  Comme  l’Etat  reçoit  5,000  r.,  il  en  résulte 
que  la  récolte  s’élève  annuellement  à 50,000  pouds. 
Une  certaine  quantité  de  ces  feuilles  est  utilisée  sur 
place  à Noukha,  où  sont  installées  quelques  tanneries; 
mais  la  plus  grande  partie  est  expédiée  dans  divers 
endroits  du  pays  et  à Tiflis. 

C’est  moins  pour  le  tannage  que  pour  la  teinture 
qu’on  emploie  surtout  le  soumak.  Cependant,  l’exploi- 
tation de  cet  arbuste  est  fort  minime  et,  sous  ce  rapport, 
le  Transcaucase  diffère  complètement  de  l'Europe  mé- 
ridionale, où  le  soumak  et  son  utilisation  représentent 
une  branche  assez  importante  de  l’industrie  nationale. 

Pyrèthre.  — Parmi  les  articles  d’exportation  du 
Caucase  et  que  peu  de  contrées,  excepté  la  Dalmatie, 
produisent,  il  faut  ciler  le  pyrèthre  (Pyrethrum 
roseum ),  dont  les  fleurs  servent  à fabriquer  la  poudre 
que  les  commerçants  vendent  sous  le  nom  de  « poudre 
insecticide»,  «poudre  persane».  Production  : 175  à 
200,000  kilos;  prix  : 3,  7,  15,  16  r.,  selon  les  années. 

INDUSTRIE 

En  1887,  il  y avait  au  Caucase  15,549  usines  ou 
fabriques  occupant  plus  de  50,000  ouvriers,  et  ayant 
produit  45,449,549  r.  de  denrées  diverses  ; pétrole. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


185 


produits  du  naphte,  alcools,  cuirs,  savons,  bougies, 
soie,  minéraux,  métaux,  ciment,  huiles  de  graines, 
tabac,  etc. 

Naphte.  — Pendant  des  siècles,  le  Caucase  a dormi 
sur  ses  légendes  et  ses  richesses  naturelles.  Les  incom- 
parables sources  naphtifères  de  la  presqu’île  d’Apché- 
ron,  connues  dès  l’antiquité,  restaient  même  impro- 
ductives. C’est  cependant  par  les  « feux  sacrés  » de 
Sourakhani,  que  le  réveil  économique  de  cette  contrée 
s’est  produit;  ces  riches  gisements  ont  attiré  l’attention 
des  industriels  qui,  depuis  une  vingtaine  d’années  en 
ont  commencé  l'exploitation  ; c’est  presque  la  seule 
qui  jusqu’à  présent  ait  donné  des  résultats  importants. 
Les  naphies  de  Bakou  et  du  Kouban  ne  forment  cepen- 
dant qu’une  faible  partie  des  richesses  exploitables  du 
sol  et  sous-sol  du  Caucase1. 

En  1872,  le  gouvernement  russe,  abolissant  le  mo- 
nopole, décida  que  tous. les  usufruitiers,  pour  47  ans, 
d’un  terrain  naphtifère,  auraient  désormais  le  droit 
d’exploitation,  à leurs  risques  et  périls,  et  comme  ils 
l’entendraient.  Pour  apprécier  à sa  valeur  cette  mesure, 
il  est  nécessaire  de  donner  un  court  aperçu  de  ce 
qu’étaient,  au  début,  les  affaires  du  naphte  à Bakou. 

Cette  industrie,  dont  le  monopole  avait  été  donné  à 
M.  Mirzoëff,  commerçant  de Tiflis,  n’était  à cette  époque 
qu’en  germe  et  réduite  à la  simplicité  la  plus  primi- 
tive. On  se  contentait  d’approfondir  à la  bêche  les  fis- 
sures et  issues  naturelles  de  façon  à former  des  bassins 
et  des  puits.  Naphte  et  pétrole  étaient  fort  chers; 
M.  Mirzoëff  faisant  à son  gré  la  hausse  ou  la  baisse, 
le  pond  de  naphte  brut  valait  60  k.,  et  M.  Kokoreff 
qui  avait  installé  une  raffinerie  à Sourakhané,  obligé 
de  faire  ses  transports  par  chevaux  et  tonneaux, 
vendait  à Bakou  l’huile  raffinée  3 r.  50  k.  Le  monopole 
aboli,  on  commença  à vendre  aux  enchères  le  droit  de 
fermage  des  lots  de  terrains  naphtifères,  et  c’est  seule- 
ment à dater  de  1873,  que  l’industrie  indigène  put  se 
développer.  La  concurrence  libre  força  à chercher  les 
meilleurs  modes  d’exploitation  et  de  raffinage.  L’argent 


1.  D’après  Y.  Thiébaut. 


186 


GUIDE  AU  CAUCASE 


engagé  exigeait  aussi  une  méthode  qui  permît  l’amor- 
tissement du  capital.  Le  creusement  des  puits  fut  rem- 
placé par  le  forage  mécanique;  au  lieu  de  recueillir  le 
naphte  à l’aide  d’un  seau  et  d’une  corde  que  des  .che- 
vaux mettaient  en  mouvement,  on  eut  des  machines  à 
vapeur.  Balakhané,  éloigné  de  la  mer,  ne  pouvait  con- 
venir pour  la  construction  des  usines  qu’on  installa 
près  de  Bakou,  en  même  temps  qu’un  réseau  de 
tuyaux  sillonnant  les  douze  verst.es  qui  séparent  cette 
ville  de  Balakhané  allait  amener  facilement  le  naphte. 
L’initiative  de  la  construction  de  la  première  raffinerie 
et  de  la  plupart  des  grandes  et  nombreuses  améliora- 
tions apportées  à cette  industrie  appartient  à la  Société 
de  MM.  Nobel  frères.  Les  environs  de  Bakou,  arides, 
sans  forêts,  ne  pouvaient  fournir  les  matériaux  néces- 
saires pour  les  tonneaux,  et  les  prix  élevés  du  bois,  des 
salaires,  majoraient  de  beaucoup  le  prix  du  pétrole.  11 
s’agissait  d’arriver  à réduire  les  frais  de  transport. 
MM.  Nobel  ont  eu  les  premiers,  l’heureuse  idée  des 
pipe-lines , du  pompage  à vapeur,  des  grands  réservoirs, 
wagons-citernes,  etc.  La  construction  du  chemin  de 
fer  transcaucasien,  en  permettant  d’éviter  le  long  dé- 
tour de  Bakou,  Tsaritzine,  etc.,  a ouvert  pour  l’expor- 
tation à l’étranger  une  voie  relativement  assez  écono- 
mique pour  le  pétrole  russe  qui,  aux  bords  delà  Médi- 
terranée, à Gênes,  Marseille,  Londres,  et  même  aux 
Indes  et  au  Japon  commence  à faire  concurrence  au 
pétrole  américain.  Le  projet,  d’un  pipe-line  entre  Ba- 
kou et  Batoum  semble  abandonné.  Quelques  verstes 
de  tuyaux  posés  par  MM.  Nobel,  entre  Michaïlofï  et 
Kwirila  rampent  le  long  de  la  voie  ferrée,  et  des 
pompes  à vapeur  font  passer  le  naphte  à travers  le  col 
de  Sou  ram. 

Les  principaux  gisements  exploités  sont  ceux  de  la 
presqu’île  d’Apchéron  et  ceux  du  Kouban.  En  1890,  la 
production  s’est  élevée  dans  la  presqu’île  d’Apchéron 
à 4 millions  de  tonnes  En  juillet  1890,  il  y avait 
637  puits  forés  ou  en  préparation,  dont  306  en  exploi- 
tation. Pendant  les  six  premiers  mois  de  1891 , on  a im- 
porté de  Bakou  500.000  t.  de  pétrole,  50.000  t,.  d’huiles 
à graisser,  1.000  t.  de  benzine  et  quantité  d’autres  dé- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


137 


rivés  du  naphte.  Les  prix  moyens  du  pétrole  étaient 
de  32  r.  la  t.  sur  wagon  à Bakou.  Le  prix  moyen  sur 
place  était  de  1 r.  90  à 2 r.  50  la  t.  ; aujourd'hui  il  a sen- 
siblement baissé.  Quant  aux  causes,  aux  circonstances 
qui  tantôt  ralentissent,  tantôt  accélèrent  l’extension  de 
cette  industrie,  elles  tiennent  à une  foule  de  raisons 
qui  ne  sauraient  trouver  place  dans  le  cadre  de  ce 
Guide.  La  description  des  forages,  fontaines  jaillis- 
santes et  applications  du  pétrole,  etc.,  sont  trop  con- 
nues pour  que  nous  reproduisions  ici  les  récits  faits 
déjà  par  divers  savants,  chimistes,  ingénieurs.  Nous 
renvoyons  le  lecteur  aux  ouvrages  de  MM.  de  Fon- 
vielle,  Fernand  Hue,  Boulangier,  Orsolle  et  au  journal 
« La  Nature  » . 

Filatures  de  soie.  — Depuis  sept  ans  l’application 
de  la  vapeur  a augmenté  sensiblement  le  nombre  des 
filatures  de  soie,  augmenté  la  production  et  amélioré 
les  procédés  techniques.  La  soie  filée  d’après  l’an- 
cienne méthode  était  grosse,  inégale,  celle  obtenue  par 
les  nouvelles  fabriques  est  beaucoup  plus  fine  et  régu- 
lière. Les  qualités  inférieures  de  soies,  filées  à la  mar 
nière  indigène,  proviennent  aussi  de  ce  qu’on  n’assortit 
pas  les  cocons  et  de  ce  qu’on  n’a  pas  le  son  d’éliminer 
les  doubles  et  déchets. 

Les  anciennes  filatures  [odjakh  mandjilikh ),  diffé- 
rent de  celles  à vapeur  en  ce  qu’on  y chauffe  chaque 
chaudière,  servant  à amollir  les  soies,  par  un  fourneau 
spécial,  en  dépensant  ainsi  plus  de  combustible 
qu’avec  un  seul  foyer  commun  ; en  ce  que  chaque  roue 
de  dévidage  est  mise  en  mouvement  par  un  mécanisme 
à part,  tandis  que  dans  les  dix  grands  établissements 
de  Noukha,  une  douzaine  de  roues  sont  actionnées  par 
le  même  essieu,  et  qu’à  Karabagh,  c’est  une  courroie 
sans  fin  qui  les  met  en  mouvement.  Seules,  les  grandes 
filatures  arrivent  à produire  de  la  soie  suffisamment 
régulière,  sans  duvet,  bouchons,  gommures,  barres 
flottantes  et  mousondées.  Elles  vendent  rarement  les 
grèges,  mais  presque  toujours  des  organsins  et  trames. 
La  notion  du  titrage  est  inconnue  aux  petits  filateurs 
villageois;  les  industriels  qui  préparent  leur  soie  pour 
Moscou,  Marseille,  et  qui  sont  obligés,  pour  ces  mar- 


188 


GUIDE  AU  CAUCASE 


chés  exigeants,  de  façonner  soigneusement  leurs  pro- 
duits, se  heurtent  au  mauvais  vouloir  des  ouvriers, 
ennemis  de  toute  innovation  et  méthode  nouvelle  de 
travail. 

La  qualité  de  la  soie  dépend  surtout  de  l'espèce  des 
cocons.  Aux  alentours  de  Noukha,  Karabagh,  la  race 
japonaise,  race  verte,  est  la  plus  répandue;  elle  diffère 
peu  de  l’espèce  française  ou  italienne  par  la  finesse  du 
fil. 

Espèce  Couche  Couche  Couche 

supérieure  du  milieu  intérieure 

Jaune  milanaise  0.030  0.040  0.025  millim. 

— française  0.025  0 035  0.024  — 

Verte  japonaise  0.030  0.040  0.020  — 

Blanche  — 0.020  0.035  0.017  — 


En  même  temps  que  le  nombre  des  filatures  a 
augmenté  à Noukha,  Karabagh,  on  a commencé  à y 
construire  des  fabriques  pour  tordre  la  soie  (6  à 
Noukha,  3 à Karabagh).  La  plupart  de  ces  maisons 
façonnent  la  soie  en  trames,  quelques-unes  seulement 
en  organsins  à causede  la  difficulté  d’en  préparer  d’assez 
bons  pour  les  fabricants  d Europe  et  cle  Moscou.  La 
plupart  des  organsins  indigènes,  employés  par  les  tis- 
serands de  Chémakha,  Karabagh,  sont  préparés  d’une 
façon  différente  de  ceux  destinés  à Lyon,  Moscou, 
qu’on  nomme  organsins  français. 

Les  fabriques  pour  tordre  la  soie  sont  de  type  français 
ou  italien  et  de  type  persan.  Le  dévidage  dans  les 
premières  donne  5 à 10  p.  °/o  de  perte;  dans  les 
secondes,  20  à 25  p.  %. 

Pour  produire  de  la  soie  en  grand,  une  fabrique  doit 
avoir  au  moins  20  bassines.  Comme  les  prix  des 
soies  de  basse  qualité,  fabriquées  dans  les  petites  fila- 
tures de  paysans,  sont  peu  élevés  (150  à 170  r.  le  p.), 
les  gros  filateurs  trouvent  plus  profitable  de  faire  de  la 
soie  de  bonne  qualité,  dont  la  vente  est  assurée  et  dont 
le  prix  est  de  250,  300,  400  r.  le  p. 

En  1887,  à Noukha  et  dans  l’arrondissement,  on 
comptait  8 filatures  à vapeur  et  quatre  filatures  à 
fourneaux.  Ces  12  fabriques  avaient  550  bassines. 
Aucune  ne  travaille  toute  l’année.  D’abord,  parce  que 


GUIDE  AU  CAUCASE 


189 


les  patrons  sont  obligés  de  choisir  leurs  ouvriers  parmi 
les  paysans  occupés,  en  été,  aux  soins  de  l’agriculture, 
et  qui  exigeraient  à cette  époque-là  un  salaire  compa- 
rativement, énorme;  et  ensuite  parce  que  les  filateurs 
n’ont  pas  souvent  de  provision  suffisante  de  cocons. 
Les  paysans,  qui  ont  quelquefois  des  cocons  à vendre, 
sachant  les  besoins  des  fabricants,  demandent  alors 
des  prix  si  exorbitants  que  ces  derniers  préfèrent  arrêter 
temporairement  le  travail. 

La  plupart  des  filateurs  ne  peuvent  pas  faire  leur 
provision  à temps,  à cause  du  manque  de  capitaux  et 
parce  qu'ils  dépendent  des  fluctuations  du  commerce 
de  la  soie.  Ils  ne  savent  pas  donner  eux-mêmes  le  ton 
à ce  commerce,  et  aux  marchés  fixer  les  prix.  Sur  les 
500  bassines  des  12  fabriques  de  Noukha,  350  seule- 
ment travaillent  toute  l’année;  elles  produisent  1,200  p. 
de  soie  bien  façonnée  vendue  400,000  r.  environ.  La 
meilleure  qualité  est  achetée  par  Lyon,  la  moyenne 
par  Moscou,  la  qualité  très  ordinaire  par  Moscou, 
Chémakha , Karabagh  , centres  de  l’industrie  du 
tissage  au  Transcaucase.  La  trame  de  Noukha  va  à 
Lyon  et  Moscou;  l’organsin  à Chémakha  et  Karabagh. 

Quoique  le  berceau  de  la  filature  ait  été  longtemps  à 
Noukha,  Karabagh  a rapidement  surpassé  cette  ville  ; 
sa  soie  est  aujourd’hui  mieux  cotée  à Moscou.  Sa 
supériorité  provient  surtout  de  l’habileté  des  doigts 
des  fileuses  arméniennes  employées  au  lieu  deTartares 
et  d’hommes  comme  à Noukha.  En  outre,  les  fabriques 
de  Karabagh,  dispersées  dans  plusieurs  villages  envi- 
ronnants, ne  sont  pas  exposées  à manquer  d’ouvriers, 
la  main-d’œuvre  y est  moins  élevée.  En  1890,  le  salaire 
qui  à Noukha  était  de  55  à 75  k.  par  jour , n’était 
à Karabagh  que  de  15  à 30  k.  L’absence  de  petits 
ateliers  y contribue  à la  prospérité  des  grands  établis- 
sements. 

En  1886,  il  y avait  à Karabagh,  13  filatures,  dont 
12  en  marche.  Elles  avaient  674  bassines,  dont  600 
(soit  deux  fois  plus  qu’à  Noukha)  étaient  occupées  et 
produisaient  annuellement  1,400  p.  de  soies  grèges. 
Dans  l’arrondissement  d’Ordoubad,  4 grandes  filatures 
à vapeur  donnent  300  p.  ; à Zakatal,  2 filatures  à vapeur 


190 


GUIDE  AU  CAUCASE 


et  2 à fourneaux  produisent  50  p.,  soit  12,000  r.  On 
comptait  en  1886  à Noukha  : 8 filatures  à vapeur  ; dans 
l’arrondissement  de  Choucha  13,  dans  celui  d’Or- 
doubad  4 ; à Zakatal  2 : total  27,  dont  deux  ne  mar- 
chaient pas,  et  8 filatures  à fourneaux.  En  résumé  : 
35  établissements  à 1,428  bassines  produisent  2,930  p. 
desoie  façonnée  représentant  une  valeur  de  811,250  r. 

Au  Transcaucase,  de  19  1/2  à 16  1/4  de  cocons  frais, 
espèce  japonaise,  on  tire  une  livre  de  grège.  Pendant 
l’assortiment  on  rejette  les  cocons  tachés,  piqués, 
doubles  ; on  les  expédie  à Marseille  parce  qu’on  ne 
sait  pas  les  utiliser  sur  place.  Les  déchets  atteignent 
au  minimum  35  à 40  p.  °/0. 

De  toutes  la  production  du  Transcaucase,  les  grandes 
filatures  reçoivent  88,900  p.  de  cocons,  dont  54,000 
servent  à façonner  la  soie,  dans  ces  mêmes  établisse- 
ments ; le  reste  est  vendu  aux  petits  filateurs  villageois 
qui  préparent  une  soie  de  qualité  inférieure,  ou  on 
l’envoie  comme  déchet  à l’étranger. 

La  production  caucasienne  pourrait  être  singuliè- 
rement améliorée  si  l’on  adoptait  l’espèce  française  ou 
italienne.  Le  poud  des  cocons  japonais  se  vend  de 
7 à 12  r.  ; un  poud  de  cocons  français  ou  italiens  16  à 
22  r.  Néanmoins  la  plupart  des  sériciculteurs  s’obs- 
tinent à élever  l’espèce  japonaise.  A Akoulis1,  on  cul- 
tive avec  succès  l’espèce  italienne  et  française  dont  on 
achète  la  graine  à Marseille. 

Jusqu’en  1880,  la  plupart  de  la  soie  était  exportée  en 
grège.  Depuis  ces  dernières  années,  le  nombre  des 
ateliers  pour  tordre  la  soie  a sensiblement  augmenté  ; 
on  en  compte  aujourd’hui  à Noukha  11,  Karabagh  6, 
Zakatal  1,  Gorkhchague  4 ; total  22,  dont  9 occupent 
des  bâtiments  spéciaux  et  13  font  partie  des  grandes 
filatures.  Ces  - fabriques  comptent  à Noukha  2,120  fu- 
seaux, Karabagh  1,368,  Zakatal  142,  Gorkhchague 
432;  total  4,062.  Le  nombre  d’ouvriers  travaillant 
dans  55  filatures  et  ateliers  à tordre  s’élève  à 1,772 
des  deux  sexes,  dont  976  femmes.  Ils  gagnent  au  total 


1.  C’est  d’ Akoulis  que  proviennent  les  meilleures  soies  du 
Caucase  ; ce  sont  celles  qui  sont  les  mieux  cotées  en  France. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


191 


148,848  r.,  c’est-à-dire  84  r.  chacun  en  moyenne. 
Ce  sont  presque  exclusivement  des  Tartares  et  des 
Arméniens  U 

Alcools  de  fruits.  — Au  Transcaucase,  la  région 
où  l’on  produit  l’alcool  de  fruits  est  généralement  dans 
les  vallées  basses,  plantées  de  jardins  et  de  vignes.  Ce 
n’est  que  dans  les  gouvernements  de  Koutaïs,  Erivan, 
Elisabethpol  que  cette  fabrication  est  dans  une  contrée 
montagneuse  et  quelques  localités  élevées.  Les  arron- 
dissements de  Choucha,  Djévanchir  occupent  le  pre- 
mier rang  comme  producteurs  ; puis  viennent  ceux 
d’Erivan,  Gori,  Elisabethpol,  Kazak,  Noukha,  Ché- 
makha,  Nakhitchévan,  Tiflis  et  autres.  La  répartition 
est  assez  différente  dans  chacun  de  ces  endroits  : dans 
le  gouvernement  de  Koutaïs,  la  production  des  villages 
est  plus  ou  moins  égale  entre  eux,  il  en  est  de  môme 
des  arrondissements  de  Tiflis  et  Bortchalo,  si  l’on 
excepte  Sagaredjo  dont  le  rendement  est  de  beaucoup 
plus  considérable  que  celui  des  bourgs  voisins.  Dans 
l’arrondissement  de  Gori,  c’est  cette  ville  qui  avec 
Khidisthavi,  Akhalkhalaki  et  Tsinkvali  ont  la  spécialité 
de  ce  produit;  dans  celui  de  Douchet,  c’est  Moukhrani 
où  se  trouve  la  distillerie  du  prince  Moukhranski;  dans 
celui  d’Akhaltzik,  peu  ou  point  de  développement; 
dans  ceux  de  Thélaff,  Signak  et  Zakatal,  production 
assez  uniforme,  dans  celui  de  Noukha,  c’est  cette 
ville  qui  est  un  centre  important,  grâce  à ses  nom- 
breuses distilleries  appartenant  aux  propriétaires  des 
jardins.  Il  en  est  ainsi  dans  l’arrondissement  d’Elisa- 
bethpol,  dans  cette  ville  et  les  villages  Karatchinar  et 
Elénendorf.  Dans  les  cercles  de  Choucha  et  de  Djé- 
vanchir, c’est  surtout  à Agdam,  située  dans  une  région 
basse,  que  la,  distillation  prospère,  parceque  les  pro- 
priétaires des  usines  y utilisent  leurs  produits  et 
achètent  le  raisin  et  les  mûres  aux  Tartares.  Citons  en- 
core les  villages  Tchartaz-Guney,  Tougue,  Kia-toukhe, 
Tagovert,  Djamiate,  Eguighende,  Talhéar,  Guéchan, 
Sari-tchouroum , Zecha , Kintékourte  et  Ispagan- 
Djouk  qui  tiennent  la  tête  comme  centres  de  production 


1.  D’après  les  notes  de  MM.  Chavroff  et  Lehéricey. 


192 


GUIDE  AU  CAUCASE 


au  Transcaucase.  Dans  l’arrondissement  de  Djébrail, 
ce  sont  les  villages  de  Gadronte  et  Takassir,  dans  celui 
de  Zanguézour  : Hanzarak,  Guérensour,  Dig,  Khoth; 
dans  celui  d’Erivan,  àErivan  etKamarlou,  la  distillation 
est  assez  développée;  dans  celui  d’Edchmiadzine, 
production  assez  égale  entre  les  villages  Àchtarak  et 
Vagarchapat;  dans  celui  de  Nakitchévan,  Chikmah- 
moud;  dans  celui  de  Chémaka,  Kourdamir  où  les 
distillateurs  achètent  le  raisin  aux  Tartares,  Matrassi, 
Gurdjivane  et  Ingare.  Dans  les  arrondissements 
d’Arech,  Gueuktchaï,  Kouba,  Lenkoran,  Bakou,  Cha- 
rouro-Dalagoz  la  production  est  minime;  au  Daghestan 
elle  est  localisée  à Derbent.  Un  nombre  considérable 
de  distilleries  est  concentré  à Nouka,  Elisabethpol. 
Erivan.  Ce  fait  peut  paraître  étrange,  car  il  semble  que 
les  usines  devraient  naturellement  s’élever  là  où  sont 
en  honneur  le  jardinage  et  la  vinification,  et  non  pas  là 
où  il  n’y  a qu’économie  domestique.  Mais  les  endroits 
cités  sont  entourés  d’une  foule  de  jardins,  de  vignobles, 
et  ces  villes  ne  ressemblent  nullement  à celles  que  l’on 
est  habitué  en  Europe  à appeler  de  ce  nom  et  à consi- 
dérer comme  telles.  De  plus,  comme  c’est  là  que  sont 
réunies  diverses  autres  branches  d’industrie,  on  est 
nécessairement  forcé  d’y  installer  aussi  les  distilleries. 
Quoique,  généralement,  la  production  de  l’alcool  de 
fruits  soit  là  où  existent  la  vinification  et  le  jardinage, 
cependant  c’est  surtout  dans  les  arrondissements  de 
Choucha,  Zanguézour,  Djévanchir,  Djébrail,  c’est-à- 
dire  dans  la  partie  S.-O.  du  gouvernement  d’Elisa- 
bethpol,  qu’elle  est  le  plus  développée.  La  population 
musulmane  s’y  occupe  principalement  du  jardinage  et 
des  vignes  ; la  partie  arménienne  de  la  population 
achète  ces  produits  agricoles  et  les  travaille.  Les  memes 
causes  qui  ont  développé  dans  cette  région  la  vinifi- 
cation, y encouragent  aussi  la  distillation  qu’alimentent, 
en  dehors  du  raisin,  tous  les  fruits  des  mûriers  qui 
croissent  là  en  abondance.  Ce  sont  les  forêts,  jardins, 
vignes  et  la  vinification  qui  fournissent  les  produits 
nécessaires  à la  fabrication  de  l’alcool  de  fruits. 

Voici  quelques  données  indiquant  les  productions, 
espèces  de  fruits  et  quantités  d’alcool  absolu  obtenues  : 


GUIDE  AU  CAUCASE 


193 


Du  raisin  Du  raisin  Des  fruits  Total, 
et  du  marc.  sec.  du  mûrier. 

1874  8.808. 190o1  491.154°  1.201.606°  10.501.010° 

1877  10.294.970°  4.202.353°  3.190  592°  17  687.915° 
1880  24.888.650°  424.341°  3.280.721°  28.503.712° 

1882  21.407.478°  2.000.593°  3.007.658°  26.415.729° 

On  le  voit,  c’est  le  raisin  et  le  marc  qui  sont  surtout 
employés,  puis  viennent  les  fruits  du  mûrier  et  les  rai- 
sins secs. 

La  fabrication  de  l’alcool  de  fruits  étant  encore  très 
peu  développée,  la  plupart  des  résidus  des  récoltes  du 
jardinage  se  perdent,  parce  qu’au  Transcaucase  les  fa- 
bricants se  préoccupent  fort  peu  de  les  utiliser;  n’ayant 
en  vue  que  commerce  et  spéculation,  iis  préfèrent  les 
produits  qui  leur  fournissent  le  plus  d’esprit-de-vin  et 
n’emploient  par  conséquent  que  raisin,  marc  et  fruits 
des  mûriers.  Au  point  de  vue  agricole,  cette  fabrica- 
tion a une  certaine  importance,  puisqu’elle  permet  de 
tirer  parti  des  résidus  de  la  vinification,  d’utiliser  ar- 
bustes et  arbres  qui,  sans  cela,  resteraient  inutiles  et 
qu’on  n’aurait  pas  cultivés  dans  les  endroits  privés  de 
bois. 

Quoique  la  fabrication  de  l’alcool  de  marc  soit  la 
plus  répandue  dans  le  pays,  cependant,  dans  quelques 
localités,  le  distillateur  est  obligé  de  rejeter  les  résidus, 
soit  parce  qu’il  n’a  pas  les  moyens  d’avoir  ses  propres 
alambics  ou  parce  qu’il  ne  peut  pas  vendre  les  résidus, 
soit  parce  qu'il  n’a  pas  de  profit  à en  extraire  l’alcool, 
ou  enfin,  parce  qu’il  ne  peut  pas  acquitter  l’accise.  On 
a généralisé  ces  faits  particuliers  et  on  les  a indiqués 
comme  exemples  de  la  mauvaise  influence  des  condi- 
tions de  l’application  de  l’impôt;  mais  la  chose  n’est 
pas  tout  à fait  exacte,  car  ordinairement  on  emploie  le 
marc  pour  la  distillation  et  les  cas  où  on  le  dédaigne 
ne  sont  pas  aussi  fréquents  qu’on  l’a  dit. 

. CUest  la  distillation  de  l’alcool  de  raisin  et  de  marc 
qui,  au  point  de  vue  de  la  production,  est  la  plus 
avancée.  On  a construit,  à cet  effet,  plusieurs  grandes 

1.  Un  degré  d’alcool  absolu  s’appelle  la  1/100  d’un  « védro  » 
d’alcool  absolu,  un  litre  équivaut  à 0.08131  d’un  « védro  ». 


13 


194 


GUIDE  AU  CAUCASE 


usines  munies  d'un  outillage  perfectionné;  les  plus 
importantes  sont  dans  les  gouvernements  d’Elisabeth- 
pol,  de  TifLis  (Princes  Moukhransky,  Djordjadzé  et 
autres),  et  à Derbent;  leur  rendement  est  fort  différent. 
Quelques-unes  donnent  jusqu’à  500,000  degrés  d’ai- 
cool;  mais,  en  général,  le  chiffre  normal  de  la  plupart 
d’entre  elles  est  de  beaucoup  inférieur,  surtout  s'il 
s’agit  des  installations  primitives  des  propriétaires  de 
jardins. 

Au  Transcaucase,  on  ne  tire  pas  parti  du  marc 
uniquement  pour  distiller  l’alcool.  Au  Daghestan,  après 
le  pressurage,  on  prépare  un  bon  vinaigre  qui  se  vend 
de  1 r.  50  k.  à 2 r.  le  seau.  En  Kakhéthie,  on  cherche  à 
extraire  le  tartre;  dans  le  gouvernement  d’Erivan  et 
quelques  villages  du  gouvernement  de  Bakou,  on  brûle 
les  résidus  pressés  en  forme  de  briquettes  qui,  une  fois 
sèches,  fournissent  un  très  bon  combustible  ; dans 
d’autres  endroits,  en  Kakhéthie,  dans  le  défilé  cle  Bol- 
niss,  on  nourrit  avec  le  marc  les  porcs  qui  le  mangent 
volontiers;  enfin,  la  cendre  des  résidus  sert  d’engrais 
pour  la  vigne. 

Voici  le  chiffre  de  la  production  d’alcool  de  fruits  : 


Années.  Nombre  d’usines  Quantité  de  degrés  Impôt  à payer, 
en  activité.  d’alcool  distillé. 


1876 

1.131 

1877 

2.839 

1878 

3.644 

1879 

2.634 

1880 

3.642 

1881 

3.104 

1882 

3.161 

1883 

3.354 

1884 

2.159 

1885 

1.877 

1886 

2.389 

10.683.523° 

17.687.915° 

25.027.157° 

20.920.893° 

28.593.712° 

24.034.141° 

26.415.729° 

23.262.352° 

17.107.346° 

16.419.480° 

21.938.574° 


156.885  r, 

298.085 

420.798 

352.434 

319.877 

273.896 

271.033 

258.470 

271.181 

429.414 

522.187 


A première  vue,  on  est  frappé  de  la  disproportion 
entre  le  nombre  des  distilleries  en  activité,  la  quantité 
d’alcool  produite  et  la  somme  de  l'impôt  à payer.  Cette 
disproportion  ne  résulte  pas  de  la  production  elle- 
même;  il  faut  plutôt  l’attribuer  à certaines  circon- 
stances extérieures  qui  ont  influé,  pendant  ces  onze 


GUIDE  AU  CAUCASE 


195 


dernières  années,  sur  cette  branche  d’industrie.  En 
effet,  c’est  durant  cette  période  qu’eut  lieu  la  réforme 
de  1876,  qu’éclata  la  guerre  de  1877-78  et  que  la  réforme 
de  1884  fut  accomplie.  Les  préparations  pour  la  guerre 
de  1876  firent  augmenter  tout  d’un  coup  la  production 
de  7 millions  de  degrés,  c’est-à-dire  de  70  %.  Plus 
considérable  encore  fut  l’influence  de  la  guerre  de 
1877-78-79,  lorsqu’on  dut  approvisionner  d’eau-de-vie 
une  nombreuse  armée.  Cet  événement  amena  une  spé- 
culation sur  les  alcools;  on  produisit  énormément  et 
l’on  distilla  non  seulement  l’alcool  des  raisins,  mais 
encore  celui  des  vins  de  basse  qualité.  Les  règlements 
de  1884  arrêtèrent  l’élan  qui  avait  été  provoqué.  La 
baisse  continue  en  1885;  mais,  en  1886,  la  production 
augmente  parce  que  les  propriétaires  d’usines,  familia- 
risés avec  les  lois  récentes  et  les  nouvelles  conditions 
de  commerce  créées  par  l’impôt,  savent  profiter  des 
occasions  favorables  et  se  ménagent  de  nouveaux  dé- 
bouchés. Voici  les  chiffres  moyens  de  cinq  années  : 


Usines  en  activité. 
Alcool  distillé. 
Impôt  payé. 

Alcool  distillé,  en  moyenne, 
par  une  usine. 


1876-80  1880-85  1886 

2.778  2.731  2.389 

20.000.000°  21.000.000°  21.000.000° 

245.700  r.  367.940  r.  561.779  r. 

7.020°  7.690°  8.837° 


On  le  voit,  la  production  de  l’alcool  de  fruits,  malgré 
toutes  les  vicissitudes  qu’elle  a subies,  a constamment 
suivi  une  marche  ascendante  et  a presque  doublé  pen- 
dant les  onze  dernières  années.  Cette  tendance  à 
accroître  la  production,  à restreindre  le  nombre  des 
distilleries  et  à augmenter  la  production  des  grandes 
usines  s’affirme  jusqu’en  ces  derniers  temps.  Quoique 
les  chiffres  cités  donnent  une  idée  suffisante  de  l’im- 
portance de  la  production  de  l’alcool  de  fruits,  il  ne 
faut  pas  oublier  qu’en  fait  on  produit  beaucoup  plus 
que  les  statistiques,  attendu  que  : 1°  l’alcool  distillé  et 
consommé  par  chaque  propriétaire  de  jardins,  et  ses 
connaissances  n’y  est  pas  compris,  et  que  2®  la  distil- 
lation prohibée  et  la  fraude  se  pratiquent  sur  une  large 
échelle  parmi  les  campagnards. 

Il  est  impossible  de  dire  à combien  se  monte  ce  sur- 


196 


GUIDE  AU  CAUCASE 


plus.  En  général,  on  admet  que  le  Transcaucase  pro- 
duit de  20  à 25  millions  de  degrés  d’alcool  de  fruits, 
ou  de  500,000  à 600,000  seaux  d’alcool  à 40  degrés, 
représentant  une  somme  de  2 à 3 millions  r.  On  ne 
saurait  prévoir  si  ces  chiffres  s’augmenteront  dans 
l’avenir.  Actuellement  la  production  semble  avoir 
atteint  tout  le  développement  qu’elle  pouvait  acquérir, 
et  ses  destinées  futures  dépendent  de  l’essor  que  pren- 
dront la  vinification  et  le  jardinage. 

Il  est  assez  intéressant  de  comparer  la  production 
des  différentes  régions  du  Transcaucase  citées  plus 
haut.  En  1886,  on  a distillé  et  acquitté  l’impôt,  dans 
le  gouvernement  de  Tiflis  (non  compris  la  Kakhéthie), 


pour 

Dans  la  Kakhéthie  (arrondissement 

de  Zakatal,  Noukha 

Dans  le  gouvernement  de  Koutaïs 

— de  Bakou 

— d’Erivan. 

— d’Elisabethpol 


258.309  3/4° 

2.143.017  1/2° 
71.670o 

1.399.383  3/4° 
4.478.016  3/4° 
11.318.677  3/4° 


Total 19.663.075  1/2° 


En  outre,  les  propriétaires  des  jardins,  dans  tout  le 
pays  ont  distillé  et  acquitté  les  droits  de  l’accise  pour 
2,268,499°;  total  général  21,938,574°.  C’est  le  gouver- 
nement d’Elisabethpol  qui  occupe  la  première  place 
comme  producteur,  puis  viennent  le  gouvernement 
d’Erivan,  la  Kakhéthie  et  les  arrondissements  de 
Noukha  et  Zakatal. 

La  population  du  Transcaucase  consomme  actuel- 
lement une  quantité  appréciable  d’alcool  de  grains  et 
de  fruits.  En  1886,  la  consommation  dans  les  cabarets 
s’est  élevée  au  chiffre  de  17,868  564°,  dans  lequel 
l’alcool  de  grains  figure  pour  9,611,021°,  celui  de 
fruits  pour  8,257,542°,  ce  qui  donne  une  moyenne 
de  5°  par  habitant.  Mais  à ce  chiffre  il  faudrait  ajouter 
la  quantité  d’alcool  distillé  et  consommé  en  cachette 
par  les  propriétaires  des  jardins  qui  ne  payent  pas 
l’impôt. 

Pour  donner  une  idée  approximative  de  la  consom- 
mation de  l’alcool  de  fruits,  voici  quelques  chiffres 


GUIDE  AU  CAUCASE 


197 


relatifs  à 1886.  Au  Transcaucase,  il  a été  distillé  et  payé 
à l’accise  : 19,669,075°  ; les  propriétaires  des  jardins 
ont  distillé  environ  : 2,268.499°  ; total,  21,937,574°. 
Il  a été  exporté  et  payé  à l’accise  : 2,233,916°  ; pour  le 
le  premier  semestre  1887  : 1,324,890°  et  non  payé  à 
l’accise  370,007°  ; total,  2,603,923°.  Par  conséquent, 
19,333,651°  ont  dû  être  consommés  dans  le  pays  ; 
8,257,542°,  comme  nous  l’avons  vu,  ont  été  débités 
dans  les  cabarets;  1,403,596°  appartenant  aux  proprié- 
taires de  jardins  ont  été  absorbés;  le  reste,  c’est-à-dire 
9,672,513°,  a formé  le  stock  de  réserve  des  usines,  ca- 
barets et  dépôts  du  Transcaucase  Ce  sont  les  distilla- 
teurs et  industriels  qui  fournissent  la  plus  grande 
partie  de  l’alcool  vendu,  les  propriétaires  des  jardins 
produisent  comparativement  beaucoup  moins.  Ainsi 
sur  2,268,499°  distillés  en  1886  sans  payer  l’impôt,  ces 
derniers  ont  vendu  et  payé  à l’accise  pour  864,903  3/4°, 
et  ils  ont  consommé  eux-mêmes  1,403,595  1/4°. 

La  répartition  de  l’accise  supplémentaire  pour  l’alcool 
est  la  suivante  : 


Dans  le  gouvernement  de  Tiflis  il 

a été  vendu 

En  Kakhéthie  et  les  arrondisse- 
ments de  Noukha  et  Zakatal . . . 
Dans  le  gouvernement  de  Bakou  . . 

— — de  Koutaïs. 

— — d’Erivan... 

— — d’Elisabethpol 


132,716  degrés. 

22.7483/4  — 
144,133  — 

19,932  — 

471,7281/2  — 
73,645 1/2  — 


Total 864,903  3/4  degrés. 

CTest-à-dire  près  de  4 p.  °/o  de  tout  l’alcool  mis  en 
vente. 

La  statistique  citée  de  débit  et  de  consommation 
d’alcool  de  fruits  en  1886,  au  Transcaucase,  présente 
en  bloc  le  chiffre  général  comme  pour  l’alcool  de 
grains. 

En  donnant  les  chiffres  de  consommation  de  l’alcool 
de  fruits,  nous  avons  dit  qu’une  partie  de  la  production 
était  bue  par  les  indigènes,  et  une  partie  exportée;  il  y 
en  a une  troisième  qui  sert  à la  vinification.  Pour  ce 
dernier  usage  l’on  emploie  de  l’alcool  de  bonne  et 


198 


GUIDE  AU  CAUCASE 


mauvaise  qualité.  Les  débitants  au  détail  et  les  petits 
cavistes  utilisent  la  mauvaise  ; les  grands  marchands 
ne  se  servent  que  de  la  meilleure  provenant  de  Tune  des 
distilleries  où  l’alcool  est  plusieurs  fois  rectifié.  Deux 
de  ces  fabriques  sont  installées  à Tiflis,  deux  dans 
l’arrondissement  de  Choucha.  Dans  ces  établissements, 
on  fait  subir  au  liquide  différents  traitements  qui  le 
rendent  plus  pur  et  plus  concentré  et  qui  permettent 
d’obtenir  un  alcool  de  raisin  excellent  pour  la  vinifica- 
tion. Cependant  ce  n’est  pas  surtout  à cet  usage  qu’il 
est  appliqué;  il  sert  à préparer  une  eau-de-vie  consom- 
mée par  la  population. 

Il  n’y  a pas  longtemps  qu’au  Transcaucase  on  a 
commencé  à exporter  l’alcool  de  fruits  ; c’est  en  1884 
que,  pour  la  première  fois,  on  a expédié  à Vladikawkaz 
2,000,000°;  de  Bakou  à Astrakhan  443,302°,  et 
en  Transcaspie  27,486°.  En  1886  on  a exporté 
2,603,423°  ; en  1887  1,324,890°.  C’est  dans  les  gouver- 
nements du  S.  de  la  Russie  qu’on  l’envoie. 

La  différence  de  l’accise  sur  l’alcool  de  fruits  et  sur 
celui  de  grains  (4  k.  sur  le  premier  et  9 sur  le  second) 
engendre  une  spéculation  qui  peut  devenir  considérable, 
selon  le  chiffre  d’affaires.  En  effet,  profitant  du  bas 
prix  de  l’alcool  de  fruits,  les  débitants  le  mêlent  avec 
celui  de  grains  et  bénéficient  de  la  différence  de  l’alcool 
non  pavé.  On  dit  que  cet  alcool  est  expédié  même  à 
l’étranger  par  les  ports  russes,  par  Akermann,  par 
exemple,  et  l’on  se  fait  rembourser  l’impôt  à la  sortie 
comme  s’il  s’agissait  d’alcool  de  grains,  c’est-à-dire 
9 k.  par  degré;  de  sorte  que  la  majorité  de  l’alcool  de 
raisin  exportée  est  détournée  de  sa  destination  naturelle, 
qui  est  de  renforcer  et  alcooliser  les  vins,  et  ne  sert 
qu’à  frauder  les  revenus  de  l’Etat.  On  expédie  l’alcool 
en  tonneaux  par  le  chemin  de  fer  du  Transcaucase,  la 
route  militaire  de  Géorgie,  la  mer  Noire,  les  ports  de 
Batoum,  Bakou  et  Derbent1. 

Tanneries.  — L’industrie  de  la  préparation  des 
peaux  est  peu  développée  au  Transcaucase,  quoique 
cette  contrée  lui  offre  des  conditions  de  prospérité 


1.  D’après  les  notes  de  M.  Chavroff. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


199 


favorables.  On  trouve,  en  effet,  dans  les  districts  de 
Noukha  et  Zakatal  un  excellent  agent  de  tannage,  le 
soumak  ; les  forêts  de  chêne  abondent  dans  le  gouver- 
nement de  Koutaïs,  et  la  quantité  de  cuirs  bruis  à 
expédier  à l’étranger  et  en  Russie  est  considérable. 

C’est  en  plein  air,  dans  de  petites  cours  et  seulement 
pendant  six  semaines  de  1 année,  que  les  indigènes, 
par  des  procédés  très  primitifs,  c’est-à-dire  en  n’em- 
ployant que  le  soumak , traitent  toutes  les  espèces  de 
peaux.  La  production  de  quelques  rares  industriels 
russes  établis  dans  le  pays  est  fort  restreinte;  ils  ne 
fournissent  que  des  cuirs  de  chaussures  de  qualité  in- 
férieure. 11  n’y  a qu’une  tannerie  sérieuse  au  Trans- 
caucase,  c’est  celle  qui  a été  installée  à Tiflis  en  1875, 
par  MM.  Adelkanoff  et  CK 

Le  Crédit  industriel  au  Caucase.  — Le  crédit 
industriel  n’existe  ni  au  Caucase  ni  en  Russie.  Un 
fabricant,  un  industriel,  s’il  a besoin  de  recourir  à 
l’emprunt,  doit  se  contenter  du  crédit  commercial  qui 
ne  prête  qu’à  courtes  échéances,  six  et  neuf  mois  au 
plus.  Or,  l’industrie  ne  rentre  pas,  en  si  peu  de  temps, 
dans  ses  débours  ou  ses  avances.  Indépendamment  de 
cela,  au  Caucase,  le  crédit  commercial  lui- même 
coûte  excessivement  cher.  Les  banques,  qui  font  payer 
environ  10  % par  an.  ne  disposent  que  d’un  capital 
très  limité,  ce  qui  oblige  les  huit  dixièmes  des  com- 
merçants à recourir  au  crédit  privé  qui.  dans  les 
meilleures  conditions,  ne  prête  qu’au  taux  de  12  à 24  % 
au  minimum.  Il  n’y  a que  le  commerce  qui  semble 
pouvoir  payer  de  semblables  intérêts,  et  jamais  l’in- 
dustrie ne  supporterait  ces  charges.  Le  pays  n’a  que 
fort  peu  de  capitaux,  et  presque  tout  l’argent,  engagé 
depuis  longtemps,  et  de  père  en  fils,  dans  des  spécu- 
lations commerciales,  y reste  et  n’en  sort  pas. 

Ce  sont  là  les  raisons  qui  expliquent  l’absence 
presque  complète  d’industrie  dans  un  pays  excessive- 
ment riche  cependant  en  matières  premières  et  en 
marchés  cle  consommation.  Aujourd’hui,  tous  les  be- 
soins du  pays  en  produits  fabriqués,  le  pétrole  excepté, 
sont  coûteusement  satisfaits  par  l’importation  étrangère 
ou  russe. 


200 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Sans  doute,  le  gouvernement  en  établissant  et  en 
surélevant  constamment  les  droits  d’entrée,  espère 
développer  l’industrie  nationale,  mais  l’absence  totale 
de  crédit  industriel  entrave  entièrement  les  efforts  tentés 
jusqu’à  présent. 

Le  champ  est  donc  libre  et  propice  aux  industriels 
disposant  personnellement  de  capitaux  suffisants  et  à 
bon  marché.  Ils  ne  rencontreraient  au  Caucase  ni 
concurrence  ni  difficultés  sérieuses,  et  ils  auraient  à 
alimenter  un  marché  de  près  de  5 millions  d'habitants 
sans  compter  les  régions  voisines.  Dans  ces  conditions, 
il  n’y  a pour  ainsi  dire  pas  de  branche  d'industrie  qui 
n’aie  de  chance  de  prospérer.  Mais,  en  revanche,  on 
ne  saurait  trop  prévenir  les  imprudents  qui,  comptant 
sur  leur  savoir  et  leur  expérience,  tenteraient  de  créer 
au  Caucase  une  industrie  quelconque  avec  des  capitaux 
insuffisants  et  avec  l’espoir  de  faire  appel  au  crédit 
commercial  local.  Presque  toutes  les  tentatives  faites 
récemment,  dans  ces  dernières  conditions,  n’ont  été 
que  désastreuses  à cause  de  la  cherté  de  l’argent. 

Ce  ne  sont  ni  les  connaissances  techniques  ni  les  bras 
qui  manquent;  c’est  uniquement  l’argent  à bon  marché 
et  à longue  échéance  qui  pourrait  créer  l’industrie  cau- 
casienne et  lui  donner  tout  l’immense  développement 
auquel  la  nature,  les  conditions  économiques  et  finan- 
cières du  pays  semblent  l’avoir  destinée. 

Quant  à la  création  d’une  banque  de  crédit  industriel, 
plusieurs  raisons  s’y  opposent.  Un  des  plus  grands 
obstacles  provient  de  l’insuffisance  de  la  législation 
russe  en  ce  qui  concerne  les  Sociétés,  l’hypothèque  du 
matériel  et  les  warrants.  C’est  là  le  motif  qu’a  fait 
valoir  le  gouvernement  lorsque,  il  y a quelques  années, 
il  a refusé  à des  étrangers  le  droit  de  fonder  en  Russie 
une  banque  de  ce  genre. 

ÉTAT  GÉNÉRAL  ET  SOCIAL  ^ 

Instruction.  — Religions.  — Coutumes.  — Jurisprudence.  — 
Cadastre. 

Le  Caucase  n’a  pas  encore  toute  l’unité  matérielle 
que  donne  la  possession  d’un  grand  réseau  de  voies 


GUIDE  AU  CAUCASE 


201 


ferrées  et  d’entrepôts  de  commerce;  il  a moins  encore 
cette  unité  morale  qui  provient  de  l’existence  dune 
nationalité  commune  ou  bien  d’un  concert  de  nationa- 
lités ayant  mêmes  intérêts  et  mêmes  espérances.  Cepen- 
dant de  grands  progrès  ont  eu  lieu.  La  civilisation, 
grâce  à la  Russie,  a fait  des  pas  immenses,  et  l’on  peut 
prévoir  que  d’ici  à peu,  malgré  toutes  les  différences 
de  mœurs,  de  religions  et  de  langues,  l’assimilation  et 
la  fusion  avec  l’élément  ou  au  contact  européen  seront 
générales  et  complètes.  Dans  quelques  années,  on  ne 
distinguera  plus  toutes  ces  mille  frontières  ethnogra- 
phiques, toutes  ces  appellations  diverses  de  Tcherkèss, 
Lesghiens,  Tchétchènes,  Osses,  Kabardiens,  Iméré- 
thiens,  Karthliens,  Khevsours,  Pchaves,  Lazes,  etc.; 
on  ne  trouvera  parmi  les  montagnards  et  les  habitants 
des  plaines  que  de  pacifiques  marchands,  de  paisibles 
agriculteurs,  des  industriels  ou  des  commerçants,  de 
bons  soldats,  s’appelant  tous  Russes  ou  russifiés  par 
les  croisements,  la  similitude  de  religion,  l’unité  de 
législation,  le  cadastre,  les  rouages  habiles  de  l’admi- 
nistration, l’obligation  du  service  militaire  et  l’usage 
de  la  langue  russe,  seule  reconnue  officielle. 

Pendant  longtemps,  l’instruction  a été  trop  peu 
répandue  pour  que  les  diverses  nationalités  illettrées 
et  hier  encore  sauvages,  qui  habitent  le  Caucase,  aient 
pu  acquérir  du  moins  cette  confraternité  que  donne  la 
connaissance  des  mêmes  idées  et  des  mêmes  faits.  Le 
grand  obstacle  à l'instruction  commune  provenait  non 
seulement  de  la  variété  des  langues,  mais  aussi  de  celle 
des  alphabets.  Les  Abkhazes,  les  Osses,  les  monta- 
gnards du  Daghestan  n’ont  pu  apprendre  à lire,  tant 
que  Lhuillier,  Sjôgren  , Schiefner,  Uslar,  Zagoursky 
n’eurent  pas  inventé  des  alphabets  et  reproduit  par  un 
signe  chacun  des  cinquante  sons  de  leurs  diverses 
langues.  C’est  au  Caucase  plus  que  partout  ailleurs 
qu’il  importerait  de  posséder  cet  alphabet  universel 
déjà  proposé  par  Lepsius  en  1852  et  depuis  sous 
d’autres  formes  par  Bell,  Coudereau  et  tant  d’autres 
savants1. 


1.  D’après  Élisée  Reclus. 


202 


GUIDE  AU  CAUCASE 


L'administration  russe  et  l’initiative  privée  ont  fait 
tous  leurs  efforts  pour  créer  dans  les  villes  et  villages 
des  centres  d’instruction,  et  dans  mainte  école  on  voit 
maintenant  l’Arménien  assis  à côté  du  Tartare  et  le 
Russe  à côté  du  Géorgien  L 

On  sait  que  le  Caucase  est  le  pays  des  religions 
comme  celui  des  langues.  Le  paganisme  y subsiste 
encore  sous  diverses  formes  parmi  les  tribus  des  mon- 
tagnes. Les  deux  grandes  sectes  du  mahométisme  s’y 
rencontrent  : sunnites  et  chiites  se  distinguant  les  uns 
des  autres  à la  coupe  de  la  chevelure  et  de  la  mous- 
tache, et  à diverses  pratiques,  entremêlent  leurs  corm 
munautés  dans  la  Caucasie  orientale,  surtout  dans  le 
gouvernement  de  Bakou.  La  contrée  a ses  Juifs,  ses 
Israélites  convertis  et  ses  chrétiens  judaïsants;  Ortho- 
doxes grecs,  Arméniens  grégoriens,  Arméniens  unis 
dominent  parmi  les  chrétiens1 2.  Les  tendances  réfor- 
mistes ou  protestantes  sont  représentées,  au  Caucase, 
parmi  les  sectes  russes,  par  les  Lutteurs  de  l’esprit 
( Boukhobortskys ) et  les  Buveurs  de  lait  ( Molokanys ). 
Ces  derniers  personnifient  la  réaction  de  la  raison  et 
de  la  conscience  contre  le  formalisme  orthodoxe  et 
l’excès  du  ritualisme.  Repoussant  tout  clergé,  icono- 
clastes, ils  voient  des  allégories  dans  les  sacrements  et 
admettent  que  la  vraie  communion  en  Christ  consiste 
dans  la  lecture  et  la  méditation  de  sa  parole.  Les 
Molokanys  mangent  le  pain  en  commun  en  souvenir 
du  Sauveur,  mais  sans  y voir  aucun  mystère.  Ils  furent 
persécutés;  vers  1800,  on  leur  assigna  des  terres  sur 
les  bords  de  la  Molotchna,  au  N.  de  la  mer  d’Azof,  où 
se  trouvent  presque  toutes  leurs  communautés,  qui  ne 
comptent  pas  moins  de  cent  mille  adhérents. 

1.  Principaux  établissements  d’instruction  publique  en  Cau- 
casie : Tiflis,  2 écoles  d aides-médecins  ; institut  pour  les  jeunes 
filles;  pour  les  sages-femmes;  école  modèle;  institut  de  Sainte- 
Nino;  institut  pour  former  les  maîtres;  école  de  la  ville;  gym- 
nase et  progymnase  pour  les  filles;  école  des  arts  et  métiers; 
école  de  dessin;  école  des  porte-enseignes;  corps  de  cadets. 

Gvmnases  : Titlis  3,  Stavropol,  Vladikawkaz,  Erivan,  Koutaïs, 
Elisabethpol,  Elkathérinodar. 

4 progymnases  ; Tiflis,  Koutaïs,  Piatigorsk,  Témir-Khan- 
Choura;  3 écoles  techniques  : Tiflis,  Bakou,  Vladikawkaz. 

2.  D’après  Élisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


203 


Les  Lutteurs  de  l’esprit  sont  plus  mystiques  encore 
peut-être  que  les  Buveurs  de  lait;  aussi  n’en  compte- 
t-on  que  quelques  milliers.  Ils  croient  à l’inspiration, 
à la  parole  intérieure  qui  parle  en  chaque  homme;  le 
Christ  a,  tout  le  premier,  préféré  la  tradition  orale  à 
l’Ecriture.  Ils  nient  le  péché  originel,  chacun  ne  répon- 
dant que  de  ses  fautes  ; peut-être  même  admettent-ils 
la  préexistence  de  l’âme  et  des  fautes  antérieures. 

Les  Molokanys  mettent  leur  idéal  dans  une  sorte  de 
théocratie  démocratique;  l’Eglise,  disent-ils, et  la  société 
civile  ne  font  qu’un;  comme  telle,  la  société  doit  être 
basée  sur  les  principes  évangéliques,  sur  l’amour,  la 
liberté  et  l’égalité.  Primitivement,  ils  refusaient  d’être 
soldats;  depuis,  ils  ont  transigé.  Mais,  malgré  leur 
spiritualisme,  ils  rêvent  une  rénovation  terrestre  de 
l’homme;  sous  le  nom  d’Empire  de  l’Ararat,  ils  atten- 
dent le  règne  universel  de  la  justice  et  de  légalité.  On 
raconte  qu’en  1811  des  Cosaques  arrêtèrent  une  dépu- 
tation de  ces  sectaires,  chargée  d’aîler  demander  à 
Napoléon  s’il  n 'était  pas  le  libérateur  annoncé  par  les 
prophètes. 

Des  Molokanys  est  sorti  un  groupe,  les  Obclitchiie , 
qui.  vers  1825,  sous  la  direction  d’un  certain  Popof, 
prêchait  la  communauté  des  biens.  Depuis,  la  doctrine 
s’est  modifiée;  ils  n’ont  guère  conservé  qu’un  magasin 
commun  où  chaque  ménage  doit  verser  au  profit  des 
indigents  la  dixième  partie  de  ses  récoltes.  Le  reste  de 
cette  secte  s’éteint  dans  un  petit  village  de  la  Trans- 
caucasie1. 

Les  diversités  nationales  et  religieuses  ont  eu  pour 
conséquence  nécessaire  une  manière  différente  de  con- 
cevoir et  de  pratiquer  le  droit.  Aussi,  malgré  tous  ses 
efforts,  le  gouvernement  russe  a-t-il  dû  renoncer,  du 
moins  pour  un  temps,  à imposer  une  jurisprudence 
unique,  et  chez  les  montagnards  musulmans  se  main- 
tiennent encore  les  deux  codes,  le  code  religieux  ou 
chariot , fondé  sur  le  Coran,  et  le  droit  coutumier  ou 
adat . Le  chariot  est  appliqué  seulement  dans  les  ques- 

1.  D’après  Gustave  Lejeal,  La  Russie,  1 vol.,  Larousse,  édit., 
Paris. 


204 


GUJDE  AU  CAUCASE 


tions  religieuses,  de  famille  et  d’héritage,  tandis  que 
Yadat  règle  les  affaires  ordinaires  de  propriété  et  les 
questions  d’intérêt  communal.  Le  jugement  d'après 
Yadat  se  fait  sur  la  place  publique,  par  des  juges  élus; 
certains  villages,  devenus  célèbres  par  une  administra- 
tion scrupuleuse  de  la  justice,  ont  été  choisis  par  la 
coutume  comme  de  véritables  cours  d'appel  et  c’est  à 
eux  qu’on  s’adresse  dans  les  cas  douteux1. 

La  grande  question  du  cadastre  du  Caucase,  intime- 
ment liée  à la  question  juridique,  foncière,  forestière, 
minière  et  industrielle  du  pays  et  à son  avenir,  est 
toute  nouvelle  et  ne  date,  à proprement  parler,  que 
de  1860.  C’est  à cette  époque  que  fut  promulguée  la  loi 
qui  en  réglementait  l’élaboration;  et  quoique  cette  loi 
de  1860  soit  antérieure  à la  réforme  judiciaire  de  1864 
en  Russie,  l’esprit  et  les  bases  de  la  première  sont  à 
peu  près  les  mêmes  que  dans  la  grande  innovation 
d’Alexandre  IL  Le  gouvernement  russe  a d’abord  ins- 
titué à Tiflis  une  école  spéciale  destinée  à former  un 
certain  nombre  de  topographes  qui  travailleraient  à 
l’arpentage  et  aux  dessins  des  plans.  Puis,  en  1868, 
lors  de  l'application  au  Caucase  de  la  réforme  judi- 
ciaire, c’est  à de  nouveaux  tribunaux  et  à une  cour 
d’appel  qu’est  dévolue  la  tâche  de  juger  tous  les  diffé- 
rends, toutes  les  réclamations  qui  pouvaient  naître  à 
propos  des  titres  de  propriété,  des  limites  et  de  la  quote- 
part  de  chaque  copropriétaire.  Théoriquement  parlant, 
il  semblait  donc  que  toutes  garanties  fussent  données 
pour  que  le  cadastre  fût  fait  delà  façon  la  plus  sérieuse 
et  la  plus  juste.  En  effet,  excellente  loi,  praticiens 
habiles,  tribunaux  impartiaux,  tout  ne  paraissait-il  pas 
réuni  comme  à souhait  pour  faciliter  la  réussite  de 
cette  œuvre  si  indispensable  au  progrès  du  pays?  Mais 
aussitôt  qu’on  a entrepris  le  travail,  œn  s’est  aperçu 
inopinément  que,  sous  tous  les  rapports,  la  tâche  dé- 
passait les  prévisions  et  les  forces  mises  en  mouvement. 
C’était,  en  effet,  une  œuvre  colossale  non  seulement  à 
cause  de  l’étendue  du  sol  le  plus  accidenté  du  monde, 
qu’il  fallait  lever  sur  plans,  mesurer  avec  exactitude 


1.  D’après  Élisêe  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


205 


(ce  qui  exigeait  beaucoup  de  temps),  mais  surtout 
parce  que,  en  l'absence  de  titres,  de  documents  écrits, 
au  milieu  de  possesseurs  à intérêts  opposés  et  de  plus 
ou  moins  de  bonne  foi  (le  premier  venu  pouvant  faire 
valoir  des  droits  problématiques),  les  juges  fort  em- 
barrassés étaient  sans  cesse  obligés  ou  d’ajourner  indé- 
finiment leurs  arrêts  ou  de  rendre  des  jugements  qui 
étaient  cassés  par  l’instance  supérieure.  En  réalité 
c’était  surtout  la  difficulté  de  convoquer  et  de  réunir 
toute  une  myriade  de  copropriétaires  ou  soi-disant 
tels,  en  perpétuel  désaccord  sur  leurs  situations  res- 
pectives et  sur  les  limites  de  leurs  forêts  ou  de  leurs 
champs,  qui  créait  aux  fonctionnaires  du  cadastre  des 
embarras  perpétuels  et  insurmontables.  Le  travail, 
malgré  tout,  a été  poursuivi  et  se  continue  peu  à peu. 
Mais  une  réforme  importante  est  à introduire.  Croirait- 
on,  en  effet,  qu’après  le  cadastre  d’une  propriété  fait, 
le  plan  ratifié,  les  droits  reconnus  juridiquement,  il 
suffise  qu’un  tiers  appartenant  ou  se  disant  appartenir 
de  près  ou  de  loin,  quelquefois  au  douzième  degré,  à 
la  famille  du  propriétaire  confirmé  dans  ses  droits, 
vienne  après  coup  réclamer  sa  part  (prétendant  être 
quelque  bisaïeul  ou  quelque  collatéral,  inconnu  du 
reste  la  plupart  du  temps),  pour  que  la  justice,  saisie 
de  sa  réclamation,  admette  sa  parenté,  d’après  des  té- 
moignages plus  ou  moins  sérieux,  et  vous  condamne 
à partager  avec  lui?  Noblesse,  paysans,  industriels 
réclament  vivement  l’accélération  de  cette  œuvre  in- 
dispensable. En  effet,  dans  quelle  inégalité  de  condi- 
tions se  trouvent  les  cadastrés  jouissant  maintenant 
paisiblement  de  leurs  droits  et  les  non-oadastrés  sans 
cesse  inquiétés  par  les  procès  de  la  veille  ou  les  contes- 
tations du  lendemain!  Le  gouvernement,  il  faut  le  re- 
connaître, a compris  combien  étaient  justes  les  exi- 
gences générales.  En  ces  derniers  temps,  il  a mis  en 
mouvement  toutes  les  forces  techniques  dont  il  dispo- 
sait, mais  malheureusement  elles  sont  peu  en  rapport 
avec  les  nécessités  impérieuses  de  la  situation. 


206 


GUIDE  AU  CAUCASE 


ADMINISTRATION  ET  DIVISIONS 
ADMINISTRATIVES 

Circonscriptions  militaires.  — Armée.  — Flotte. 

Pendant  longtemps  le  Caucase  a formé  une  lieu- 
tenance, administrée  par  un  lieutenant  général  auquel 
étaient  transmis  les  pouvoirs  du  gouvernement.  Depuis 
le  départ  de  S.  A.  I.  le  Grand-Duc  Michel  Nicolaïe- 
vitch,  c'est  un  administrateur  général  qui  est  à la  tête 
du  pays.  Les  anciennes  familles  princières  de  la  Géor- 
gie, de  la  Mingrélie,  de  lTméréthie,  de  la  Kakhéthie, 
d’Abkhazie,  de  Gourie,  du  Daghestan  ne  possèdent 
plus  aucun  pouvoir  politique,  mais  on  alloue  à certaines 
d’entre  elles  diverses  pensions  et  quelques  privilèges. 
Politiquement  et  administrativement  le  Caucase  forme 
aujourd’hui  un  gouvernement  général  de  l’Empire 
russe  et  est  divisé  en  provinces  de  grandeurs  inégales, 
ayant  toutes  une  origine  militaire  et  désignées  par  des 
termes  officiels  différents  ; gouvernement,  province, 
cercle,  district.  (Superficie  totale  : 415,234  v.  carrées  : 
472,554  kilomètres.) 

CISCAUCASIE  OU  CAUCASE  SEPTENTRIONAL 

Province  du  Kouban.  — Villes  principales  : Ekathé- 
rinodar,  Eisk,  Maïkop,  Temrouk^  Batalpachinsk, 
Kavkazkaïa. 

Gouvernement  de  Stavropol.  — Villes  principales  : 
Stavropol,  Piatigorsk,  Beloglinskoï,  Praskovaïa. 

Province  du  Térek.  — Villes  principales:  Vladi- 
kawkaz,  Mozdok,  Kizliar,  Groznaïa,  Veden. 

TRANSCAUCASIE  OU  CAUCASE  MÉRIDIONAL 

Gouvernement  de  Bakou.  — Villes  principales  : Ba- 
kou, Kouba,  Chemakha,  Salyan,  Lenkoran. 

Province  du  Daghestan.  — Villes  principales  : 
Témir-Khan-Choura,  Derbent,  Gounib,  Pétrovsk. 

Gouvernement  d’Elisabethpol  (1^86).  — Villes  prin- 
cipales : Elisabethpol,  Noukha,  Choucha. 

Cercle  de  Zakatal.  — Ville  principale  : Tali. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


207 


Gouvernement  de  Koutaïs.  — Villes  principales  : 
Koutaïs,  Ozourghet,  Zougdidi,  Poti. 


Division  de  Soukhoum.  — Ville  principale  : Sou- 
khoum-Kaleh. 

Gouvernement  de  Tiflis.  — Villes  principales  : Tiflis, 
Akhaltzikh,  Signak,  Thélaff,  Gori,  Douchet,  Akhal- 
kalaki . 


208 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Cercle  de  la  mer  Noire  (Tchornomorsky).  — Ville 
principale  : Anapa. 

Gouvernement  d Erivan.  — Villes  principales  : 
Erivan,  Alexandropol,  Nakhitchevan,  Novo-Bayazet, 
Ordoubad. 

Province  de  Batoum.  — Villes  principales  : Batoum, 
Artvine,  Ardanoutch. 

Province  de  Kars.  — Ville  principale  : Kars. 

Gouverneur  général,  commandant  en  chef  l’armée 
du  Caucase  : Chérémétieff,  général  de  cavalerie, 
aide  de  camp  générai.  — Adjoint  : Comte  Tatitcheff, 
lieutenant  général. 

Gouverneurs  : Tiflis , Prince  G.  Chervachidzé.  — 
Elisabethpol , Prince  Nakachitzé. 

Lieutenants  généraux  : Territoire  du  Térek,  Ko- 
khanofï.  — Stavropol , Nikoforaki. 

Majors  généraux  : Routai* , Chalikoff,  lieutenant 
général.  — Kouban , Léonofï,  lieutenant  général.  — 
Kars , Tomitch,  major  général.  — Erivan,  Frese, 
major  général.  — Daghestan , prince  Tchatchavadzé, 
lieutenant  général.  — Bakou,  Roggé,  conseiller  d’Etat 
actuel. 


CIRCONSCRIPTION  MILITAIRE 
DU  CAUCASE 

Corps  d’armée  du  Caucase  : — 20e  et  21e  divi- 
sions d’infanterie,  2 brigades  de  tirailleurs,  4 ba- 
taillons de  cosaques  à pied  ; 1 division  de  cavalerie  du 
Caucase,  1 brigade  de  cosaques  du  Kouban  et  1 bri- 
gade de  cosaques  du  Térek,  1 1/2  régiment  irrégulier 
de  cosaques,  20°  et  21e  brigades  d’artillerie,  1 brigade 
d’artillerie  à cheval  de  cosaques  du  Kouban,  1 batterie 
de  cosaques  du  Térek  et  1 brigade  de  sapeurs  du 
Caucase. 

Commandant  en  chef  de  l’armée  du  Caucase  et 
gouverneur  général  : Chérémétieff  ; adjoint  : Comte 
Tatitcheff  ; attaché  : Zaleski,  major  général  ; chef 
d’état-major  : Perlik,  lieutenant  général  ; chef  de 
l’artillerie  : Semtchevski,  lieutenant  général  ; chef  du 
génie  : Potymoff,  lieutenant  général. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


209 


Corps  d'armée  du  Caucase  (Tiflis)  : le  prince  Tchav- 
tchavadzé,  général  de  cavalerie.  — Division  des 
grenadiers  du  Caucase  (Tiflis)  ; 38"  division  d’infanterie 
(Koutaïs)  ; 39ô  division  d’infanterie  (Àlexandropol)  ; 
lr°  division  des  cosaques  du  Caucase  (Tiflis)  ; 2e  divi- 
sion des  cosaques  du  Caucase  (Elisabethpol)  ; 20e  divi- 
sion (Vladikawkaz),  Douve,  lieutenant  général;  21e  di- 
vision (Témir-Khan-Choura) , le  comte  Borch, 
lieutenant  général.  — Division  de  cavalerie  du  Cau- 
case (Tiflis),  le  prince  Amilokwary,  lieutenant  général. 

Troupes  irrégulières  (cosaques).  — « Ataman  » de 
tous  les  cosaques  : S.  A.  I.  le  Grand-Duc  héritier 
Nicolas  Alexandrovitch  ; du  Caucase:  Chérémétieff, 
lieutenant  général;  du  Kouban  : Malama  ; du  Don: 
prince  Sviatopolk-Mirsky  II,  général  de  cavalerie; 
du  Térek  : Kokhanoff. 

Commandant  des  forteresses  d’ Akhaltzik,  Alexandro- 
pol,  Ardaghan,  Batoum  : Bouroy,  major  général  ; de 
Kars  : Anossoff,  lieutenant  général  ; de  Poti  : Pav- 
loff,  général  d’infanterie. 


Flotte  de  la  mer  Noire. 


BATIMENTS 

Tonneaux 

Chevaux^ 

indiqués 

Canons 

de 

plus 

de  10 

Calibre 

de 

moins 

cent. 

Equipages  | 

4 cuirassés  à tourelle 

1886-90 

40.518 

45.250 

47 

79 

? 

2 id.  id. 

1873-75 

6.050 

5.066 

6 

10 

» 

7 croiseurs 

1878-88 

8.578 

10.470 

25 

24 

» 

7 schooners, etc. 

1852-72 

5.121 

1.791 

17 

— 

» 

2 vapeurs 

1877-80 

4.102 

1 368 

9 

6 

» 

2 id.  à aubes 

1849-66 

1.471 

1.635 

4 

— 

» 

2 croiseurs  porte-torpille 

1886-90 

950 

7.100 



32 

» 

16  batteries  torpil.  (lru  cl.) 

1883-91 

1.341 

14.975 

— 

72 

» 

1 bât1  pour  le  serv.  mines 

1891 

1.360 

2.800 

— 

— 

» 

1 transport 

1880 

3.920 

10.500 

— 

— 

» 

44 

73.411 

100. 955 

106 

223 

■» 

En  outre  : 3 cuirassés  pour  le  service  des  ports 
(10,331  tonneaux,  433  chevaux  indiqués),  2 canon- 
nières cuirassées  (657 t.,  570  chevaux  indiqués),  1 cor  - 


14 


210 


GUIDE  AU  CAUCASE 


vette  (1,057  t.,  360  chevaux  indiqués),  3 autres  va- 
peurs pour  le  service  des  ports  (467  t.),  1 yacht, 
1 cutter,  10  cutters  porte-torpilles,  56  vieux  bateaux- 
torpilles,  2 bâtiments  pour  le  service  des  mines, 

1 tender,  6 barques  de  fanal,  1 dock  et  autres  bâti- 
ments pour  le  service  des  ports.  De  plus  : 12  va- 
peurs de  la  flotte  volontaire  (environ  30,500  t.,  30,000 
chevaux  indiqués,  46  canons).  En  construction  : 1 cui- 
rassé à tourelle  (10,180  t.,  15,000  chevaux  indiqués), 
3 croiseurs  porte-torpilles,  1 transport-torpille  et  9 bat- 
teries-torpilles première  classe. 

Flotte  de  la  mer  Caspienne. 

3 canonnières  1860  et  1866  (902  t.  environ,  370  che- 
vaux indiqués,  9 canons)  ; 1 schooner  1876  (448  t., 

2 canons)  ; 4 vapeurs  à aubes  (1,775  t.)  ; 8 petits  va- 
peurs ; 4 voiliers  ; 2 barques  de  fanal 1 . 

VOIES  DE  COMMUNICATIONS 

Routes.  — Chemins  de  fer. 

Le  souci  principal  du  gouvernement  russe,  après 
tant  de  luttes  pour  la  conquête  du  pays,  était  d’abord 
de  s’y  fortifier  de  manière  à pouvoir  concentrer,  au 
premier  signal  de  révolte,  sur  un  point  donné  des 
forces  suffisantes  pour  réprimer  l’insurrection.  Cette 
idée  a présidé  à l’établissement  des  routes  dans  le  Cau- 
case; la  plupart  des  chemins  tracés  sont  donc  plutôt 
stratégiques  et  militaires  que  commerciaux.  Le  manque 
de  temps  n’a  pas  permis  encore  au  système  des  voies 
de  communications  du  Caucase  toute  l’extension  dési- 
rable. Cependant,  depuis  quelques  années,  le  tracé  de 
voies  nouvelles,  utiles  et  faciles,  est  l’une  des  grandes 
préoccupations  de  l’Administration. 

La  route  principale  carrossable  du  Caucase  est  celle 
qui  passe  par  le  défilé  du  Darial  et  s’étend  de  Vladi- 
kawkaz  au  delà  de  Tiflis.  Une  autre,  celle  du  col  Ma- 
misson,  a été  rendue  récemment  praticable  pour  les 


1.  D’après  T Almanach  Gotha. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


211 


voitures,  elle  relie  Vlaclikawkaz  à Koutaïs.  De  Vladi- 
kawkaz,  une  route  postale  va  par  Groznaïa  à Témir- 
khan-Choura,  Derbent,  Pétrovsk  et  au  Daghestan.  A 


? 5 o o o o 
- 2 o o o o 

^ S (û  QJ  cO  t O 


8 


S 


5 


S 

ci 


partir  de  Tiflis,  la  route  militaire  de  Géorgie  se  sépare 
en  plusieurs  tronçons  dont  l’un  conduit  à l’O.  vers 
Akhaltzik  et  Batoum,  ou,  par  le  col  de  Souram,  jusqu’à 
la  vallée  du  Rion  et  à Poti  en  passant  par  Koutaïs. 
Au  S.-E.,  deux  autres  routes  conduisent,  l’une  vers  la 


212 


GUIDE  AU  CAUCASE 


vallée  de  la  Koura,  par  Elisabethpol,  jusqu’à  Bakou; 
l’autre  à Lenkoran,  sur  la  frontière  persane.  Au  S., 
une  chaussée  postale  traverse  les  villes  d’Alexandropol 
et  de  Kars  qu’elle  réunit  à travers  le  plateau  de  Gok- 
tchaï  avec  Erivan,  Edchmiatzine  et  UArarat.  Au  N.-E., 
enfin,  une  route  postale  mène  en  Kakhéthie.  Les  cols 
jouent  naturellement  dans  le  Caucase  comme  dans  tous 
les  pays  montagneux  un  rôle  considérable  pour  le  pas- 
sage des  piétons  et  des  mulets.  En  dehors  des  cols 
cités  déjà  dans  la  partie  orographique,  mentionnons 
encore  dans  le  groupe  des  monts  du  Kouban,  les  cols 
Akh-Birtz,  conduisant  des  sources  de  la  Grande-Laba 
sur  les  terres  des  Pskhow,  le  Kloutchor,  praticable 
pour  les  chevaux,  entre  la  vallée  du  Kodor  et  la  Ta- 
berda  ; le  col  de  Nakhar  (2.931  m.  ),  conduisant  de  la 
rivière  de  ce  nom  jusqu’à  la  rivière  Klitch.  Au  centre 
de  la  chaîne,  le  col  de  Karet  (3.220  m.),  le  Skoudner 
(3.000  m.);  le  Naksagar  (2.900  m.),  le  Djiper,  allant 
des  sources  du  Baskan  à la  vallée  de  la  Neskra 
(3.650  m.),  le  Dougoussouroun  (3.600  m.),  le  col  de 
Ceja,  entre  la  vallée  de  même  nom  et  les  sources  de 
fArdone;  l’Oullou-Auz  (Grande  Vallée)  réunissant  le 
Tcherek  au  Dou-Mala,  à travers  le  versant  E.  du  Dikh- 
Taou  (environ  4.000  m.);  le  Salouïnan-Tchiran 
(3.800  m.)  conduit  du  glacier  Bissinghi  au  Gara-Sou 
et  au  Tcheghem;  enfin,  le  col  d’Aksou  (3.600  m.)  donne 
passage  du  glacier  Chitchildi  au  Betsho.  Dans  laTrans- 
caucasie,  la  configuration  du  terrain  a permis  d’établir 
des  communications  plus  faciles  ; les  sentiers  et  les 
passages  sont  plus  nombreux,  les  cols  moins  élevés1. 

Les  chemins  de  fer  comprennent  actuellement  : 

1°  La  ligne  de  Rostoff-sur-Don  à Vladikawkaz  (pro- 
longement des  lignes  de  la  Russie  méridionale). 

2°  Embranchement.  Ligne  de  Tikhoretskaïaà  Novo- 
Rossiisk. 

3°  Ligne  de  Vladikawkaz  à Pétrovsk,  sur  la  mer 
Caspienne  (en  construction). 

4°  Lignes  de  Poti  et  Batoum  à Tifïis,  qu’elles  re- 
lient à travers  le  col  de  Souram  et  Mtzkhet  à Bakou. 

1.  D’après  P.  Lemosoff,  Grande  Encyclopédie. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


213 


5°  (Embranchement).  Ligne  de  Bakou  à Saboutcbi, 
Sourakhane,  Balakhané. 

6°  (Lignes  secondaires).  Embranchement,  de  Rion 
à Koutaïs. 


7°  De  Koutaïs  à Tkwibouly  (houillères). 

8°  De  Kwirila  à Tchiatoury  (mines  de  manganèse). 
9°  De  Michaïloffi  à Borjom  (eaux  minérales),  (en 
construction). 


214 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Lorsque  le  réseau  intérieur  sera  complété  et  que  de 
grandes  voies  ferrées  relieront  la  ligne  transcaucasienne 
à la  Russie  et  à la  Perse,  lorsque  des  ponts,  des  chaus- 
sées seront  construits  dans  les  riches  vallées  actuelle- 
ment presque  impraticables,  lorsqu'on  aura  rendu  pos- 
sible la  colonisation  du  littoral  de  la  mer  Noire  par 
des  voies  de  communications  et  assaini  les  plaines  de 
la  Koura,  de  l’Araxe  et  de  l’Alazan,  en  rendant  à 
l’agriculture  plus  de  2 millions  d’hectares  restés  in- 
cultes faute  de  canaux  d’irrigation,  on  peut  être  assuré 
que  ce  pays  prendra  un  développement  économique 
extraordinaire. 

COMMERCE  EXTÉRIEUR 

Mouvement  maritime. 

De  1823  (époque  à laquelle  une  première  caravane 
réussit  à passer  de  Poti  à Bakou)  à 1860,  les  chiffres 
statistiques  font  défaut;  on  estime  que  de  1840  à 1850 
le  mouvement  commercial  extérieur  ne  s’élevait  pas  à 
plus  de  2 à 3 millions  de  roubles.  De  1862  à 1881,  la 
moyenne  est  de  13.343.000  r.,  dont  5.264.000  r.  à 
l’exportation  et  8.079.000  à l’importation,  soit  une 
différence  de  2.815.000  r.  en  faveur  de  cette  dernière. 
De  1881  à 1886,  par  suite  de  l’ouverture  de  la  ligne  de 
Bakou-Tiflis,  le  mouvement  du  commerce  extérieur 
s’éleva  brusquement  à 36.585.000  r.  En  1888,  il  a 
atteint  49.310.000,  dont  36.304.000  r.  à l’exportation  et 
13.006.000  r.  à l’importation  \ 

La  France  importe  au  Caucase  : vins,  spiritueux, 
liqueurs,  épices,  tonneaux,  sacs  vides,  articles  de  dro- 
guerie, quincaillerie  de  luxe,  mercerie,  modes,  parfu- 
merie; chaux,  ciment,  briques,  tuiles,  colle  forte, 
graines  de  vers  à soie,  étoffes  en  soie,  produits  chi- 
miques et  pharmaceutiques,  asphalte,  plomb,  cristaux, 
bonneterie,  lingerie,  crin  végétal,  soufre,  machines. 
L 'Allemagne  inonde  déjà  le  Caucase  de  ses  produits, 
matières  premières  à demi  ouvrées,  denrées  alimen- 
taires, articles  de  Paris,  contrefaçons  de  tout  genre; 


1.  D’après  V.  Thiébaut. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


215 


spécialités  : machines  de  toute  espèce,  produits  chi- 
miques, cordonnerie,  étoffes,  lingerie,  couleurs,  parfu- 
merie, modes,  bijouterie,  papeterie,  fleurs,  ganterie, 
chapellerie,  vêtements  confectionnés,  verrerie,  porce- 
laine, carrosserie,  meubles,  papiers  peints,  jouets, 
tabletterie,  instruments  de  musique.  L 'Angleterre  im- 
porte : peaux  préparées  ou  apprêtées,  ciment,  houille, 
fonte,  fer,  objets  fabriqués  métalliques.  U Autriche- 
Hongrie  : chaussures,  instruments  de  musique,  cuirs 
ouvrés,  vitres,  allumettes.  La  Belgique  : matières 
brutes  et  à demi  ouvrées,  matériel  de  chemin  de  fer, 
fontes,  tuyaux,  lampes.  La  Perse  : seigle,  orge,  maïs, 
riz,  miel,  fruits  secs,  denrées  alimentaires,  tabac,  ma- 
tières tinctoriales,  coton  brut,  peaux  brutes  et  prépa- 
rées, frisons,  soie  et  tourbe,  divers  minerais,  gomme, 
soieries,  tissus  de  laine,  tapis.  La  Turquie  : des  fruits 
et  légumes,  des  fourrures,  du  papier  à cigarettes,  des 
fers,  cotonnades  simples  ou  mélangées  de  soie  et  des 
cordes. 

Mouvement  maritime . — En  1887  les  ports  du  Cau- 
case, dans  la  mer  Noire  et  dans  la  mer  Caspienne,  ont 
reçu  12.899  bateaux  ou  vapeurs,  avec  plus  de  3 mil- 
lions de  tonnes,  et  expédié  12.887  bateaux  ou  vapeurs, 
avec  3.150.000.000  det.  Ces  chiffres  comprennent  le  ca- 
botage et  le  long  cours. 

Le  Caucase  exporte,  comme  matières  brutes  et  demi- 
façonnées  : Huiles  de  naphte,  graisses  minérales  et 
produits  du  naphte,  minerais,  cuivre,  manganèse, 
métaux,  soufre,  sel,  sel  Glauber,  huile  de  sésame,  huile 
de  lin,  tourteaux,  couleurs  et  matières  colorantes, 
laines,  soies,  cocons,  cire,  duvet,  crin,  soies  de  porc, 
cornes,  peaux,  coton,  graines  de  lin,  bois  de  noyer, 
chêne,  buis,  bijouterie  en  argent  ouvré,  sellerie,  chaus- 
sures, objets  en  cuir,  étoffes  de  soie,  laine,  draps, 
feutre,  tapis,  chanvre,  etc.  ; comme  denrées  comes- 
tibles : froment,  maïs,  orge,  millet,  riz,  tabac,  vins, 
alcools,  poisson,  caviar,  salaisons,  miel,  fruits  secs, 
fromages,  gruau,  pois,  haricots,  fèves,  réglisse,  lin, 
noix,  etc. 


216 


GUIDEAU  CAUCASE 


BIBLIOGRAPHIE1 

L’antiquité  n’avait  eu  que  des  notions  très  vagues 
sur  le  Caucase,  jusqu’à  l'époque  où  les  guerres  contre 
Mithridate  y conduisirent  les  Romains.  Ce  fut  dans  le 
Ier  s.  av.  J.-C.  Dès  ce  moment,  une  ère  nouvelle 
s’ouvre  pour  l’histoire  géographique  des  pays  cau- 
casiens. L’expédition  de  Pompée  et  les  rapports  suivis 
que  le  peuple-roi  conserva  avec  les  Arsacides  de 
l’Arménie  procurèrent  aux  écrivains  de  l’Occident 
d’abondantes  notions  sur  ces  provinces  de  l’Araxe  et 
du  Caucase,  que  jusqu’alors  on  avait  à peine  connues 
de  nom.  Strabon,  Mêla,  Pline  et  Ptolémée  puisèrent 
à cette  source  nouvelle  les  détails  dont  ils  ont  rempli 
la  partie  de  leurs  ouvrages  qui  concerne  ces  contrées. 
A la  riche  nomenclature  que  présentent  surtout  la 
troisième  carte  de  sa  géographie  et  les  quatre  chapitres 
de  son  cinquième  livre,  on  est  porté  à croire  que 
Ptolémée  se  guida  sur  une  géographie  arménienne 
analogue  à celle  que  plus  tard  Moïse  de  Khorène  fit 
entrer  dans  la  partie  de  son  abrégé  géographique  qui 
traite  de  sa  patrie.  Pendant  plusieurs  siècles,  l’antiquité 
gréco-latine  vécut  sur  ces  notions.  Au  Ve  s.,  les  guerres 
des  empereurs  de  Constantinople  contre  les  Persans 
procurèrent  une  connaissance  plus  détaillée  des  pays 
qui  bordent  le  fond  de  l’Euxin,  particulièrement  de 
tout  le  bassin  du  Phase  ou  de  la  Colchide  des  anciens 
auteurs  ; mais  à partir  de  cette  époque  il  faut  traverser 
tout  le  moyen  âge  pour  retrouver  une  période  de  recru- 
descence géographique.  Du  Ve  ou  plutôt  du  IIIe  au 
XVIe  s.,  les  pays  du  Caucase  et  l’Arménie  furent  le 
théâtre  d’événements  importants,  mais  les  sources 
d’information  fournies  par  cette  longue  période,  meme 
l’empereur  Porphyrogénète  dans  son  Traité  de  l’admi- 
nistration de  l’Empire  (Xe  s.),  meme  les  auteurs 
musulmans,  soit  persans,  soit  arabes,  dans  leurs  nom- 
breux traités  de  géographie  et  dans  leurs  relations  de 
voyages,  ne  reculent  pas  les  bornes  des  connaissances 

1.  D’après  Vivien  de  Saint-Martin,  P.  Lemosoff  ( Grande 
Encyclopédie ),  et  les  notes  de  M.  Zagoursky. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


217 


antérieures.  Ce  sont  des  documents  à consulter  pour 
apprécier  les  changements  survenus  dans  les  conditions 
politiques  des  différents  pays  de  l’isthme,  aussi  bien 
que  dans  la  circonscription  des  provinces  ou  des  Etats 
et  dans  la  nomenclature  de  la  géographie  locale  ; il  ne 
faut  pas  leur  demander  autre  chose.  Une  seule  pro- 
vince, le  Daghestan,  s’enrichit  de  quelques  nouveaux 
détails;  pour  toutes  les  autres,  meme  pour  l’Arménie, 
les  notions  positives  n’égalent  pas  à beaucoup  près,  loin 
de  les  surpasser,  celles  des  géographes  et  des  historiens 
de  la  période  romaine. 

Dès  que  l’Occident,  sorti  du  long  enfantement  de  la 
barbarie,  est  né  enfin  à un  ordre  nouveau,  ses  regards 
et  ses  pensées  se  reportent  vers  les  pays  de  l’Orient. 
L’activité  humaine  n’avait  alors  que  deux  mobiles  dans 
ses  pérégrinations  : la  religion  et  le  négoce.  Situés  au 
seuil  de  l’Asie,  le  Caucase  et  l’Arménie  se  présentèrent 
les  premiers  sous  les  pas_  des  marchands  européens  et 
des  missionnaires.  Les  uns  et  les  autres  ne  tardèrent 
pas  à en  donner  des  relations  qui  ouvrent  pour  ces 
contrées  l’ère  de  la  géographie  moderne.  On  dut  aux 
vénitiens  Barbaro  et  Contarini,  à la  fin  du  XVe  s., 
de  très  bons  renseignements  sur  plusieurs  parties  de 
l’isthme  et  au  génois  Interiano,  quelques  années  plus 
tard,  une  excellente  notice  des  Tcherkess.  Bientôt 
après,  l’Anglais  Jenkinson  et  plusieurs  autres  de  ses 
compatriotes  apportaient  sur  la  mer  Caspienne  les  pre- 
mières notions  justes  que  l’Europe  en  eût  reçues  depuis 
le  temps  d’Hérodote.  Le  XVIIe  s.  a produit  deux 
relations  notables  : la  description  de  la  Mingrélie  du 
missionnaire  romain  Archangelo  Lamberti,la  meilleure 
et  la  plus  complète  à bien  des  égards  que  nous  ayons 
encore  aujourd’hui  de  l’ancienne  Colchide  ; et  la 
partie  des  voyages  de  Chardin  qui  se  rapporte  à la 
même  contrée  et  à la  Géorgie.  Mais  c’est  surtout  avec 
le  XV IIIe  s.  que  commencent  les  grands  progrès  de  la 
géographie  caucasienne.  Les  intérêts  politiques  qui 
amenèrent  alors  les  Russes  dans  le  Caucase  en  sont  le 
point  de  départ.  La  reconnaissance  complète  de  la  mer 
Caspienne  et  la  carte  du  Daghestan  levée  par  Gàrber, 
qui  donna  en  même  temps  une  description  circons- 

14. 


218 


GUIDE  AU  CAUCASE 


tanciée  de  la  province  et  du  Chirvan,  en  furent  les 
premiers  fruits  ; ces  deux  documents  précieux  pour 
l’époque  se  rattachent  l’un  et  l’autre  à l’expédition  de 
Pierre  le  Grand.  Depuis  lors,  un  grand  nombre  de 
voyages  particuliers  et  d’expéditions  collectives  ordon- 
nées ou  favorisées  par  le  gouvernement  russe,  dirigées 
par  l’Académie  impériale  et  confiées  pour  la  plupart  à 
des  Allemands  que  la  Russie  avait  appelés  ou  accueillis, 
se  sont  succédé  à des  intervalles  toujours  plus  rappro- 
chés. Güldenstadt  pénétra  le  premier,  en  1772,  dans  le 
massif  même  du  Caucase,  parcourut  la  Géorgie,  l’Imé- 
réthie,  et  dota  l’Europe  des  premières  notions  positives 
sur  la  géographie  physique,  l’histoire  naturelle,  la 
géologie  de  ces  provinces  centrales  et  l’ethnologie  des 
nombreuses  tribus  montagnardes.  Falk,  Pallas,  Po- 
tocki, Engelhardt,  Parrot,  Visniefski,  Kupffer,  Gôbel, 
Homère  de  Hell  ont  étudié  les  vastes  steppes  qui 
s’étendent  au  N.  du  Caucase  jusqu’aux  embouchures 
du  Don  et  du  Volga.  Marschall  de  Biebestein,  Stéven, 
Eichwald,  Lenz  et  Ménétriès,  Ruprecht,  etc.,  ont  beau- 
coup ajouté  aux  notions  fournies  par  Gârber.  Le  célèbre 
Klaproth  a repris  les  explorations  de  Güldenstadt  sur 
la  géographie  des  provinces  de  la  Kouraet  sur  l’ethno- 
logie générale  de  l’isthme.  Sous  ce  dernier  rapport, 
important  pour  l’éclaircissement  des  origines  euro- 
péennes, ses  propres  travaux  ont  été  complétés  ou 
rectifiés  par  les  recherches  de  Vivien  de  Saint-Martin, 
Kovalevsky  et  Uslar  qui  a donné  les  bases  d’une  clas- 
sification raisonnée  des  peuples  du  Caucase.  Des 
physiciens,  des  géologues,  tels  que  Parrot,  Ernest 
Favre,  Kolenati,  Abich,  Koschkül,  Salatsky,  Jules 
François,  Dru  ont  déterminé  les  formes  générales  du 
relief  du  pays  et  les  sources  minérales.  La  faune  et  la 
flore  ont  été  décrites  par  Radde,  Bogdanofï,  Krimitsky. 
Brosset,Duboisde  Montpéreux,  Dulaurier,Bartholomé, 
le  prince  Gagarine,  Bayern,  Elisée  Reclus,  Virkhow,  le 
comte  Ouvarofï,  Chantre,  de  Morgan  ont  publié  diffé- 
rents ouvrages  renfermant  des  données  précieuses  sur 
l’histoire,  la  géographie,  l’archéologie,  l’architecture, 
les  inscriptions,  la  littérature,  la  numismatique  indi- 
gènes et,  depuis  Gamba,  Tavernier  et  Alexandre 


GUIDE  AU  CAUCASE 


219 

Dumas,  une  foule  cle  touristes,  baron  Ernouff,  Ber- 
noville,  Caria  Séréna,  Kôkhlin- Schwartz , Orsolle, 
Moser,  Boulangier,  Leclerc,  etc.,  ont  complaisamment 
raconté  leurs  impressions  de  route  et  mis  à la  mode  le 
« Voyage  au  Caucase  )).  Des  membres  du  Club  alpin  : 
Freschfield,  Décliy,  Tucker,  Moore,  ont  fait  l’ascen- 
sion  des  principaux  sommets  de  la  chaîne  et  recueilli 
une  série  de  vues  photographiques  et  d’observations 
intéressantes.  En  même  temps  que  les  topographes 
russes  sous  les  ordres  des  généraux  Chodzko  et  Steb- 
nisky  ont  couvert  d’un  vaste  réseau  de  triangulations 
tout  Fisthme  caucasien  et  ont  publié  deux  belles  cartes  1 
(aux  échelles  de  5 v.  et  10  v.  au  pouce,  1/210,000  et 
1/420,000),  des  fouilles  archéologiques  faites  par  les 
soins  des  gouvernements  russe,  français  et  allemand, 
sont  venues  éclairer  d’une  vive  lumière  le  passé  du 
Caucase.  La  Section  caucasienne  de  la  Société  impé- 
riale de  géographie  a pour  tâche  spéciale  Fétude  ethno- 
graphique et  ethnologique  des  pays  caucasiens  et  des 
régions  limitrophes.  Le  Département  des  voies  et  coin- 
analogue  au  service  des  ponts  et  chaussées 
en  France,  s’occupe  des  avalanches  et  des  mouvements 
des  glaciers.  Les  recherches  géologiques  sont  faites  par 
le  Département  des  mines . Parmi  les  établissements, 
institutions.  Sociétés  savantes  contribuant  à explorer 
le  Caucase  à des  points  de  vue  différents  et  à développer 
la  connaissance  du  pays,  il  faut  citer  : Y Observatoire 
physique  de  Tiflis , celui  d ' Abastouman,  la  Société  ar- 
chéologique, la  Commission  archéo graphique  à laquelle 
M.  Berger  avait  voué  ses  soins,  le  Comité  de  statis- 
tique dirigé  par  M.  Seidlitz,  la  Société  technique  créée 
par  M.  Ghersévanoff,  la  Société  d'agriculture  et  le 
Musée  de  Tiflis. 

1.  Ce  sont  les  meilleures  à consulter.  Il  existe  aussi  deux 
petites  cartes  en  langue  française,  assez  bonnes  : celle  de 
Schrader  (Hachette,  Paris,  1892),  et  celle  de  V.  Thiébaut 
(Paris,  1891). 


FIN  DE  LA  PREMIÈRE  PARTIE 


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Bataille  de  Fleurs 
Essence  de  Roses  du  Japon 
Sublime  jParfum 
Essence  Héliotrope  blanc 


Bouquet  Fin  de  Siècle 
Rêve  d’Or 

Chrysanthème  de  Tokio 
Mascotte  (Parfum  Porte-Bonheur) 
Essence  Chèvrefeuille 
Bouquet  Franco-Russe 
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SECONDE  PARTIE 

ITINÉRAIRE  A 

DE  CONSTANTINOPLE  A BATOUM,  PAR  LA  MER  NOIRE1 

Bateaux  à vapeur.  — Compagnie  russe  de  navigation.  — 
Service  hebdomadaire,  ligne  d’ANATOLiE  et  de  Batoum.  Mes- 
sageries maritimes  fran- 
çaises : Service  bi-mensuel 
entre  Marseille.  Constanti- 
nople et  les  ports  de  la  mer 
Noire.  Paquet  et  Cie:  Ser- 
vice direct,  toutes  les  deux 
semaines . de  Marseille  à 
Poti,  avec  escales  à Cons- 
tantinople, Sainsoun,  Tré- 
bizonde  et  Batoum.  Egée  : 
Ligne  de  Trébizonde,  avec 
escales  à Erékli,  Inéboli,  Si- 
nope,  Samsoun,  Kérasonde. 

En  s’éloignant  de  Cons- 
tantinople, la  vision  en- 
chanteresse du  Bosphore 
disparaît  peu  à peu.  La 
côte  d’Asie-Mineure,  que 
le  vapeur  longe  ordinai- 
rement d'assez  près,  offre 
des  lignes  de  paysages 
très  pures;  les  montagnes 
élevées  baignent  dans  la 
mer  ; sur  leurs  pentes 
abruptes  s’étagent  de 
grandes  forêts  qui  abou- 
tissent au  rivage  et  où 
s’abritent  un  grand  nom- 
bre de  petites  villes  ou  de 
villages.  Erekli  (2,000 
hab.),  l’ancienne  Héra- 
clée  ou  ((  portd’Hercule 
est  dans  une  vallée  ver- 
doyante au  bord  d’une 
crique  abritée  du  N.,  et 
est  entourée  de  vieilles 
murailles  cachées  ça  et  là  par  des  hêtres  touffus. 

1.  D’après  Elisée  Reclus. 


2e  partie  1 


2 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Dans  le  voisinage  on  exploite  faiblement,  depuis  la 
guerre  de  Crimée,  des  mines  de  houille  que  des 
travaux  sérieux,  vainement  proposés  par  des  indus- 
triels européens,  rendraient  plus  productives.  Quel- 
ques débris  de  l’ancienne  Héraclée  se  voient  encore 
dans  l’enceinte  moderne.  Au  N.,  au  milieu  des  ro- 
chers, on  montre  la  grotte  Acherousia  où  descendit 
Hercule  pour  enchaîner  Cerbère  et  vaincre  la  mort  ; les 

magiciens  y évo- 
quaient les  fantô- 
mes. Après  Bartan, 
Amasra  et  Ineboli 
(3,000  hab.)  , an- 
cienne colonie  grec- 
que, on  double  le  cap 
Syrias  ou  Indjeh- 
Bouroun.  La  char- 
mante Sinope 
(9,000  hab.),  anti- 
que ville  assyrien- 
ne, déjà  colonisée 
par  les  Milésiens, 
il  y a vingt-sept 
siècles,  située  près 
du  promontoire  le 
plus  septentrional 
de  l’Asie  - Mineure , est  comme  en  dehors  du  conti- 
nent ; c’est  une  sorte  d’île  ne  devant  son  importance 
qu’à  ses  avantages  maritimes.  Le  groupe  des  collines 
auxquelles  la  ville  s’adosse  fut  en  effet  un  massif 
insulaire  formé  d’assises  calcaires,  que  recouvrent  en 
certains  endroits  des  trachytes  et  des  tufs  volcaniques. 
Un  isthme  étroit,  que  les  vents  N. -O.  parsèment  d’un 
sable  fin,  rattachent  les  hauteurs  à la  terre  ferme. 
Du  haut  des  coteaux  qui  dominent  le  pédoncule  de 
Sinope,  ses  constructions  et  ses  deux  rades,  on  con- 
temple l’un  des  tableaux  les  plus  attrayants  du  littoral 
d’Asie.  Les  ondulations  harmonieuses  de  la  rive,  com- 
parées par  les  poètes  orientaux  au  corps  souple  d’un 
adolescent,  les  groupes  d’arbres  épars  qui  ombragent 
les  pentes,  les  maisons,  les  tours,  les  minarets,  les 


GUIDE  AU  CAUCASE 


3 


navires  qui  se  mirent  dans  le  flot  bleu,  le  contraste  des 
deux  ports  ayant  chacun  son  système  de  courants,  ses 
risées  et  ses  reflets,  ont  fait  de  Sinope  le  joyau  de 
TAnatolie  du  Nord.  Mais  à l’intérieur  des  murs,  flan- 
qués de  tours  lézardées  et  penchantes,  on  ne  voit  plus 
aucun  débris  des  monuments  qui  s’élevaient  dans  la 
libre  cité  grecque,  aux  temps  où  naquit  Diogène  le 
Cynique;  les  édifices  que  construisit  Mithridate,  égale- 
ment fils  de  Sinope,  n’existent  plus,  mais  dans  les 
murailles  byzantines  sont  encastrés  des  fragments  de 
sculpturesetd’inscriptions  antiques.  Le  port  méridional. 


SINOPE.  — D’après  la  carte  d’Elisée  Reclus. 

de  beaucoup  le  plus  fréquenté,  n’est  protégé  par  aucune 
jetée,  mais  les  navires  peuvent  y ancrer  en  toute  sécurité 
quand  souffle  le  vent  d’Ouest.  Le  gouvernement  turc  a 
reconstruit  à Sinope  un  arsenal  et  un  chantier  pour 
remplacer  ceux  que  la  flotte  russe  vint  brûler,  au 
commencement  de  la  guerre  de  Crimée,  en  1853.  Le 
commerce  local  se  borne  à l’expédition  des  fruits  et  des 
bois.  On  sait  que  la  cité  paphlagonienne  fournissait 
jadis  aux  artistes  cette  « terre  de  Sinope  ))  dont  le  nom 
s’est  transmis  dans  le  langage  héraldique  au  vert 
« sinople  » des  blasons. 

Samsoun  (30,000  hab.)  — Agences  des  Compagnies  de  navi- 
gation : Messageries  maritimes  françaises , Paquet , Russe , 
Egée,  Lloyd  austro-hongrois , ottomane  Mahsoullé.  Agences 
consulaires  de  France,  d' Autriche,  d'Italie.  Exportation: 
tabac , maïs,  blé,  soies,  peaux  de  bœuf,  de  chèore,  laines , riz, 
pommes,  pois  chiches.  Importation:  produits  manufacturés , 
coloniaux,  quincaillerie. 


4 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Ce  port,  qui  sert  d’intermédiaire  au  commerce 
des  deux  bassins  du  Yechil-Irmak  et  du  Kizil-Irmak, 
se  trouve  presque  à moitié  chemin  entre  les  deux  deltas  ; 
il  a succédé  à l’antique  Amisus  des  Grecs  qui  s’élevait 
à 2 kil.  plus  au  N.,  et  dont  on  voit  encore  les  môles 
et  les  restes  de  quais,  bordant  des  terres  alluviales 
cultivées  en  jardins.  La  cité  actuelle,  avec  ses  rues 
tortueuses  et  sales,  n’est  remarquable  que  par  sa  rade. 
Depuis  le  milieu  du  siècle,  son  commerce  a notablement 
augmenté,  surtout  avec  la  Russie,  et,  dans  les  projets 

de  nombreux  ingénieurs, 
Samsoun  est  désigné  com- 
me futur  point  de  départ 
d’un  chemin  de  fer  qui  se 
dirigerait  vers  Tokat,  Sivas 
et  les  plaines  de  l’Euphrate. 
A l’O.  du  promontoire  de 
Jason,  considéré  comme  la 
limite  orientale  des  côtes 
pontiques  de  l’Asie  - Mi- 
neure, la  première  ville  du 
riche  pays  de  Djanik  est  le 
port  d’Ôunieh,  connu  par 
ses  carrières  d’où  l’on  ex- 
trait des  dalles  calcaires 
SAMSOUN.-D’après  la  carte  d’Elisée  Reclus  rouges  et  blanches  \ les 

roches  excavées  par  les 
carriers  renferment  des  bancs  de  jaspe  qui  prend  un 
très  beau  poli.  Les  collines  calcaires  des  environs 
sont  recouvertes  d’une  argile  jaunâtre  dans  laquelle  se 
trouvent  des  nodules  de  pierre  ferrugineuse  d’une  assez 
faible  teneur  en  métal,  que  les  gens  du  pays,  peut-être 
descendants  des  anciens  Chalybes,  fondent  et  forgent 
en  de  rustiques  usines  ; le  fer  affiné  au  feu  de  charbon 
est  d’ailleurs  d’excellente  qualité,  et  le  gouvernement 
turc  l’achète  pour  ses  arsenaux.  A l’E.  du  promontoire 
se  succèdent  Wonaliman,  Ourlou,  qui  n’ont  qu’un 
faible  trafic.  Le  bateau  fait  escale  à Kêrasonde,  l’an- 
cienne Kerasos,  aux  murs  cyclopéens,  d’où  Lucullus 
apporta  jadis  à Rome  les  premiers  plants  de  cerisiers  : 
la  dénomination  de  l’arbre,  keraz  en  arménien,  prouve 


GUIDE  AU  CAUCASE 


5 


que  la  ville  lui  doit  son  nom.  Kérasonde  était  autrefois 
entourée  de  forets  de  cerisiers  : néanmoins  ce  sont 
principalement  des  noisettes  que  l’on  exporte  de  cette 
contrée.  C’est  aussi  à Kérasonde  qu’est  amené  l’alun 
exploité  à Cheb-Khaneh.  Un  peu  plus  loin,  sur  la  côte, 
se  voit  Tireboli  ou  Taraboulous,  une  des  nombreuses 
Tripoli  ou  « Trois  Cités  » qui  donnaient  asile  aux 
habitants  d’une  triple  origine  \ 

Trébizonde  (le  Trapezos  des  Grecs,  le  Tirabzon  des  Turcs), 
40,000  hab.  Ville  forte , chef-lieu  du  vilayet  du  même  nom , 
résidence  d'un  pacha.  Hôtel  d'Italie  et  de  Bellevue . Télé- 
graphe. Poste  française,  autrichienne , russe  et  turque.  Con- 
sulats ou  vice-consulats  de  France , d' Angleterre,  de  Russie , 
d' Autriche,  de  Grèce , d'Italie , de  Perse.  Mosquées.  Eglises 
grecques  et  catholique , Bains,  etc.  Agences  des  Compagnies 
de  navigation  : Messageries  maritimes  françaises , Compagnie 
russe,  ottomane  Mahsoullé,  Paquet,  Lloyd  autrichien,  etc.  Im- 
portation: Tissus  coton  filé,  quincaillerie,  armes,  horlogerie , 
fers  anglais  et  russes , acier , étain,  papier,  café,  rhum,  poivre, 
épices,  savon,  blé  et  grains  de  Russie,  sucre,  soieries,  fils  d'or , 
draps,  bonnets  rouges,  cuirs,  pointes  de  Paris,  salaisons , 
huile  de  Provence,  vins  fins.  Exportation:  Cuivre,  cire,  noix 
de  galle,  haricots , noisettes,  maïs,  buis,  coton,  poteries. 

Cette  ville,  une  des  antiques  cités  de  TAsie-Mineure, 
n’ayant  qu’une  mauvaise  rade,  il  est  souvent  impossible 
d’y  relâcher  parle  gros  temps  ; les  navires  doivent  aller 
mouiller  à Platana.  Trébizonde  n’a  plus  de  son  passé 
que  des  souvenirs,  des  ruines  pittoresquement  enca- 
drées. Construite  en  amphithéâtre,  elle  présente  encore 
la  forme  d’un  trapèze,  ce  qui  lui  a fait  anciennement 
donner  son  nom.  La  forteresse,  jadis  célèbre,  est  aujour- 
d’hui une  enceinte  délabrée  qui  se  dresse  entre  deux 
précipices  sur  la  crête  d’un  promontoire  rocheux  et  qui 
est  reliée  à la  ville  neuve  par  dès  ponts  ; une  arête  de 
quelques  mètres  de  largeur  la  rattache  à la  montagne 
volcanique  de  Boz-Tépé.  Dans  la  forteresse  était  bâti  le 
palais  des  Comnènes  : ses  ruines  sont  entièrement 
recouvertes  par  des  lierres  séculaires,  et  des  figuiers 
poussent  dans  les  vieux  fossés  comblés.  Quoi  qu’il  en 
soit,  depuis  la  suppression  du  transit  transcaucasien, 
Trébizonde  a repris  de  l’importance  comme  entrepôt  et 
comme  marché.  C’est  là  que  se  forment  et  qu’arrivent 
presque  toutes  les  caravanes  de  la  Perse  ; une  route- 

1.  D’après  Élisée  Reclus. 


6 


GUIDE  AU  CAUCASE 


carrossable  relie  Trébizonde  à Erzéroum  et  se  continue 
dans  la  direction  de  Van  par  un  chemin  praticable  aux 
arbas.  La  population,  assez  mélangée,  se  compose  de 
Turcs,  d’ Arméniens,  de  Grecs  et  de  négociants  euro- 
péens. Les  marins,  en  dehors  de  la  petite  navigation 
commerciale,  y sont  employés  à la  pêche  d’une  espèce 
d’anchois  nommé  par  les  Turcs  khamsi.  De  1865  à 
1868,  on  a fait  dans  ces  parages  une  chasse  aux 
grèbes  (koukarina)  très  active  et  très  productive. 
A 2 kil.  de  la  ville,  se  trouve  l’église  de  Sainte- 
Sophie  transformée  en  mosquée.  C’est  un  assez  beau 
type  d’architecture  byzantine  du  XIIIe  s.  La  tra- 


TRÉBIZONDE.  — D’après  la  carte  d’ÉIisée  Reclus. 

dition  du  pays  raconte  que  Justinien  a fait  élever  cette 
église  en  même  temps  que  celle  qui  à Constantinople 
porte  le  même  nom,  mais  aucune  inscription  ne  le 
prouve  et  Procope  ne  la  mentionne  pas.  Le  port  Pla- 
tana  esta  10  kil.  à l’O.  de  Trébizonde.  D’après  Arrien, 
l’empereur  Adrien  avait  fait  construire  une  jetée  des- 
tinée à mettre  les  navires  à l’abri  des  vents  et  des 
courants.  Les  Génois,  devenus  maîtres  du  pays,  ne 
négligèrent  pas  ce  mouillage;  ils  y firent  élever  un 
môle.  Cet  ouvrage,  aussi  bien  que  ceux  qui  étaient  dus 
à Adrien,  n’offre  plus  que  des  ruines. 

La  côte  méridionale  offre,  en  sortant  de  la  ville,  une 
esplanade  à perte  de  vue,  dont  il  est  difficile  de  décrire 
la  magnificence.  Elle  était  très  probablement  autrefois 
plantée  d’arbres  disposés  avec  symétrie , selon  la 
coutume  des  Grecs.  Trébizonde  a subi  dans  le  cours 
des  âges  une  foule  de  vicissitudes.  Un  des  plus 
anciens  souvenirs  qui  s’y  rattachent  est  le  séjour  qu’y 


GUIDE  AU  CAUCASE 


7 


fit  Xénophon  avec  les  débris  de  l’armée  grecque  qu’il 
commandait  lors  de  la  retraite  des  Dix-Mille.  A ce 
propos,  Xénophon  considère  Trébizonde  comme  une 
colonie  de  la  Trapezus  d’Arcadie,  sur  l’Alphée  ; il 
est  beaucoup  plus  probable  que  ce  fut  une  colo- 
nie de  Sinope.  Après  avoir  fait  partie  de  l’Arménie- 
Mineure,  puis  du  royaume  du  Pont,  elle  tomba  au 
pouvoir  des  Romains,  fut  déclarée  ville  libre  par  Pom- 
pée et  érigée  en  capitale  du  Pontus  Cappadocius  par 
Trajan.  Adrien  lui  donna  une  importance  commerciale 
considérable.  Prise  est  saccagée  par  les  Goths,  sous  le 
règne  de  Valérien,  elle  se  releva  de  ses  ruines  avec 
l’aide  de  Justinien,  qui  reconstruisit  ses  fortifications. 
En  1204,  après  que  Beaudouin,  comte  de  Flandre,  Se 
fut  emparé  de  Constantinople,  elle  servit  d'asile  à 
Alexis  Comnène  et  devint  la  capitale  d’une  principauté 
dite  de  Trébizonde,  qui  finit  en  1461,  époque  où  la  ville 
fut  prise  d’assaut  par  Mahomet  II. 

Après  Trébizonde  jusqu’à  Batoum,  pendant  150  kil., 
en  n’aperçoit  que  quelques  bourgades  insignifiantes  : 
Surméné,  Of,  Rizeh,  etc.  Atina,  antique  colonie 
grecque  qui  porta  jadis  le  nom  d’Athéné  comme  la 
capitale  de  l’Attique,  n’a  que  des  maisons  éparses 
et,  dans  le  voisinage,  quelques  débris  de  murs  aux- 
quels on  donne  le  nom  d’Eski-Tirabzon  ou  vieille 
Trébizonde.  On  passe  devant  l’embouchure  du  Tcho- 
rok,  et  on  arrive  à Batoum.  ( Voir  ce  nom  à l'iti- 
néraire B.  Route  1 .) 

ITINÉRAIRE  B 

d’odessa  a kertch,  novo-rossiisk,  poti,  batoum, 

PAR  LA  MER  NOIRE1 

Bateaux  à vapeur.  — Compagnie  russe  de  navigation.  — 
Départ  cL’Odessa  les  lundi  et  jeudi  à H heures,  et  aussi  îe  samedi, 
en  été,  à 5 heures  du  soir  ; arrivée  à Batoum,  le  vendredi  soir  et 
les  lundi  et  mercredi  matin;  avec  escales  à Eupatoria,  Yalta, 
Théodosie  et  Kertch.  Le  bateau  partant  le  samedi  en  été  et  celui 
du  lundi  en  hiver  ne  touchent,  entre  Kertch  et  Batoum,  qu’à 

1.  D’après  Brosset,  Dubois  de  Montpéreux,  Elisée  Reclus, 
Bædeker,  le  prince  Tsérételli,  le  colonel  Kazbek  et  la  carte  de 
i’état-major  russe. 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


Novo-Rossiisk,  celui  du  jeudi  qu’à  Soukoum-Kaleh,  et  ceux 
du  lundi  en  été  et  du  jeudi  en  hiver  desservent  tous  les  points 
mentionnés  ci-dessous.  — De  Batoum  à Odessa  : en  été,  les 
mardi  et  jeudi  à 4 heures  du  soir,  et  le  samedi  à 8 heures;  en 
hiver,  le  jeudi  à 4 heures,  et  le  samedi  à 8 heures,  le  bateau 
du  mardi  touchant  à Soukoum-Kaleh  et  à Novo-Rossiisk,  celui 
du  jeudi  seulement  à Novo-Rossiisk,  et  celui  du  samedi  à tous 
les  ports.  — Prix  : d’Odessa  à Novo-Rossiisk,  25  r.,  19  r.,  et 
6 r.  40;  à Touapsé,  Sotchi  et  Soukoum-Kaleh.  34.  26  et  8;  à 
Poti,  38,  30  et  9.60;  à Batoum,  39,  30.50  et  9.80,  nourriture  com- 
prise, moins  le  vin.  Durée  du  trajet  : 95  heures  environ. 

Route  1.  — En  venant  d’Odessa  par  Sébastopol,. 
Théodosie,  Kertch1,  c’est  seulement  au  delà  de  l’embou- 
chure du  Kouban,  qu’on  aperçoit  la  grande  chaîne 
du  Caucase,  qui  borde  la  côte  sur  une  longueur  de 
400  kil.  On  est  frappé  du  calme  qui  règne  sur  les  ver- 
sants des  montagnes  couverts  de  forêts.  Le  nombre  des. 
habitations  est  bien  réduit  depuis  l’émigration  des 
Tcherkess;  on  voit  seulement  de  temps  à autre  les  rui- 
nes d’une  forteresse  ou  quelque  récente  colonie  russe. 
Le  bateau  touche  vers  minuit  Anapa  (6,782  hab.). 
Poste . Télégraphe.  Cette  ancienne  place  forte  tur- 
que fut  prise  par  les  Russes  dans  la  guerre  de  1828- 
1829,  et  ceux-ci  la  supprimèrent  temporairement  en  1860 
au  profit  deTemrouk, le  chef-lieu  administratif  de  la 
péninsule  deTaman.  A cette  époque,  Temrouk  était  une 
simple  stanitza  de  Cosaques,  groupant  des  maisonnettes 
sur  une  colline  d’environ  75  m.  de  hauteur,  au  milieu 
de  l’isthme  allongé  qui  sépare  deux  étangs  en  commu- 
nication avec  le  Kouban.  C’est  dans  le  voisinage  que 
s’élèvent  en  cinq  groupes  distincts,  les  principaux  vol- 
cans de  boue  de  la  péninsule  de  Taman  : on  en  compte 
plus  d’une  centaine,  qui  d’ailleurs  se  déplacent  facile- 
ment; depuis  quelques  années  les  boues  de  ces  volcans 
sont  utilisées  pour  le  traitement  des  douleurs  rhuma- 
tismales. On  arrive  vers  le  matin  à Novo-Rossiisk 
(8,000  hab.).  Poste.  Télégraphe . Hôtel  Arménien. 

1.  Compagnie  de  navigation  sur  la  mer  d’Azofï  et  la  mer 
Noire.  — Service  régulier  entre  Rostofï.  Kalatch  et  vice  versa 
— Service  hebdomadaire  entre  Rostofï  et  Théodosie  et  vice 
versa,  avec  escales  à Taganrog,  Marioupol,  Berdiansk,  Kertch  ; 
entre  Rostofï,  Kertch, Temrouk  et  vice  versâ.  (Pour  rensei- 
gnements, prix,  heures  de  départ  et  d’arrieée,  consulter  les 
tableaux  de  la  Compagnie.) 


GUIDE  AU  CAUCASE 


0 


Fabriques  de  ciment , de  tonneaux . « Standard  russe.  )> 
Ce  port,  relié  par  une  voie  ferrée  au  chemin  de  fer  de 
Rostofï-Vladikawkaz,  est  situé  près  de  la  jolie  baie  de 
Tzémess,  où  malheureusement  souffle  souvent  « le  bora», 
violent  vent  du  N.  Pour  y remédier  on  a commencé  la 
construction  d’un  port  artificiel  au  fond  de  la  baie.  En 
dehors  de  l’exportation  des  produits  agricoles  de  la 
Ciscaucasie,  Novo-Rossiisk,  qui  appartient  à la 
Russie,  depuis  1829,  et  que  les  Alliés  bombardèrent 
en  1855,  semble  appelé  à jouer  un  certain  rôle  pour 
l’exportation  du  naphte,  qu’on  trouve  en  plusieurs 
endroits  de  la  vallée  du  Kouban. 

La  route  de  Novo-Rossiisk  à Soukoum-Kaleh,  le 
long  de  la  mer  Noire,  construite  par  le  général  Annen- 
kofï,  est  terminée.  Cette  route  serpente  sur  une  cor- 
niche incomparable,  au  milieu  de  beaux  sites  et  de 
la  masse  imposante  des  montagnes  de  l’Abkhazie;  il 
n’y  manque  que  de  confortables  hôtels  pour  attirer  les 
étrangers. 

Route  2.  — De  Novo-Rossiisk  à Tikhoretskaïa 

(254  v.),  en  chemin  de  fer . ( Voir  ces  noms  à l3 iti- 
néraire E.  Route  2 .) 

Route  1 (suite).  — Le  bateau  touche  ensuite  à 
Djoubja , petit  village  d'où  part  un  chemin  menant  par 
la  montagne  à Ekathérinodar . Les  montagnes  s’élèvent 
peu  à peu.  Elles  atteignent  déjà  environ  1,000  m.  à 
Touapsé ; de  cet  endroit  une  route  mène  à Maïkop. 
Au  delà  de  Psèzouapé , fortin  russe,  on  aperçoit  quel- 
ques cimes  neigeuses  de  la  chaîne  centrale.  Puis  vient 
Sotchi  (100  hab.)  qui  passe  pour  occuper  l’emplacement 
de  l’ancien  Nisis.  La  végétation  y est  luxuriante  et  l’en- 
droit est  un  des  plus  humides  de  la  côte.  Après  Adler , 
apparaît  Pitzounda  ou  Bidchwinta , l’ancienne  Pythuis 
des  Byzantins,  et  qui  tire  son  nom  de  la  quantité  do 
pins  tutuç,  au  milieu  desquels  elle  est  bâtie.  Ce  fut 
jadis  une  ville  importante  ainsi  qu’en  témoignent  les 
ruines  des  environs.  Une  église  byzantine  d’assez 
grandes  proportions,  sans  ornements,  à assises  alter- 
nées de  pierres  et  de  briques,  a été  restaurée  en  1869  et 
1885  par  le  gouvernement  russe.  Le  plan  et  le  dessin 
ont  été  publiés  par  Dubois  de  Montpéreux.  On  a long- 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


temps  attribué  la  fondation  de  l’église  de  Bidchwinta 
■à  Justinien  Ier  (VIe  s.)  Les  auteurs  géorgiens  n’en 
parlent  cependant  pas  avant  le  XVe  s.  L’édifice, 
-dans  son  état  actuel,  n’est  pas  antérieur  au  XIIe  s. 
Siège  du  catholicat  d’Abkhazie,  jusqu’au  XVIIe  s. 
et  ayant  possédé  plus  de  3,000  serfs  et  de  grandes 
richesses  métalliques,  l’église  a conservé  quelques 
peintures  murales.  L’autel  était  recouvert  de  plaques 
de  marbre  ressemblant  beaucoup,  pour  le  travail, 

à celles  de  l’église  de 
Khopi.  ( Voir  ce  nom  à 
l'itinéraire  H.)  L’image 
dite  « de  Bidchwinta  » 
est  déposée  au  monastère 
de  Ghélath.  ( Voir  ce  nom 
à l'itinéraire  J.)  C’est 
au  monastère  de  Pit- 
zounda  que  se  rendait 
saint  Jean  Chrysostôme 
exilé , lorsque  la  mort 
l’atteignit.  Ce  lieu  de 
bannissementdes  Byzan- 
tins devint  ensuite  pour 
PITZOUNDA.  — D’après  Elisée  Reclus,  les  Génois  OU  Djinoves 

l’entrepôt  commercial  le 
plus  actif  de  la  côte,  et  de  là  surtout  partaient  les  trafi- 
quants et  les  missionnaires  italiens  qui  ont  laissé  dans 
le  Caucase  occidental  tant  de  traces  de  leur  séjour  : 
églises;  tours  de  guet,  armes  ornées  de  légendes 
françaises  et  latines,  monnaies,  etc. 

Le  bateau,  après  s’être  arrêté  à Goudaout  et  à Novi- 
Afon , couvent  fondé  en  1876  par  les  moines  du  mont 
Athos,  entre  à Soukhoum-Kaleh  (1,900  hab.).  Poste. 
Télégraphe.  Hôtel  de  Tifiis . Simple  bourgade  malgré 
son  rang  de  chef-lieu  de  district  militaire,  l’excellence 
de  son  port  profond  et  défendu  des  vents,  la  douceur 
de  son  climat  et  la  richesse  de  sa  végétation.  Là  pour- 
tant s’élevait,  disent  la  plupart  des  archéologues  russes, 
la  ville  hellénique  consacrée  aux  Dioscures  par  les 
Milésiens,  il  y a trente-deux  siècles.  Il  semblait  natu- 
rel, il  est  vrai,  de  chercher  Dioscurias  plus  au  Sud,  à 


GUIDE  AU  CAUCASE 


11 


l’endroit  où  se  trouve  le  village  d’Isgaour  ou  Iskouriah  ; 
mais  on  ne  trouve  que  peu  de  débris  anciens  dans  le 
voisinage  du  cap,  tandis  qu’une  cité  grecque  existe,  en 
grande  partie  du  moins,  à plusieurs  mètres  de  profon- 
deur dans  les  eaux  de  Soukhoum  ; des  restes  de  ca- 
naux, de  routes,  de  constructions  anciennes  se  voient 
dans  tous  les  environs,  et  ce  sont  les  débris  de  monu- 
ments grecs  que  les  Osmanlis  employèrent  en  1787 
pour  bâtir  la  forteresse  de  Soukhoum  détruite  avec  la 
ville  pendant  la  guerre  de  1877.  Même  dans  les  meil- 
leures années,  le  commerce  de  Soukhoum,  importa- 
tion et  exportation,  n’atteint  pas  la  valeur  d’un  mil- 
lion de  francs;  les  marins  se  livrent  à la  fructueuse 
pêche  des  dauphins.  Au  nord  de  Soukhoum  se  voient 
les  vestiges  d’un  mur  qu’on  dit  avoir  eu  60,000  pas  de 
longueur,  et  qui  aurait  été  construit  au  Ve  siècle  pour 
défendre  les  viJles  du  littoral  contre  les  Abkhazes. 
Dans  la  vallée  de  la  Gounista,  à deux  heures  de  Sou- 
khoum, se  trouve  une  curieuse  grotte  de  stalactites 1 . 

Après  un  court  arrêt  à Otchemchiri,  le  bateau  passe 
devant  Anaklia  et  Redout-Kaleh , dont  le  nom  bizarre 
se  compose  de  deux  mots  ayant  le  même  sens,  l’un  en 
français,  l’autre  en  turc  C’est  un  petit  port  du  littoral 
et  un  pauvre  village  de  fondation  russe,  qui  date  seule- 
ment de  ce  siècle.  Il  eut  une  certaine  importance 
comme  lieu  de  débarquement,  quoiqu’il  ne  présente 
qu’un  mauvais  ancrage  et  que  la  contrée  soit  assez 
fiévreuse.  Voisin  des  riches  campagnes  du  bas  Ingour 
où  se  trouvent  les  bourgs  populeux  de  Zougdidi,  Djwari, 
Tsalendjikha  enrichis  par  leur  maïs  et  leurs  soies 
grèges,  Redout-Kaleh  est  aujourd’hui  presque  entière- 
ment abandonné.  On  aperçoit  quelque  temps  le  dôme 
de  neige  de  l’Elbrouz  que  cachent  d’ordinaire  les  géants 
de  la  chaîne  centrale.  Le  quatrième  jour,  le  bateau 
mouille  devant  Poti. 

(4,800  hab.  ) Poste  aux  lettres.  Télégraphe , Hôtels  de  Col- 
chide,  du  Caucase.  Chambres  meublées.  Justice  de  paix,  arsenal, 
ateliers  du  chemin  de  fer,  club,  jardin  public  et  botanique, 

1.  Il  y a dans  la  vallée  presque  inhabitée  du  Khodor,  qui  a 
son  embouchure  au  sud  de  Soukhoum,  une  route  neuve 
menant  dans  la  vallée  de  la  Téberda , par  le  col  de  Kloukhorski ; 
à l'Elbrouz , par  le  col  de  Nakhar. 


12 


GUIDE  AU  CAUCASE 


ruines  d’une  forteresse  turque.  Ecole  de  marine;  deux  écoles 
russes;  une  école  grecque;  trois  églises  orthodoxes.  Vice-con- 
sulats d’Allemagne,  de  Turquie. 

Placé  à l’embouchure  d’un  fleuve  navigable  et  dans 
une  région  qui,  quoique  fiévreuse  et  marécageuse,  est 
dffine  étonnante  fertilité,  Poti  était  naturellement  des- 
tiné à devenir  tête  de  ligne  du  chemin  de  fer  transcau- 
casien et  le  port  commercial  russe  le  plus  important  de 
la  côte  orientale  de  la  mer  Noire.  Malheureusement, 
une  barre  dangereuse,  des  bas-fonds  et  l’ensablement 
du  Rion  (Phasis)  entravent  perpétuellement  la  naviga- 
tion. De  grands  travaux  ont  été  entrepris  depuis  24  ans 
pour  la  construction  d’un  port  artificiel.  On  a terminé 


les  môles  permettant  aux  bateaux  à vapeur  de  venir 
à quai,  mais  ils  sont  insuffisants  pour  la  sécurité  des 
mouillages  et  le  mouvement  commercial.  En  effet, 
l’exportation  serait  disposée  à prendre  cette  voie  plus 
économique  au  point  de  vue  des  frais  de  transport  que 
celle  de  Batoum,  si  elle  offrait  plus  de  facilités  et  moins 
d’aléa.  Non  loin  de  Poti  et  près  de  l’embouchure  du 
Rion,  s'étend  le  lac  Paléostom  ((  ancienne  bouche  », 
que  l’on  croit  avoir  été,  à l’époque  hellénique,  le  mari- 
got où  se  jetaient  les  eaux  du  Phase.  D’après  Vak- 
houcht,  qui  écrivait  au  siècle  dernier,  le  Paléostom 
communiquait  alors  avec  la  mer  par  un  grau  navigable, 
et  les  vaisseaux  pouvaient  y pénétrer  et  y chercher  un 
abri.  Dans  les  endroits  les  plus  creux  la  sonde  y trouve 


GUIDE  AU  CAUCASE 


13 


plus  de  20  mètres  de  profondeur  ; mais  presque  partout 
les  bords  du  lac  sont  plats  et  se  prolongent  au  loin  par 
des  bas  fonds  de  boue  ; l’eau  est  limoneuse,  pleine  de 
débris  organiques.  La  faune  du  Paléostom  est  encore 
partiellement  marine,  quoique  les  eaux  ne  soient  plus 
même  saumâtres  : on  y trouve  des  balanes,  des  néréi- 
des, des  némertes,  comme  dans  les  flots  salés  du  Pont- 
Euxin.  Une  flèche  de  sable  parfaitement  régulière 
sépare  ce  lac  de  la  haute  mer  et  se  continue  au  loin 
vers  le  Nord.  Les  eaux  du  Rion,  de  même  que  celles 
de  l’Ingour  et  de  toutes  les  autres  rivières  de  la  côte 
mingrélienne  ont  percé  cette  flèche  de  dunes,  puis  elles 
l’ont  dépassée,  et  les  alluvions  déposées  par  le  courant 
en  dehors  de  cette  barre  primitive  ont  empiété  sur  la 
mer  par  une  faible  saillie,  à laquelle  un  nouveau  liseré 
de  plage  s’ajoute  chaque  année.  Le  delta  du  Rion,  de 
même  que  celui  du  Pô  et  de  la  plupart  des  autres 
fleuves  qui  se  sont  échappés  par  l’ouvertured’un  cordon 
littoral,  ne  commence  qu’en  dehors  de  cette  porte  : les 
eaux  ont  dû  se  réunir  en  amont  de  l’obstacle  pour  le 
percer  en  commun. 

Route  3.—  DePoti  à Tiflis  par  Samtredi  (289  v.) 
en  chemin  de  fer  ; trajet  en  14  h.  environ,  prix:  16  r.  50, 
12  r.  22,  6 r.  25.  ( Voir  de  Poti  à Samtredi , itiné- 
raire H .) 

Route  4.  — De  Poti  à Soupça  (17  v.)  en  omnibus 
ou  phaéton . Départ  quotidien  à 3 h.  après  midi  ; prix 
1 r.;  trajet  en  1 h.  1/2. 

Route  1 (suite).  — C’est  dans  la  matinée  du  cin- 
quième jour  qu’on  aborde  à Batoum  (17,000  hab.). 

Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux.  Télégraphe  en  toute 
langue.  Hôtels  de  France,  d’Europe,  Impérial,  de  Londres, 
d’Odessa,  Central.  Restaurants,  cafés  grecs  et  turcs  sur  le  quai. 
Résidence  du  gouverneur,  justice  de  paix,  club  russe,  jardin 
public,  théâtre;  trois  églises  orthodoxes,  une  grégorienne, 
une  arméno-catholique  ; deux  mosquées;  une  école.  Fabriques 
d’estagnons  et  de  caisses  pour  le  pétrole.  Deux  fabriques  de 
tabac.  Agences  et  Compagnies  de  navigation  : Messageries 
maritimes  françaises,  Paquet,  Compagnie  russe,  Lloyd  austro- 
hongrois,  Danoise,  Panhellénique.  Compagnies  russes  d’ex- 
péditions et  d’assurances  : Nadiejda,  Rossiiski  Obchestva, 
Russia,  Roussianine,  etc.  Consulat  général  de  Turquie;  de 
Perse;  vice-consulats  de  France,  d’Angleterre,  d’Allemagne, 


14 


GUIDE  AU  CAUCASE 


d’Autriche,  de  Belgique,  d'Italie;  Consulats  de  Grèce,  des 
Etats-Unis,  de  Suède  et  de  Norvège 

Bateaux  à vapeur.  — Compagnie  russe  de  navigation  : 
Départ  pour  la  Crimée,  Odessa,  voir  page  7 ; pour  Constan- 
tinople: le  lundi  à 7 heures  du  matin,  avec  escales  à Trébi- 
zonde,  Kérasonde,  Samsoun,  Sinope  et  Inéboli,  et  arrivée 
le  samedi  à midi.  (Départ  de  Constantinople  : le  mercredi 
à 10  heures  du  matin;  arrivée  le  dimanche  matin).  Lloyd 
austro-hongrois  : un  dimanche  sur  deux,  à 6 heures  du  soir  ; 
arrivée  le  mercredi  à 1 h.  1/2  du  soir  ; de  Constantinople,  un 
samedi  sur  deux,  à 3 h.  du  soir;  arrivée  le  mercredi  à 6 h.  1/2 
du  matin);  Messageries  maritimes  françaises  : un  vendredi 
sur  deux,  arrivée  le  mercredi  (de  Constantinople , idem). Prix  : 
37  r.,  28  r.  et  9 r.  15.  Compagnie  Paquet  : Service  entre  Mar- 
seille et  Batoum  et  vice  versâ.  Départ,  le  jeudi  de  chaque  deux 
semaines,  de  Batoum  pour  Trébizonde,  Samsoun,  Constan- 
tinople, Marseille.  Compagnie  Pdnhellénique.  Départ  de 
Batoum  tous  les  quinze  jours  le  lundi  à 7 h.  du  soir. 

En  entrant  dans  le  port  de  Batoum  on  jouit  d’une 
vue  magnifique  de  la  chaîne  du  Caucase  et  des  monts 
d’Adjarie.  Abritée  de  trois  côtés,  la  baie  qui  a plus  de 
trois  verstes  de  large  et  une  profondeur  qui  varie  entre 
30  et  70  pieds,  est  exposée  au  vent  du  N.  qui  cause 
souvent  de  grands  ravages  dans  la  ville  et  des  avaries 
aux  navires  à l’ancre.  Mais  lorsqu’on  aura  achevé  de 
construire  des  jetées  et  des  môles  qui  feront  dévier  les 
sables  et  les  cailloux  en  pleine  mer  et  empêcheront  la 
rade  d’être  peu  à peu  comblée  par  les  alluvions  du 
Tchorok  et  par  celles  du  courant  sous-marin  qui  descend 
le  long  de  la  côte  orientale,  Batoum  pourra  présenter 
toutes  les  conditions  d’un  bon  mouillage  et  deviendra 
un  des  ports  les  plus  commodes  de  la  mer  Noire. 
Batoum,  aujourd’hui  place  forte  de  la  Russie,  et 
défendue  par  de  redoutables  batteries,  était  connue 
400  ans  avant  notre  ère.  Au  XIe  s.  ap.  J.-C., 
sous  l’empereur  Adrien,  elle  servait  aux  Romains 
de  station  militaire  et  avait  une  citadelle  avec  une 
garnison.  Plus  tard,  au  Ve  s.,  elle  entrait  dans  les 
possessions  du  roi  de  Géorgie  Vakhtang  Gourgaslan. 
Aux  VIe,  VIIe  et  VIIIe  s.,  la  ville  et  la  province 
furent  gouvernées  par  les  princes  régnants  de  Colchide 
et  d’Abkhasie.  Lors  de  l’unification  du  peuple  géorgien 
et  de  la  formation  du  royaume  de  Géorgie,  la  ville  et  la 
province  faisaient  partie  de  la  Klardjétie  ou  Haut- 
Karthli  et  furent  administrées  par  un  éristhavi  (gou- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


15 

verneur)  géorgien.  Puis,  après  le  démembrement  de  la 
Géorgie,  au  XVe  s.,  sous  le  gouriel  Kakhabéri,  les 
Turcs  conquirent  tout  le  Djanet  ou  Lazistan  et  s’appro- 
chèrent du  Tc-horok. Chassés  de  Khopiet  d’Archkavi  en 
1564,  par  le  gouriel  Rostoin,  les  Turcs,  au  commen- 
cement du  XVIIe  s.,  se  rendirent  maîtres  du  Lazis- 
tan et  de  la  province  de  Batoum  qui  devint  la  ville 
principale  delà  Livanie  ou  sandjak  de  ce  nom.  Décrite 
au  XVIIIe  s.  par  le  géographe  Vakhoucht,  comme 
ayant  une  belle  citadelle,  cette  ville,  quand  Dupré  la. 


BATOUM.  — D’après  la  carte  d’Elisée  Reclus. 

visita  en  1807,  n’avait  que  2,000  hab.,  des  maisons 
dispersées  et  plutôt  l’aspect  d‘un  grand  village.  Aucune 
fortification  ne  défendait  sa  rade.  Une  tour  en  bois,  sur 
des  fondements  de  pierre,  avec  un  fossé  autour,  et  sans, 
canons,  se  dressait  à l’entrée  du  bazar  composé  d’une 
cinquantaine  de  mauvaises  boutiques. 

En  1873,  Batoum  était  la  principale  ville  du  pacha - 
lik  du  Lazistan,  gouvernée  par  un  mutessarif  dépen- 
dant directement  du  vali  ou  gouverneur  général  de 
Trébizonde.  Ce  pachalik  comprenait  onze  kazas  ou 
districts:  Batoum,  Tchourouk-Sou,  la  Haute-Adjarie, 
la  Basse-Adjarie,  Matchakali,  Livanie,  Goniê,  Khopi, 
Archkavi,  Emchina  et  Atina,  administrés  chacun  par 


16 


GUIDE  AU  CAUCASE 


un  kaïmakam  ayant  à sa  disposition  deux  ou  trois 
moudirs , qui  correspondent  à nos  chefs  d’arrondisse- 
ment. Outre  le  pacha,  à Batoum  se  trouvaient  le  med- 
jiiis  ou  conseil  de  gouvernement,  le  kaïmakam , le 
tribunal,  la  douane  et  le  quartier-général  du  bataillon 
qui  construisait  la  forteresse.  Il  y avait  deux  écoles, 
l’une  turque  et  l’autre  grecque,  trois  mosquées  et  une 
église  orthodoxe  dédiée  à saint  Nicolas.  Près  du  port 
se  voyaient  des  magasins  et  quelques  constructions 
particulières,  entre  autres  la  maison  du  vice-consul  de 
Russie  avec  un  joli  jardin,  et  l’hôtel  dulaze  Mahmoud, 
dans  le  goût  turco-européen,  avec  une  fontaine,  des 
bains.,  etc.  Cette  partie  de  la  ville  allait  rejoindre  les 
bazars  indigènes  composés  de  boutiques  derrière  les- 
quelles commençait  le  faubourg,  aussi  clairsemé  que  du 
temps  de  Dupré. 

La  ville  de  Batoum  prête  peu  aux  descriptions.  Elle 
ne  peut  être  désignée  que  comme  le  point  où  pourrait 
se  développer  dans  l’avenir  une  grande  ville  maritime 
qui,  tête  de  ligne  d’un  chemin  de  fer,  est  susceptible, 
par  sa  position  au  bord  de  la  mer  et  par  son  port,  de 
devenir  une  voie  de  commerce  importante  pour  la 
Transcaucasie,  l’Asie-Mineure  et  la  Perse.  Grâce  aux 
grands  travaux  des  Russes,  Batoum  a déjà  cependant 
l’air  d’une  ville  européenne.  De  grandes  rues  pavées, 
un  boulevard,  un  jardin  public,  des  conduites  d’eau  et 
un  éclairage  suffisant  y rendent  le  séjour  assez  agréable, 
quoique  le  climat  soit  très  fiévreux.  La  ville  se  compose 
de  trois  quartiers,  celui  de  PO.,  celui  du  Centre  ou 
vieux  bazar  et  celui  du  N.-E.  Le  quartier  O.,  le  plus 
vaste,  avait  été  abandonné  par  le  gouvernement  turc 
aux  émigrés  Abkhazes  et  Tcherkess  qui  s’y  étaient 
installés  dans  des  maisonnettes  en  bois.  Après  l’occu- 
pation russe,  on  a proposé  aux  émigrés  de  se  réunir  et 
de  former  un  quartier  à part.  On  leur  a donné  de 
petites  bandes  de  terre,  de  manière  que  les  trois  quarts 
de  Nourié  sont  restés  libres  et  ont  été  distribués  aux 
fonctionnaires  plus  ou  moins  aisés  de  Batoum,  afin  d’y 
hâter  la  construction  des  maisons.  C’est  ainsi  que  de 
1879  à 1880  s’est  éveillée  une  activité  fiévreuse  de  bâtir. 
Vu  le  manque  de  bois,  on  a fait  venir  ciment  de  Port- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


17 


land,  briques,  tuiles  de  Marseille.  La  spéculation  s’en 
mêlant,  on  a rapidement  remplacé  les  chétives  baraques 
de  bois  par  des  maisons  à plusieurs  étages.  La  partie 
centrale  de  Batoum,  c’est  l’ancienne  ville  ou  le  bazar 
proprement  dit,  au  milieu  duquel  est  la  maison  du 
gouverneur  avec  un  petit  jardin.  Entre  le  quartier 
N.-E.  de  la  ville  et  le  pied  de  la  chaîne  des  montagnes, 
s’étend  une  vaste  plaine  limitée  au  N.  par  les  rivières 
Barzkhanaet  Korodéré  et  qui  occupe  une  surface  de 
plus  d’une  verste  carrée.  Abondamment  arrosée  par  les 
ruisseaux  venant  des  hauteurs  voisines,  cette  plaine 
ensemencée  de  riz  était  maintenue  couverte  d’eau 
pendant  les  atroces  chaleurs  des  mois  d’été.  On  com- 
prend quel  foyer  d’empoisonnement  fébrile  avait 
Batoum  à ses  côtés.  Dès  l’occupation  russe,  il  a été 
défendu  de  semer  du  riz  et  on  a commencé  à dessécher 
la  contrée»  Les  vents  de  mer  chassant  les  émanations 
miasmatiques  des  marais  du  S. -O.  au  N.-E.,  les 
quartiers  bas  du  littoral  et  la  partie  occidentale  de  la 
baie  jouissent  d’un  air  relativement  salubre.  Pendant  la 
domination  turque,  Batoum,  en  l’absence  de  population 
suffisante  (en  1873  : 4,970  âmes)  et  de  communications 
intérieures  , ne  faisait  qu’un  commerce  restreint. 
Aujourd’hui  la  ville  prospère  par  suite  de  la  grande 
affluence  d’habitants  du  Caucase  et  d’étrangers,  sur- 
tout grâce  à l’essor  donné  à l’industrie  du  naphte  et 
à la  construction  du  chemin  de  fer  qui  relie  la  mer 
Noire  à la  mer  Caspienne.  En  1885,  la  Russie  a 
supprimé  la  franchise  de  Batoum,  qui,  en  vertu  de 
l’article  59  du  traité  de  Berlin  (1877),  avait  été  déclaré 
port  franc. 

Excursions:  1°  Au  S.  de  la  ville  (1  verste  1/2),  un 
petit  lac  très  poissonneux  qui  s’est  formé  probablement 
pendant  l’époque  historique  par  suite  du  flux  de  la  mer 
et  des  alluvions  apportées  par  le  Tchorok  ;2Ü  les  ruines 
de  l’église  Saméba  (5  v.),  sur  le  haut  d’une  montagne, 
entre  la  chaîne  de  Kakhabéri  et  de  Makhine-Djaouri. 
On  jouit  de  là  d’une  jolie  vue  sur  la  mer  ; à droite 
s’élèvent  en  ressauts  les  rameaux  de  la  chaîne  de  Tcha- 
khali,  en  Kobouléti;  à gauche  se  dessine  l’embouchure 
du  Tchorok  avec  son  triple  delta  et  le  lac  entre  cette 


2e  PARTIE 


2 


18 


GUIDE  AU  CAUCASE 


rivière  et  la  ville  ; 3°  (à  3 v.)  les  ruines  dites  « Zamok 
Tamary  » ( château  de  Thamar  ) ; 4°  une  promenade 
intéressante  à faire,  mais  avec  escorte,  est  celle  de  la 
vallée  du  Tchorok . 

ITINÉRAIRE  G 1 

D’ASTRAKHAN  a BAKOU  PAR  LA  MER  CASPIENNE  2 

476  milles  marins  (881  kil.) - Bateaux  à vapeur  de  la  Compa- 
gnie Caucase  et  Mercure.  Départ  &’  Astrakhan  les  dimanche, 
mardi  et  jeudi  à 10  h.  du  matin.  Trajet  de  55  h.  Départ  de 
Bakou  les  mercredi,  vendredi  et  samedi  à 1 h.  du  soir;  arrivée 
à Astrakhan  les  samedi,  lundi  et  mardi  à 3 h.  du  soir.  Prix  : 
29  r.,  19  r.,  7 r.  70.  Bagages:  70  kopeks  par  poud. 

Route  1.  — Astrakhan  (70,500  hab.).  Poste.  Télé- 
graphe. Hôtel  Smirnofï,  restaurant  Poliakovitch  ; jardin 
public;  voitures  20  à 40  kop.  la  course.  Cette  ville, 
chef-lieu  du  gouvernement  d’Astrakhan,  siège  des  au- 
torités civiles  et  militaires,  clevêchés  gréco-russe  et 
arménien,  résidence  d’un  grand-prêtre  bouddhiste,  est 
située  dans  le  delta  du  Volga,  sur  File  accidentée  de 
Saïatz  et  à 60  v.  de  l’embouchure  du  fleuve  dans  la  mer 
Caspienne  (le  principal  bras  du  Volga  mesure  en  cet 
endroit  1420  m.  de  largeur,  11  m.  au-dessous  du  niveau 
de  la  mer  Noire).  C’est  un  grand  centre  de  commerce, 
et  la  population  très  mélangée  se  compose  de  Russes, 
d’Arméniens,  de  Persans,  de  Tartares,  etc.  Un  tiers 
des  habitants  ne  vit  guère  que  de  la  pêche  qui  produit 
annuellement  environ  6 millions  de  pouds  de  poissons, 

1.  D’après  Bædeker. 

2.  Société  de  bateaux  à vapeur  sur  le  Volga . Service  régulier, 
entre  Nij ni- Novgorod  et  Astrakhan  par  des  bateaux  rapides, 
et,  entre  Astrakhan  et  les  ports  de  la  mer  Caspienne,  par 
des  paquebots  portant  voyageurs  et  marchandises.  Les  dix 
vapeurs  de  la  Société  sont  de  type  américain  et  offrent  aux 
voyageurs  toutes  les  conditions  de  confort  et  de  luxe.  Durée 
du  trajet  des  bateaux  rapides:  (montée  du  Volga)  5 jours; 
(descente)  7 jours.  Compagnie  de  navigation  à vapeur  et  de 
commerce  A.  A.  Séveke.  Bateaux  à vapeur,  de  type  américain. 
Départs  réguliers  de  Nijni-Novgorod  pour  Astrakhan,  les  mardi, 
vendredi  et  dimanche;  et  d’Astrakhan  pour  Nijni-Novgorod,  les 
lundi,  mercredi  et  vendredi.  — ( Pour  plus  amples  rensei- 
gnements s'adresser  aux  Agents , et  consulter  les  horaires  des 
Compagnies.) 


GUIDE  AU  CAUCASE 


19 


20 


GUIDE  AU  CAUCASE 


surtout  des  esturgeons,  représentant  une  valeur  de 
7 millions  de  roubles. 

Astrakhan  a été  fondé  au  XIVe  siècle,  quand  Tamer- 
lan  eut  détruit  la  vieille  ville  située  environ  10  v.  plus 
au  N.  sur  la  rive  droite  du  Volga,  et  elle  a été  jusqu’à 
la  conquête  russe,  en  1554,  la  capitale  d’un  khanat 
tartare.  Cette  ville  prit,  en  1605,  le  parti  du  faux  Dmitri,  v 
fut  vainement  assiégée  en  1660  par  lesTartares  et  prise 
en  1670  par  Stenka-Razin,  chef  des  Cosaques  rebelles 
qui  profita  de  la  mort  d’Alexis  Alexéïevitch,  fils  aîné 
du  tsar  Alexis  pour  soulever  tous  les  pays  du  Volga 
jusqu’à  Arzanass,  à 100  v.  au  S.  de  Nijni-Novgorod. 
Pierre  le  Grand  (1689-1725)  fit  d’Astrakhan  sa  base 
d’opérations  dans  ses  combats  avec  les  Persans,  et  y créa 
des  chantiers  de  construction,  source  première  de  l’im- 
portance qu’elle  a acquise. 

La  partie  la  plus  élevée  de  la  ville,  le  Tsaïatchi  Bou- 
gor,  est  occupée  par  le  kremlin  qui  a été  construit  avec 
les  matériaux  de  l’ancienne  forteresse  tartare,  de  1582 
à 1692,  et  qui  avait  des  tours  dont  deux  seulement  sub- 
sistent encore.  Il  reste  également  peu  de  chose  de 
l’enceinte  de  la  Ville  Blanche  qui  y touchait  à LE.  Les 
nombreux  faubourgs,  dont  le  plus  ancien  est  la  Ville 
tartare , sont  si  bas  qu’il  a fallu  élever  des  digues  pour 
les  protéger  contre  les  inondations  du  Volga. 

La  Cathédrale  Ouspenskhy , commencée  en  1646,  est 
le  principal  édifice  d’Astrakhan.  Elle  a un  grand  dôme 
d’environ  64  m.  de  haut  et  un  clocher  isolé.  Elle  se 
compose  d’une  église  haute , dont  les  colonnes,  les 
murs  sont  revêtus  de  stuc,  l’iconostase  de  peintures  ou 
d’ornements  en  argent,  et  d’une  église  basse  qui  con- 
tient des  sarcophages  d’archevêques  et  de  princes 
géorgiens.  De  la  cathédrale,  en  suivant  la  Moskovaskïa, 
principale  rue  de  la  ville  et  où  il  y a beaucoup  de  bou- 
tiques arméniennes,  on  arrive  au  Vieux  Bazar  et  à la 
Cathédrale  arménienne . Dans  la  Politséïskaïa,  se  trouve 
une  mosquée  persane.  Au  vieux  port,  dont  les  chantiers 
ont  été  transférés  en  1867  à Bakou,  se  voit,  dans  une 
allée  ombragée,  la  maison  de  Pierre  le  Grand  qui 
renferme  divers  souvenirs  du  tsar. 

— Vu  le  peu  de  profondeur  du  Volga,  on  est  d’abord 


GUIDE  AU  CAUCASE 


21 


transporté  par  de  petits  bateaux  à son  embouchure, 
en  6 h.  (50  milles),  à Birioutchia-Kossa  où  Ton  monte 
à bord  des  paquebots  de  la  mer  Caspienne.  On  fait  un 
trajet  de  223  milles  en  19  h.  sans  arrêt  j usqu’à  Pétrovsk 
(Voir  ce  nom  aux  itinéraires  F,  O,  P),  petit  port  russe 
de  fondation  récente,  dont  la  rade  est  protégée  par  deux 
longues  jetées,  et  qui  va  devenir  tête  de  ligne  d’un 
embranchement  du  chemin  de  fer  de  Rostofï-Vladi- 
kawkaz.  Il  n’y  a de  curieux  que  le  bazar.  Dans  la  soi- 
rée du  deuxième  jour,  on  atteint  Derbent  (Voir  ce  nom 
aux  itinéraires  F,  O,  P), 
port  de  la  province  du  Da- 
ghestan et  ville  nommée 
aussi  la  « Porte  de  Fer  » 
parce  qu’elle  est  située  à 
l’endroit  où  il  était  le  plus 
facile  de  défendre  la  seule 
route  qui  conduisait  vers  le 
N.  en  longeant  les  monta- 
gnes. En  contournant  la 
presqu’île  d’Apchéron,  on 
arrive,  après  17  h.  de  traver- 
sée, a Bakou.  (Voir  ce  nom  BAKOU.  D’après  la  carte  d’Élrsée  Reclus 
aux  itinéraires  D,  F,  O,  P). 

Routes  2,  3 et  4.  — Une  grande  route  postale 
relie  jusqu’à  présent  Pétrovsk  et  Vladikawkaz  (311  v. 
1/2);  un  chemin  de  fer  est  en  construction  ; un  autre 
mène  au  S.  à Témir-Khan-Choura, chef-lieu  du  Da- 
ghestan, d’où  l’on  peut  aller  à Gounib.  De  Témir-Khan- 
Choura,  une  route  conduit  à Derbent  (143  v.  1/2)  et 
à Bakou  (380  v.).  Voir  aux  itinéraires  F,  O,  P. 

ITINÉRAIRE  D 

DE  BAKOU  A TIFLIS  PAR  EVLAK,  NOUKHA,  ZAKATAL,, 
SIGNAK 

Route  1.  — De  Bakou  à Tiüis  par  Evlak  (en 
chemin  de  fer).  Noukha,  Zakatal,  Signak  ( route 
postale).  Voir  ci- dessous. 

Route  2. — DeBakouà  Adji-Kaboul,  Kiourdamir, 
Oudjari,  Evlak  (en  chemin  de  fer).  Voir  itinéraire  O. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Route  2 (suite).  — D’Evlak  à Noukha  (77  y.  3/4) 

en  équipages  de  poste  ou  en  phaéton. 

On  trouve  souvent  à Evlak  des  phaétons,  retournant  à vide 
à Noukha,  qu’on  peut  louer  pour  7 à 9 roubles,  et  des  fourgons 
pour  les  bagages. 

On  passe  la  Koura  sur  le  pont  du  chemin  de  fer; 
après  une  plaine  n’offrant  rien  de  curieux,  on  entre  dans 
le  village  tartare  Kaldane  (13  y.)  Franchissant  à gué 
l’Alzégaine,  on  traverse  encore  une  plaine  pendant 
6 y.,  et  gravissant  un  monticule  aride  que  l’on 


redescend  jusqu’à  Khanabatli,  on  se  dirige  vers  Tcha- 
makly  (12  v.).  Jusqu’à  Chouchemine(19  v.  3/4),  station 
jadis  fortifiée,  incendiée  en  1883,  on  parcourt  une  route 
assez  pittoresque  à travers  des  montagnes  de  sable  d’un 
effet  bizarre,  le  lit  d’un  torrent  et  quelques  hauteurs. 
Jusqu’à  Epékli  (14  v.)  on  longe  les  villages  du  Grand 
et  du  Petit-Daana  ; à gauche,  un  assez  grand  lac  d’eau 
salée  dont  les  herbes  et  les  plantes  aquatiques  servent 
à faire  de  la  soude  d’assez  mauvaise  qualité.  Après  le 
pont  de  pierre  jeté  sur  le  Tacharet-Tchaï,  on  atteint 
Djafarabath.  Près  delà  est  le  magnifique  jardin  de 
l’ancienne  résidence  des  Khans.  Par  Tacha-Boularki, 
on  entre  dans  le  faubourg  de  Noukha  nommé  Kichlar. 

Noukha.  (11,000  hab.  6,500  tatares,  4,500  arméniens).  Deux 
glises  arméniennes,  une  russe;  cinq  masquées.  Poste  aux 


GUIDE  AU  CAUCASE 


23 


lettres  et  aux  chenaux.  Télégraphe.  Pas  d’hôtel;  il  faut  des- 
cendre à la  station  de  poste  et  user  des  provisions  qu’on  a eu 
le  soin  d’apporter  avec  soi.  On  trouve  à acheter  à Noukha 
des  broderies,  des  soutaches  de  soie  sur  drap,  des  étoffes 
lesghiennes  et  quelques  armes. 

La  ville,  en  amphithéâtre,  est  assez  mal  bâtie,  sale, 
et  paraît  assez  grande  grâce  aux  nombreux  jardins  qui 
s’y  trouvent.  Dans  la  forteresse,  construite  en  1765 
par  Houssein,  est  l’ancien  palais  des  Khans,  décoré  de 
fresques  fort  abîmées  aujourd’hui.  Il  sert  de  résidence 
au  gouverneur  et  aux  notabilités  de  passage.  Une 
vieille  chapelle  arménienne  qui  est  à Kiche,  à 4 v.  de 
la  ville,  est  un  lieu  de  pèlerinage  assez  fréquenté.  Le 
commercede  Noukha  était  jadistrèsimportant.  En  1851, 
il  s’y  vendait  21,000  pouds  de  soie;  mais  depuis  la 
maladie  des  vers,  en  1862,  cette  branche  de  revenus 
semble  avoir  diminué. 

Route  2 (suite).  — De  Noukha  à Zakatal  (68  v. 

en  équipages  de  poste  ou  en  phaéton . Prix  : 8 à i0  r.). 
— On  franchit  à gué  le  torrent  de  Hobi  et  celui  de 
Kich-Tchaï.  A droite,  un  joli  hameau:  Kournouk.  On 
traverse  Karaboulak  et  on  laisse  à gauche,  sur  le 
flanc  de  la  montagne,  Innectmt  et  Zounoute.  Entre 
ces  deux  localités,  un  chemin  pour  cavalier  conduit  en 
dix  heures,  par  des  raccourcis,  à Akhti.  On  arrive 
à la  station  de  Gennuk  (18  v.  1/2).  De  là  on  descend 
directement  sur  Belladjik  ; on  passe  à gué  le  petit 
cours  d’eau  qui  sépare  le  district  de  Noukha  du 
gouvernement  d’Elisabethpol  et  on  entre  dans  le  dis- 
trict de  Zakatal.  Une  oasis  de  mûriers  entourée  de 
murailles  sert  d’asile  aux  caravanes  et  aux  voyageurs 
qui  ne  pourraient  traverser  le  torrent  de  Kormouk, 
de  plus  d’une  verste  de  large  et  qui  roule  souvent 
des  pierres  énormes  et  des  arbres  entiers.  La  riante 
et  petite  ville  de  Kak,  habitée  par  des  Tatars,  des 
Lesghiens,  des  Arméniens  et  des  Géorgiens,  est 
renommée  pour  ses  noisettes  et  ses  noix  exquises.  Le 
bazar  est  dans  une  enceinte  crénelée  à cause  des  fré- 
quentes incursions  qu’y  faisaient  les  Lesghiens.  On 
peut  visiter  non  loin  de  là  Ellisoune  avec  sa  vieille 
forteresse,  résidence  de  quelques  khans  qui  reçoivent 
tous  les  voyageurs  de  la  façon  la  plus  courtoise.  De 


24 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Kak,  une  grande  plaine  coupée  par  l’Alazan  se 
déroule  à gauche  et  est  semée  de  villages.  La  station  de 
poste  de  Gulluk  (19  v.)  se  fait  reconnaître  par  ses  deux 
énormes  platanes.  En  la  quittant,  on  aperçoit  deux  hau- 
teurs en  forme  de  pains  de  sucre.  C’est  là  que  s’élève 
Tsarsky-Kolodtsi.  ( Voir  ce  nom  itinéraire  K.)  C’est 
là  aussi  que  sont  les  puits  de  pétrole  appartenant  à 
MM.  Siemens.  Des  champs  de  blé  bien  cultivés 
entourent  Talla,  et  bientôt  se  dresse  la  forteresse  de 
Zakatal  qui  domine  la  vallée  de  l’Alazan.  Un  pont 
souvent  emporté,  a été  jeté  sur  le  torrent  qui  coule  au 
pied  de  la  ville  ceinte  de  murailles,  et  débouche  devant 
une  école  des  arts  et  métiers  où  les  enfants  lesghiens 
apprennent  à travailler  le  fer  et  le  bois  ; à côté  : une  sta- 
tion séricicole  toute  nouvelle  et  le  jardin  de  la  ville. 

Zakatal  (3,000  hab.).  Deux  mauvaises  auberges  où 
cependant  Von  peut  loger  et  coucher . Poste  aux  lettre» 
et  aux  chevaux.  Télégraphe . Douée  d’un  climat  privi- 
légié, et  offrant  des  conditions  de  vie  exception- 
nelles, cette  petite  ville,  incendiée  en  1875  et  rebâtie 
depuis,  fut  le  foyer  d’une  insurrection  lesghienne  il 
y a quelques  années,  et  les  maisons  portent  encore 
les  marques  des  balles.  Tous  les  environs  sont  magni- 
fiques; les  montagnes  d’alentour  boisées;  les  pâtu- 
rages superbes  ; l’eau  excellente,  le  laitage  exquiâ.  Le 
pays  est  giboyeux;  les  truites  des  torrents  excellentes. 
Près  de  Zakatal  est  Djar,  résidence  d’été,  et  Danatchi 
qui  étend  au  loin  ses  vertes  prairies1. 

Route  3.  — De  Zakatal  à Laguodekh  (39  v.). 
Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux . "Télégraphe . Au 
sortir  de  Zakatal,  à droite  :1e  village  de  Chakasor,  au 
pied  d’une  ancienne  forteresse;  à gauche:  Montgan- 
loup,  riche  aoul  tatar  sur  les  bords  de  l’Alazan.  On  at- 
teint MATZEK,et,  après  plusieurs  torrents  qu’on  franchit 
à gué,  on  entre  à Katek,  où  se  voient  encore  les  vestiges 
de  la  grande  muraille  qui  allait,  dit- on,  jusqu’à  Derbent 
et  construite  aux  premiers  siècles  de  l’histoire  de  la 
Géorgie.  La  route  longe  ensuite  la  grande  chaîne  du 
Caucase  pendant  22  v.  On  pénètre  dans  une  tran- 


1.  D’après  les  notes  manuscrites  de  M.  Lehéricey. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


chée  pratiquée  dans  la  montagne,  au  bas  de  laquelle 
s’étendent  de  noirs  marécages  couverts  de  roseaux  et 
peuplés  de  sangliers.  Le  torrent  de  Bélakani,  qu’il  faut 
passer  à gué,  offre  souvent  de  grandes  difficultés  à cause 
des  énormes  pierres  qu’il  roule.  De  Bélakani  (800 feux), 
on  arrive  en  10  v.  à Laguodakh1.  Cette  bourgade 
qui  ne  date  que  de  trente-cinq  ans  a surgi  de  la  forêt 
même  qu’éclaircissait,  pour  y traquer  les  Lesghiens,  la 
hache  des  soldats  russes.  Bientôt  à la  forteresse  primi- 
tive succéda  une  ville  en  miniature  comptant  une 
population  militaire  de  10  à 15,000  hommes,  au  milieu 
de  laquelle  les  familles  d'officiers  se  créèrent  un 
petit  centre  social  extrêmement  vivant.  Des  églises 
russe,  arménienne,  catholique  furent  bâties,  un  club  se 
forma;  une  salle  de  danse,  un  jardin  d’été  pour  les  fêtes 
locales  s’ouvrirent;  sur  quoi  vinrent  les  Arméniens 
toujours  à l’affût  des  sources  de  gain,  qui  dotèrent  en 
outre  la  station  d’un  bazar.  Cette  prospérité  n’eut 
toutefois  qu’une  durée  éphémère.  En  1877,  Laguodekh 
était  désert,  et  ce  coin  ombreux  de  la  belle  futaie  rede- 
venait silencieux.  Les  régiments  qui  l’animaient  de 
leur  présence  durent  quitter  leurs  gais  cantonnements 
pour  s’en  aller  à la  frontière  combattre  les  Turcs:  du 
même  coup,  les  maisons  se  fermèrent,  le  club  fut 
abandonné,  églises  et  bazar  perdirent  leurs  clients,  et 
aujourd'hui  le  nombre  des  habitants  ne  dépasse  pas  400. 
Seule,  la  nature  environnante  n’a  point  changé:  c’est 
toujours  ce  site  romantique  du  Caucase,  avec  son 
arrière-plan  de  pics  glacés,  ses  vallées  fertiles  et  spa- 
cieuses et  ses  torrents  jaseurs,  où  se  reflète,  avec  les 
grands  arbres  à la  forte  ramure  sur  leurs  berges,  un 
pan  du  ciel  asiatique.  Même  plus  splendide  encore 
apparaît  dans  son  état  de  négligence  ce  merveilleux  parc 
de  Laguodekh,  taillé  dans  l’étoffe  sauvage  du  fourré, 
et  qui,  par  son  étendue  aussi  bien  que  par  la  richesse 
et  la  variété  de  sa  végétation,  ferait  l’orgueil  de  mainte 
grande  capitale  et  n’a  point  son  pareil  dans  tout  le 
Caucase2. 

1.  D’après  les  notes  manuscrites  de  M.  Lehéricey. 

2.  D’après  Caria  Séréna. 


:26 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Route  3 (suite).  — De  Laguodekh  à Signak 

(52  v.  1/2.  Chaussée .)  On  traverse  une  haute  futaie 
coupée  de  quelques  champs  défrichés  où  se  cultive  le 
tabac.  Au  bout  de  6 v.,  on  franchit  à gué  le  dernier 
bras  du  torrent  de  Laguodekh;  on  passe  par  Mikaï- 
loff,  village  de  150  feux  et  de  400  hab.,  avec  ses 
isbas  russes,  jadis  résidence  de  vieux  soldats,  mais 
où  les  Géorgiens  ont  peu  à peu  pris  la  place  des  Russes. 
La  route  tourne  brusquement  à gauche.  On  s’éloigne 
des  montagnes  pour  pénétrer  dans  la  longue  et  magni- 
fique forêt  giboyeuse  des  princes  Tchalakaïeff.  C’est 
au  milieu  des  bois  que  s’abrite  la  station  de  Djaour 
(14  v.  1/2).  Après  19  v.,  on  passe  sur  un  pont  la 
rivière  sablonneuse  et  poissonneuse  de  l’Alazan  dont 
les  eaux,  si  l’on  savait  les  utiliser  pour  les  irriga- 
tions, pourraient  enrichir  toute  la  contrée.  On  va 
en  ligne  droite  pendant  11  v.  par  une  plaine  presque 
aride  à la  station  de  Sinori,  sale  village  géorgien 
où  règne  la  fièvre.  De  là  on  aperçoit  les  murailles 
fortifiées  et  l’enceinte  crénelée  au  milieu  de  laquelle 
s’élève  Signak  ( Voir  pour  ce  nom  C itinéraire  K), 
perchée  comme  un  nid  d’aigle  au  faite  d un  pic  que 
rien  ne  domine.  En  gravissant  des  pentes  assez  raides, 
on  pénètre  dans  une  première  enceinte,  puis  dans  une 
seconde,  du  haut  de  laquelle  on  jouit  d un  superbe  pano- 


1 Route  4.  — De  Signak  à Kvaréli  (54  v.  Chaussée) 
par  Bakourtziche  (15  v 1/2),  Moukousani  (17  \.), 

Kvaréli  (21  v.  1/2).  . 

Route  3 (suite).  — De  Signak  à Tiflis  [route pos- 
tale), par  Kachréti,  Kakobéti,  Sartachal,  Vasiani, 
Orkhévi).  Près  de  Signak,  on  gravit  une  assez  haute 
montagne,  puis  l’on  descend  dans  la  plaine.  En  21  v.,  on 
est  à Kachréti.  Jusqu’à  Kakobéti  (21  v.)les  montagnes 
de  la  Kakhétie  se  dessinent  à droite;  la  route  fléchit  à 
gauche  vers  l’iora  qu’on  passe  sur  un  pont  de  fer,  et  on 
monte  à Sartachal  (20  v. ).Du  plateau  qui  domine  1 Iora 
on  voit  la  colonie  allemande  Marienfeld,  et  à 1 horizon 
Gambor.  Par  unecontrée  aride,  on  gagne  Vasiani  (13  v. 
3/4),  et  au  dernier  tournant,  on  découvre  la  Koura  et 
Tiflis.  J usqu’à  Oskhévi  (10  v.  1/2) , le  trajet  est  monotone. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Ï7 


On  passe  à niveau  la  voie  du  chemin  de  fer,  et  laissant 
à gauche  les  casernes  et  les  hôpitaux  de  Naflouk,  on 
met  pied  à terre  à la  place  d’Avlabar  à Tiflis.  ( Voir  ce 
nom  itinéraire  K.  ) 


ITINÉRAIRE  E 

DE  ROSTOFF-SUR-DON  A VLADIKAWKAZ  1 

En  chemin  de  fer  : 652  v.  Trajet  en  27  h.  1/2.  Prix 
des  places  : 24  r.  45,  18  r.  34  ; 9 r.  37. 

Route  1.  — Rostoff-sur-Don.  (Buffet),  75,000  hab.  Poste 
aux  lettres.  Télégraphe , Douane.  Hotels:  Grand  Hôtel,  de 
France,  d’Europe , Tcholokoff,  Ermitage,  Saint-Pétersbourg, 
Moscou.  Succursale  de  la  banque  impériale  ; banque  commer- 
ciale et  banque  urbaine.  Cinq  églises;  synagogue;  école 
juive;  hôpital;  hospice;  théâtre,  fabriques  et  usines  de  cons- 
truction de  machines  ; tanneries;  corderies;  savonneries;  dis- 
tilleries; brasseries;  fabriques  de  sucre,  bougies,  macaroni, 
tabac,  papier  à cigarettes  ; fonderies  de  cloches,  de  méca- 
niques, etc.  Pêcheries.  Etablissements  pour  la  préparation  du 
poisson.  Deux  foires  : à l’Ascension  et  le  8 septembre.  Con- 
sulats d’Allemagne,  d’Angleterre  et  de  Turquie. 

Depuis  qu’elle  est  desservie  par  un  chemin  de  fer  et 
par  un  service  régulier  de  bateaux  à vapeur,  cette  ville 
(tête  de  ligne  des  voies  de  la  Caspienne  par  le  nouveau 
chemin  de  fer  de  Pétrovsk-Vladikawkaz  et  le  Volga, 
de  la  Caucasie  parle  Don,  les  mers  Noire  et  d’Azoff) 
a complètement  changé  de  physionomie.  Des  parcs, 
des  jardins  récemment  plantés,  des  boulevards  sillonnés 
par  des  tramways,  de  larges  rues  bordées  de  jolis 
magasins  et  éclairées  au  gaz,  des  théâtres,  des  cafés- 
concert,  ont  donné  à l’ancien  Rostofï  une  nouvelle  vie. 

En  quittant  les  faubourgs  populeux  de  la  ville,  on 
traverse  sur  un  grand  pont  le  Don  et  les  marais  formés 
par  les  débordements  du  fleuve.  D’innombrables  mou- 
lins à vent  signalent  la  stanitza  Bataïskaïa  située  à 
une  verste  de  la  station  du  chemin  de  fer.  A Kagal- 
niskaïa  ( buffet ) on  passe  le  Manitch  et  on  entre  dans 
la  steppe  triste,  nue,  inhabitée,  qui  s’allonge  à perte  de 
vue  jusqu’à  Stavropol.  Ce  n’est  qu’au  printemps, 

1.  D’après  Elisée  Reclus,  Bædeker,  Vladikine  et  la  carte  de 
Tétat-major  russe. 


28 


GUIDEAU  CAUCASE 


lorsque  l’herbe  a poussé  et  que  toute  cette  plaine 
ressemble  alors  à une  immense  mer  de  verdure  ondu- 
lant sous  le  souffle  du  vent,  que  l’on  s’explique  la 
poésie  de  l’invocation  populaire  : ((  O toi,  ma  steppe  ! 
steppe  ! steppe  de  Mozdok  ! » etc.  Le  Manitch  qui 
reçoit  le  Kalaous,  le  grand  et  le  moyen  Egorlik,  se 
dessèche  en  été  et  forme  une  foule  de  lacs  salés  dont  le 
plus  grand,  qui  a 70  v.  de  long  sur  6 de  large, 
approvisionne  de  sel  le  gouvernement  de  Stavropol. 
Bordé  d’épais  roseaux  foù  se  cachent  des  sangliers, 
peuplé  de  toutes  sortes  de  gibier  d’eau,  il  sert  d’abri 
aux  Kalmouks  voleurs  de  chevaux.  Koustchevka  sur 
l’Iéia  [buffet),  Krilovskaïa  ( buffet ) sont  des  stations 
insignifiantes  ; à Tikhoretskaïa  ( buffet ) s’embranche 
la  ligne  de  Novo-Rossiisk. 

Route  2.  — De  Tikhoretskaïa  à Novo-Rossiisk 
254  v.  en  chemin  de  fer  ; trajet  en  11  h.  environ.  Prix 
des  places  : 9 r.  53,  7 r.  15,  3 r.  66.  Stations  pour  la  plu- 
part sans  importance.  Ekatherinodar  [buffet).  (23,000 
hab.).  Poste.  Télégraphe.  Hôtel  de  Saint-Pétersbourg. 
Fondée  par  Catherine  II  en  1792,  cette  colonie  de 
Cosaques  est  devenue  une  place  forte  et  le  chôf-lieu  de  la 
provincedu  Kouban.  Ellefaituncommerce considérable: 
plus  de  25,000  paysans  se  rencontrent  à ses  foires  de 
mars  et  d’octobre  où  se  vendent  des  bestiaux,  des  laines,  . 
des  peaux  et  des  objets  manufacturés,  pour  une  valeur  ! 
moyenne  de  deux  millions  de  roubles.  Ekathérinodar  \ 
possède  même  60  usines  ou  fabriques  ; elle  expédie  ses 
denrées  d’un  côté  vers  les  ports  de  la  mer  Noire  ; de  ! 
l’autre  vers  Ye'isk,  port  de  la  mer  d’Azoff.  Cette  petite  I 
ville  (23,900  hab.  Poste.  Télégraphe ) n’existait  pas  en  j 
1848.  Fondée  sur  les  indications  du  marin  Trifonoff,  j 
elle  se  construisit  avec  rapidité,  grâce  à la  distribution  1 
de  terrains,  aux  exemptions  d’impôt,  à la  liberté  du 
commerce  et  à l’abondance  delà  pêche.  En  dix  années, 
elle  avait  près  de  20,000  habitants.  Ses  progrès  ont  été 
plus  lents  depuis  qu’elle  est  sous  l’empire  des  lois 
communes,  mais  elle  est  restée  la  ville  la  plus  popu- 
leuse de  tout  le  littoral  caucasien.  Environ  700  navires  f 
de  cabotage  visitent  sa  rade  chaque  année  pour  y ! 
charger  des  céréales,  des  laines,  de  la  graine  de  lin  ; ! 


CHEMINS  DE  FER  RUSSES 


CHEMINS  DE  FER  RUSSES 


BATOUM  A TIFLIS  ET  BAKOU  — POTI  A SAMTREDI 

Heure  de  Saint-Pétersbourg  (en  retord  de  58  minutes  sur  l’heure  de  Tiflis). 


1012 

2 32 

6 7 

10  2 

1 30 

matin 

soir 

4 52 

8 32 

2 3 

5 52 

midi24 

6 12 

10  12 

3 32 

soir 

1 32 

4 32 

2 59 

5 24 

3 49 

5 36 

4 2] 

8 47 

... 

7 17 

soir 

matin 

r. 

k. 

r. 

E7Î 

r. 

k.i 

w.f 

De 

Batoum 

6 

60 

3 

30 

2 

02 

97 

8 

29 

4 

15 

2 

54 

126 

9 

83 

4 

91 

3 

01 

154 

12 

49 

6 

25 

3 

83 

213 

16 

69 

8 

35 

5 

12 

325 

19 

88 

9 

94 

6 

10 

4131 

22 

3a 

11 

20 

6 

87 

502 

25 

28 

12 

C4 

7 

75 

607 

27 

41 

13 

71 

8 

41 

721 

29 

63 

14 

81 

9 

09 

840 

Batoum % 

Samtredi |^‘ 

Rion 

Kwirilla . . .. 

Michaïloff . . 


Tiflis....)™; 
Akstafa  ..... 
Elisabethpol. 

Oudjari 

Adji-Kaboul.. 

Bakou...  arr. 


8 U 

2 27 

9 12 


8 47 
11  50 

midi  2 

midi  57 
2 1 
5 28 
8 54 

noir 


min.32 

7 13 


10  27 

1 47 

2 r 

3 à 

4 S 
7 38 

11  27 
midi22 

3 38 

6 55 

10  U 

2 27 

6 32 

matin 


Bakou dép. 

Adji-Kaboul..' 
Oudjari  .... 
Elisabothpol. 
Akstafa 

Tiflis....)™; 

Michaïloff . . . 

Kwirilla 

Rion 


soir 
6 37 

min  42 

6 32 

matin 


Samlredi jdép. 

Batoum arr. 


POTI  A SAMTREDI 


r.  k.  jr.  k.  (r.  k.  iw. 
De  Poti 

4 24 | 2 13|  1 30 | 61 

Poti dép. 

Samtredi arr. 

8*27 
11  32 

10°ïz 

1 M. 

Samtredi dép. 

Poti arr. 

4 22 
7 27 

soir 

6 2 
9 2 

RIO 

N A KOUTA 

is 

r.  k. | r.  k.|r.  k.|w. 
De  Rion 

» 56 1 » 29 1 » 17 1 8 

Rion dép. 

ÜOUtaïS arr. 

Tlk 

3 il 

1 1°?7 
1 42 

4°47 
5 12 

Koutaïs dép. 

Rion arr. 

TS 

2M 

midi  7 

midi  32 

3°  42 
1 4 7 

(a)  Mercredi  et  dimanche  ti/uuidami  i a m 

seulement.  TIvWIBUULI  A Kl 

DUT  A i S 

r.  k.|r.  k.  |r.  k.|  w.l 
De  Tkwibuli 
2 81|  1 411  » 861  40 

Tkwibouli  . . .dép. 
Koiltnïs arr. 

matin 

lla52 
3 17 

Koutaïs dép. 

! Tkwibouli.. . .arr. 

6o32 
10  2 

BAKOU 

A 

SOURAKHANI 

r.  k.  |r.  k.  |r.  k.  | w.l 
De  Bakou 

» 861  » 441  » 261  12 
1 28  » 64  »)  39  18 

Bakou dép. 

Sabountchi... 

Sourakhania 

marin 

6 32 

7 14 
7 27 

matin 

9 2 
9 32 

matin 

midi  32 
1 2 
soit 

spir 

3 32, 

4 17 
4 33 

soir 

Sournkhanid 

Sabountchi. . . 
Bakou..  , .arr. 

matin 

7 42 

8 10 
8 42 

matin 

matin 

9 47 
10  17 

matin 

soir 

1 17 
1 47 

soir 

soir 

4 47 

5 32 

6 2 

soir 

EXTRAIT  DU  LIVRET-CHAIX 

DES  CHEMINS  DE  FER  DE  L’EUROPE 

PARAISSANT  TOUè  LES  MOIS 

et  publié  par  la  Librairie  Chaix 
20,  rue  Bergère,  Paris 


GUIDE  AU  CAUCASE 


29 


mais  ils  ne  peuvent  s’approcher  de  la  côte  ; c’est  à 3 kil. 
seulement  de  la  plage  qu’ils  trouvent  une  profondeur 
d’eau  de  4 m.  Un  petit  bateau  à vapeur  conduit  d’E- 
kathérinodar  à Temrouk  d’où  un  autre  bateau  mène 
aux  ((  limans  ))  et  de  là  on  peut  se  rendre  à Kertch . 

Route  3.  — D’Ekathèrinodar  à Temrouk  et 
Taman,  route  vicinale  (207  v.  3/4),  par  Kopanskaïa 
{21  v.),  Michastorskaïa  (21  v.  1/4),  Karaboubans- 
kaïa  (16  v.  1/4),  Kopilskaïa  (15  v.  3/4),  Emanouï- 
lovskaïa  (17  v.  3/4),  Andréevskaïa  (19  v.  1/4). 
Temrouk.  ( Voir  ce  nom  à V itinéraire  R,  route  7.) 
(24  v.),  Pérésipnaïa  (13  v.  1/2),  Sennaïa  (19  v.),  Ta- 
man  (20  v.).  La  ville  de  Taman  (Poste.  Télégraphe ) 
qui  a donné  son  nom  à la  péninsule,  n’a  d’autre  avan- 
tage que  d’être  située  près  de  la  rive  du  détroit,  en 
face  de  Kertch  et  de  léni-Kaleh  ; les  côtes  voisines 
sont  basses,  inaccessibles  à d’autres  embarcations  que 
les  bateaux  à fond  plat.  Près  de  là,  au  N.-E.,  se 
trouve  la  forteresse  de  Phanagoria  élevée  sur  les  restes 
de  la  ville  grecque  du  même  nom,  dont  on  a décou- 
vert quelques  débris  de  murailles  et  de  tombeaux, 
moins  riches  en  trésors  que  ceux  de  la  rive  opposée. 

Route  2 (suite).  — La  voie  traverse  le  Kouban,  puis 
un  de  ses  affluents,  tourne  à l’O.,  longe  les  contreforts 
du  Caucase  et  pénètre  dans  la  principale  chaîne  de 
montagnes.  Abinskaïa,  plus  loin  Krimskaïa  etBAKANs- 
kaïa,  deux  petites  places  fortes.  On  passe  sous  un 
tunnel  et  on  arrive  enfin  à Novo-Rossiisk.  ( Voir  ce 
nom  à V itinéraire  B . Route  7.) 

Route  1 (suite).  — Kavkazkaïa  [Buffet).  On 
franchit  le  Kouban  dont  les  bords  sont  couverts  d’ar- 
bustes et  de  roseaux.  Peu  à peu  les  champs  de  blé 
apparaissent.  En  approchant  d’Armavir  (buffet),  on 
voit  à gauche  la  stanitza  de  Protchnikop  qui,  en  1830, 
était  le  quartier  général  du  commandant  des  troupes 
du  ((  flanc  droit  »,  le  général  Zasse.  Habitée  par  des 
Arméniens,  Armavir  (6,388  hab.  Poste.  Télégraphe) 
est  un  centre  de  grand  commerce  en  grains  et  en  denrées. 
Foires  le  1er  mai  et  le  1er  septembre. 

Route  4.  — D’Armavir  à Maïkop  (route 

vicinale , 114  v.)  par  Ouroupskaïa  (13  v.  3/4),  Novo- 


30 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Grigorievskaïa  (17  v.  1/4),  Tchamlikskaïa  (11  y.  1/2), 
Labinskaïa  (13  y.  3/4),  Tchokrakskaïa  (14  v.  1/4), 
Iaroslavskaïa  (10  v.),  Koujorskaïa  (14  1/2). 
Maïkop  (19  v.,  25,512  hab.,  Poste . Télégraphe ). 
1 église,  3 établissements  d’instruction  ; 78  distilleries, 
38  fabriques.  Foires  les  1er  mars,  6 mai  et  1er  octobre. 
C’est  la  plus  importante  des  stanitzas  placées  à la  base 
même  des  avant-monts  caucasiens.  Jadis  point  stra- 
tégique de  premier  ordre  comme  lieu  de  rassemblement 
des  troupes  russes  qui  avaient  à traverser  les  mon- 
tagnes ; grand  marché  pour  les  denrées  de  tout  le  pays, 
Maïkop  a désormais  pris  rang  parmi  les  villes  de  la 
Caucasie. 

Route  1 (suite). — D’ Armavir  à Nevinomiskaïa 

(buffet) y 75  v.  en  chemin  de  fer , par  Konokorskaïa, 
Nicolaïevskaïa,  Bogoslovskaïa.  De  la  voie,  on  aper- 
çoit les  hauteurs  de  Temnoleskia  et  de  Vorofskoleskia 
sur  lesquelles  s’élève  Stavropol.  A droite,  après  le 
défilé  d’Ouroupa,  les  maisons  proprettes  et  les  champs 
bien  cultivés  des  colonies  allemandes  des  ménotistes 

contrastent  agréable- 
ment avec  le  paysage 
monotone  qui  s’est  dé- 
roulé depuis  Rostofï. 
On  franchit  une  se- 
conde fois  le  Kouban. 
Le  défilé  de  Zélent- 
chouk  débouche  devant 
Névinomiskaïa  où  une 
foule  de  véhicules,  four- 
gons , etc.  , attendent 
les  voyageurs  pour  Sta- 
vropol. 

Route  5.  — De  Ne- 
vinomiskaïa à Sta- 
vropol (route  postale, 
60  v.).  Cette  ville  de 
37,000  hab.,  chef-lieu 
du  gouvernement  du 
même  nom,  située  à 600  m.  de  hauteur  sur  une  des 
terrasses  avancées  qui  flanquent  le  pied  du  Caucase, 


GUIDE  AU  CAUCASE 


31 


n’était  à l’époque  de  sa  formation,  en  1776  ou  1777, 
que  le  fort  « numéro  huit  »,  et  l’on  ne  sait  quand 
elle  commença  à être  désignée  communément  sous 
le  nom  grec  de  « ville  de  la  Croix  ».  Longtemps  elle 
n’eut  d’importance  que  par  sa  situation  stratégique 
sur  la  ligne  des  dix  forteresses  qui  gardaient  les 
plaines  de  la  Ciscaucasie,  entre  le  delta  du  Don  et 
la  ville  de  Mozdok.  Occupant  un  espace  considérable 
sur  plusieurs  renflements  du  sol,  que  séparent  les 
uns  des  autres  de  profonds  ravins,  Stavropol  est  deve- 
nue l’une  des  villes  les  plus  propres  de  la  Russie  ; ses 
eaux  courantes  arrosent  de  nombreux  jardins,  renom- 
més pour  leurs  fruits.  Des  lambeaux  de  terre  noire 
se  retrouvent  sur  la  terrasse  de  Stavropol,  et,  comme 
sur  le  tchernosyom  de  la  Petite-Russie,  les  agricul- 
teurs y récoltent  d’excellentes  moissons.  Foires  le 
29  août  et  le  12  octobre. 

Route  6.  — De  Nevinomiskaïa  à la  vallée  du 
Kodor.  De  Nevinomiskaïa  une  route  conduit  dans  la 
vallée  du  Kouban  à Batalpachinsk,  ville  de  6,000  hab. 
à50v.  au  S.,  et  connue  par  une  victoire  des  Russes  sur 
les  Turcs  en  1790.  De  là  il  y a un  chemin  carrossable 
allant  à Outchkoulan  dans  le  Karatchaï  à l'O.  de 
l’Elbrouz,  d’où  l’on  peut  franchir  le  col  de  Nakar 
(2,900  m.)  pour  descendre  par  la  vallée  du  Klitch  dans 
la  magnifique  vallée  du  Kodor  et  de  là  vers  Soukoum- 
Kaleh.  Il  y a encore  une  route  neuve  qui  part  de  la 
vallée  du  Kouban  à Karamourzina,  monte  le  long 
de  la  Téberda  et  arrive  dans  la  vallée  du  Kodor  par  le 
col  de  Kloukhorsky  (2,700  m.)  1 . 

Route  1 (suite).  — De  Nevinomiskaïa  à Miné- 
ralnia-Vodi  {en  chemin  de  fer,  100  v.).  En  conti- 
nuant sur  Vladikawkaz,  après  quelques  stations  sans 
importance,  on  passe  la  Kouma  qui  roule  des  eaux 
bourbeuses  et  va  se  perdre  dans  la  steppe.  Un  pano- 
rama original  s’ouvre  sur  la  vallée  verdoyante  de  Pia- 
tigorsk  au  milieu  de  laquelle,  comme  des  îles  éparses, 
se  dressent  les  monts  Geleznaïa,  Bechtaou,  Machouk, 
Sineïka  et  que  domine,  au  loin,  à l’horizon,  le  pic  nei- 
geux de  l’Elbrouz. 

1.  D’après  Bædeker. 


32 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Route  7.  — De  Mineralnia-Vodi  à Piatigorsk. 

{ Buffet , hôtel).  Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux.  Té- 
légraphe. Route  postale  20  v.  en  équipages  de  poste, 
phaétons  ou  omnibus. 

Route  8.  — De  Piatigorsk  à Yessentouki,  route 

postale  17  y. 

Route  9.  — De  Yessentouki  à Kislovodsk, 

route  postale  20  v. 

Route  10.  — De  Piatigorsk  à Geleznovodsk, 

route  postale  13  v.  Prix  des  phaétons  : De  Miné- 
ralnia-Vodi  à Piatigorsk  : 3r. , à Yessentouki  : 5 r.  ; 
à Kislovodsk  : 8 r.  ; Geleznovodsk  : 3 r. 

Piatigorsk  (13,000  hab.).  Hôtels  des  Eaux  minérales,  d’Eu- 
rope, Central.  Appartements  à louer:  401  r.  pour  la  saison, 
c’est-à-dire  depuis  le  1er  mai  jusqu’à  lin  septembre.  Cham- 
bres meublées,  de  15  à 25  r.  par  mois.  Le  Comptoir  principal 
des  eaux  minérales,  un  bureau  de  renseignements,  un  journal 
hebdomadaire  : le  Listok  mlnèralnïa  eocli,  se  chargent  d’insérer 
les  annonces  et  de  donner  toutes  les  indications  désirables 
pour  les  locations.  Musée  géognostique.  Théâtre.  Club.  Bi- 
bliothèque. Poste.  Télégraphe , Phaétons.  drochkis , omnibus, 
chevaux  de  selle,  etc.  Excursions  :à  la  montagne  de  Machouk 
12  v.);  au  grand  ravin;  sur  le  Bechtaou  (7  v.);  à la  colonie 
Karras  : à Yaoul  arménien  (4  v.);  à Goriatchevodsky  ; aux  colo- 
nies Constantinovskaïa  et  Nicolaïevskaïa  : au  lac  salé  Tam- 
boukane,  etc.,  etc. 

La  plus  grande  ville  du  bassin  de  la  Kouma,  Piati- 
gorsk (en  russe  ((  Cinq  montagnes  »)  est  située  à la 
base  méridionale  du  Machouk,  promontoire  avancé  du 
massif  de  Bechtaou.  Ce  cône  de  porphyre  à cinq 
pointes,  entouré  de  récifs  crétacés,  qui  se  dresse  au 
milieu  des  steppes,  fut  de  tout  temps,  avec  les  sommets 
voisins,  les  monts  du  Renard,  du  Chameau,  des  Ser- 
pents, un  point  de  ralliement  pour  les  nomades  de  la 
steppe.  Piatigorsk  occupe  donc  une  des  parties  de  la 
région  caucasienne  où  se  pressaient  le  plus  de  tribus 
diverses,  Kabardes,  Nogaïs,  Cosaques  ; maintenant 
elle  est  devenue  un  lieu  de  rendez-vous  pour  les  Russes 
de  toutes  les  provinces  et  même  pour  des  étrangers  du 
reste  de  l’Europe. 

Piatigorsk  s’étend  sur  un  vaste  espace  dans  la  vallée 
du  Podkoumok,  affluent  méridional  de  la  Kouma, 
comme  en  témoigne  son  nom  qui  signifie  ((  sous  la 
Kouma  ou  Petite-Kouma  » ; l’altitude  moyenne  de  la 


GUIDE  AU  CAUCASE 


33 


ville  est  de  475  m.  au-dessus  de  l’atmosphère  insa- 
lubre des  plaines,  et  de  vastes  promenades,  des  parcs, 
des  jardins,  contribuent  à l’assainissement  des  quar- 
tiers. Des  hôtels,  de  jolies  maisons,  des  galeries 
couvertes,  des  magasins  où  se  vendent  des  tapis  de 
Perse  et  de  Boukhara,  et  mille  objets  importés  de  Toula 
et  des  usines  de  France  et  d’Angleterre,  donnent  un 
peu  à Piatigorsk  l’aspect  des  villes  thermales  d’Europe, 
mais  la  ville  russe  est  plus  récente  : avant  1830,  elle 
n’avait  pas  meme  de  nom.  A la  fin  du  siècle  dernier,, 
les  malades  venaient  se  baigner  aux  sources  de  la  vallée 
sous  le  feu  des  Tcherkess.  Les  grands  seigneurs  de  la 
Russie  arrivaient  accompagnés  d’une  centaine  de  ca- 
valiers et  de  domestiques,  avec  tout  un  convoi  d’équi- 
pages, de  tentes,  d’approvisionnements,  et,  pendant  la 
durée  de  la  cure,  ils  bivouaquaient  dans  le  voisinage 
de  la  source.  Maintenant  des  thermes  bien  aménagés 
s’élèvent  au-dessus  du  lac  thermal  souterrain  et  de  tous 
ses  puits  jaillissants  ; mais  le  travail  géologique  des 
sources  ne  se  voit  plus  comme  autrefois.  Les  énormes 
bancs  de  tuf  déposés  par  l’eau,  qui  étonnèrent  le 
voyageur  Pallas,  sont  recouverts  en  maints  endroits 
par  les  constructions  et  les  débris,  et  le  gouffre  d’effon- 
drement quYmplit,  à 26  m.  de  profondeur,  un  petit 
lac  fumant,  a perdu  de  son  aspect  terrible  : les  bai- 
gneurs y descendent  désormais  par  un  tunnel,  et  les 
pigeons  ramiers  qui  nichaient  dans  les  anfractuosités 
du  puits  se  sont  envolés.  On  dit  que  cet  abîme  s’ouvrit 
vers  1774,  et  qu’en  même  temps  le  sol  se  fendit  sur 
une  grande  étendue.  Yesentoukiet  d’autres  stations  de 
bains  du  groupe  de  Piatigorsk  sont  entourées  de  steppes 
infertiles  : mais  une  beauté  qu’on  ne  peut  leur  ravir 
est  la  vue  du  massif  superbe  de  l'Elbrouz  avec  ses 
glaciers,  ses  forêts,  ses  torrents.  De  la  crête  jurassique 
du  Bermamout  qui  s’élève  à 2,591  m.  de  hauteur 
à 4§  v.  au  sud-ouest  de  Kislovodsk  et  de  ses  beaux 
ombrages,  le  géant  des  Alpes  caucasiennes  apparaît 
dans  toute  sa  sublimité  : le  Bermamout  est  le  mont  du 
Caucase  le  plus  souvent  gravi 1 . 

1.  L’excursion  se  fait  en  une  journée:  voitures  à 2 places, 
attelées  de  4 à 5 chevaux,  avec  postillon,  40  r.  Il  faut  prendre 

2e  partie  3 


34 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Piatigorsk  est  une  des  stations  thermales  où  les 
eaux  sulfureuses,  coulant  avec  le  plus  d’abondance, 
ont  reçu  des  médecins  et  des  malades  la  plus  grande 
réputation  d’efficacité  : à elle  seule,  cette  ville  d’eaux 
est  aussi  fréquentée  que  les  cent  autres  stations  ther- 
males du  Caucase,  avec  leurs  sept  cents  sources  miné- 
rales diverses,  énumérées  par  Kodzko.  Le  groupe  des- 
eaux de  Piatigorsk,  en  y comprenant  celles  qui  jail- 
lissent aux  environs,  jusqu’à  la  distance  de  40  kil.. 


PIATIGORSK  et  le  groupe  des  eaux  minérales,  d’après  la  carte  d’Elisée  Reclus. 


présente  la  série  complète  des  sources  dont  l’usage 
est  recommandé  par  la  thérapeutique  moderne.  Les 
vingt  sources  de  Piatigorsk  même,  dont  la  température 
varie  de  29  à 47  degrés  centigrades,  et  qui  donnent 
ensemble  une  moyenne  de  10  litres  par  secondes, 
représentent  le  type  des  eaux  sulfureuses.  A près  cle 
20  kil.  au  N.- O.,  de  l’autre  côté  du  massif  insu- 
laire des  ((  cinq  montagnes  »,  la  station  de  Geles- 
novodskfeau  ferrugineuse)  indique  par  son  nom  même 
la  nature  de  ses  eaux,  très  différentes  les  unes  des 

des  provisions,  des  couvertures,  car  on  ne  rencontre  en  route 
aucune  habitation. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


35 


autres  par  leur  température  et  leur  teneur  en  acide 
carbonique,  mais  variables  dans  leur  débit  par  l’effet 
des  tremblements  de  terre. 

Hôtels.  Chambres  meublées.  Appartements  à louer  : 500  r. 
pour  la  saison,  o’est-à-dire  depuis  le  1er  juin.  — Comptoir  des 
eaux  minérales.  Parc,  Poste.  Télégraphe.  Excursion  : à la 
ferme  d’Evdokimofï. 

Al’0.,dans  la  même  vallée  que  Piatigorsk,  vingt 
autres  sources,  celles-ci  froides,  alcalines  et  contenant 
de  l’iode  et  du  brome,  s’échappent  du  sol  marneux, 
près  du  village  de 

Yesentouki  (5,677  hab.)  Hôtels . Chambres  meublées  : 25  à 
50  r.  par  mois,  depuis  le  1er  mai  jusqu’au  20  septembre. 
Comptoir  des  eaux  minérales.  Parc.  Poste . Télégraphe. 

Plus  haut,  vers  le  S. -O,  et  déjà  en  plein  cœur 
des  montagnes,  s’élance  la  superbe  fontaine  à laquelle 
les  Tcherkess  avaient  donné  le  nom  de  Narzan  ou  de 
((  Boisson  des  Héros  »,  et  que  l’on  distingue  main- 
tenant par  l’appellation  moins  poétique  et  plus  précise 
de  Kislovodsk  (eau  acidulée).  Cette  source,  incompa- 
rable pour  ses  vertus,  donne  plus  de  1,500,000  litres 
d’eau  (18  par  secondes)  et  dégage  5,400  mètres  cubes 
d’acide  carbonique  par  jour.  Une  muraille  de  plusieurs 
kilomètres  de  longueur,  bordée  de  grottes  et  de  tom- 
beaux, défendait  jadis  l’entrée  de  la  source  sacrée;  on  en 
voit  encore  quelques  vestiges.  D’autres  fontaines  con- 
tiennent du  chlore,  de  la  magnésie,  du  sel  marin, 
tandis  que  des  lacs  et  des  étangs  délaissés  dans  la 
steppe,  par  le  retrait  de  la  mer,  ont,  comme  les 
((  limans  » de  la  mer  Noire,  leurs  boues  salines  emplies 
d’algues  microscopiques. 

Hôtels.  Chambres  meublées.  Saison  depuis  le  15  juillet 
jusqu’au  10  septembre.  Comptoir  des  eaux  minérales.  Parc. 
Poste.  Télégraphe. 

Route  1 (suite).  — De  Mineralnia  Vodi  à Nez- 
lobnaïa  [en  chemin  de  fer). 

Route  11.  — De  Nezlobnaïa  à Vladimirovka 

( route  vicinale , 158  v.  3/4)  par  Ghéorghievsk 
(5  v.  1/4),  Otkazanoï  (26  v.  1/2),  Soldatskaïa 
(16  v.  1/2),  Novo-Grigorievskaïa  (18  v 1/2),  Pri- 
volnoï  (28  v.  1/2),  Praskovaïa  (17  v.),  Skarjinka 
(14  v.  1/2),  Prakokoumskoï  (21  v.1/4),  Vladimirovka 
(10  v.  3/4). 


36 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Ghéorghievsk  (4,248  hab.)  Poste.  Télégraphe . 
Au  N.-E.  de  Piatigorsk,  fut  jusqu’en  1824  la  capitale 
de  la  Ciscaucasie.  En  cédant  à Stavropol  son  rang  de 
chef -lieu  des  administrations  provinciales,  Ghéor- 
ghievsk devint  un  simple  village,  mais  elle  reprend 
de  l’importance  comme  entrepôt  agricole  du  bassin  de 
la  Kouma  et  comme  station  de  chemin  de  fer.  Des 
colonies  allemandes  contribuent  à la  prospérité  de  la 
ville.  C’est  à Ghéorghievsk,  qu’en  1783,  les  représen- 
tants des  gouvernements  russe  et  géorgien  ont  signé  le 
traité  de  l’annexion  de  la  Géorgie  à la  Russie,  sous  le 
règne  du  tsar  géorgien  Héraclius  11. 

En  aval,  sur  la  Kouma  et  sur  ses  affluents  occiden- 
taux, se  succèdent  d’anciennes  stanitzas  de  Co- 
saques dont  quelques-unes,  Otkaznoï , Aleæandrov- 
skaïa , Blagodarnoïe,  Praskovaïa  sont  devenues  des 
villes  et  des  centres  agricoles.  A l’E.  de  Praskovaïa, 
s’élevait  jadis  la  fameuse  ville  de  Madjari.  La  coïnci- 
dence des  noms  a fait  croire  à quelques  auteurs  que 
Madjar  fut  une  capitale  des  Magyars  hongrois  ; mais 
ce  nom  d’origine  tartare  et  dont  le  sens  est  celui  de 
((  palais,  édifice  »,  semble  avoir  appartenu  à l’une  des 
cités  principales  de  l’Empire  des  Kazars.  Les  tartares 
Kiptchak  s’y  établirent,  et  divers  documents,  qu’on  a 
retrouvés  récemment,  prouvent  qu’elle  était  encore  au 
milieu  du  XIVe  siècle  une  ville  florissante  où 
venaient  fréquemment  des  commerçants  russes  : la 
géographie  arabe  la  désigne  sous  le  nom  de  Kou- 
Madjar.  Du  temps  de  Pallas,  il  y avait  encore 
trente-deux  bâtiments  intacts  ; maintenant  on  y voit 
seulement  quelques  restes  de  tours  et  des  amas  de 
ruines  couvrant  un  vaste  espace;  des  briques  vernissées 
à la  mode  persane  jonchent  le  sol.  Les  quelques  ins- 
criptions que  l’on  a trouvées  se  rapportent  toutes  à des 
Tartares  mahométans,  et  les  médailles  enfouies  avaient 
été  frappées  à Saraï,  sur  le  Volga.  Le  village  arménien 
de  Sviatoï-Krest  s’est  établi  au  milieu  des  décombres, 
et  de  nombreux  kourgans  s’élèvent  aux  alentours.  A 
l’E.,  des  colonies  agricoles  s’échelonnent  le  long  de  la 
Kouma,  mais  loin  de  la  rivière  on  ne  voit  que  des 
campements  de  Nogaïs  et  de  Kalmouks. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


37 


Route  1 (suite).  — De  Nezlobnaïa  à Proklad- 
naïa.  Buffet.  (64  y.)  en  chemin  de  fer. 

Route  1 (suite).  — De  Prokladnaïa  à Ekatérino- 
grad,  Mozdok  {route  vicinale).  Voir  de  Vladikawkaz 
à la  Caspienne,  itinéraire  F. 

Route  1 (suite).  — De  Prokladnaïa  à Koltia- 
revskaïa,  en  chemin  de  fer. 

Route  12.  — De  Koltiarevskaïa  à Naltchik, 
(environ  60  v.  ou  6 h.,,  2 stat.  )-  C’est  de  Naltchik 
[logis  à la  poste)  qu’on  va  visiter  les  vallées  du  Bak- 
san,  de  YOurban  et  du  Tchégliem,  qui  font  partie  du 
Caucase  central  et  du  bassin  du  Térek. 


La  vallée  du  Baksan  est  au  delà  de  la  steppe  de  la 
Kabardie.  Un  premier  jour  de  marche  mène  à Atajou- 
tan  ou  Atajoukina,  mais  on  a un  meilleur  gîte  10  v. 
plus  loin,  dans  l’auberge  « doukhan  » au  premier 
pont  de  la  vallée.  50  v.  plus  haut,  se  trouve  Ourousbié 
( logis  au  « doukan  » du  prince).  C’est  de  là  que 
Freshfield  a fait  en  1868  l’ascension  de  l 'Elbrouz, 
nommé  dans  le  pays  Minghi-Taou.  Il  arriva  sur  la 
cime  orientale  (5,593  m.).  Celle  de  l’O.  (5,631m.) 
a été  gravie  en  1874  par  Grove,  et  il  y.  a eu  depuis 
plusieurs  autres  ascensions.  Divers  cols  très,  élevés  per- 


38 


GUIDE  AU  CAUCASE 


mettent  de  passer  de  la  vallée  du  Baksan  en  Souanétie ; 
à l’O.  le  col  Nakra  ou  Dougoussoroum  (3,306  m.) 
praticable  aux  bêtes  de  somme;  au  S.  le  col  Betcho 
(3,549  m.)  et  le  col  Adj/r-Sou  (3,871  m.)  par  où  l’on 


Mont  ELBROUZ.  — D’après  la  carte  d’Elisée  Reclus. 

va  à Meztia  ( logis  à la  Kanzellaria)  dans  le  haut  de 
la  vallée  de  l’Ingour  : Freslifield  a mis  deux  jours 
pour  y passer  en  1887. 

La  vallée  de  YOurban  est  accessible  de  Naltchik,  à 
cheval,  par  un  chemin  qui  mène  à Toubènel  ou  Bé- 
zinghi  (1,528  m.),  logis  au  « douklian  » du  Bey,  situé 


GUIDE  AU  CAUCASE 


39 


au  milieu  de  montagnes  grandioses.  L’extrémité  de 
la  vallée  est  formée  par  les  plus  hautes  cimes  de  la 
chaîne  centrale,  savoir,  de  l’O.  à l’E.  : la  Gheztola 
(4,865  m.),  la  Zalanantchèra  (4,722  m.),  la  Djanga 
(5,079  m.),  la  Clikara  (5,194  m.)  gravie  en  1888  par 
Cockin  ; le  Kochtan-Taou  (5,199  m.)  gravi  aussi  en 
1888  par  Mummery  ; le  Mijirghi-Taou  (5,003  m.),  le 
Dykh-Taou  (5,112  m.),  également  gravi  en  1888  par 
Woolley,  etc.  De  ces  montagnes  descendent  de  grands 
glaciers.  Un  col  (3,990  m.)  y mène  par  le  glacier  de 
Tsanneren  Souanétie. 

La  vallée  du  Tchéghem,  affluent  du  Baksan,  est 
parallèle  à celle  de  l’Ourban.  Une  route  pour  cavaliers 
y mène  de  Bézinghi  au  N.  Un  défilé  sauvage  au- 
dessus  de  Tchéghem , nommé  Djighil-Sou,  aboutit  à 
la  partie  supérieure  de  la  vallée,  qu’arrose  le  Bachil- 
Sou  et  que  terminent  également  d énormes  glaciers.  Des 
cols  très  élevés  font  communiquer  cette  vallée  : à l’O. 
(4,351  et  3,865  m.)  avec  Ourousbié  (voir  ci-dessus); 
au  S.  par  le  glacier  de  Goaalda  ou  de  Thouher , 
avec  la  Souanétie  ; à l’E.  le  col  de  Zaloninan-Tchirati 
(4,260m.)  avec  la  vallée  de  l’Ourban  (voir  ci-dessus). 

Un  col  au  S.  de  Bézinghi  permet  de  passer  dans  le 
Balkar , vallée  supérieure  du  Tchérek,  affluent  du 
Térek,  et  à l’extrémité  du  S.  de  cette  vallée,  entre  le 
Dykh-Taou  (voir  ci-dessus)  et  le  Gouloukou  (4,472  m.  ). 
Il  se  trouve  au  S.  plusieurs  autres  autres  cols  du  côté 
de  la  vallée  de  la  Tskhénis-Tskhali , par  exemple  le 
Pazi-Mta  (3,475  m.),  dans  le  nom  duquel  on  a voulu 
reconnaître  un  souvenir  du  Phase  de  l’antiquité.  Le 
chemin  de  Naltchik  jusqu’au  fond  de  la  vallée  du 
Tchérek  à Karaoul,  demande  deux  jours  à cheval.  Un 
chemin  de  cavaliers  va  de  Karaoul,  par  le  col  de 
Ztoulévéesk  (3,200  m.),  dans  la  vallée  de  VOuroukh, 
affluent  du  Térek,  et  un  autre  dans  la  vallée  haute 
du  Rion1. 

Route  1 (suite).  — De  Koltiarevskaïa  à Vla- 
dikawkaz  ( en  chemin  de  fer  ) . Avant  la  station 
de  Borokovo , on  traverse  le  Térek  dont  les  rives. 


1.  D’après  Bædeker. 


40 


GUIDE  AU  CAUCASE 


étaient  autrefois  plantées  d’immenses  forêts.  Par  El- 
kotovo , Dargh-  Koh , Beslane  on  arrive  à Vladi- 
kawkaz. (Voir  ce  nom  à l’itinéraire  G.) 

Route  13.  — De  Vladikawkaz  à Sidone,  route 
vicinale  (83  v.  1/4)  par  Arkhonskaïa  (17  v.  1/2), 
Ardonskaïa  (17  v.  3/4),  Alagliir,  fonderie  de  plomb 
argentifère  (16  v.),  Biz  (18  v.),  Sidone  (14  v.) 

Route  14.  — De  Vladikawkaz  à Koutais 
(220  v.),  grande  route.  On  passe  par  Arkhonskaïa  et  on 
entre  à Alagliir  (625  m.)  clans  la  vallée  ( VArdone , qui 
est  magnifique.  Près  de  Biz  (856  m.)  s’élève  le  Kariou- 
Khokh  (3,403  m.),  la  principale  des  montagnes  cal- 
caires de  ce  côté.  Ensuite  Kzourtè  (919  m.).  Plus  loin, 
une  auberge  ((  doukhan  » (965  m.)  qui  est  isolée  et 
après  laquelle  la  vallée  se  dirige  à PO.,  jusqu’à  l’em- 
bouchure du  Zadone  (1,076  m.).  La  route  reprend 
ensuite  la  direction  du  S.,  en  longeant  le  versant  E. 
de  YAdaï-Kokh,  énorme  massif  de  montagnes  dont  la 
plus  haute  cime  connue  atteint  4,646  m.  et  dont  un 
autre  sommet  a été  gravi  en  1884  par  M Déchy.  De 
ce  massif  descend  au  N.  le  vaste  glacier  de  Karagam 
et  à l’E.  le  superbe  glacier  de  Céia.  Ensuite  la  route 
passe  dans  une  gorge  grandiose  qui  n’est  pas  inférieure 
à la  célèbre  gorge  du  Darial,  puis  elle  tourne  encore  à 
l’O  , et  elle  passe  au  col  de  Mamisson  (2,800  m.) 
sur  le  versant  S.  de  l’Adaï-Khokh  dans  la  chaîne 
centrale  du  Caucase.  Vue  splendide.  On  en  redescend 
dans  la  vallée  du  Rion  par  Gourchavi , Glola , Oni , etc., 
Koutaïs. 1 (Voir  ces  noms  à l’itinéraire  J.) 

ITINÉRAIRE  F 

DE  VLADIKAWKAZ  A LA  MER  CASPIENNE 

Route  1 . — De  Prokladnaïa  à Vladikawkaz, 

en  chemin  de  fer . (Voir  à l’itinéraire  E.) 

Route  2.  — De  Prokladnaïa  àEkathérinograd, 

route  vicinale  (20  v.  1/2).Ekathérinograd  (2,622  hab.) 
occupe  une  position  maîtresse  non  loin  du  confluent 
du  Térek  et  de  la  Malka,  au  centre  même  de  l’hémicycle 


l.  D’après  Bædeker. 


Grar  paj‘_H.j 


GUIDE  AU  CAUCASE 


41 


delà  Kabarda:  aussi  Potemkin  y fonda-t-il,  en  1778, 
une  des  forteresses  de  la  ligne  du  Caucase,  et,  sept 

années  plus  tard,  cette  forteresse  était-elle  choisie  pour 

capitale  des  possessions  russes  dans  la  région  du  Cau- 
case. Mais,  en  1790,  Ekathérinograd  a perdu  son  rang 
de  chef-lieu,  et  elle  n’est  plus  qu’une  simple  stanitza 

ClCRouteU' 3-  — D’Ekathérinograd  à Mozdok,  route 
postale  (34  v.  1/2)  par  Pavlodolskaïa  (20v  1/2),  Moz- 
dok  (14  v ),  15.269  hab.  [Poste.  Télégraphe ),  centre  poli 
tique  et  commercial  de  la  contrée, est  d’origine  relative- 
ment ancienne  puisqu’elle  fût  fondée  en  1759  par  un  chef 
delà  Petite-Kabarda,  qu’une  guerre  malheureuse  avait 
forcé  de  s’expatrier.  Lieu  d’asile,  Mozdok  eut  souvent 
des  fugitifs  à recevoir  : Kabardes  de  la  vallee  du  lerek, 
Ossétiens,  Tchétchènes  de  la  montagne,  Arméniens  et. 
Géorgiens  de  la  Transcaucasie.  Jusqu’à  une  epoque 
récente,  les  réfugiés  d’Arménie,  au  nombre  de  plusieurs 
milliers,  étaient  de  beaucoup  la  population  prépondé- 
rante de  Mozdok  et,  grâce  à eux,  cette  ville,,  que  les 
miasmes  des  marais  ont  forcée  de  se  déplacer  de  7 kilo- 
mètres depuis  l’époque  de  sa  fondation,  était  devenue  le 
principal  marché  de  la  Ciscaucasie  : c’était  la  que  se 
rencontraient  les  Cosaques  des  sternums,  les  monta- 
gnards du  Daghestan,  les  agriculteurs  de  la  Kabarda, 
les  Nogaïs  nomades  du  bas  Térek  et  de  la  Kouma.  Pour 
favoriser  Mozdok,  le  gouvernement  russe  avait  meme 
fait  passer  par  cette  ville  la  route  militaire  de  Stavropol 
à Tiflis;  mais,  depuis  la  construction  du  chemin  de  ter, 
Mozdok  a perdu  le  privilège  commercial  que  lui  assurait 
ce  bizarre  détour  du  chemin.  Désormais  la  ville  n a plus 
que  ses  avantages  naturels,  comme  lieu  de  rendez-vous 
des  populations  diverses  qui  l’entourent,  et  comme 
entrepôt,  des  colonies  agricoles  du  Térek  moyen.  Foires 
le  23  avril  et  le  12  octobre.  . 

Trois  villes  ruinées  se  voient  encore  sur  les  rives  clu 
Térek:  Tatartoup,  Djoulad  et  des  débris  innomes  près 
desquels  des  fossés  et  des  murailles  sont  attribues  par 
la  légende  à Timour  le  Boiteux. 

Route  4.  — De  Mozdok  à Kisliar,  route  postale 
(208  v.  1/4),  par  Galugaevskaïa  (26  v.  1/4),  Istchers- 


42 


GUIDE  AU  CAUCASE 


kaïa  (17  v.),  Naourskaïa  (15  y.  1/2),  Kalinovskaïa 
(20  v.),  Nicolaîevskaïa  (21  y.),  Tchervlennaïa (9  v.), 
Stchédrinskaïa  (21  v.),  Chelkozavodskaïa  (20v.1/2), 
Stcherbakovskaïa(24  v.),  Doubovskaïa  (19  v.).  Kis- 
liar  (15  v.),  8,962  hab.  [Poste,  Télégraphe),  est  encore 
plus  ancienne  que  Mozdok  puisqu’elle  est  déjà  men- 
tionnée dans  les  chroniques  de  l’année  1616  De  même 
que  Mozdok,  elle  reçut  des  fugitifs  de  toute  nation  et 
surtout  des  Arméniens  qui  s’emparèrent  peu  à peu  du 
commerce  local.  La  position  de  Kisliar  à Ja  tête  du  delta 
est  heureuse  pour  le  trafic  et  la  culture,  sinon  pour  les 
aises  de  la  vie.  Le  Térek  et  ses  branches,  que  retiennent 
des  levées  latérales,  trop  faibles  quelquefois,  four- 
nissent aux  riverains  toute  l’eau  qui  leur  est  nécessaire 
pour  l’irrigation  de  leurs  terres.  En  1861,  on  comptait 
autour  de  Kisliar  plus  de  1250  jardins  fournissant  aux 
marchés  de  la  Russie  des  fruits  et  des  primeurs  de 
toute  espèce.  Kisliar  est  aussi  fameuse  dans  l’Europe 
orientale  par  ses  vignobles  où  l’on  voit  les  vendangeurs 
descendre  en  bandes  du  Daghestan  pendant  les  bonnes 
années.  Le  vin  de  Kisliar  est  exporté  par  le  petit  port 
voisin  Brianskaïa,  et  les  industriels  russes  s’en  servent 
pour  la  fabrication  des  vins  de  Porto,  de  Madère,  de 
Xérès  et  d’autres  crus  renommés  du  Midi.  On  en  vend 
chaque  année  50,000  hectolitres  à la  foire  de  Nijni- 
Novgorod. 

Route  5.  — De  Kisliar  à Brianskaïa,  rouie 
vicinale  (72  v.),  par  Athaga-Bathana  (23  v.),  Béré- 
zovskaïa(13  v.),  Chandroukovskaïa  (18  v.  1/2),  Brians- 
kaïa (17  v.  1/2). 

Route  6.  — De  Mozdok  à Témir-Khan-Choura, 

route  postale  (255  v.  1/2),  par  Galugaévskaïa  (26  v. 
1/4),  Istcherskaïa  (17  v.),  Naourskaïa  (15  v.  1/2), 
Kalinovskaïa  (20  v.),  Nicolaîevskaïa  (21  v.),  Tcher- 
vlennaïa (9  v.),  Stchédrinskaïa  (21  v.),  Chelkoza- 
vodskaïa (20  v.  1/2),  Tachkitchou-Aoul  (12  v.), 
Khassav-Yourt  (18  v.),  Tchaptchak  (14  v.),  Tciiir- 
Yourt  (14  v.),  Goumali  (19  v.  1/2),  Tichikli  (12  v. 
3/4),  Témir-Khan-Ghoura  (15  v.) 

Route  7.  — De  Mozdok  à Vladikawkaz,  route 
postale  (88  v.  1/4),  par  Magmeti-Yourtorskaïa  (27  v. 


- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


43 


3/4),  ÀTCHALOUK  (20  V.),  K ANTICHEVSKAÏA  (20  Y.),  Bo- 
zorkina  (8  v.),  Vladikawkaz  (12  y.  1/2). 

Route  8.  — De  Vladikawkaz  à Témir-Khan 
Choura,  route  postale  (250  v.).  (Voir  ce  nom  à l’itiné- 
raire P.) 

Route  9. — De  Vladikawkaz  à Groznaïa,  route 
postale  (101  v.  3/4),  par  Bozornaïa(12v.1/2),  Nazrane 
(13  v.  3/4),  Slepzovskaïa  (23  y.),  Samachkinskaïa 
(20  v.),  Alkhan-Yotjrt  (19  v.  1/2),  Groznaïa  (12  y. 
1/2),  (6.282  hab.)  {Poste.  Télégraphe),  dont  les  maisons 
se  sont  groupées  autour  de  la  forteresse  Groznaïa,  est  le 
chef-lieu  naturel  de  la  vallée  de  la  Soundja,  la  plus 
fertile  peut-être  de  la  Ciscaucasie  : ses  eaux  minérales, 
connues  depuis  le  milieu  du  siècle  dernier,,  sont  très 
fréquentées,  mais  les  puits  de  naphte  des  environs 
n’ont  pas  une  grande  importance  industrielle.  De  nom- 
breux villages  et  des  bourgs  dont  le  plus  considérable 
est  celui  d’Ourous-Martan,  sont  épars  dans  la  plaine 
de  Groznaïa  et  sur  les  coteaux  voisins.  A l’E.,  la  ville 
mahométane  d’Aksaï  (4,594  hab.)  étend  ses  jardins 
dans  une  région  parfaitement  arrosée,  dont  les  eaux 
vont  se  perdre  dans  les  marécages  du  bas  Térek  et  du 
littoral  caspien. 

Route  10.  — De  Groznaïa  à Véden,  route  vici- 
nale (59  v.  1/4),  par  Oustargardoï  (15  v.  1/2). 
Eresnoï  (21  v.  1/4).  Véden  (22  v.  1/2.), sur  une  haute 
terrasse  dont  les  eaux  descendent  vers  le  Térek,  est 
un  village  important  qui  domine  un  fortin  russe,  élevé 
sur  l’emplacement  de  ce  qui  fut  la  citadelle  de  Schamyl. 

Route  il.  — De  Véden  à Khounzakh,  route 
vicinale  (136  v.  1/2),  par  Korotchoï  (6  v.),  Kerket 
(26  v.  1/4),  Tando  (28  v.  3/4),  Botlik  (8  v.),  Tlokh 
(24  v.),  Kirakhi  (15  v.  1/4),  Khounzakh  (28  v.) 

Route  12.  — De  Groznaïa  à Pétrovsk,  route 
postale  (198  v.  1/4),  par  Oustargardoï  (15  v.  1/2), 
OumÂkhan-Yourt(20  v.  3/4),  Istisou  (12  v.),  Gerzel- 
Aoul  (17  v.),  Khassav-Yourt  (14  v.),  Chaptchak 
(14  v.),  Tkir-Yoort  (14  v.),  Goumali  (19  v.),  Tichikli 
(12  v.3/4),Têmir-Khan-Choura  (15 v.),  Alti-Boïoum 
(22  v.  1/2),  Pétrovsk  (21  v.  3/4). 


44 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Route  13.  — De  Pétrovsk  à Témir-Khan  Chou- 

ra.  route  postale  (43  y.  1/2),  par  Alti-Boïoum  (21  v. 
1/4),  Témir-Khan-Choura  (22  y.  1/4).  (Voir  ces 
noms  aux  itinéraires  C,  P.) 

Route  14.  — De  Témir-Khan-Choura  à Gounib, 

route  postale  (121  v.  3/4).  (Voir  ces  noms  à l’itiné- 
néraire  P.) 

Route  15.  — De  Témir-Khan-Choura  à Der- 
bent,  route  postale  (143  y.  1/2),  par  Paraoul  (22  v.), 
Karaboudakh-Kant(16  v.3/4),  Goubdenskaïa  (16v.), 
Dachlagar  (15 v.),  Kaïakent  (24  v.),  Djemikent  (16 v.  ), 
Kalinskaïa  (15  v.  1/2),  Derbent  (18  v.  1/4).  (Voir  ces 
noms  aux  itinéraires  C,  P.) 

Route  16.  — De  Témir-Khan-Choura  à Khoun- 
zakh,  route  vicinale  (58  v.  3/4),  par  Saltinka  (6v.), 
Karadakh  (23  y ),  Taklhadi  (14  y.),  Kounzakh 
(15  y.  3/4).  Cette  ancienne  capitale  du  Khan  des 
Avares  et  qui  s’élève  sur  un  promontoire  dominant  un 
des  affluents  du  Koïsou,  n’est  plus  guère  qu'une  ruine 
commandée  par  les  canons  d’une  forteresse  russe.  En 
amont  des  deux  rivières  le  Koïsou  des  Avares  et  le 
Koïsou  d’Andi,  Ghimri  n’a  plus  que  le  souvenir  des 
guerres  d’indépendance;  c’est,  là  que  mourut  Kasi- 
Moullah,  là  que  naquit  Schamyl.  (Voir  ces  noms 
pages  29  et  suivantes,  première  partie  de  ce  Guide.) 

Route  17.  — De  Pétrovsk  à Derbent,  par 
Témir-Khan-Choura,  route  postale  (153  v.) 

Route  18.  — De  Pétrovsk  et  Derbent  à Bakou, 
par  mer . (Voir  ces  noms  aux  itinéraires  C,  O,  P.) 

Route  19.  — De  Derbent  à Kouba,  route  pos- 
tale (80  v.  1/2),  par  Koubaskaïa  (16  v.  3/4),  Ialama 
(21  v.  1/4),  Khoudat  (21  v.  1/4).  Kouba  (21  v.  1/4). 
Moins  pittoresque,  Kouba  (J  3,249  hab.),  (Poste.  Télé- 
graphe), ressemble  à Derbent  par  la  population  et 
l'industrie.  Située  au  sommet  du  cône  de  déjection 
formé  par  les  torrents  qui  descendent  du  Chakh-dagh  et 
des  montagnes  voisines,  Kouba  est  peuplée  comme 
Derbent  de  musulmans  chiites  et  sunnites,  s’occu- 
pant surtout  de  jardinage.  Des  milliers  de  juifs  y 
vivent  de  commerce.  Kouba  a le  grand  désavantage 


GUIDE  AU  CAUCASE 


45 


d’avoir  à subir  un  climat  fiévreux  : aussi  essaya-t-on, 
en  1825,  de  transférer  la  ville  dans  un  endroit  plus 
salubre,  à 13  kilom.  de  distance  au  N. -O.  Mais  la 
population  ne  suivit  pas 
l’exemple  que  lui  don- 
naient les  employés  , et 
ceux  - ci  durent  revenir 
dans  l’ancienne  ville,  où 
d’ailleurs  ils  ne  séjournent 
que  pendant  l’hiver 

Route  20 . — De 

Kouba  à Akhti,  route 
vicinale  (84  v.  1/4),  par 
Koussari  (11  v.),  Khazri 
(20  v.  1/4)  , Tzoukoul 
{20  v.),  Adjikhour  (10  v.), 

Meskendji  (13  v.),  Akhti 

(10  V.).  KOUBA.— D’après  la  carte  d’Élisée Reclus. 

Route  21.  — D’ Akhti 

à Noukha,  Zakatal,  Signak,  Evlak,  etc.  (Voir  ces 
noms  à l’itinéraire  C.) 

Route  22.  — De  Kouba  à Bakou,  route  postale 
(156  v.  1/2),  par  Velvélinskaïa  (21  v.  1/2),  Divitchi 
(21  v.  1/2),  Kizilbouroum  (17  v.  1/2),  Khindirzind 
(14  v.  1/4),  Kiliazinskaïa  (22  v.  1/4),  Pirdaguassé 
(21  v.  3/4),  Saraïnskaïa  (20  v.  1/2),  Bakou  (17  v. 
1/4  h (Voir  ces  noms  à l’itinéraire  D.) 

Route  23.  — De  Bakou  à Tiflis,  en  chemin  de  fer . 
(Voir  à l’itinéraire  O.) 


ITINÉRAIRE  G 

DE  VLADIKAWKAZ  A TIFLIS1 

Route  militaire  de  Géorgie  (200  v.  1/2). 

Les  communications  entre  Vladikawkaz  et  Tiflis  sont  éta- 
blies, durant  toute  l’année,  au  moyen  de  diligences,  d’omnibus, 
de  fourgons,  de  traîneaux  et  d’équipages  de  poste.  Les  relais,  à 


1.  D’après  Brosset,  Dubois  de  Montpéreux,  Elisée  Reclus, 
Vladikine,  Bædeker  et  la  carte  de  l’état-major  russe. 


46 


GUIDE  AU  CAUCASE 


partir  de  Vladikawkaz,  sont:  Balta  (12  y.  1/4),'  Labs  (17  v.  1/4), 
Kazbek  (14  v.  1/2),  Kobi  (17  y.  1/4),  Goudaour  (16  v.),  Mlet  (14 

v.  1/2),  Passanaour 
(18  v.  1/2),  Ananour 
(21  v.)  , Douchet 
(16  v.  1/4),  Tsilkani 
(17  y.  3/4),  Mtzkhet 
(14  v.  3/4),  Tiflis  (20 
y.  1/2).  — Service 
régulier  des  équipa- 
ges de  poste  : du  15 
mai  au  15  novembre, 
tous  les  jours  à 8 h. 
du  matin,  de  Tiflis 
et  de  Vladikawkaz 
partent  deux  voitures 
fermées , à 5 places , 
et  dans  l'après-midi , 
de  4 à 5 h.,  partent 
deux  diligences  à six 
places.  Du  15  no- 
vembre au  15  mai, 
tous  les  jours,  départ 
supplémentaire  d’une 
voiture  le  matin  et 
d’une  diligence  le 
soir.  Les  voitures 
s’arrêtent  la  nuit  à 
l’une  des  stations,  or- 
dinairement â Mlet, 
relais  situé  à moitié 
chemin  du  parcours  ; 
les  diligences  ne  s’ar- 
rêtent pas.  Tous  les 
équipages  arrivent  à 
destination  vers  le 
soir,  le  lendemain  de 
leur  départ.  — Prix 
des  places;  lre  classe 
(intérieur  de  la  voi- 
ture), 18  r.;  2e  classe 
(cabriolet),  12  r.;  3e 
classe  (en  diligence), 
11  r.  ; sur  le  siège 
(4e  classe),  5 r.  Les 
personnes  désirant 
voyager  à leur  gré 
et  dans  des  voitures 
particulières  peuvent 
louer  à l’Adminis- 
tration des  postes  différents  genres  d’équipàges , aux  prix 
suivants  : 


GUIDE  AU  CAUCASE 


47 


Calèche  à 2 places 44  roubles  11  kop. 


» 4 » 54  r.  13  k. 

Voiture  fermée,  à 2 plac. 52  r.  13  k. 

» 4 ».  64  r.  16  k. 

» 5 »..66  r.  16  k. 


Diligence  à 6 places... 52  r.  13  k. 

En  été,  il  y a souvent  manque  de  chevaux,  de  voitures  ou  de 
places;  il  est  bon  de  les  retenir  d’avance.  — Le  nombre  de 
chevaux  attelés  dépend  du  nombre  des  voyageurs.  On  change 
de  postillon  à chaque  relais,  et  de  télêga  ou  de  pêrikladnoï 
(non  suspendues)  quand  on  n’a  pas  loué  une  voiture  à ressorts, 
pour  tout  le  trajet  ou  qu’on  n’est  pas  dans  un  des  omnibus,  une 
diligence  du  service  quotidien  de  la  poste.  Chaque  postillon 
reçoit  toujours  un  pourboire  de  20  à 30  k. , et  comme  de  l’im- 
portance du  pourboire  dépend  la  rapidité  du  trajet,  il  vaut 
vaut  mieux  payer  50  kop.,  1 r , si  l’on  veut  aller  très  vite.  On 
fera  bien  aussi  de  donner  quelque  chose  aux  garçons  d’écurie 
qui  attèlent.  Avec  des  relais  réguliers,  on  peut  facilement 
faire  les  200  v.  en  24  heures. 

Il  y a 3 barrières  de  péage  à Mtzkhet,  Passanaour,  Balta; 
on  doit  garder  ses  quittances  jusqu’à  Tifïis  ou  jusqu’à  Vla- 
dikawkaz.  11  est  absolument  nécessaire  de  se  munir  de  10  à 15  r. 
de  petite  monnaie.  Les  provisions  de  bouche  sont  superflues. 
A toutes  les  stations,  maisons  vastes  en  pierre,  bien  tenues,  on 
trouve  assez  bon  gîte  (50  k.  à 1 r.)  et  nourriture  suffisante 
(1  à 2 r.)  — La  route  dans  tout  son  parcours  est  excellente. 

Vladikawkaz 1 , dont  le  nom  signifie  en  langue 
russe  « domine  le  Caucase  »,  est  sur  le  Térek  à 
2,280  p.  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  Noire 
(32,230  h.),  et  sur  l’emplacement  du  village  ossète 
Zaloutch . 

Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux.  Télégraphe.  Résidence 
du  général  gouverneur  de  la  province  du  Térek.  Hôtels  : 
d’Europe,  de  France,  de  Londres,  de  Marseille.  Club  de  la 
noblesse,  Club  des  commerçants.  Bibliothèque.  Gymnase  clas- 
sique; id.  des  demoiselles;  id.  militaire;  école  réale;  4 écoles 
de  la  ville;  école  ossétienne;  écoles  des  métiers,  du  comte  Louis 
Mélikoff.  Succursale  de  la  banque  de  l’Etat;  banque  urbaine; 
photographie  Roudniefï.  Théâtre.  Bains  persans  et  russes. 
Fabriques  de  tabac.  Distilleries  d’eaux-de-vie.  Brasseries.  (Dans 
les  magasins  et  le  bazar  on  trouve  à acheter  des  étoffes  les- 
ghiennes  excellentes,  peaux  de  mouton,  bourkas  blanches  et 
noires  renommées.  Armes,  cuirs,  sellerie.  Incrustations  d’or  sur 
acier,  fer,  ivoire  ; mosaïques  et  petits  parquetages  de  bois  sur 
bois  multicolores,  provenant  du  Daghestan.) 


1.  Les  Tcherkess  appellent  cette  ville  : Térek-Kala;  le  nom 
de  Vladikawkaz  lui  a été  donné  par  Potemkin,  son  fondateur, 
en  1785. 


48 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Cette  ville  fondée  sous  Catherine  II,  en  même  temps 
que  Stavropol,  autrefois  fortifiée,  a lutté  longtemps 
contre  les  montagnards  et  leur  chef  Schamyl.  Elle 
défendait  la  seule  route  qui  existât  à travers  le  Caucase. 
A mesure  que  le  pays  s’est  pacifié,  la  ville,  qui,  il  y 
a trente  ans,  n’avait  que  des  maisons  à un  étage,  s’est 
agrandie  et  embellie,  et  depuis  qu’elle  est  tête  de  ligne 
du  chemin  de  fer  de  Rostofï  et  de  celui  de  Pétrovsk, 
elle  devient  un  centre  de  commerce  entre  la  Russie,  le 
Caucase  et  la  Transcaspienne. 

En  quittant  la  gare,  on  passe  d’abord  devant  l’église 
Lineïnaïa  et  on  arrive  au  gymnase  militaire  devant 
lequel  est  un  monument  élevé  en  mémoire  de  deux 
sous-officiers  et  de  soldats  russes  qui  se  sont  distingués 
pendant  la  guerredu  Caucase.  Delà,  prenant  à gauche, 
on  gagne  la  rue  principale  qui  longe  un  large  boule- 
vard ; à droite  : le  théâtre,  le  jardin  du  club  des 
commerçants,  le  jardin  public  avec  un  orchestre  et 
une  rotonde  sur  le  bord  du  Térek.  A côté  du  jardin,  la 
station  de  la  poste.  Plus  loin,  le  petit  boulevard  ; à 
droite,  par  le  bazar,  un  pont  mène  à la  route  militaire 
de  Géorgie  (Voïenno  grouzinskaïa  darogua).  En  face 
de  la  poste,  derrière  la  cathédrale  et  sur  une  hauteur, 
est  la  maison  du  général  gouverneur.  Au  bout  de  la 
rue  principale,  à gauche  ; les  ruines  d’une  forteresse 
surmontée  d’une  tourelle,  plus  loin,  la  muraille  et  les 
batteries  construites  autrefois  pour  défendre  la  ville 
contre  les  attaques  de  Schamyl. 

Route  militaire  de  Géorgie.  — C’était  jadis  le 
chemin  qui  reliait  l’Asie  à l’Europe.  Cette  route  stra- 
tégique, qui  a coûté  100  millions  de  francs,  suit  la 
vallée  du  Térek  et  celle  de  l’Aragva.  Les  monts  Goudet 
Krestovaïa  séparent  les  sources  de  ces  deux  rivières. 
C’est  à Ermolofï ‘qu’appartient  l’honneur  d’avoir  tracé 
ce  chemin.  C’est  lui  qui,  pendant  cinq  années,  sous  sa 
surveillance  personnelle,  en  a dirigé  les  travaux.  Sur 
le  mont  Krestovaïa,  à 2,432  m.  , une  croix  de  pierre, 
élevée  par  lui  (1824),  en  perpétue  le  souvenir.  Plus 
tard,  les  princes  Vorontzofï et  Bariatinsky supprimèrent 
le  chemin  difficile  de  Kobi  à Kaïchàour,  de  Kaïchaour 
à Kwéchète  et  Passanaour,  en  traçant,  en  1864,,  la 


GUIDE  AU  CAUCASE 


49 


montée  de  Goudaour  et  la  descente  de  Mlet,  une  des 
plus  belles  et  des  plus  intéressantes  du  Caucase. 

On  franchit  le  Térek  à Vladikawkaz  et  l’on  traverse 
une  plaine  verdoyante  à la  sortie  de  laquelle  est  une 
barrière  où  le  gouvernement  prélève  un  péage  pour  le 
droit  de  chaussée.  Les  rochers  qui  de  loin  semblent 
défendre  l'entrée  s’écartent  à votre  approche,  et,  selon 
1 expression  de  Pouchkine,  « le  Caucase  vous  reçoit 
dans  son  sanctuaire  )). 

A Balta  (12  v.  1/2)  la  gorge  se  rétrécit  peu  à peu  ; 
les  montagnes  s’élèvent  de  plus  en  plus,  et  ce  n’est 
qu’à  l’endroit  où  s’échappe  le  Térek  que  l’on  aperçoit 
la  sombre  ouverture  du  défilé.  Au  mois  de  juillet  et  au 
commencement  d’août,  tes  mugissements  du  torrent 
sont  terribles  ; la  surface  de  l’eau  n’offre  plus  alors 
qu’une  nappe  d’écume.  La  pente  du  Térek  est  de  60  à 
100  pieds  par  verste.  Après  avoir  laissé  à gauche  le 
fortin  de  Djérakovsky  et  en  approchant  de  Lars  (17  v. 
1/4)  il  semble  que  l’on  entre  dans  un  passage  sans 
issue.  Rien  de  plus  imposant  que  le  défilé  du  Darial. 
Les  pentes  abruptes  qui  s’élèvent  des  deux  côtés  à 
1,600  m.  ne  laissent  apercevoir  le  ciel  qu’à  de  rares 
intervalles.  Les  flots  du  Térek  ne  peuvent  se  dérouler 
librement  dans  cette  vallée  étroite  et  longue  de  près  de 
deux  verstes.  Il  y a à peine  place  pour  la  route  taillée 
dans  le  roc  et  qui  est  demeurée  longtemps  impraticable, 
même  après  l’occupation  russe.  Les  rochers  sont  cou- 
pés de  gorges  profondes  ; les  unes  éclairent  le  voyageur 
d’une  lumière  éblouissante,  les  autres  sont  pleines 
d’ombres  et  de  ténèbres.  Le  soleil  et  les  nuages  changent 
à chaque  instant  l’ordre  des  teintes  et  déroulent  une 
série  de  tableaux  grandioses.  Le  bruit  du  Térek  et  le 
murmure  des  ruisseaux  tombant  en  cascades,  ont  rap- 
pelé à Pouchkine  «:  l’enlèvement  de  Ganymède  » de 
Rembrandt.  ((  Les  vieillards  géants,  enchaînés  par  le 
charme  et  plongés  dans  un  demi-sommeil  mystérieux, 
écoutent  depuis  des  siècles  ce  concert  éternel.  » 

A Lars,  la  route  passe  de  la  rive  gauche  à la  rive 
droite  du  torrent.  Non  loin  de  la  station,  on  voit  en- 
core des  traces  de  l’ancien  chemin.  A l’endroit  le  plus 
resserré  du  défilé,  le  Devdoraky,  qui  descend  du  gla- 

2e  PARTIE  4 


50 


GUIDE  AU  CAUCASE 


cier  du  même  nom,  vient  se  jeter  dans  le  Térek.  D’é- 
normes masses  de  neige  et  de  glace  se  détachaient 
autrefois  de  ce  glacier  et  barraient  même  quelquefois  le 
passage.  Un  éboulement  de  ce  genre  arriva  en  1832  ; 
il  arrêta  le  cours  de  la  rivière  et  ce  ne  fut  que  deux 
ans  plus  tard,  qu’on  put  rétablir  l’ancienne  route. 
Depuis  lors,  ces  accidents  ne  se  sont  plus  répétés 
parce  que  les  neiges  du  Devdoraky,  arrêtées  par  un 
rocher  en  partie  écroulé  en  1832  ont  trouvé  une  issue 
opposée  à la  chaussée. 

A la  sortie  du  Darial,  une  petite  forteresse  quadran- 
gulaire  est  occupée  par  des  Cosaques.  Derrière,  se 
dressent,  sur  un  rocher  nu,  les  ruines  d’un  antique 
château.  C’est  le  Darial  proprement  dit.  Le  nom  de  Da- 
rial, suivant  Klaproth,  proviendrait  des  mots  tartares  : 
dav  étroit,  et  ial  route.  L'étymologie  plus  probable 
provient  du  persan  Dar-i-alan  (porte  des  Alains)  en 
arabe  Bab-al-alan  que  les  Géorgiens  ont  rendu  par 
Darialan.  Pline  appelle  cette  porte  « les  portes  cauca- 
siennes ».  Autrefois,  dit-on,  elles  étaient  en  fer  et 
défendaient  l’entrée  de  la  gorge.  Le  château  fut  construi  t 
par  le  roi  Mirian,  150  av.  J.-C.,  et  restauré  par  le  roi 
de  Géorgie  David.  Une  légende  raconte  qu’une  reine 
nommée  Darya  avait  habité  ce  castel  et  donné  son  nom 
au  défilé.  Plus  tard  le  nom  de  Darya  se  transforma  en 
celui  de  Thamara.  Cette  reine  devint  à son  tour  l’hé- 
roïne à laquelle  on  attribue  la  construction  d’une  foule 
de  forteresses  et  d’édifices  religieux  au  Caucase.  La. 
plupart  de  ces  ruines  ont  des  légendes  fantastiques  ; 
celles  du  Darial  portent  l’empreinte  de  la  nature  de  ce 
défilé  sauvage  et  étrangement  pittoresque  : « Thamar, 
aussi  méchante  que  belle,  dit  la  légende,  attirait  les 
voyageurs  par  ses  charmes  pour  les  précipiter  ensuite 
dans  les  flots  du  Térek.  » Lermontofï  a immortalisé  ce 
souvenir  dans  son  beau  poème  intitulé  : Démon . 

Après  une  rampe  assez  raide,  pendant  10  verstesr 
sous  des  basaltes  et  des  pyrites  contournés  d’une  façon 
bizarre  et  coupés  par  des  colonnettes  prismatiques 
curieuses,  la  cime  blanche  du  Kazbek  (5,044  m.)  ap- 
paraît enfin.  A gauche,  Vaoul  de  Stépan-Zminda  et 
l’habitation  d’une  famille  noble,  les  Kazbek,  qui  ont 


GUIDE  AU  CAUCASE 


51 


donné  leur  nom  à la  montagne  voisine.  La  m ison 
précédée  d’une  cour  où  ont  été  faites  de  précieuses 
trouvailles  archéologiques,  est  à côté  d’une  cluip  lie 
de  style  roman  construite  sous  le  règne  d'Alexandre  I. 
Au  relais  Kazbek  (14  v.  1/4),  (5,681  pù,( 7H-/  ra  ), 
on  peut  acheter  des  cornes  de  <(  touri1  »,  des  crist  ux, 


Mont  KAZBEK.  — D’après  la  carte  d’Élisée  Reclus. 


et  manger  surtout  d’excellentes  truites.  De  la  galerie 
qui  entoure  la  station,  on  a une  vue  magnifique  sur  le 
Kazbek2,  mais  il  est  généralement  voilé  l’après-midi. 
Trois  Anglais  : Freshfield,  Moore  et  Tueker,  sont  par- 

1.  Bouquetin  du  Caucase. 

2.  Son  vrai  nom  en  géorgien  est  Mkirrwari , c’est-à-dire  mon- 
tagne de  glace.  Les  Ossètes  le  nomment  Ourz-Khokh , mont 
blanc,  et  aussi  Tseritsi-Tsoub , pic  du  Christ. 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


venus  à sa  cime  le  18/30  juin  1868.  Pour  visiter 
Tsminda-Saméba,  église  voisine,  bâtie  sur  le  mont 
Kvénan-Nitha-Kini  (7,673  p.)  on  loue  des  chevaux  de 
selle  ou  l’on  fait  l’excursion  à pied.  Le  clocher  et 
l’église  elle-même,  qui  n’est  ouverte  que  les  jours  des 
pèlerinages  au  mois  d’août,  sont  de  style  byzantin  ; les 
fenêtres  sont  hautes  et  étroites,  les  murs  ornés  de 
sculptures  assez  bien  conservées. 

En  se  dirigeant  vers  Kobi  (17  v.  1/4.  6,364  p.). 
( Télégraphe ) on  laisse  à gauche  le  village  de  Sion  avec 
son  église,  sa  tour  pittoresquement  située  et  ses  grottes 
naturelles.  Le  Térek  que  I on  côtoie  est  moins  rapide 
que  dans  le  défilé  du  Darial.  La  vallée  devient  plus 
large  sinon  plus  riante.  A deux  verstes  de  là,  la  cime 
du  Kazbek  s'aperçoit  une  dernière  fois  derrière  les  mon- 
tagnes. Près  d’un  des  aouls  qui  bordent  la  route,  on 
est  tout  étonné  de  trouver  un  petit  bois  au  milieu  de 
tous  ces  monts  nus  et  rocailleux.  Aux  environs  de 
Kobi,  jaillissent  mille  sources  ferrugineuses,  alcalines, 
etc.,  qui  ne  sont  pas  exploitées.  On  suit  le  défilé  de 
Djouart-Nakhé.  A l’E.,  la  gorge  d’Oukhite  et  la  vallée 
creusée  par  la  rivière  Oukha-dagh;  à l’O.,  le 
défilé  de  Trousso,  où  le  Térek,  en  s’échappant  par 
quatre  crevasses  du  mont  Rosse,  forme  une  cataracte. 
Sur  une  hauteur,  on  voit  l’ancien  août  Liaslase  avec 
sa  vieille  église  Tzminda-Ghéorghi.  C’est  entre  Kobi 
et  Goudaour  que  la  route  de  Géorgie  traverse  le  col  le 
plus  élevé  de  la  chaîne  du  Caucase.  C’est  le  passage  le 
plus  difficile  de  tout  le  parcours,  parce  qu’il  y a quel- 
quefois des  avalanches.  Mais  ces  accidents  ne  sont  à 
redouter  qu’au  commencement  d’avril,  lorsque  les 
neiges  s’amollissent  pour  fondre  bientôt,  et  en  automne 
lorsqu’elles  ne  sont  pas  encore  durcies  par  le  froid.  En 
été,  il  n’y  a aucun  danger.  La  route,  protégée  ça  et  là 
par  des  tunnels  à toits  inclinés,  s’est  élevée  en  ser- 
pentant. On  traverse  la  Baïdara  ; près  de  sa  source  est 
une  maison  gardée  par  des  Ossétiens  qui  sonnent  la 
cloche  pendant  le  chasse-neige  et  portent  secours  aux 
voyageurs.  A partir  du  mont  Krestovaïa,  au  pied 
duquel  s’étend  la  vallée  du  Diable  qui  formait  autre- 
fois la  frontière  de  Géorgie,  on  redescend  l’autre  versant 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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du  Caucase.  En  s’approchant  du  relais  de  Goudaour 
les  montagnes  laissent  voir  dans  toute  sa  beauté  la 
gorge  de  Kaïchaour  si  merveilleusement  dépeinte  par 
Lermontoff.  On  est  frappé  du  brusque  changement 
dans  la  nature:  les  défilés  du  N.  sont  devenus  des 
vallées  verdoyantes  qui  s'étendent  au  loin.  Le  ciel, 
l’air,  les  montagnes  sont  tout  autres  que  dans  la  contrée 
que  l’on  vient  de  quitter.  Au  pied  du  Mtiouleth  on  voit 
l’Aragva  et,  au  fond  de  la  vallée  un  énorme  rocher. 

C’està  Goudaour  (16  v.,  7,327  p.).  ( Télégraphe)  que 
commence  la  célèbre  descente  qui  conduit  à Mlet.  On 
aura  une  idée  de  son  escarpement  quand  on  saura  que 
ce  relais  se  trouve  à 3,800  pieds  plus  bas  que  le  mont 
Krestovaïa.  La  route,  effroyablement  rapide,  à tour- 
nants zigzagués,  et  faisant  mille  détours,  offre  un  coup 
d’œil  magnifique.  Une  inscription  en  lettres  d'or  sur 
une  plaque  de  bronze  incrustée  dans  le  roc,  à mi-che- 
min, apprend  que  cette  route  a été  frayée  au  temps  du 
prince  Bariatinsky. 

Mlet  (14  v.  1/2,  4,848  p.)  {Télégraphe,  est  au  fond 
de  la  charmante  vallée  de  Khwich  et  où  coule  l'Aragva. 
Les  rochers  ont  fait  place  à des  montagnes  boisées, 
couvertes  de  pâturages  et  de  champs  fertiles  ; en  bas, 
de  nombreuses  maisonnettes,  entourées  de  noisetiers, 
viennent  égayer  le  tableau.  Çà  et  là  on  aperçoit  sur  les 
pentes  quelques  tours  et  forteresses  en  ruines  ; autre- 
fois, on  y allumait  des  feux  pour  avertir  les  habitants 
lorsqu’un  danger  quelconque  les  menaçait. 

Passanaour  (18  v.  1/2.  3,555  p.)  Près  de  la  station 
s’élève  une  église  de  style  russe.  Le  chemin  qui  mène 
à Passanaour  suit  la  rive  droite  de  l’Aragva  dont  on  a 
rectifié  le  cours  par  plusieurs  digues.  D’un  bout  à 
l’autre  de  la  vallée  : des  collines  couvertes  de  verdure, 
des  habitations  avec  jardins,  des  champs  bien  entre- 
tenus, etc. 

Ananour(21  v.,  2,709  p.),  [Poste.  Télégraphe ),  est 
une  localité  habitée  par  des  cultivateurs.  Des  canaux 
artificiels  servent  à arroser  les  champs.  A dix  ve.rst.es 
du  relais,  à droite,  s’élève  la  tour  de  Tchertchaly  et  à 
gauche  celle  de  Vaneslobqui  jadis  défendaient  le  défilé 
à l’entrée  duquel  est  une  barrière  où  l’on  prélève  un 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


péage  pour  le  droit  de 
chaussée.  Sur  le  rocher 
qui  domine  le  village, 
les  ruines  de  la  forte- 
resse des  eristhavi  de 
l'Aragva,  et  au  milieu 
deux  églises  dédiées  à 
saint  Khitobel  , dont 
l’une  où  se  célèbre  au- 
jourd’hui roffice  divin 
a été  construite  * au 
XVe  siècle.  A l’exté- 
rieur, les  murs  sont 
décorés  d’une  grande 
croix  artistement  cise- 
lée, av'ec  lions,  anges, 
branches  de  vigne  sur 
lesquelles  pâturent  des 
cerfs,  etc. 

En  sortant  d Ana- 
mour1,  laroutesedirige 
à droite.  On  passe  de- 
vant des  casernes,  une 
école  pour  les  enfants 
de  soldats,  et  l’on  gravit 
une  longue  côte  mono- 
tone pendant  huit  ver- 
stes.  Du  haut  du  pla- 
teau qu’on  atteint,  on 
jouit  d’une  assez  belle 
vue  : au  loin,  le  lac 
Limasse  qui  , d’après 
une  légende  populaire, 
recouvre  l’emplace- 

1.  D’Anamour  un  che- 
min très  intéressant  con- 
duit en  3 jours  à l’E.  de  la 
vallée  de  l’Aragva  par 
Tionéti  et  Akméti,  à Thé- 
lafï  en  Kakhéthie.  ( Voir 
itinéraire  K.) 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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ment  de  l’ancien  Douchet  détruit  par  un  tremblement  de 
terre.  A gauche,  la  petite  ville  de  Douchet  (16  v.  1/4, 
2,900  p.),  ( Télégraphe . Poste  aux  lettres ),  avec  sa 
vieille  forteresse  et  son  ancienne  église,  et  qui  ressem- 
blerait à une  petite  ville  russe , si  les  montagnes  qui 
l’entourent  ne  rappelaient  le  Caucase.  A partir  de  ce 
relais,  on  descend  dans  une  vallée  bordée  de  montagnes 
boisées.  Çà  et  là  des  cabanes  rustiques  entourées  de 
vignes,  d’amandiers,  de  pruniers,  etc. 

A mi-chemin,  on  rentre  dans  la  vallée  de'l’Aragva.  La 
station  de  Tsilkanj  (17  v.  3/4,1,888  p.)  est  dans  une 
contrée  où  régnent  les  fièvres.  La  route  longe  la  rivière 
Khartis- Khari,  puis  l’Aragva.  A l’un  des  derniers 
détours  du  chemin  se  dresse  l’ancienne  forteresse  de 
Natzkher. 

Avant  d’arriver  à Mtzkhet,  on  voit,  à droite,  la  né- 
cropole de  Samthavro  où  ont  été  faites  de  nombreuses 
fouilles  archéologiques  et  l’église  du  même  nom.  L’é- 
difice est  décoré  à l’extérieur  de  jolies  sculptures  dont 
la  coupole  est  peut-être  même  trop  surchargée.  Une 
large  enceinte  en  briques  contre  laquelle  s’appuient  les 
habitations  des  prêtres;  à côté,  un  clocher  penché  qui 
n’offre  rien  de  remarquable.  Les  quatre  pignons  prin- 
cipaux du  monument  sont  surmontés  de  toutes  petites 
églises  sculptées  qui  forment  clochetons.  La  façade 
N.  présente  un  élégant  motif  de  la  flore  ornementale. 
A l’intérieur,  des  badigeonnages  successifs  n’ont  plus 
laissé  de  traces  des  peintures  murales.  Dans  le  chœur, 
on  reconnaît  à peine  la  Résurrection  de  Lazare. 

De  la  route,  on  aperçoit  sur  la  rive  gauche  de  l’A- 
ragva,  et  perchée  sur  une  haute  montagne,  l’église  de 
Djouari-Sakdari.  Pour  s’y  rendre,  il  faut  traverser  la 
Koura  à gué,  et  l’on  peut  arriver  à cheval  jusqu’à  l’é- 
glise qui  était  entourée  de  trois  côtés  d’une  enceinte 
fortifiée,  aujourd’hui  complètement  ruinée.  L’église 
forme  une  croix  de  27  m.  de  long,  dont  les  quatre  bras 
se  terminent  par  une  construction  arrondie.  Dans  les 
intervalles  sont  des  réduits  carrés  ou  en  forme  de  paral- 
lélogrammes. Au  N.,  il  y a une  construction  plus 
récente  qui  est  tout  au  bord  du  précipice.  Détail  assez 
curieux,  toutes  les  pierres  des  parois  sont  reliées  entre 


56 


GUIDE  AU  CAUCASE 


elles  par  des  crampons  de  fer  qui  ont  su  mieux  résister 
aux  intempéries  que  les  pierres  elles-mêmes  qui  s’ef- 
fritent. A l’intérieur un  massif  octogone  ayant,  dit  - 
on,  la  forme  des  rayons  de  la  croix  miraculeuse  dont 
l’apparition  donna  lieu  à l’érection,  en  cet  endroit, 
d’une  chapelle  qui  remonterait  au  temps  du  roi  Mirian 
et  de  sainte  Nino.  Au-dessus  de  la  porte  S.,  sur- 
montée d’un  fronton,  avec  deux  anges  qui  soutiennent 
un  cartel  et  une  croix,  on  voit  un  homme  agenouillé 
devant  un  saint  et  cette  inscription  incomplète  : ((  Saint 
Stéphane,  ô Christ,  aie  pitié  de  l’âme  de....  » Sur  la 
fenêtre  N.-E,  un  personnage  agenouillé  devant  l’ange 
Gabriel.  Sur  la  fenêtre  centrale,  un  saint  mettant  la 
main  sur  la  tête  d’un  personnage  agenouillé.  Chacune 
de  ces  sculptures  porte  des  inscriptions  en  caractères 
khoutzouri  ou  ecclésiastiques,  déchiffrées  par  Brosset 
et  Kanykoff,  d’après  lesquelles  cette  église,  bâtie  entre 
les  années  600  et  619,  aurait  été  achevée  sous  Stépha- 
nos  II,  roi  de  Géorgie  de  639  à 663.  Ce  qui  fait  une 
antiquité  constatée  de  plus  de  1,200  ans. 

Près  de  Mtzkhet,  l’Aragva  se  jette  dans  la  Koura, 
dont  les  eaux  roulent  dans  un  lit  resserré  entre  des 
rochers.  La  station  est  sur  la  rive  droite  de  la  rivière 
que  l’on  traverse  sur  le  pont  de  pierre  construit  par 
ordre  du  général  Golovine,  commandant  en  chef  des 
armées  du  Caucase,  en  1841.  Mtzkhet  (14  v.  3/4, 
1,535p.),  {Poste.  Télé  graphe).  Station  du  chemindefer 
Batoum -Poti  - Tiflis- Bakou.  Ancienne  capitale  de  la 
Géorgie,  aujourd’hui  ce  n’est  plus  qu’un  petit  village, 
pittoresquement  disposé  autour  de  la  célèbre  cathédrale, 
en  porphyre  verdâtre,  datant  du  XVe  siècle,  bâtie  par 
le  roi  Alexandre,  et  qui  est  un  beau  modèle  d’archi- 
tecture. La  coupole  et  le  plan  restent  conformes  aux 
traditions  arméno-géorgiennes,  mais  dans  les  propor- 
tions plus  sveltes,  on  reconnaît  l’influence  byzantine. 
La  décoration  extérieure  très  riche,  va  parfois  jusqu’à 
l’exagération.  Aux  motifs  géorgiens  composés  d’entre- 
lacs, viennent  se  joindre  des  dessins  byzantins  tirés  de 
la  flore  ornementale.  L’enceinte  ruinée  et  crénelée  dont 
l’église  occupe  le  milieu  est  quadrangulaire,  assez  vaste 
et  flanquée  de  tours.  A l’intérieur,  le  long  des  murs. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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sont  les  demeures  du  Décanos,  des  prêtres  et  la  maison 
des  Gédéon-Chwili,  de  toute  antiquité  fils  ou  vassaux 
de  Mtzkliet.  Dans  le  chœur  de  l’église,  à droite,  près 
de  l’endroit  où  se  tient  le  patriarche,  on  voit  une  cons- 
truction carrée,  dite  Samironè  (lieu  d’où  sort  le  miron), 
car,  d’après  la  légende,  il  y avait  là,  un  écoulement 
miraculeux  d’huile  sainte,  dû  à la  présence  sous  terre 
en  cet  endroit  de  la  robe  sans  couture,  yyz wv1,  du 
Christ.  Sur  les  quatre  faces  de  ce  monument  sont  peints 
les  épisodes  de  la  vie  de  sainte  Nino,  l’apôtre  de  la 
Géorgie.  Presque  toutes  les  peintures  et  les  inscriptions 
murales  ont  disparu  et  toutes  les  figures  des  saints  et 
des  personnages,  qu’on  devine  encore,  ont  été  lacérées 
par  des  coups  de  fusil  et  de  sabre.  Sur  le  mur  de 
droite,  il  reste  un  panneau  où  l’on  distingue  un  groupe 
de  femmes  et  une  danseuse  géorgienne  (XVe  siècle)  ; sur 
un  pilier  : le  portrait  en  pied  de  la  reine  Marie  (1680) 
et  de  son  fils  Otia  (1646),  dont  les  costumes  sont  inté- 
ressants. C’est  à Mtzkhet  que  le  christianisme  fut 
prêché  par  sainte  Nino,  et  que  l’on  couronnait  les  an- 
ciens rois  de  Géorgie,  dont  quelques-uns  y sont  enterrés. 
Dans  le  village  : la  petite  chapelle  ruinée  d’Antioche, 
et  celle  de  Bethléem,  taillée  dans  le  roc,  sur  le  bord  de 
la  rivière,  mais  qui  est  effondrée  et  dont  on  n’aperçoit 
plus  que  le  haut  d’une  voûte.  La  grande  fête  annuelle 
qui  se  célèbre  le  ler/13  octobre  attire  une  immense 
foule  de  pèlerins  et  de  curieux. 

Vingt  verstes  1/2  séparent  Mtzkhet  de  TifLis.  A quel- 
ques pas  de  la  station,  à une  dernière  barrière  de  péage, 
les  voyageurs  doivent  remettre  la  quittance  du  droit  de 
chaussée  qu’ils  ont  reçue  à Balta.  La  route  traverse  à 
niveau  le  railway  de  Poti-Batoum-Tiflis-Bakou,  et 
suit  la  rive  droite  de  la  Koura.  Sur  les  flânes  des 
montagnes,  des  cavernes  carrées  creusées  dans  les 
rochers  à une  grande  hauteur  servaient  de  refuge 

1.  Suivant  la  légende  géorgienne,  le  centurion  Longin  reçut 
dans  le  partage  des  vêtements  du  Christ,  le  yjx tov.  Il  l’apporta 
en  Géorgie  et  le  donna  à sa  sœur  qui  lui  reprocha  d’avoir 
assisté  à la  mort  du  Christ.  Elle  mourut  de  saisissement  après 
s’être  enveloppée  du  yi twv;  on  ne  parvint  jamais  à le  lui 
enlever  et  elle  fut  ensevelie  avec  le  saint  vêtement  à Mtzkhet. 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


aux  habitants  pendant  les  invasions.  Le  long  des  petits 
affluents  de  la  rivière. s’échelonnent  quelques  villages  ; 
à droite,  Digomi,  Alexandrofï  et  Véra  ; à gauche, 
Avtchal,  entourés  cle vignobles.  En  approchant  deTiüis, 
on  aperçoit  les  deux  colonies  allemandes,  le  champ  de 
courses,  le  jardin  public  de  Mouchtaïd  derrière  lequel 
la  ville  s’étend  sur  les  deux  rives  de  la  Koura.  A la 
dernière  montée,  à gauche,  est  une  croix  élevée  en  sou- 
venir de  l’accident  de  voiture  dont  faillit  être  victime 
l’empereur  Nicolas  en  1837. 

ITINÉRAIRE  H 

DE  P O T I A SAMTRÉDI1. 

Route  1 . — De  Poli  à Tiflis  par  Samtrédi  (289  v., 
en  chemin  de  fer).  Trajet  : 14  h.  environ.  Prix  des 
places  : 16  r.  50,  12  r.  25,  6 r.  25.  (Voir  de  Poti  à 
Samtrédi.) 

Route  2.  — De  Poti  à Samtrédi  (61  v.;  en  chemin 
de  fer).  En  quittant  Poti,  ce  ne  sont  que  marécages 
fiévreux  et  forêts  presque  impénétrables,  fouillis  de 
taillis  noyés  dans  les  roseaux  d’où  émergent  de  grands 
arbres  couverts  de  lierre  et  de  plantes  grimpantes.  Sur 
un  espace  de  cinq  lieues,  on  n’aperçoit  aucune  habi- 
tation, hormis  une  station,  celle  de  Tchaladidi,  élevée 
en  pleins  marais.  Peu  à peu,  la  forêt  s’éclaircit  vers 
Téklati  sur  la  Tsiva,  affluent  du  Rion  ; à Novo- 
Sénaki  on  franchit  le  Tékhour.  Abacha  est  une  station 
insignifiante  On  est  dans  les  plaines  de  la  Mingrélie. 
Après  la  Tskénis- tskhali  (rivière  des  chevaux),  le 
paysage  s’anime,  et  c’est  au  milieu  des  champs  de 
maïs,  des  rosiers  et  des  peupliers  qu’on  atteint 
Samtrédi,  limite  de  lTméréthie. 

Route  3.  — De  Novo-Sénaki  à Zougdidi 

(42  v.,  route  postale). 

Novo-Sénaki,  staiion  du  chemin  de  fer  Poti-Tiflis  (buffet). 
2,500  habit.  1 église,  2 écoles,  dont  l’une  est  un  demi-séminaire. 

1.  D’après  Brosset,  Dubois  de  Montpéreux,  Elisée  Reclus, 
Caria  Séréna,  le  calendrier  du  Caucase  et  la  carte  de  l’état- 
major  russe. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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Résidence  du  chef  de  district.  Justice  de  paix.  Trésor. 
Télégraphe.  Poste  aux  lettres  et  aux  cheoaux.  Auberges: 


Novo-Sénaki,  Ivérie,  Blagorodné.  Omnibus  tous  les  matins  de 
Novo-Sénaki  à Zougdidi  : départ  à 8 h.,  arrivée  vers  2 h.; 
retour  de  Zougdidi:  départ  à 2 h.  après-midi;  arrivée  à Novo- 


H.  RoUet',  ST. 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


Sénaki  vers  7 h.  du  soir  Environné  de  marais,  Novo-Sénaki 
a fort  à souffrir  en  été  des  miasmes  ; c’est  un  endroit  fiévreux 
et  très  exposé  au  vent  d’E. 

La  route,  après  avoir  longé  quelque  temps  la  voie 
du  chemin  de  fer,  tourne  à droite  et  passe  entre  des 
bois,  des  haies  et  des  allées  de  peupliers  et  de  plantes 
sauvages  derrière  lesquelles  s’abritent  les  champs  de 
maïs  et  de  nombreuses  habitations.  Près  de  Khopi, 
sur  la  rive  droite  de  la  rivière  de  ce  nom,  s’élève  un 
célèbre  monastère  (XIVe  s.),  orné  de  sculptures,  de 
plaques  en  marbre,  provenant  vraisemblablement  de 
Pitzounda  et  apportées  parle  Daciian 1 Vamek.  Dans 
l’intérieur,  décoré  de  peintures  murales,  on  voit  devant 
Piconostase  : des  émaux  cloisonnés,  des  reliquaires, 
croix  portatives,  images  à inscriptions  curieuses  pour 
l’histoire  de  la  Mingrélie,  et  une  jolie  croix  ayant 
appartenu  à la  reine  Thamar. 

Route  4.  — De  Khopi  à Redout-Kaleh  (30  v.), 

à cheval , à travers  les  forêts  et  les  marais. 

Route  3 (suite).  — De  Khopi  à Zougdidi  (26  v.), 

route  postale.  Khêta  (5  v.),  commune  de  650  feux, 
5 églises  et  1 école;  au  bord  de  la  route  qui  la  traverse; 
à gauche,  les  restes  d’une  vieille  tour.  Tzaïchi,  com- 
mune de  350  feux,  ancien  évêché,  dans  une  situation 
ravissante  sur  les  rives  de  la  Djoumi.  L’ancienne  ca- 
thédrale dédiée  à la  Vierge  (XIe  s.),  surmontée  d’une 
coupole,  et  flanquée  d’un  clocher,  a été  ruinée  par  un 
tremblement  de  terre  en  1617  ou  1618,  et  deux  fois 
relevée  sur  de  moindres  dimensions.  C’était  autrefois 
la  résidence  d’un  évêque  titré  métropolite.  Ce  n’est  plus 
qu’un  « sabor  ))  où  réside  un  décanos  ayant  sous  sa 
juridiction  une  vingtaine  d’églises  du  district  de  Zoug- 
didi. Dans  le  chœur,  quelques  images  offertes  par  les 

1.  Les  princes  régnants  de  Mingrélie  portaient  le  nom' de 
Daciian,  titre  qui,  d’après  les  annales  de  Géorgie,  aurait  une 
origine  arménienne  et  signifierait  juge.  Le  nom  de  Dadian 
paraît  pour  la  première  fois  dans  l’histoire  lors  de  la  prise 
d’Ani  par  Bagrat  IV,  en  1015.  Brosset  croit  que  le  nom  de 
Dadian  a une  origine  topographique  : le  mot  Dad  désignant 
une  forteresse  placée  près  de  rlngour,  non  loin  de  Zougdidi. 
Chardin  assure  que  Dadian  signifie  grand  justicier. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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Dadians,  une  croix  du  roi  David  le  Réparateur  (XIe  s.) 
et  quelques  anciennes  broderies. 

Après  avoir  gravi  une  pente  assez  raide,  la  route 
longe  le  vaste  marais  d’Anaria.  Les  eaux  y séjournent 
constamment  ; c’est  un  foyer  pestilentiel  auquel  Zoug- 
didi  doit  en  partie  ses  fièvres.  Zougdidi  dont  le  nom 
dérive  des  deux  mots  « zourg  » et  « didi  »,  c’est-à- 
dire  ((  dos  grand  »,  sur  un  plateau  peu  accidenté,  est 
entre  la  Djoumi  et  la  Tchauchia.  Ancienne  capitale  de 
la  Mingrélie,  c’est  le  centre  commercial  le  plus  impor- 
tant du  pays,  2.000  hab.  Poste  aux  lettres  et  aux  che- 
vaux. Télégraphe  en  toute  langue. Résidence  du  chef  du 
district.  Justice  de  paix.  Auberges  de  « l’Espérance  », 
((  d’Italie  ».  Phaétons.  Deux  fois  par  semaine  et  surtout 
à Pâques,  la  population  des  environs  afflue  au  bazar  où 
l’on  coudoie  les  plus  beaux  types  de  la  Mingrélie.  Les 
plantes  cultivées  sont  le  maïs,  le  gomi  (millet  d’Italie), 
la  vigne,  le  tabac,  le  coton,  le  mûrier,  etc.  La  séricicul- 
ture y est  en  honneur.  Pendant  la  guerre  d’Orient,  le 
magnifique  parc  du  prince  de  Mingrélie  fut  saccagé  par 
les  Turcs  ; depuis,  l’absence  d’entretien  en  a fait  une 
forêt  vierge.  Sauf  le  nouveau  château  du  prince  Nico- 
las, son  ancienne  maison  en  briques,  la  justice  de  paix, 
la  prison  et  la  villa  du  prince  Achille  Murat,  la  plu  - 
part des  habitations  sont  en  bois.  A côté  du  château  du 
prince  Nicolas  est  une  petite  église  moderne.  A l’entrée 
du  bazar,  deux  autres  chapelles  suffisent  au  culte.  La 
poste  aux  lettres  et  aux  chevaux , le  télégraphe  russe 
et  le  télégraphe  indien,  les  écoles  et  les  petites  indus- 
tries bordent  la  belle  avenue  des  mimosas  qui  est  le 
lieu  de  promenade  et  la  place  du  marché. 

Route  5.  — De  Zougdidi  à l’église  de  Kortskéri 
(10  v.),  à cheval . L’église  possède  des  émaux  cloison- 
nés remarquables  du  XVIIe  s. 

Route  6.  — De  Zougdidi  à l’église  de  Tsalendji- 
kha  (27  v.),  à cheval.  Il  faut  traverser  sur  une  passe- 
relle chancelante,  en  clayonnage,  la  Tskhénis-tskhali 
dont  les  inondations  sont  fréquentes  et  le  cours  très 
rapide.  L’église  située  sur  une  colline  très  élevée  et  à 
laquelle  on  parvient  par  un  sentier  escarpé,  existe 
depuis  le  milieu  du  XIVe  s.  Elle  a été  probablement 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


bâtie  par  Vamek  Ier  (1384-1396),  et  était  autrefois  une 
grande  résidence.  En  entrant  dans  l’enceinte  murée,  on 
trouve  d’abord  un  vieux  clocher  et  les  restes  d’un 
ancien  palais  envahi  par  la  végétation.  L’église  est  à 
coupole,  en  forme  de  croix  et  enveloppée  de  petites 
chapelles  basses  sans  communication  avec  l’intérieur. 
La  façade  O est  occupée  par  un  porche  où  sont  les 
tombes  en  marbre  de  plusieurs  princes  Dadians,  sur- 
montées de  leurs  portraits  peints  sur  les  murs.  A l’in- 
térieur, quelques  peintures  religieuses  et  devant  l’ico- 
nostase quelques  images  du  XVI Ip  s. 

Route  7.  — De  Zougdidi  à Soukhoum-Kaleh 1 
(154  v.  1/4),  à cheval  (une  nouvelle  chaussée  est  en 
construction)  ; par  Sabério  (11  v.  1/2),  Okoum  (22  v.). 
Source  impériale  (11  v.),  Ilori  (10  v.),  Otchemchiri 
(4  v.),  Dagamik  (8  v.),  Kodori  (19v.  3/4),  Drandi 
(8  v.),  Kalokhuri  (12  v.),  Soukhoum-Kaleh  (6  v.). 
A 6 v.  de  Zougdidi  se  voient,  à droite,  les  ruines 
de  la  forteresse  de  Roukhi,  théâtre  de  sanglants  com- 
bats, d’abord  entre  les  Mingréliens  et  les  Imères,  sous 
le  roi  Salomon,  puis  entre  les  Russes  et  les  Turcs. 
L’ingour  qui  sépare  la  Mingrélie  et  le  Samourzakhan, 
ancienne  province  de  l’Abkhazie,  est  une  rivière  très 
capricieuse,  se  divisant  en  une  multitude  de  bras  qu’on 
franchit  à gué  ou  en  bac.  Sur  le  bord  qu'on  atteint  se 
trouve  une  autre  forteresse  connue  sous  le  nom  d’Otzar- 
tzé.  On  passe  à gué  le  Khiri,  l’Erthi-Tskhali  et  une 
myriade  de  cours  d’eau,  mais  au  milieu  d’une  luxu- 
riante végétation.  Okoum,  chef-lieu  administratif  du 
district,  est  sur  le  bord  de  la  rivière  du  meme  nom, 
dans  un  site  pittoresque.  Deux  églises,  une  école, 
bazar.  D’Okoum  par  Eskhéti  on  peut  aller  visiter  les 
ruines  de  Bédia.  Un  sentier  abrupt  et  difficile  conduit 
de  la  plaine  au  faîte  du  roc  où  se  trouve  l’ancienne 

1.  De  Zouçjdldi  à Soukhoum , on  peut  aussi  aller  par  un 
autre  chemin,  en  116.  v.  environ,  à cheval.  De  Zougdidi , on 
passe  au  pied  de  la  forteresse  Roukhi , on  franchit  ÏIngour  et 
une  foule  de  cours  d’eau.  On  laisse  Okoum  à,  droite,  et  on  at- 
teint Ilori  (39  v.).  On  traverse  Otchemchiri , et  en  suivant  le 
bord  de  la  mer  jusqu’à  Kodori  (50  v.),  on  arrive  en  27  v.  à 
Soukhoum-Kaleh . 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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église  construite  au  Xe  s.  par  Bagrat,  qui  en  fît  un 
siège  épiscopal.  Elle  était  en  pierres  de  taille,  à coupole, 
et  de  grandes  dimensions.  Les  sculptures  sont  encore 
en  assez  bon  état.  Une  des  chapelles  latérales  est  pres- 
que intacte.  Seule  la  voûte  qui  est  au-dessus  de  l’entrée 
principale,  en  face  de  l’autel,  est  endommagée.  Par  la 
brèche , se  sont  faufilés  des  jets  de  lierre  vagabonds 
et  les  branches  d’un  énorme  figuier,  qui,  collés  à 
la  pierre  murale  comme  une  tapisserie  aux  rugueux 
ramages,  sont  le  refuge  de  nombreux  oiseaux,  les  seuls 
chantres  dont  la  voix  résonne  en  ce  temple  désert. 
Situé  dans  une  région  peu  connue,  loin  des  routes, 
cet  antique  cloître  a conservé  des  inscriptions  et  quel- 
ques peintures  murales,  entre  autres  celle  qui  représente 
la  Samaritaine  offrant  de  l’eau  au  Christ.  Dans  l'en- 
ceinte où  est  l’église,  on  voit  à droite,  les  décombres 
d’un  édifice  qui  a dû  servir  au  métropolitain. 

A la  Source  impériale,  on  tourne  à gauche  jusqu’à 
Ilori.  L’église  plusieurs  fois  ruinée  n’a  rien  de  remar- 
quable sous  le  rapport  de  l’architecture,  mais  est  riche 
en  images  dont  les  inscriptions  sont  d’un  haut  intérêt 
pour  l’histoire  de  la  Géorgie  et  spécialement  pour  celle 
des  Dadians.  On  traverse  Otchemchiri,  Dagamik  d’ou, 
en  18  v.,  on  peut  aller  visiter  l’église  de  Mokwi  (Xe  s.), 
construite  par  Léon  III,  roi  d’Abkhazie. 

La  grandeur  du  vaisseau  caché  maintenant  sous  un 
rideau  de  plantes  grimpantes,  son  toit  changé  en  un 
vaste  jardin  aérien,  sa  coupole  élégante,  prolongée  par 
les  hautes  tiges  des  arbres  qui  ont  été  semés  par  les 
vents,  tout  cela  frappe  d’admiration  le  visiteur.  A l’in- 
térieur, des  piliers  élancés,  en  pierre  de  taille,  cinq 
nefs,  des  débris  de  pavés  en  marbre  blanc,  des  restes  de 
corniches  élégamment  sculptées  témoignent  d’une  ma- 
gnificence passée  et  d’un  art  arrivé  à un  certain  degré 
de  perfection.  Une  galerie  entoure  la  nef  principale 
jusqu’aux  piliers  de  la  coupole;  les  arceaux  entre  les 
piliers  sont  la  seule  partie  de  l’édifice  où  l’on  ait  em- 
ployé la  brique  ; malheureusement  les  porches  sont 
écroulés.  L’église  était  autrefois  couverte  de  peintures 
dues  à des  artistes  grecs  du  XIIe  s.  En  1863,  des  répa- 
rations maladroites  et  des  badigeonnages  absurdes  ont 


64 


GUIDE  AU  CAUCASE 


revêtu  tout  le  monument  d’un  lait  de  chaux.  Jusqu’à 
la  Kodor  qui  roule  des  flots  bruyants  et  rapides,  et  qui 
est  souvent  fort  dangereuse  à franchir,  ou  chemine  au 
milieu  de  forêts  et  d’une  végétation  magnifique.  — A 
Drandi,  il  y a une  ancienne  église  en  briques,  d’un 
goût  original,  et  dont  la  coupole  écrasée  a dix-huit  fe- 
nêtres. La  route  suit  et  côtoie  presque  le  bord  de  la  mer 
jusqu’à  Kalokhuri  et  Soukhoum,  pendant  24  v.  (Voir 
ce  nom  à l’itinéraire  A.  Route  1.  Suite.) 

Route  8.  — De  Soukhoum-Kaleh  à Pitzounda, 
par  mer  ou  à cheval  (50  v.  environ).  (Voir  itinéraire  B. 
Route  1.  Suite.) 

Route  9.  — De  Zougdidi  à Anaklia.  (29  v.,  en 

équipages  de  poste , phaéton  ou  à cheval .)  Près  de 
Zougdidi  on  passe  la  Djoumi  et,  en  10  v.,  on  est  à 
Kakati.  La  nouvelle  chaussée  franchit  encore  la 
Djoumi  près  de  son  confluent  avec  l’Ingour,  dont  on 
suit  le  cours,  au  milieu  de  magnifiques  forêts  et  de 
marécages.  Anaklia  (l’Héraclée  du  royaume  de  Pont) 
est  un  petit  village  de  30  feux  seulement,  mais  impor- 
tant comme  lieu  d’embarquement.  C’est  là  qu’afflue 
une  partie  du  maïs  du  district  de  Zougdidi.  On  pêche 
dans  les  eaux  d’ Anaklia  une  grande  quantité  d’estur- 
geons. 

Route  10.  — De  Zougdidi  à Djwari1.  (29  v.,  en 

équipages  de  poste,  phaéton  ou  à cheval .)  On  passe  la 
Tchauchia,  et  laissant  à gauche  Nicosie  et  la  forteresse 
de  Roukhi,  ou  suit  une  chaussée  qui  longe  la  rive 
gauche  de  l’Ingour  et  passe  par  le  village  de  Lia.  Cette 
route  offre  quelques  jolis  points  de  vue.  La  commune 
de  Djwari  compte  720  feux,  possède  7 églises,  et  aux 
foires  de  novembre  on  y trouve  à acheter  de  bonnes 
bourkas  que  les  paysans  des  environs  fabriquent. 

Route  11.  — De  Zougdidi  à Nakalakévi.  (45 v., 
à cheval .)  On  traverse  la  Djoumi,  le  village  Cha- 
kvindji,  la  Khopi,  on  passe  près  d’Ochkomouri  et  on 
franchit  la  Tsiva  et  le  Tékhour.  (Voir  de  Novo-Sénaki 
à Nakalakévi.  Route  17.) 

1.  En  été,  on  peut  aller  de  Djwari  en  Souanétie  et  au  Letch- 
khoum  par  un  sentier  difficile,  mais  praticable  pour  les  mulets. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


65 


Route  12.  — Do  Zougdidi  à Martvili.  (55  y.,  à 

cheval.)  Môme  route  que  pour  Nakalakévi,  mais  après 
avoir  franchi  le  Tékhour  à la  hauteur  de  Kourdzémi, 
on  va  par  Djolo:  on  passe  la  Dzanazgra,  la  Taléri, 
l’Abacha  et  la  Novo-Khalévi  qui  coule  au  pied  de  la 
cathédrale  de  Martvili.  (Voir  : De  Novo-Sénaki  à Mar- 
tvili. Route  14.) 

Route  13.  — De  Novo-Sénaki  à Nakalakévi1. 

(18  v.,  en  phaéton,  équipages  de  poste  ou  à cheval ,) 
On  traverse  Sénaki,  autrefois  résidence  d’un  catho- 
licos , ancien  chef- lieu  du  district  et  qui  n’a  plus  au- 
jourd’hui que  de  misérables  boutiques.  Il  s’y  tient 
cependant  trois  grandes  foires  en  mars  et  août.  Une 
église,  une  école,  145  feux.  Les  ruines  fameuses  et 
imposantes  de  Nakalakévi  sont  sur  la  rive  gauche  du 
Tékhour,  à l’endroit  où  cette  rivière  entre  dans  la 
plaine.  Etagées  en  amphithéâtre,  elles  présentent  trois 
grandes  enceintes  de  murailles  et  coupées  par  des  tours 
flanquées  de  distance  en  distance.  Tout  est  couvert  par 
le  lierre,  des  platanes,  des  noyers,  de  hautes  herbes  et 
envahi  par  la  végétation.  Le  sommet  de  la  colline  est 
occupé  par  une  vaste  citadelle  ayant  450  pas  de  long 
au  milieu  de  laquelle  se  voient  les  débris  d’une  église. 
Plus  bas,  est  une  seconde  enceinte  plus  large,  fermée 
par  de  hauts  murs,  et  enfin  au  pied  de  la  colline  de 
Déda  Moukha  s’étend  tout  un  hectare  de  terre  enfermé 
dans  une  troisième  enceinte  fortifiée  et  où  s’élèvent 
une  autre  église,  les  ruines  d’un  palais  et  un  beau 
porche,  œuvre  des  siècles  ultérieurs.  Cette  petite  église, 
dite  des  40  martyrs,  passée  à la  chaux,  recouverte  en 
bois  et  restaurée  il  y a peu  de  temps,  est  fort  ancienne. 
Bâtie  moitié  en  pierres  moitié  en  briques,  le  dôme  bas, 
écrasé,  sans  grâce,  l’iconostase  en  briques,  ce  sont  là 
les  signes  d’une  haute  antiquité.  Le  chœur  est  simple, 
l’abside  de  gauche  a été  ajoutée,  et  l’édifice  est  même 
déformé  par  des  appendices  extérieurs  et  successifs.  Le 
clocher  en  grandes  pierres  de  taille  est  d’une  bonne  et 
solide  construction  et  est  plus  moderne  que  1 église 

1.  C’est  l’excursion  archéologique  la  plus  intéressante  que 
l’on  puisse  faire  en  Mingrélie. 


2e  PARTIE 


5 


66 


GUIDE  AU  CAUCASE 


dont  on  a attribué  la  fondation  à Justinien.  Peu  de 
personnes  doutent  que  NakaJakévine  soitl’Archéopolis 
des  Lazes  décrit  par  Procope.  Que  ce  soit  aussi  1 em- 
placement d’Æa,  c’est  une  question  que  Dubois  de 
Montpéreux  a cru  résoudre  en  s’appuyantsur quelques 
lignes  de  Strabon,  de  Pline,  d’Etienne  de  Byzance, 
sur  la  topographie  des  lieux,  mais  que  Uslar,  un  peu 
trop  sceptique  peut-être  pour  tout  ce  qui  a rapport  aux 
mythes  du  Caucase  et  à la  géographie  ancienne  de  la 
Colchide,  a essayé  de  réfuter.  — Près  de  Nakalakévi 
coulent  des  sources  sulfureuses  et  ferrugineuses  uti- 
lisées par  les  malades  indigènes. 

Pvoute  14.  — De  N o vo-Sénaki  à Martvili.  (35  v., 

en  phaéton , équipages  de  poste  ou  à checal.)  La  ca- 
thédrale dite  u des  Martyrs  » construite,  d’après  Va- 
khoucht,  par  Georges  II  roi  d’Abkhazie  (921-956)  et, 
d’après  Brosset,  par  Bagrat  III  (Xe  s.),  a dû  être  aussi 
élégante  qu’aucune  des  plus  belles  églises  de  Géorgie* 
On  le  voit  à certains  restes  de  corniches  finement  cise- 
lées, de  fenêtres  et  de  portes  enjolivées  avec  art. 
Comme  presque  toutes  les  églises  géorgiennes,  le  mo- 
nument est  défiguré  par  des  constructions  annexes, 
successives  et  postérieures.  A l’extérieur,  quelques 
sculptures  : le  Christ,  la  main  étendue  dans  l’attitude 
de  la  bénédiction;  sur  une  frise  : des  lions  poursuivant 
une  biche,  des  griffons,  etc. 

A côté  de  l’église  se  trouvent  la  tour  carrée  dite 
sréti,  vide  depuis  la  mort  du  dernier  stylite  qui  l’ha- 
bitait jusqu’en  1852,  et  une  sorte  de  petite  chapelle 
d’une  architecture  charmante,  mais  dans  un  état  de 
délabrement  complet.  A l’intérieur  de  la  cathédrale, 
de  belles  images  en  argent  doré  et  des  reliquaires  à 
émaux  cloisonnés  magnifiques.  Sur  les  murs  les  por- 
traits en  pied  des  Dadians  de  la  seconde  dynastie. 
Au-dessous,  les  tombes  de  Béjan  (1728),  Léon  (1846), 
David  (1853)  et  de  la  Dédopale  (princesse)  Catherine 
(1882),  en  marbre  blanc  en  forme  de  dais,  et  celles  de 
plusieurs  évêques  de  Mingrélie. 

Du  haut  du  clocher  à jour,  fort  élevé,  qui  se  dresse 
à l'entrée  de  l’enceinte  de  la  cathédrale,  on  jouit  d’une 
vue  aussi  variée,  aussi  superbe  qu’elle  est  immense. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


67 


Que  sont,  en  effet,  les  édifices  en  comparaison  de  cette 
position  meme  de  Martvili  à la  cime  d’un  cône  isolé, 
de  cinq  cents  pieds  de  haut,  visible  de  partout  comme 
un  phare  et  qui  est  un  des  sites  les  plus  magnifiques 
que  l’on  puisse  visiter  au  Caucase!  Au  N.,  1 œil 
embrasse  la  vallée  de  l’Abacha  et  de  PInchékia  et 
remonte  jusqu’au  sein  des  Alpes  de  Ghélembor.  A 
l’E.,  toute  l’Iméréthie  dans  un  pittoresque  fouillis  de 
verdure,  avec  ses  champs  semés  de  maïs  et  de  millet, 
ses  vignes  et  ses  villages;  vaste  plaine  qui  se  termine 
avec  l’horizon  de  la  mer  et  présentant  comme  un  large 
portail  entre  les  derniers  rameaux  de  la  chaîne  de  la 
Souanétie  et  les  monts  de  Gourie.  Çà  et  là  on  suit  les 
sillons  argentés  et  capricieux  tracés  par  le  Rion,  la 
Tskhénis-tskhali  et  le  Tékhour.  Dans  un  vaporeux 
lointain  les  crêtes  de  Souram,  Au  S.,  les  cimes  grani- 
tiques d’Akhaltzik,  éblouissantes  de  blancheur,  émer- 
gent de  leurs  glaces  éternelles.  Tout  autour  de  soi.  de 
belles  forêts  avec  des  arêtes  capricieuses,  du  vert  le 
plus  pur,  tigrées  de  taches  neigeuses,  se  profilent  sur 
le  ciel.  Comme  les  souvenirs  s’encadrent  merveilleu- 
sement dans  les  lignes  du  paysage,  dans  l’opulence  de 
ce  beau  et  paisible  panorama! 

Route  15.  — De  Martvili  à Khoni  (120  v.,  en 

phaétony  équipages  de  poste  ou  à cheval) 1 . 

Route  16. — De  Khoni  à Samtrédi  (18  v.)  (Voir  : 
De  Samtrédi  à Khoni.) 

Route  17.  — De  Samtrédi  à Khoni  (18  v.,  en 

omnibus , équipages  de  poste , phaéton).  De  Samtrédi, 
on  longe  le  bazar  et  on  tourne  à gauche  au  milieu  des 
haies  de  peupliers  et  des  pelouses  de  gazon  qui  s’ali- 
gnent devant  les  odas  (demeures  des  princes  indigènes) 
ou  saklis  (habitations  des  paysans).  A Koulachi  dont 
quatre-vingts  maisons  appartiennent  aux  princes  Miké- 
ladzé,  une  centaine  de  demeures  en  bois  sont  remplies 
de  Juifs.  Ghaniri  est  la  résidence  des  nobles  Eliava, 

1.  La  Tstkhènis-tskhali  étant  souvent  difficile  à passer,  il 
vaut  mieux  faire  le  trajet  à cheval.  Du  reste,  des  bacs  trans- 
bordent les  voitures  et  les  voyageurs  quand  les  eaux  sont 
hautes. 


63 


GUIDE  AU  CAUCASE 


autrefois  aznaours 1 des  princes  Tsouloukidzé.  On 
atteint  Quitiri  (justice  de  paix  des  paysans).  Un  peu 
plus  loin,  à droite,  une  église  géorgienne,  en  briques, 
occupe  un  triangle  où  bifurquent  la  route  de  Djikaïchi 
et  la  route  de  Ghézathi  sur  la  rive  droite  delà  Tskhénis- 
tskhali.  Khoni  (4,000  h.).  Poste  aux  lettres  et  aux 
chevaux . Justice  de  paix.  Séminaire  où  étudient  les 
futurs  maîtres  d'écoles  villageoises.  Centre  important 
de  commerce  pour  l’Iméréthie,  la  Mingrélie  et  la 
Souanétie  : Maïs,  soies  grèges,  étoffes  de  laine,  bes- 
tiaux, etc.,  etc.  L’église  de  Khoni,  sans  coupole,  ayant 
deux  bas  côtés  communiquant  par  des  arcades  avec  la 
nef  principale,  date  du  XIe  s.  et  est  construite  au  milieu 
d’une  enceinte  carrée  dont  la  porte  est  surmontée  d’un 
clocher.  Elle  possède  une  image  de  saint  Georges  avec 
une  inscription  curieuse  relative  au  règne  du  fameux 
Lévan  Dadian  (1636),  la  plus  grande  figure  de  la 
Géorgie  occidentale  au  XVIIe  s.,  une  croix  du  roi 
Bagrat  et  l’étendard  de  guerre  du  roi  Salomon  Ier. 

Route  18.  — De  Khoni  à Koutaïs  (27  v.,  en 

omnibus , équipages  de  poste  ou  phaèton ) par  Gou- 

LESKAÏA. 

ITINÉRAIRE  I 

DE  BATOUM  A SAMTREDI  2 

Route  1 . — De  Batoum  à Tifiis  par  Samtrèdi 

(602  v.),  en  chemin  de  fer . Trajet  14  à 17  h.  1/2;  prix 
des  places:  18  r.  45;  13  r.  83;  7 r.  10.  (Voir:  De  Ba- 
toum à Samtrèdi). 

Route  2.  — De  Batoum  à Samtrèdi  (97  v.),  en 

chemin  de  fer  On  suit  d’abord  la  côte  qui  offre  de 
beaux  coups  d’œil.  Avant  d’arriver  à la  rivière  Tsak- 
wis-tskhali  , et  après  l’ancien  emplacement  de  la 
batterie  turque  Bartzkhanatabia,  on  remarque  sur  une 
montagne  de  forme  conique  les  ruines  d un  ancien 

1.  Voir  : la  Géorgie  et  les  Géorgiens,.  (Ethnographie,  pre- 
mière partie  de  ce  Guide). 

2.  D’après  Dubois  de  Montpéreux,  Bakradzé,  le  prince  Tsé- 
rételli,  le  colonel  Kazbek,  le  calendrier  du  Caucase  et  la  carte 
de  l'état-major  russe. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


69 


château  nommé  Sari,  qui  appartenait  aux  begs  Bejan- 
ogli  ou  Bejani-chvvili.  Plus  loin,  la  route  contourne 
les  hauteurs  cle  Markhindjaouri  et  pénètre  dans  l'im- 
passe de  Tchakwi.  Les  montagnes  rocheuses  percées 
par  le  tunnel  avaient  servi  aux  Turcs  à construire  des 
batteries  qui  défendaient  les  approches  de  Batoum. 


Derrière  les  maisonnettes  de  Tchakwi  se  voient  les 
décombres  du  château  de  Kardjeti-tsikhé.  De  Tsiki- 
dziri , la  voie  ferrée  atteint  Kobouleti  (Tsourouk-Sou), 
résidence  du  chef  de  district,  et  où  est  installé  un 
poste  de  quarantaine.  C’est  un  petit  centre  commercial 
de  80  boutiques,  où  se  vendent  des  draps  excellents, 
des  châles,  des  tapis  de  paille  et  de  la  coutellerie.  Les 
grandes  maisons  en  pierres  des  begs,  depuis  le  départ 
de  leurs  propriétaires,  sont  à moitié  écroulées.  Le  dis- 
trict de  Kobouléti  est  la  partie  de  l’arrondissement  de 
Batoum  la  plus  richement  dotée  par  la  nature  et  la 


70 


GUIDE  AU  CAUCASE 


plus  favorisée  sous  le  rapport  topographique.  Toutes 
les  essences  forestières  y.  sont  presque  à l’état  vierge, 
et  la  vigueur  de  la  végétation  est  étonnante.  Le  maïs 
donne  une  récolte  de  70  pour  cent.  Le  climat  est  mal- 
heureusement humide  et  très  fiévreux  près  des  rivières, 
et  relativement  assez  salubre  dans  les  parties  élevées. 
Après  Natanébi  et  Soupça  (49  v.),  (buffet),  sur  la  ri- 
vière du  même  nom,  on  tourne  à l’E.  dans  la  grande 
et  fertile  plaine  du  Rion  et  de  ses  affluents.  Lan- 
tchkouti,  Nigoïti,  Sadjavako  sont  des  stations  sans 
importance  (97  v.),  Samtrédi  (buffet),  où  aboutit  la 
ligne  de  Poti.  (Voir  ce  nom  route  17.) 

Route  3.  — De  Natanébi  à Ozourghet  (17  v.), 

chaussée . En  omnibus  : 90  k.  ; en  phaéton  : 3 r. 
(Voir  ce  nom  à l’itinéraire  de  Samtrédi  à Ozourghet, 
route  17). 

Route  4.  — De  Batoum  à Artvine  (70  v.),  à 

chevaL  La  route  de  Batoum  à Artvine  a été  construite 
à l’époque  de  la  domination  turque  ; elle  est  fort  belle 
et  possède,  chose  fort  rare  au  Caucase,  des  ponts  en 
pierre.  Elle  suit,  dans  presque  tout  son  parcours,  la 
rive  droite  du  Tchorok.  En  quittant  Batoum,  on  tra- 
verse la  vallée  de  Kakhabéri.  puis  on  entre  dans  celle 
du  Tchorok.  On  passe  à Match akhéli-spiri  (c’est  à- 
dire  bouche  du  Matchakhel)  qui  est  l’entrée  du  défilé 
qu’on  va  suivre.  A droite  et  à gauche,  les  montagnes 
sont  abruptes  et  peu  boisées.  A Maradidi  (18  v.),  grand 
village  où  était  autrefois  un  katmakam  turc,  un  pont  est 
jeté  sur  le  Tchorok.  A droite,  quelques  vignobles  annon- 
cent Pandoughéti,  d’où  part  un  chemin  vers  l’Adjarie, 
par  Khéda.  Bordchka  (32  v.),  sur  la  rive  gauche  de 
la  rivière,  est  en  grande  partie  occupé  par  des  casernes 
pouvant  loger  deux  bataillons  de  miliciens  gouriels. 
On  atteint  Singoti  (12  v ),  et  on  entre  par  un  beau  pont 
à Artvine  (8  v ).  Cette  ancienne  résidence  d’un  pacha, 
chef-lieu  de  district,  avec  sa  forteresse  ruinée  et  ses 
minarets,  est  bâtie  en  terrasses  et  s’étage  sur  la  rive 
gauche  du  Tchorok,  non  loin  de  magnifiques  forets 
d oliviers,  de  châtaigniers  et  de  figuiers.  Cette  ville  qui 
a trois  faubourgs  : Kolorto,  Kaïpert  etKortzoul,  compte 


GUIDE  AU  CAUCASE 


71 


8.000  habitants  en  majorité  arméniens  catholiques. 
Poste  aux  lettres.  Télégraphe.  Évêché,  2 églises  catho- 
liques et  une  grégorienne,  3 mosquées,  etc.  250  bou- 
tiques bordent  les  rues  sales  et  étroites  ; les  maisons 
sont  en  bois.  La  population  est  peu  sédentaire.  L'in- 
dustrie principale  d’Artvine  est  la  distillation  de  l’eau- 
de-vie  extraite  des  fruits  de  mûriers  ; on  y fabrique 
aussi  des  cotonnades  bleues  rayées  de  blanc. 

Route  5.  — D Artvine  à Ardanoutch.  (53  v.,  à 

cheval.)  D’Artvine,  par  la  rive  droite  du  Tchorok,  on 
atteint,  après  des  rampes  assez  raides,  Tholgomi  ou 
Thargama  (8  v.).  A ce  nom,  se  rattache  le  mythe  que 
les  Géorgiens  et  les  Arméniens  proviendraient  de  la 
même  souche.  Selon  les  traditions  locales,  Thargamos 
était  fils  de  Tharchis,  fils  d’Avanan,  fils  de  Japhet,  fils 
de  Noé.  Doliskhana  (25  v.),  sur  l’Ardanoutchtchaï 
était  autrefois  fortifiée  et  connue  pour  ses  mines  de 
cuivre.  Ce  fut  le  théâtre  d’un  sanglant  combat  livré 
par  le  général  Komarofï  aux  Turcs  en  1877.  De  Gor- 
goghotane  (8  v.),  on  arrive  à Ardanoutch  (12  v.). 
Cette  ville  de  1.000  hab.,  arméniens  et  musulmans, est 
bâtie  en  amphithéâtre  et  élève  ses  sveltes  minarets  au- 
dessus  de  jardins  et  de  haies  de  peupliers.  Poste . Télé- 
graphe ; une  église  catholique,  une  école. 

Route  6. — D’Ardanoutch  à Ardaghan.  (67  v., 

à cheval.)  Jusqu’à  Akharchène  (7  v.),  le  chemin  est 
assez  monotone  et  n’est  qu’une  suite  de  montées  et  de 
descentes.  On  parcourt  pendant  5 v.  une  grande  forêt, 
et  on  entre  à Khéba  (9  v.)  où  se  voit  une  mosquée 
avec  un  joli  minaret.  On  franchit  le  col  élevé  de  Iala- 
nouscham  (8.442  p.),  c’est-à-dire  « sapin  solitaire  », 
passage  fort  difficile  à cause  des  neiges  subites  dont  la 
montagne  se  couvre,  puis  on  descend  vers  Kinzotamar 
(15  v.).  Près  de  Chadivane  (15  v.),  où  il  y aune  église 
russe,  on  franchit  la  Koura  et  on  va  en  ligne  droite 
jusqu’à  Ardaghan  (21  v.),  chef  lieu  de  district;  cette 
ville,  entourée  autrefois  de  fortifications  par  les  Turcs, 
est  reliée  par  un  pont  aux  deux  rives  de  la  Koura  qui 
la  traverse  ; 1.270  hab. , en  majorité  musulmans. 
Poste.  Télégraphe.  Auberge.  Club  militaire.  Comme 


72 


GUIDE  AU  CAUCASE 


garnison,  une  brigade  d’artillerie,  un  régiment  d’infan- 
terie et  un  escadron  de  cavalerie.  Pendant  la  dernière 
guerre  russo-turque,  Ardaghan  ne  fut  assiégé  que  pen- 
dant trois  jours  et  fut  pris  facilement  par  les  Russes  qui 
se  sont  assuré  ainsi  la  possession  des  passages  les  plus 
importants  qui  conduisent  vers  les  vallées  du  Tchorok 
et  de  l’Araxe.  Mais  à TE..  Ardaghan  n est  pas  encore 
rattaché  au  reste  de  la  Transcaucasie  par  des  routes 
faciles  ; la  région  volcanique  traversée  par  la  Koura 
oppose  de  grands  obstacles  au  commerce. 

Route  7.  — D’ Ardaghan  à Akhaltzik.  (89  v., 

en  équipages  de  poste.)  On  traverse  les  villages  tatars 
Gulaverdi  (7  v.),  Olchek  (5  v.),  Begrakathonne 
(8  v.),  et  on  atteint  Zourzouna  (12  v.),  sur  la  rivière 
Karatchaï,  à 8 v.  du  lac  Tchaldhir-Gheul  ; puis  on 
monte  jusqu’au  poste  militaire  Akhrdachès  (22  v.), 
ancienne  frontière  russe,  et,  par  une  belle  route,  on 
gagne  Khazhak  (8  v.),  village  arméno-catholique  assez 
riehe,  et  dont  les  femmes  sont  connues  pour  leur 
beauté.  Par  une  série  de  rampes,  on  arrive  à Akphaltzik 
(27  v ).  (Voir  ce  nom  aux  itinéraires  : De  Samtrédi  à 
Tiflis.) 

Route  8.  — D’Ardaghan  à Olti  (95  v.  1/2),  par 
Férousk  (20  v.),  Kémistort  (16  v.  1/2),  Panasker 
(11  v.).  Kanoum-Khévi  (12  v.),  Panok  (14  v.  1/2), 
Olti  (21  y.  1/2). 

Route  9.  — De  Batoum  à Koula  (Haute-Adjarie), 
80  v , à cheval ).  Cette  route  traverse  toute  l’Adjarie 
de  l’O.  à TE.,  et.  après  avoir  franchi  la  chaîne  d’Ar- 
siani.  près  de  Kvabis-Djwari,  passe  dans  le  défilé  du 
Kvablian  Tchaï,  affluent  de  la  Koura,  et  se  dirige  vers 
Akhaltzik  ^gouvernement  de  Koutaïs).  De  Batoum,  on 
suit  d’abord  la  vallée  de  Kakhabéri.  Après  la  déca- 
dence, au  XVe  s.,  de  l’ordre  politique  en  Géorgie,  la 
Gourie,  l’Adjarie  et  le  Djaneth  (le  Lazistan  d’aujour- 
d’hui) formèrent  une  principauté  géorgienne  indépen- 
dante sous  la  dynastie  des  princes  Gouriels.  Parmi 
eux,  le  gouriel  Kakhabéri  s’est  distingué  par  sa  lutte 
héroïque  contre  l’Islam.  Pendant  son  règne,  il  re- 
poussa avec  succès  les  Turcs  et  ne  les  laissa  pas  appro- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


73 


cher  du  Lazistan  lorsqu’ils  eurent  occupé  la  province 
de  Trébizonde.  Les  monts  et  les  vallées  du  district  de 
Batoum  ont  immortalisé  le  nom  de  Kakhabéri,  ce 
champion  de  la  foi  chrétienne  et  de  l’indépendance. 
Au  village  Simonetti,  la  route  tourne  à l’E.,  et,  sui- 
vant un  des  rameaux  de  la  chaîne  d'Adjarie,  longe  la 
rive  de  l’Adjaris-tskhali.  Par  Dologani,  Makhoun- 
jeth,  Assanaouri,  on  atteint  Kéda,  situé  sur  la  saillie 
triangulaire  d’une  montagne.  Poste . Télégraphe . 
C’était  autrefois  le  domaine  du  métessarif  Osman- 
Pacha  Tavdguiridzé.  Les  murs  de  son  château,  flan- 
qué de  tours,  se  voient  encore  au  haut  d’un  rocher. 
Kéda  est  le  centre  du  commerce  pour  la  population 
environnante.  Tous  les  vendredis  s’y  tient  un  marché 
où  viennent  les  habitants  de  la  basse  Adjarie  pour 
échanger  leurs  produits  : draps,  armes,  canons  de  fu- 
sils et  même  du  beurre  et  des  fruits.  Kéda,  qui  se  com- 
pose de  quatre  quartiers  : Kéda,  Ortovi,  Assanouri  et 
Goulébi  et  qui  compte  une  soixantaine  de  boutiques  en 
bois,  est  la  résidence  du  chef  de  l’arrondissement. 
Jusqu’à  Dondalo,  il  y a une  vingtaine  de  verstes.  Là, 
au  milieu  d’une  forêt  de  pins  s’élève  une  tour  carrée, 
entourée  des  ruines  d’une  forteresse  attribuée  comme 
toujours  à la  reine  Thamar  dont  le  nom  fameux  est 
aussi  populaire  parmi  la  population  musulmane  de  la 
Géorgie  turque  qu’en  Géorgie  même.  De  tous  les  noms 
des  rois  géorgiens,  les  Adjares  n’ont  retenu  que  celui 
de  cette  reine.  Par  Chvakéli,  on  atteint  Koula.  C’était 
la  résidence  du  prince  régnant  de  la  Haute-Adjarie, 
Chérif-beg  Khimchiaschwili,  général-major  dans  l’ar- 
mée russe.  C’est  le  centre  administratif  de  l’arrondis- 
sement. On  y voit  les  ruines  d’un  temple  chrétien. 

Route  10.  — De  Koula  à Akhaltzik  (77  v.),  à 
cheval  jusqu’à  Bénari,  par  Danispariouli  (19  v. ), 
Goders  (21  v.),  Zarzma  (5  v.),  Bénari,  station  postale 

(17  v.),  Akhaltzik  (15  v.). 

Route  11.  — De  Koula  à Bako  (25  v.),  à cheval , 
par  Skalta.  Le  village  Skalta,  ancienne  résidence 
d’hiver  du  Chérif-beg,  se  trouve  sur  la  rive  droite  de 
la  rivière  Skaltis-tskhali,  près  de  laquelle  s’élève  le 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


château  fort  Kirkhalis-tsikhé,  où,  selon  les  habitants, 
fut  décapité,  en  1815,  le  pacha  d’Akhaltzik.  L’église  de 
Skalta,  construite  en  porphyre  gris,  sans  coupole,  a la 
forme  d un  parallélogramme.  La  longueur  de  l’édifice 
est  de  19  mètres  sur  12  de  large.  Elle  a un  haut  fron- 
ton triangulaire,  un  parvis  à i’O  et  une  chapelle  au 
S.  Son  côté  E.  a la  forme  d’un  demi-cercle  octogone. 
Les  sculptures  variées  des  chambranles  des  portes  et 
des  fenêtres,  les  colon  nettes  et  les  arabesques  sont 
exécutées  avec  un  savoir-faire  étonnant.  L intérieur  de 
l’église  est  couvert  de  peintures  et  d’inscriptions  en 
caractères  géorgiens  « khoutzouri  » ou  ecclésiastiques. 

En  suivant  le  défilé  de  la  rivière  Skaltis-tskhali  par 
le  village  Bako,  on  atteint  la  chaîne  d’Arsiani  par  la 
crête  de  laquelle  passe,  dans  la  direction  du  S. -O.  une 
route  qui  descend  ensuite  par  le  défilé  de  la  rivière 
Kiwirila,  affluent  de  l’Imerkhévi.  De  Bako,  une  autre 
route  part  au  N.-E.  sur  Akhaltzik,  par  le  passage  de 
la  chaîne  d’Arsiani  en  suivant  le  défilé  de  la  Postkhovi- 
tchaï.  Bako  est  donc  le  point  de  jonction  des  routes  qui 
mènent  de  la  haute  Adjarie  d’un  côté  à Akhaltzik,  de 
l’autre,  dans  le  défilé  de  Chavcheti  et  à Ardanoutch. 

Route  12.  — De  Bako  à Akhaltzik  (40  v.),  à 

cheval , par  la  vallée  du  Postkovi-tchaï. 

Route  13.  - De  Bako  à Satléli  (40  v.),  à cheval , 
par  la  crête  du  Ialanous-tcham,  le  défilé  de  la  rivière 
Kwirila  et  le  village  Mikéléti.  Dans  un  vallon,  entre 
Mikéléti  et  Satléli,  s’étale  le  grand  village  Tbéti, 
entouré  d’arbres  fruitiers,  de  beaux  champs,  de  fertiles 
pâturages,  et  avec  sa  vieille  cathédrale,  célèbre  dans 
l’histoire  de  la  Géorgie.  C'était  la  résidence  de  1 évêque 
géorgien  qui  avait  la  direction  spirituelle  de  la  Gourie, 
de  la  province  d Akhaltzik,  et  de  celle  de  Batoum  d au- 
jourd’hui. Cette  cathédrale  bâtie  par  le  roi  géorgien 
Achot  Couropalate  en  918,  joua,  au  commencement  du 
XI  s.  sous  la  prélature  de  l’évêque  Saba,  un  rôle  actif 
dans  l’unification  du  royaume  de  Géorgie  sous  le 
sceptre  de  Bagrat  IV.  Elle  est  en  forme  de  croix.  Les 
murs  sont  en  calcaire  rougeâtre.  Une  légende  raconte 
que  les  pierres  qui  ont  servi  à sa  construction  ont  été 


GUIDE  AU  CAUCASE 


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transportées  de  20  v.  par  des  ouvriers  se  faisant 
la  chaîne  et  se  passant  mutuellement  les  fardeaux.  A 
l’extérieur,  comme  ornements,  de  petits  arcs  surmon- 
tent des  colonnettes  et  des  entrelacs  soigneusement 
traités.  L’intérieur  est  de  bonnes  proportions.  Le  chœur, 
demi-circulaire,  est  séparé  du  reste  de  l’église  par  un 
grand  arc  ; les  fûts  des  colonnes  et  les  chapiteaux 
reposent  sur  de  fortes  assises  en  granit.  La  partie  cen- 
trale du  monument  présente,  aux  quatre  coins,  quatre 
demi-colonnes  qui  relient  les  parois  et  supportent  la 
coupole  percée  de  longues  fenêtres.  Les  bras  de  la  croix 
servaient  de  chapelles  qui  semblent  avoir  eu  une  assez 
grande  hauteur.  Çà  et  là  quelques  restes  de  peintures 
murales  sont  encore  visibles.  Cette  petite  église  a dû 
être  un  joli  échantillon  de  l’art  gréco  géorgien.  Vis-à- 
vis  deThébi,  au  nord,  il  y a une  grande  montagne  sur 
laquelle  1 évêque  Saba  avait  construit  un  château  ap- 
pelé Svéti.  Vakhoutch  dit  que  là  aussi  s’élevait  une 
immense  forteresse,  Toukharissi,  dont  on  reconnaît 
encore  les  ruines.  Au  bas,  s'étend  le  village  de  Tsiki- 
dziri,  c’est-à  dire  « le  bas  de  la  forteresse.  » 

Route  14.  — De  Satléli  à Opiza  (25  v.),  à cheval. 
Le  village  Satléli  est  au  confluent  de  la  Chavcheti- 
tskhali  et  de  la  Satléli-tskhali  qui  prend  sa  source  dans 
les  monts  Arsiani,  au  contrefort  Ianalous-tcham.  Cette 
rivière  se  jette  dans  l’Imerkhévi -tskhali  dont  la  vallée 
est  si  étroite  que  jusqu’à  l’Ardanoutch-tskhali,  son 
affluent,  le  passage  est  presque  impraticable.  C’est  près 
de  Porta,  au  confluent  de  Plmerkhévi  et  de  la  Sali- 
tskbali  que  sont  les  ruines  du  monastère  Opiza,  cité 
auxXe,  XIe,  XIIe  etXIIT  s.,  comme  un  foyer  littéraire 
scientifique  qui  rayonnait  sur  le  reste  de  la  Géorgie.  Il 
fut  fondé  au  IXe  s.  par  Gourghen,  fils  d’Achot  Couro- 
poiate,  et  doté  par  lui  de  terres,  de  trésors  et  d’objets 
pour  le  culte.  Jusqu'au  XVIIIe  s , la  plupart  des  bâti- 
ments étaient  debout;  des  moines  y habitaient,  et  le 
service  divin  s’y  célébrait  encore.  On  raconte  qu’au 
XIIIe  s.,  sous  le  règne  du  roi  géorgien  David  Narin, 
les  Mongols,  lors  de  leur  invasion,  voulurentv  pénétrer 
et  s'emparer  des  richesses  que  l’église  renfermait;  mais 
de  la  montagne  Gazo  s’éleva  tout  à coup  un  tel  oura- 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


gan  que  les  envahisseurs  furent  dispersés  et  prirent  la 
fuite.  L’église,  qui  était  dans  une  enceinte  murée  est  en 
forme  de  croix.  L’intérieur  mesure  15  mètres  de  large 
sur  20  de  long.  Architecture  et  style  sont  moins  remar- 
quables qu’à  Tbéti.  Sur  le  côté  S.  extérieurement, 
une  grossière  sculpture  représente  le  Christ  assis  sur 
un  trône  et  bénissant  un  édifice  qui  lui  est  présenté  par 
un  personnage  habillé  comme  un  roi.  Le  nom  d’Achot 
seul  est  encore  lisible  parmi  les  autres  mots  de  l’ins- 
cription qui  l’accompagne. 

Route  15.  — De  Satléli  à Ardanoutch  (30  v., 

ci  chenal ).  La  route  ne  suit  pas  la  vallée  de  l’Imerkhévi- 
tskhali,  maislacrêted’Ialanous-tcham.  jusqu  au  village 
Batssa  à l'E.  duquel  des  montagnes  abruptes  obligent 
de  tourner  au  N.  en  longeant  la  rive  droite  de  l’Arda- 
noutch-tchaï  jusqu’à  la  chaussée  d’Artvine.  A cinq 
verstes  de  Batssa  est  le  village  d’ANTcm,  avec  les 
ruines  de  l’ancienne  cathédrale  dont  la  construction  est 
attribuée  au  catholicos  Vavila,  pendant  le  gouverne- 
ment du  mthavar  Adarnas,  de  614  à 639  C’était  le 
siège  de  la  direction  spirituelle  des  évêques  géorgiens 
de  la  contrée  entre  Karkhaii,  Opiza,  les  régions  du 
Tchorok  et  la  crête  pontique  L image  célèbre  de  l’église 
d’Antcha  fut  transportée  à Tiflis,  lors  de  l'invasion 
musulmane  et  est  aujourd’hui  dans  l’église  d’An- 
tchiskhati.  (Voir  ce  nom  à l’itinéraire  K.  Tiflis.) 

Route  16.  — D’ Ardanoutch  à P.  rtvine  et 
Batoum.  (Voir  : De  Batoum  à Artvine  et  d’Artvine  à 
Ardanoutch.  Routes  4,  5 ) 

Route  17.  — De  Samtrédi  à Ozourghet 
(51  v.,  route  postale) 

Samtrédi.  [Buffet),  Station  à l'embranchement  du  chemin  de 
fer  Uoii-Batoum-Tiflis-Bakou.  43 ) feux.  Télérjraphe.  Ponte 
aux  lettres  et  aux  chevaux.  Phaetons.  Omnibus  chaque  jour 
l’été.  Départ  de  Samtrédi  à?  h.  du  matin;  arrivée  à Ozourghet 
à 2 h après  midi;  départ  d’Ozourghet  à 2 h.  ; arrivée  à Sam- 
trédi à 7 h.  du  soir. 

En  une  heure,  on  est  à Orpiri,  autrefois  centre  im- 
portant de  commerce  lorsque  les  bateaux  à vapeur  de 
Poti  remontaient  jusque-là  et  transportaient  voyageurs 
et  marchandises;  cette  bourgade  ne  compte  plus  au- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


77 


jourd’hui  que  quelques  feux.  Les  « scopsis  )),  secte 
tristement  fameuse  par  la  mutilation  déshonorante  que 
ses  adeptes  pratiquent,  n’y  sont  plus  qu’en  fort  petit 
nombre  Un  bac  remplace  le  grand  pont  de  bois  jeté 
sur  le  Rion  en  1878,  écroulé  deux  ans  après,  et  l’on 
passe  devant  la  station  du  chemin  de  fer  Sadjavako. 
Là  commence  une  montée  assez  raide  qui  aboutit  à 
un  plateau  d’où  Ton  jouit  d’une  jolie  vue  : Au  premier 
plan,  le  Rion  qui  se  déroule  comme  un  immense 
serpent  argenté;  à droite,  Ulméréthie  noyée  dans  la 
verdure;  en  face,  la  Tskhénis-tskhali  et  l’Abacha;  à 
gauche,  la  pointe  d’Ourtha,  dernier  rameau  des  collines 
servant  de  ceinture  au  bassin  de  l’Ingour  et  aux 
plaines  de  la  Mingrélie;  au  dernier  plan,  les  cimes 
neigeuses  de  la  Souanétie  et  les  crêtes  boisées  du 
Ratcha;  enfin,  derrière  soi,  les  hauteurs  d’Akhaltzik 
<3t  d’Adjarie.  Un  pont  en  pierre  sur  la  Khévis-tskhali, 
cours  d’eau  qui  sépare  les  districts  de  Koutaïs  et 
d’Ozourghet,  et  dont  on  va  suivre  le  défilé  pendant 
4 v.,  amène  au  relais  Kiiévis-tskhali  (13  v.).  On 
gravit  la  montagne  de  Sadjavako  du  haut  de  laquelle 
on  aperçoit  l'église  de  Natis-Sémeli , la  vallée  de 
la  Khévis-tskhali  qu’on  laisse  à gauche  et  plusieurs 
sources  minérales  qui  n’ont  encore  été  ni  analysées  ni 
exploitées,  mais  que  les  indigènes  boivent  et  dans 
lesquelles  ils  se  baignent.  A la  foire  annuelle  de 
Sadjavako,  au  mois  de  juin,  il  se  fait  un  grand  com- 
merce de  soie.  La  vigne  y prospère  et  y grimpe  autour 
des  mûriers,  des  ormeaux,  et  produisait  un  vin  qui, 
jadis,  passait  pour  le  meilleur  crû  de  laGourie.  Jusqu’à 
Tchokotaouri  (12  v.)  la  route,  assez  escarpée,  franchit 
la  Soupça  et  débouche  dans  une  plaine  circulaire  en- 
caissée par  des  montagnes  d’où  sortent  la  Lapna, 
l’Améglibis-khili  et  la  Goubazaouli  qui  se  réunit  à la 
Soupça  près  de  la  forteresse  Béréjoouli.  Des  plantations 
de  tabac  occupent  les  deux  rives  de  la  Soupça.  Au 
milieu  de  la  plaine,  se  voit  à gauche  un  monticule 
surmonté  d’une  petite  forteresse  et  couvert  de  vignes, 
et  sur  lequel  le  prince  André  Eristolf  a bâti  une  habi- 
tation et  créé  un  jardin  anglais  où  il  essaye  avec  succès 
d’acclimater  les  arbres  les  plus  rares  et  les  fleurs  des 


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GUIDE  AU  CAUCASE 


régions  tropicales.  A 12  v.  de  Tchokotaouri , sur 
la  gauche,  les  ruines  de  Nagomari,  ancienne  rési- 
dence des  princes  de  Gourie,  et  où  se  tient  au  mois 
daoût  la  foire  la  plusiréquentée  du  pays.  A 3 v»  du 
relais  de  Nagomari  (11  v.  1/2),  où  aboutissent  une 
route  allant  à Nigoïti  (station  du  chemin  de  fer  de 
Batoum)  et  un  sentier  conduisant  à l’église  de  Djoumati, 
(Voir  ce  nom  route  21),  on  gravit  la  montagne  boisée 
Bakwi,  du  haut  de  laquelle  on  plonge  à gauche,  dans 
le  défilé  de  la  Bakwis-tskhali,  et  à droite,  dans  celui  de 
la  Natanébi.  De  Nasakérali,  point  culminant  de  la 
crête,  on  découvre  la  vallée  de  la  Soupça,  les  collines 
de  Gourianta,  de  Mikaël-Gabriel,  d’Ikobi,  où  I on  a 
récemment  mis  au  jour  des  sources  pétrolifères,  et,  par 
un  temps  clair,  la  ligne  azurée  de  la  mer  Noire  qui  se 
détache  à l’horizon.  Après  Bakwi,  village  riche,  on 
passe  à gué  la  Natanébi,  et,  à travers  des  champs  de 
maïs,  de  tabac,  et  des  bouquets  d’arbres  auxquels  se 
suspendent  quelques  ceps  de  vigne,  on  entre  à Ozour- 
ghet  (13  v.  3/4).  Cette  petite  ville,  ancienne  résidence 
des  princes  de  Gourie,  est  dans  une  plaine,  sur  la  rive 
droite  de  la  Broudji,  entre  deux  ruisseaux,  le  Skoutchaï 
et  le  Bazéri-tskhali  (20,000  hab  ) Poste  aux  lettres 
et  aux  chevaux . Télégraphe . Auberges . Résidence 
du  chef  de  district,  justice  de  paix,  casernes,  écoles* 
églises. 

Route  18. — D’Ozourghet  à l’église  de  Likaouri. 

(5  v.,  en  voiture  ou  à cheval .)  Au  S.  d’Ozourghet, 
abritée  par  des  hêtres  et  des  chênes  qui  s’échelonnent 
sur  les  pentes  d’une  petite  éminence,  et  au  milieu 
d’une  enceinte  ruinée,  s’élève  l’église  de  Likaouri. 
Elle  est  en  pierres  de  taille,  sans  coupole,  précédée 
d’un  porche,  et  a conservé  du  côté  de  l’E.  quelques 
sculptures.  A l’intérieur  : les  restes  de  mauvaises  pein- 
tures murales  représentant  les  princes  et  les  princesses 
de  la  Gourie  aux  XVIIe  et  XVIIIe  s.  Plusieurs  images 
en  argent  doré  méritent  l’attention. 

Route  19. — De  Likaouri  à l’église  d’Adji.  (7  v., 

à cheval .)  Un  étroit  sentier  pittoresque  longea  mi-côte 
l’Alis-skhari,  torrent  profondément  encaissé  au-dessus 


GUIDE  AU  CAUCASE 


79 


duquel  une  végétation  exubérante  étend  des  frondai- 
sons qui  s’enchevêtrent  d’un  bord  à l’autre.  L’église 
d’Anji  est  toute  petite,  en  pierre  rougeâtre;  à inscrip- 
tions, mais  sans  grande  valeur  artistique. 

Route  20.  — D’Ozourghet  au  monastère  de  Ghé- 
mokmèdi.  (5  v.,  en  voiture  jusqu’à  la  Broudja.)  Par 
la  chaussée  de  Samtrédi  pendant  1 v.,  puis  en  tour- 
nant à droite,  on  arrive  à la  Broudja,  qui  coule  au 
pied  de  la  montagne  sur  laquelle  s’élève  le  monastère. 
Le  site  est  ravissant.  L’église  en  pierre,  sans  coupole, 
défigurée  par  des  constructions  postérieures,  forme 
maintenant  deux  chapelles  accolées  l’une  à l’autre. 
L’iconostase  est  rempli  de  belles  images  en  argent  dé- 
corées d’émaux  cloisonnés1.  Simple  monastère  aujour- 
d’hui, Chémokmédi  était  au  XVe  s.  une  cathédrale  où 
sont  enterrés  les  princes  de  Gourie. 

Route  21 . — D’Ozourghet  à l’église  de  Djoumati, 

(15  v.,  à cheval.)  Après  avoir  passé  la  Natanébi  à gué, 
et  suivi  pendant  une  heure,  la  chaussée  qui  relie 
Ozourghet  au  chemin  de  fer  de  Batoum,  on  tourne  à 
droite;  on  traverse  la  ligne  de  collines  qui  servent  de 
bassin  à la  Soupça,  on  descend  à Gourianta,  et  on 
franchit,  dans  un  bac  fort  étroit  la  rivière  sur  les  bords 
de  laquelle  les  champs  de  maïs,  les  prairies  et  les  bou- 
quets d’arbres  s’étendent  sur  une  longueur  de  3 v. 
devant  les  ruines  de  la  forteresse  Baïleti,  convertie 
en  habitation  par  le  prince  Joseph  Gouriel.  On 
gravit  lentement  la  montagne  au  haut  de  laquelle  est 
bâtie  à 1,644  pieds  l’église  de  Djoumati.  Une  muraille, 
flanquée  d’un  clocher  par  lequel  on  pénètre  dans  l’en- 

1.  L'encadrement  de  l’image  de  la  « Vierge  de  Chémok- 
médi » est  en  argent  doré,  repoussé,  et  formé  par  des  scènes 
de  la  vie  du  Christ.  Dans  la  seconde  vignette  du  côté  gauche, 
en  haut,  on  remarque  une  Vierge  ayant  la  coiffure  géorgienne  : 
thcicsakravi,  espèce  de  couronne  en  étoffe  de  soie  ou  de  ve- 
lours qui  se  porte  au  Caucase.  La  peinture  centrale  montre  la 
Vierge  sous  î’aspect  touchant  d’une  mère  charmante  qui  semble 
n’avoir  d’autre  soin  que  de  faire  des  caresses  à son  enfant  et 
de  répondre  à son  sourire,  tandis  qu’il  lui  enlace  le  cou  de  ses 
deux  petits  bras,  dans  une  attitude  délicieuse.  L’ovale  de  la 
tête,  la  découpure  des  lèvres,  l’expression  du  regard,  la  pureté 
des  traits  de  la  Vierge  sont  empruntés  au  type  géorgien. 


80 


GUIDE  AU  CAUCASE 


ceinte,  entoure  l’église  sans  coupole,  sans  sculptures, 
restaurée  plusieurs  fois,  et  qui  renferme  des  images, 
des  émaux  cloisonnés,  des  croix  et  des  inscriptions 
précieuses  pour  l’histoire  de  la  Gourie.'  De  la  plate- 
forme de  l’église  on  a une  des  vues  les  plus  merveil- 
leuses qu’il  soit  possible  d’avoir  au  Caucase,  et  que  ni 
la  plume  ni  le  pinceau  ne  sauraient  rendre.  Elle  mérite 
à elle  seule  les  fatigues  de  l’excursion.  Le  panorama 
grandiose  qui  se  déroule  de  tous  côtés  aux  yeux 
produit  une  des  impressions  les  plus  vives  que  la 
Gourie  puisse  laisser  aux  rares  voyageurs  qui  la  vi- 
sitent. 

ITINÉRAIRE  J 

Route  1.  — De  Samtrédi  à Tiflis  (505  v.),  en 

chemin  de  fer . 


Route  1 (Suite).  — De  Samtrédi  ( Buffet ) à Rion 
[Buffet)  53  v.,  en  chemin  de  fer , par  Kopitnari. 

Route  2.  — De  Rion  à Koutaïs  ( Buffet ),  embran- 
chement de  8 v.  en  chemin  de  fer;  prix:  50  kop., 
38  kop.,  25  kop.  Koutaïs  (23.644  hab.). 

Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux,  Télégraphe . Hôtels  de 
France,  de  Colchide,  Grand-Iiôtel,  de  Russie,  d’Italie,  du 
Caucase.  Résidence  du  Général  Gouverneur.  Jardin  public. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


81 


Ferme  de  la  ville.  Bazar.  Hôpital.  Bains  12  églises  orthodoxes, 
2 catholiques,  2 arméniennes,  8 synagogues  ; 14  établissements 
d’instruction;  une  bibliothèque,  1 journal.  Banques  de  crédit 
mutuel;  foncière  de  la  noblesse.  Théâtre.  Club.  Fabrique 
d’eaux  gazeuses.  Four  à chaux.  Manufactures  de  tabac.  Bri- 
queterie. Etoffes  de  laine  renommées.  Sellerie.  Soieries.  Bi- 
jouterie en  guichir.1  Agences  de  la  Compagnie  d’assurances 
russe,  de  la  Nadejda,  du  Volga,  Russie,  Salamandre.  Photo- 
graphie Michailoff.  Excursions  : La  ferme;  la  cathédrale; 
la  grotte  de  Jason;  Ghélath  ; Motzameth,  etc. 


Plun  des  ruines  d’OUKHIMERION  et  d’une  partie  de  ROUTAIS  moderne. 
D’après  Dubois  de  Montpéreux. 


1.  Le  guichir  est  une  substance  fossile,  sorte  de  lignite,  d’un 
noir  dense  11  est  très  dur,  susceptible  d’un  beau  poli  et  point 
friable.  On  en  fait  des  chapelets,  des  croix  et  des  bijoux.  En 
arménien,  le  mot  guichir  signifie  « nuit  ».  C’est  un  point  de 
comparaison  galante  ; en  parlant  d’une  femme  on  dit  ; « elle 
a des  cheveux  de  guichir.  » L’expression  guichris-tma  em- 
ployée dans  ce  sens  se  trouve  dans  le  poème  épique  du  XIIe  s. 
de  Chota  Rousthavéli  : « l’homme  à la  peau  de  tigre,  » et  dans 
plusieurs  romans  géorgiens.  Le  guichir  se  nomme  en  grec 
gagates . en  latin  de  même  (Pline)  ; en  russe  : gagate , et  parait 
être  de  la  même  substance  que  le  jais.  11  se  trouve  en  assez 
grande  quantité  au  voisinage  de  Tkwibouly,  non  loin  de 
Koutaïs. 


2e  PARTIE 


6 


82 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Fondée  par  le  roi  Léon  en  792,  la  ville  de  Koutaïs 
actuelle*  avec  ses  ruines,  renferme  deux  localités  bien 
distinctes  chez  les  anciens  et  surtout  dans  Procope  : 
Oukhimérion  et  Koutatissium.  Oukhimérion  était  la 
ville  fortifiée  qui  est  au  N.,  sur  la  rive  droite  du  Rion 
(Phase)  ; Koutatissium,  comprenait  la  ville  actuelle 
qui  est  dans  la  plaine  au  S. , sur  la  rive  gauche.  Malgré 
ses  origines  d’une  antiquité  fabuleuse,  Koutaïs,  de 
toutes  ses  vieilles  fortifications  et  de  ses  monuments, 
n’a  conservé  qu’un  seul  édifice  chrétien  du  Xe  et  du 
XIe  s.  : la  ruine  de  la  belle  cathédrale  construite  par 


Plan  de  la  cathédrale  de  Koutaïs.  Convexités  dont  les  raccords 
' sont  souvent  si  disgracieux , 

l’architecte  a donné  aux  absides  latérales  la  même  pro- 
fondeur qu’à  l’abside  centrale;  il  les anoyéestoutes trois 
dans  un  mur  plan  ; et  comme  ce  mur  eût,  sans  utilité  au- 
cune, atteint  une  très  grande  épaisseur  entre  les  absides, 
il  y a creusé  des  niches  à section  triangulaire,  terminées 
au  sommet  par  des  coquilles  de  Saint-Jacques.  Ces 
niches  forment  le  centre  d’une  ornementation  de  co- 
lonnettes  et  d’arceaux  du  meilleur  goût,  et  où  l’on  ren- 
contre le  chapiteau  arméno-géorgien.  Ce  chapiteau  est 
fort  simple  : les  colonnes  se  terminent  par  un  petit 
tore  au-dessus  duquel  se  développe  un  renflement 
ovoïde  surmonté  d’une  abaque  qui  déborde  et  reproduit 
exactement  le  tore  inférieur.  Les  quatre  gros  murs  de 
la  cathédrale  se  tiennent  encore  debout  par  fragments. 
Plus  de  clocher,  plus  de  porche.  Seuls,  quelques  lourds 
chapiteaux  portant  de  curieuses  représentations  ani- 


Bagrat,  roi  de  Géorgie.  Elle 
mesure  37  m.  de  long  sur  27 
ni.  50  de  large  au  transept;  la 
nef  centrale  a 20  m.  de  haut 
sur  8 m.  60  de  la  large.  Le 
plan  n’est  pas  en  croix  grecque, 
car  la  nef  a trois  travées.  On  y 
observe  des  traces  nombreuses 
d’influence  byzantine,  mais  la 
décoration  extérieure  est  dans 
le  goût  arméno-géorgien . Au 
lieu  de  laisser  se  dessiner  les 


GUIDE  AU  CAUCASE 


83 


males,  des  colonnes  brisées,  des  pierres  sculptées,  en- 
sevelis à moitié  dans  l’enceinte,  attestent  la  magnifi- 
cence passée  de  l’édifice  démoli  et  saccagé  en  1692  par 
les  Turcs.  Des  rues  larges,  des  places  plantées  d’arbres, 
de  nombreux  jardins  entourant  les  maisons  donnent  à 
Koutaïs  un  aspect  gai  et  riant,  tandis  que  le  mont 
Khomli  prête  à l’ensemble  du  paysage  un  certain  carac- 
tère de  grandeur.  Appuyée  aux  premiers  renflements 
des  avant-monts  du  Caucase,  la  ville  est  abritée  des 
vents  du  N.,  mais  exposée  en  été  à des  chaleurs  étouf- 
fantes et  surtout  au  terrible  vent  d’E. 

Route  3.  — De  Koutaïs  au  monastère  de  Motza- 
meth  (5  v.,  en  voiture  ou  à cheval ).  Ce  couvent  est 
consacré  aux  martyrs  David  et  Constantin,  de  l’ Al- 
goutch,  morts  pour  la  foi  durant  l’expédition  de  Mour- 
van-Krou,  vers  l’an  730.  Le  chemin  par  lequel  on  y 
arrive  est  taillé  dans  le  rocher  : le  lit  de  la  Tskhali- 
Tsithéla  qui  coule  au  bas,  au  milieu  de  deux  rocs  per- 
pendiculaires, offre  quelques  points  de  vue  pittoresques. 
Reliques  de  saints  ; images,  etc. 

Route  4.  — De  Koutaïs  au  monastère  de  Ghélath 
(10  v.,  en  voiture  ou  à cheval ).  En  sortant  par  le 
faubourg  des  Juifs,  on  suit  la  vallée  du  Rion  encaissée 
entre  les  montagnes  sur  les  flancs  desquelles  on  voit  çà 
et  là  des  habitations  et  des  ruines  de  forteresses.  Puis 
le  chemin  tourne  à droite  et  s’éloigne  graduellement  de 
la  rivière.  Par  une  rampe  un  peu  longue,  on  atteint  un 
col  d’où  l’on  aperçoit  le  couvent  fièrement  assis  sur  le 
contrefort  avancé  de  montagnes  boisées.  Après  une 
descente  assez  raide,  on  franchit  à gué  la  Thaltitéli  ou 
Krasnaïa-ritchka  (rivière  rouge),  et  on  gravit  pénible- 
ment la  montée  qui  conduitau  monastère.  En  pénétrant 
dans  lacour,  on  jouitd’un  panorama  splendide  qu’offrent 
les  riantes  vallées  qui  s’étendent  à vospiedset  lamasse 
imposante  du  Khomli  ou  roche  de  Prométhée  (Komli, 
en  géorgien,  signifie  flambeau).  Ghélath,  un  des  plus 
célèbres  monastères  de  la  Transcausasie,  fut  fondé  par 
le  roi  David  le  Réparateur  entre  les  années  1089  et  1125. 
D’abord  asile  de  moines,  le  roi  Bagrat  III  au  XVIe  s., 
et  le  patriarche  Malakiou  l’ont  érigé  en  évêché.  Ce 
monastère  est  consacré  à la  Nativité  de  la  Vierge, 


84 


GUIDE  AU  CAUCASE 


comme  l’indique  son  nom.  Ghélath  ou  Ghénath  est  la 
forme  altérée  clu  mot  grec  yevlOXiz  (nativité).  Larichesse 
et  la  diversité  des  objets  sacrés  qu’il  renferme  font 
supposer  que  Ghélath  a été  l’abri  où  ont  été  déposés 
les  trésors  de  plusieurs  églises,  entre  autres  de  celle  de 
Pitzounda  (Bidchwinta),  lorsque  les  Turcs  s’en  empa- 
rèrent. L’iconostase  de  l’église  principale  est  moderne, 
mais  orné  d’images  magnifiques  anciennes,  à émaux 
cloisonnés.  A gauche,  celle  de  Khakhoul  1 (XIIe  s.;  à 
droite,  celle  dite  « de  la  Prière»2.  Dans  la  sacristie  une 

1.  Cette  image  célèbre  fut  apportée  de  Khakhoul,  d’une 
église  bâtie  pour  elle  par  le  roi  David  le  Réparateur,  au  XIIe  s. 
Les  inscriptions  prouvent  qu’elle  a été  ornée  et  embellie  pen- 
dant plusieurs  siècles.  Parmi  les  pierreries  qui  ornent  les 
fonds  et  qui  avaient  des  noms  spéciaux,  il  y a seize  sceaux 
royaux  différents,  avec  légendes  arabes,  coufiques  et  géor- 
giennes. Des  trente-deux  anciens  émaux  cloisonnés  qui  gar- 
nissent le  panneau  central  et  les  vantaux  (les  58  autres  sont 
plus  modernes  et  ont  remplacé  ceux  qui  ont  été  perdus  ou 
volés),  il  y en  a un  remarquable.  On  y voit  un  Christ  en  croix 
vêtu  de  la  robe  sans  couture  le  (Voir  la  note  1.  Itiné- 

raire D,  route  1.  Mtzkhet.)  Il  y a une  quinzaine  d’années  le 
revêtement  en  or  de  la  Vierge  du  cadre  intérieur,  qui  avait  des 
miniatures  historiques  fort  intéressantes  et  était  constellé  de 
pierres  précieuses,  a été  volé,  et  c’est  à Moscou  qu’on  a fait 
refaire  le  nouveau  qui  ne  peut  être  comparé  à l’ancien.  Ce 

frand  triptyque,  en  argent  doré  repoussé  et  ciselé,  mesurant 
m.  de  large  sur  1 m.  50  c.  de  haut,  est,  comme  finesse  de 
dessin  et  de  travail,  un  véritable  chef-d’œuvre, 

2.  La  figure  de  la  Vierge  est  grave  ; elle  étend  la  main  en 
signe  d’octroi  d’une  grâce  ; l’Enfant-Jésus  bénit  ; sa  pose  est.de 
même  que  celle  de  la  mère,  calme  et  digne.  Elle  a l’aspect 
d’une  divinité  ; elle  reçoit  l’hommage  du  roi  Bagrat  agenouillé 
et  parait  y répondre.  La  Vierge  et  l’Enfant-Jésus,  d’une  carna- 
tion vigoureuse,  de  tons  chauds,  les  yeux  grands  et  noirs,  un 
peu  ronds,  à sourcils  longs  et  droits,  ont  les  traits  bien  accen- 
tués du  type  juif.  A droite,  on  lit  : «Très  sainte  mère  de  Dieu, 
intercède  le  Seigneur  pour  moi  roi  des  rois,  Bagrat,  de  beau- 
coup le  plus  pécheur  de  tous  les  hommes,  présentementet  dans 
l’éternité,  devant  ton  fils.  » La  Vierge  porte  une  robe  foncée, 
bordée  d’or,  un  voile  d’étoffe  jaunâtre  ; l’Enfant-Jésus,  une 
robe  rouge  et  un  vêtement  vert  à plis  jaunes.  Les  deux  têtes 
sont  entourées  d’auréoles  en  émail  cloisonné  vert  émeraude. 
Bagrat.  avec  une  couronne  d’or  et  ornements  noirs,  a un 
manteau  bleu  foncé  doublé  d’hermine,  un  vêtement  rouge  vif, 
une  ceinture  jaune  à lignes  noires  et  des  agrafes,  d’or.  Les 
cheveux  sont  rougeâtres,  la  barbe  noire,  les  lèvres  et  l’oreille 
très  colorées. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


85 


foule  de  croix,  manuscrits,  mitres,  broderies,  etc. 
L’image  deBidchwinta  la  croix  de  David  le  Réparateur, 
la  bague  du  roi  Georges  1 sont  des  échantillons  curieux 
de  l’art  indigène.  A gauche  du  chœur  où  est  enchâssée 
la  belle  mosaïque  donnée  par  l’empereur  Alexis  Com- 
mène  au  roi  David  le  Réparateur,  et  représentant  la 
Vierge  et  les  archanges  Michel  et  Gabriel,  on  voit  sur 
le  mûries  portraits  en  pied  de  Roussoudane,  Bagrat  III, 
Ghiorghi  I,  Hélène,  Bagrat  IV,  Evdémon  yCatholicos 
d’Abkhazie),  David  le  Réparateur.  D’autres  peintures 
murales  rappellent  différents  épisodes  historiques  ou 
religieux  et  ont  quelque  intérêt  parce  qu’elles  montrent 
les  anciens  costumes  royaux  et  ceux  des  évêques  d’I- 
méréthie.Le  sépulcre  du  roi  David  se  trouve  dans  une 
chapelle  fort  délabrée  attenant  au  couvent;  sur  la  pierre 
tombale  est  gravée  l’inscription:  « Autrefois  j’ai  offert 
un  festin  à sept  rois  qui  furent  mes  hôtes  ! Telle  était 
ma  puissance  que  j’ai  chassé  les  Persans,  les  Turcs  et 
Arabes  de  mes  frontières.  J’ai  mis  les  poissons  d’une 
mer  dans  l’autre  (c’est-à-dire  de  la  mer  Noire  dans 
la  mer  Caspienne),  et  moi  qui  étais  si  fort,  je  suis 
maintenant  couché  ici  les  bras  croisés  ! » Près  de  la 
tombe  est  une  porte  en  chêne  bardée  de  plaques  de  fer  ; 
David,  après  avoir  pris  d’assaut  Derbent  peut-être  ou 
plutôt  probablement  Gandja  (Elisabethpol),  en  aurait 
emporté  les  portes  et  aurait  ordonné,  avant  de  mourir, 
qu’on  déposât  près  de  sa  sépulture  ce  glorieux  trophée2. 

Route  5.  — De  Koutaïsaux  Vallées  de  la  Tské- 
nis-tskhali  et  del’Ingour3(à  cheval).  C’estde  Koutaïs 
que  se  visite,  de  préférence,  au  moisd’août  laSouanétie, 
c’est-à-dire  les  vallées  hautes  de  la  Tskhénis-tskhali  et 


1.  Cette  bague  en  or,  datant  du  XI-  s.,  porte  une  inscription 
géorgienne,  en  émail  noir,  tracée  autour  de  l’ovale  où  est  gravé 
saint  Georges  ; on  lit:  « Saint  Georges  ! moi,  Georges,  m’ap- 
puyant sur  ta  force,  je  bats  mes  ennemis.  »Or,ce  roi  Georges  II, 
est  le  père  de  David  le  Réparateur  auquel  on  avait  attribué 
jusqu’à  présent  ce  bijou.  Brisée,  cette  bague  de  pouce  (usitée 
encore  dans  toute  la  Transcaucasie)  est  de  grande  dimension, 
son  cbaton  s’ouvre  et  renfermait  probablement  des  reliques. 

2.  D’après  Orsolle. 

3.  D’après  Bœdeker. 


86 


GUIDE  AU  CAUCASE 


de  ringour,  jusqu’à  l’enclroit  où  les  deux  rivières  tour- 
nent de  l’O.  au  S.  Celle  de  la  Tskhénis-tskhali  a envi- 
ron 60  v.  de  long,  mais  il  n’y  en  a qu’une  petite  partie 
cultivée,  et  là  où  il  n’y  a pas  de  forêts  ou  de  pâturages, 
les  versants  des  montagnes  présentent  des  rochers  à 
nu.  Il  y a trois  localités,  dont  les  habitations  sont  très 
dispersées;  Lenttiéki,  dans  le  bas  ; Tcholouri  ou 
Tchokhir  et  Lachkéti,  la  dernière.  Elle  aboutit  à la 
chaîne  centrale,  où  est,  au  N. -O.  le  Pazi-Mta,  par  où 

l’on  passe  dans  la 
vallée  du  Tchérek. 
La  vallée  haute  de 
l’Ingour  , fermée 
au  N.  par  les  prin- 
ci  pau  x som  mets  de 
la  chaîne  centrale, 
comprend  dans  la 
partie  supérieure 
quatre  localités 
dites  la  Souanétie 
Libre  : Ouchkoul 
(2.165  m.),  Kala,  Adich  (2.160  m.)  et  Moujal 
(1.600  m.)  et  dans  sa  partie  inférieure  Latal  (1.338  m.), 
Betcho  (1,280  m.),  Pari  (1.419  m.),  et  Lachras 
(1.016  m.j,  désignés  ensemble  sous  le  nom  de  Dadich- 
kiliani,  d’après  une  famille  princière  qui  y demeure. 
Les  vallées  de  la  Tskhénis-tskhali  et  de  l’Ingour  sont 
séparées  par  une  croupe  de  montagnes  calcaires  d’une 
hauteur  considérable,  que  traversent  le  col  de  Latpari 
à l’E  (v.  ci-dessous)  et  les  cols  de  Lazil  et  de  Latal  à 
l’Ô.  Une  excursion  de  Koutaïs  jusqu'au  col  de  Lat- 
pari demande  trois  jours  (six  jours  aller  et  retour  par 
le  même  chemin),  et  cela  donne  une  idée  du  temps  que 
prendrait  un  plus  long  tour  de  ce  côté.  On  suit  la  nou- 
velle route  de  Mamisson  1 dans  la  vallée  du  Rion, 
jusqu’à  Albani  (20  v.),  puison  traverse  à l’O.  la  chaîne 
de  hauteurs  peu  considérables  qui  la  sépare  de  celle  de 
Tskhénis-tskhali.  Ensuite  on  passe  au  N.  par  Mouri 
ou  Zakiiéri  et  par  une  magnifique  forêt  d’où  l’on  ar- 

1.  Voir  itinéraire  E.,  route  14.  De  Vladikawkaz  à Koutaïs. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


rive  à Lenthéki  et  à Tcholouri.  Le  montée  au  col  de 
Latpari  (2.827  m.)  est  assez  raide.  La  vue  de  ce  col 
ou  mieux  d’un  point  env.  100  m.  plus  haut,  embrasse 


le  côté  S.  de  la 
chaîne  centrale 
avec  ses  cimes  gi- 
gantesques et  ses 
glaciers.  A l’E.  ou 
à droite,  les  parois 
colossales  et  déchi- 
queiées  du  Chkara 
et  du  Djanga  ; à 
l’O.,  les  hères  py- 
ramides de  Ghez- 
tola  et  du  Tet- 
nould  (5.091  m.), 
gravi  en  1887  par 
Freshfield.  En  re- 
descendant du  col 
au  N.,  on  voit  la 
double  cime  de 
rOuchba  ( 4.759 
m.),  le  Cervin 
du  Caucase.  On 
trouve  un  gîte  au 
bas  du  col , au 
((  doukhan  » (caba- 
ret) de  Kala.  De 
là.  on  peut  aller  à 
l’O.  par  Moujal, 

Meztia  (1  402  m.  ) 
et  Betcho  , sur 
l’Ingour  , jusqu’à 
Zougdidi  , rési- 
dence des  Dadians, 
famille  princière 
de  Mingrélie,  d’où 
une  route  mène  à S amtrédi  (42  v ),  à 11-14  jours  de  mar- 
che  de  Kala.  A l’E.  de  Kala,  on  va  par  la  région  ou  sont 
les  sources  de  la  Tskhénis-tskhali  dans  la  vallee  supé- 
rieure du  Rion,  nommée  Ratcha.  11  y a par  la  trois 


88 


GUIDE  AU  CAUCASE 


cols  à traverser  l’un  après  l’autre,  les  colsdeNAKZAGAR 
(2.662  ni.),  de  Nochka  (2.580  m.)  et  de  Goribolo 
(2.927  m.).  Vue  superbe  sur  la  chaîne  centrale,  d’Ou- 
chba  à l’Adaï*Kokh.  Il  y a trois  journées  de  marche 
d’OucHKOUL  (v  ci-dessus  > à Ghébi,  dans  la  vallée  su- 
périeure du  Rion.  et  il  faut  coucher  deux  fois  en  plein 
air.  Ensuite  on  gagne  la  route  de  Mamisson.  De 
Ghébi,  on  gravit  en  sept  heures  le  Choda  (3.628  m.), 
d’où  la  vue  est  très  étendue.  On  peut  aussi  retourner  à 
Koutaïs  en  quittant  la  vallée  du  Rion  à l’embouchure 
du  Khotévi  et  descendant  par  Nikhortzminda  (forêt 
luxuriante),  Tkwibouli  et  Ghélati  : 3 à 4 jours  à che- 
val de  Ghébi. 

Route  6.  — De  Koutaïs  à Mouri  (Letchkhoum), 
par  Khoni  et  la  vallée  de  la  Tskhénis-tskali.  De 
Khoni,  et  par  une  longue  plaine,  on  entre  dans  la 
vallée  de  la  Tskhénis-tskali,  une  des  plus  accidentées 
et  des  plus  belles  du  Caucase.  Près  de  Bombouas- 
khédi  , à l’entrée  de  la  gorge  et  à gauche,  est  le  château 
de  Gordi  appartenant  au  prince  Nicolas  de  Mingrélie, 
et  qui  mérite  d’être  visité1.  On  gagne  Gvédi,  village 
groupé  près  d’une  tour  carrée.  Quelques  maisons  des- 
cendent jusqu’au  torrent,  la  plupart  dominent  la  route. 
A une  heure  et  demie  de  marche,  on  trouve  la  « source 
de  la  reine  ».  Un  peu  plus  loin,  au  tournant  d’une  côte 
est  le  hameau  de  Lazgwéria.  A 7 ou  8 v.  de  là,  on 
franchit  la  Tskhénis-tskhali  sur  un  pont  de  pierre  et 
on  aperçoit  la  citadelle  et  le  village  d’IssouDÉRi.  On 
atteint  Okouréchi  bâti  sur  un  mont  déboisé.  L’église 
en  pierre  est  entourée  d’une  galerie,  et  possède  quelques 
images.  On  côtoie  de  loin,  par  une  longue  montée,  la 
rive  gauche  de  la  Tskhénis-tskhali  et  l’on  arrive  à 
Aghvi.  C’est  l’entrée  du  Letchkhoum  fermé  au  N.  par 
le  Caucase  souane,  à l’E  et  à 10.  par  la  Tskhénis- 
tskhali,  la  Djanoura,  au  S.  par  les  montagnes  et  les 
rochers  qui  le  séparent  de  l’Iméréthie.  Recouvert  d'une 
excellente  terre  végétale  qui  produit  du  froment  et  un 

1.  L’église  de  Gordi  possède  une  image  de  la  Vierge  de  Lan- 
kbéran  apportée  au  Xe  s.,  par  Hélène,  fille  de  l’empereur 
d’Orient,  mariée  à Bagrat  IV. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


89 


petit  vin  doré  fort  agréable,  le  Letchkhoum  exposé  de 
toutes  parts  aux  bienfaisants  rayons  du  soleil,  renferme 
bon  nombre  de  villages,  une  population  paisible,  et 
jouit  d’un  climat  renommé  pour  sa  salubrité,  mais  sa 
haute  position  y rend  les  hivers  rigoureux.  DcNakou- 
raléchi  par  Naspir  ’Oudiéri’  Mtzkhéta.  Dekhwir, 
on  atteint  Mouri.  Tsaghéri  est  près  delà.  L’église, 
sans  coupole,  est  de  grandes  proportions;  elle  a une 
jolie  porte  en  if  sculpté. 

Route  7.  — De  Mouri1  à Lachkéti  (à  cheval ). 
En  sortant  de  Tsaghéri  on  s’élève  péniblement  sur 
une  haute  montagne,  puis  on  descend  au  Kourekqu’on 
traverse.  En  cinq  heures,  on  est  àLENTHÉKi;  c’est,  une 
citadelle  construite  sur  un  promontoire  au  bas  duquel 
se  réunissent  la  Khélédoula  et  la  Laskadoula;  quelques 
maisons  du  village  voisin  offrent  un  gîte  suffisant  aux 
voyageurs.  On  est  en  Souanétie  mingrélienne.  En 
quelques  verstes  on  entre  à Ghoudili,  puis  à Tchilouri. 
Jusqu’à  Loudji,  la  route  passe  et  repasse  la  Tskhénis- 
tskhali  ; on  ne  voit,  que  des  vallées  charmantes,  de 
jolis  villages  aux  maisons  de  pierre  crénelées.  Lachkéti 
est  le  dernier  endroit  habité  sur  la  Haute-Tskhénis- 
tskhali2. 

Route  8.  — De  Koutaïs  à Laïlachi  (Letchkhoum) 
(60  v.),  en  phaéton  jusqu'au  pont  d’Àlpani  ; de  là  (à 
cheval).  De  Koutaïs,  on  suit  la  rive  droite  et  la  vallée 
du  Rion  ; on  passe  par  les  villages  Opichkti  etMERK- 
wéna,  D’Alpani  on  s’engage  dans  le  défilé  de  Landja- 
nouri;  on  tourne  à droite  et,  par  une  montée  de  3 v., 
on  atteint  Laïlachi. 

Route  9.  — De  Koutaïs  à Betcho  (Souanétie) 
(179  v.  1/2,  à cheval ),  par  Namokhovani  (21  v.), 

1.  De  Mouri,  on  peut  descendre  à Laïlachi,  et,  par  la  vallée 
du  Rion,  aller  au  Ratcha.  à Koutaïs;  ou  bien  on  peut  par 
le  N pénétrer  en  Souanétie 

2.  En  une  journée  on  peut  entrer  dans  la  vallée  des  princes 
Dadichkiliani  et  de  là  aux  sources  de  la  Maka;  ou  bien 
pénétrer  dans  la  Souanétie  libre,  mais  la  route  est  meilleure 
par  Mouri  et  Lenthéki.  Enfin,  on  peut  se  rendre  au  Ratcha 
soit  en  gagnant  les  sources  du  Rion.  soit  en  suivant  la  vallée 
de  la  Djanoura  et  en  tournant  à l’E.  de  Saïrmo  vers  Oni. 


90 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Tviciii(21  y.),  Alpano  (8v.),Orbéli (10v.),Mouri (8v.), 
Liskouri  (24  y.),  Loudji  (19  y.  1/2),  Davbéri  «20  v.), 
Ipar  (17  v.),  Gémoukh  (7  v.),  Mesti  (7  v.),  Latal 
(9  y.),  Retcho  (8  v.). 

Route  10,  — De  Koutaïs  à Oni  et  Glola  Ratclia), 

(à  cheval ),  par  Tkwibouly,  Nicortsminda,  Khotévi, 
Outséra  (haute  vallée  du  Rion).  Tkwibouly,  qui  est 
relié  à Koutaïs  par  une  voie  ferrée,  est  situé  sur  le 
haut  de  la  Dzévroula,  au  pied  du  mont  Sagoré  et  est 
connu  par  les  riches  mines  de  houille  qu’on  commence 
à y exploiter.  Après  la  rude  montée  de  Nakérala,  on 
redescend  à travers  quelques  taillis.  Au  bas,  un  beau 
lac  très  poissonneux,  nommé  Kharis-tchwali  (œil  de 
bœuf),  étend  ses  eaux  bleues.  Le  torrent  Khaor,  qui 
se  perd  sous  la  terre  pour  en  ressortir  à quelque  dis- 
tance, arrose  une  plaine  qui  lors  des  grandes  pluies 
est  inondée,  et  comme  elle  est  accidentée  de  trous 
profonds,  le  passage  en  devient  souvent  dangereux. 
Bientôt  l’église  de  Nicortsminda  s’aperçoit  au  loin.  A 
gauche,  dans  un  bois,  on  peut  aller  voir  une  glacière 
naturelle,  dont  les  abords  sont  assez  difficiles.  Un 
grand  rocher  est  percé  d’une  ouverture  surbaissée  par 
laquelle  on  pénètre,  sur  des  éboulis  de  pierres,  au  fond 
d’une  caverne  de  2 pieds  de  haut.  Des  stalactites  de 
glace  se  forment  sous  une  fente  d’où  l’eau  suinte,,  et, 
dans  le  fond,  est  un  réservoir  dont  la  surface  est 
couverte  d’une  glace  solide.  L’église  épiscopale  de 
Nicortsminda  (XL  s.),  résidence  de  l’évêque  du 
Ratclia,  est  un  très  joli  édifice,  en  forme  de  croix,  à 
haute  coupole,  orné  de  sculptures  à la  manière  géor- 
gienne. Beau  parvis  à l’O.;  chapelles  au  N.  et  au  S.; 
peintures  grecques;  images,  croix,  etc.  Par  Khotévi 
on  va  à Ambrolaour.  On  traverse  le  Rion  à Kidio- 
thavi  où  l’étroit  passage  est  gardé  par  une  forteresse,  et 
on  atteint  Sori.  De  là  à Oni,  il  y a une  quinzaine  de 
verstes.  Toute  cette  vallée  du  Rion  ressemble  à celle  de 
la  Souanétie  mingrélienne.  La  route,  longeant  la  rive 
droite  de  la  rivière,  arrive  à Oijtséra  (10  v.).  A côté, 
des  sources  ferrugineuses  carbonatées  sortent  de  terre, 
et,  un  peu  plus  haut  dans  le  village,  des  eaux  g azeuses 
dégagent  des  exhalaisons  très  fortes.  D 'Outséra  on 


GUIDE  AU  CAUCASE 


91 


continue  sur  Glola.  De  sa  belle  et  forte  citadelle,  il 
ne  reste  que  des  pans  de  mur.  Elle  s’élevait  sur  un 
mamelon  très  raide  et  commandait  le  village  placé 
entre  elle  et  la  Bokona,  torrent  furieux  qui  ronge 
incessamment  les  terres.  C’est  dans  une  de  ses  inon- 
dations qu’il  a balayé  le  village  reconstruit  depuis  dans 
un  endroit  moins  exposé  à ses  ravages1.  D'Outséra, 
on  peut  remonter  le  Rion  jusqu’à  son  confluent  avec 
la  Glola,  puis,  tournant  à gauche,  on  atteint  par 
Chiora  le  bourg  de  Ghébï  dont  les  maisons  en  pierre, 
crénelées,  ont  bonne  apparence.  Au  delà  de  la  dernière, 
on  domine  le  Rion,  petit  et  étroit,  qui  prend  sa  source 
à peu  de  distance  et  n’a  plus  sur  ses  rives  d’autre  village 
que  celui  de  Khidour.  Jusqu’à  Lachkéti,  il  y a une 
journée  de  marche,  et,  par  Tcholour,  Lenthéki,  on 
peut  déboucher  dans  la  vallée  de  la  Tskhénis-tskhali. 

Route  11.  — De  Oni  à Kwirila.  station  du  chemin 
de  fer  Poti-Batoum-Tiflis-Bakou  (101  v.  1/2,  à cheval). 
On  gravit  pendant  quatre  heures  la  montagne  qui 
sépare  le  bassin  du  Rion  de  celui  de  la  Kwirila  nommée 
par  les  Géorgiens  Satzalici  et  Cetzébi.  On  traverse 
Velthéthri,  Kwachkeheth,  Chkméri.  On  descend 
pendant  trois  heures  la  vallée  très  pittoresque  de  la 
Djourdchoula  et  la  route  tracée  par  le  général  Espéjo. 
Un  peu  avant  le  couvent  de  Djoudch,  le  chemin  tourne 
à gauche  pour  aller  dans  le  Karthli.  L’église  est  à 
coupole  et  sans  ornements  architectoniques,  mais  elle 
possède  le  plus  ancien  évangile  manuscrit  géorgien, 
daté,  de  l’année  pascale  936  de  Jésus-Christ  (c’est-à- 
dire  1032).  On  passe  à Satchkéri,  ou  mieux,  en  suivant 
la  vallée  de  la  Djourdchoula  et  celle  de  la  Kwirila,  on 
gagne  Mghvimévi,  village  à mi-côte.  Dans  le  haut, 
s’ouvre  une  grande  caverne  où  ont  été  bâties  deux 
églises.  Pour  en  affermir  remplacement,  on  a fait  une 
construction  en  maçonnerie  qui  soutient  le  rocher  et  le 
poids  des  édifices.  Au  fond  de  la  caverne,  une  source 
suinte  à travers  le  rocher,  et  là  où  l’eau  tombe  il  s’est 
formé  un  cône  de  sédiment  pierreux  comme  celui  de  la 
source  de  Saint- Allyre  prè£  de  Clermont  en  Auvergne  ; 


1.  D’après  Brosset. 


92 


GUIDE  AU  CAUCASE 


le  surplus  des  eaux  s’écoule  dans  un  chéneau  creusé 
dans  le  roc.  Une  autre  grotte  aussi  intéressante  est 
celle  d’où  sort  la  Tchiatoura.  affluent  de  la  Kwirila  et 
qui  jaillit  en  cascade  de  la  paroi  du  fond.  La  grande 
église  de  Mghvimévi  est  très  ornée  extérieurement  et 
doit  avoir  plusieurs  siècles  de  date.  La  porte  est  en 
ceps  de  vigne  très  joliment  ouvragés.  De  Mghvimévi, 
en  poursuivant  vers  LO.  au  milieu  d’affleurements  de 
manganèse,  on  suit  la  rive  de  la  Kwirila,  et  en  prenant 
à droite,  il  faut  aller  visiter  l'église  de  Katsky,  placée 
au  point  le  plus  élevé  du  dernier  promontoire  des 
hauteurs  qui  séparent  la  Katskoura  de  la  Kwirila. 
Très  originale  et  comparée  à une  coquille  d’huître  à 
cause  de  sa  forme  due  à la  fantaisie  d’un  architecte  de 
talent,  l’église  est  en  croix  à l’intérieur,  de  hauteur 
médiocre,  ornée  d’une  coupole  à 12  fenêtres  décorées  de 
sculptures.  Les  constructions  dont  elle  est  entourée  et 
qui,  du  côté  de  l’O.  lui  donnent  une  forme  circulaire, 
ne  s’élèvent  que  jusqu'à  la  naissance  de  la  coupole. 
Dans  l’intérieur,  le  long  de  l’iconostase,  il  y a une 
foule  de  richesses  comme  croix,  images,  évangiles,  etc. 
De  l’esplanade  du  couvent,  vers  le  N.,  on  aperçoit  le 
cône  de  pierre  nommé  svèti  (colonne)  au  sommet  duquel 
on  ne  sait  quelle  industrie  a bâti  la  petite  église  de 
Saint-Siméon.  L’excursion  est  facile.  Les  princes  Léo- 
nitzé  qui  possèdent  là  des  propriétés  considérables, 
offrent  l’hospitalité  la  plus  gracieuse  aux  voyageurs 
qui  passent  sur  leurs  terres.  Les  grottes  de  stalactites  de 
Varkméla  méritent  aussi  d’être  vues.  Jusqu’àKwirila, 
il  y a 28  verstes  par  Djokovéti  et  Délikaouri  ; mais  en 
traversant  la  Kwirila  près  de  Katsky,  en  remontant 
par  une  pente  très  escarpée,  et  en  descendant  vers  le 
bassin  de  la  Dziroula,  on  va  à Oubé  dont  l’église  en 
pierre  détaillé,  sans  coupole,  mais  voûtée  à l’intérieur, 
a quelques  peintures  et  des  images.  Près  de  l’église  est 
une  tour  carrée  pour  un  ermite  (XIIe  s.)  dans  le 
genre  de  celle  de  Martvili.  D’Oubé  à Bélagori,  à 
travers  champs,  on  rejoint  la  ligne  du  chemin  de  fer, 
mais  le  passage  à gué  de  la  Tchkhéréméla  est  souvent 
difficile  \ 

1.  D’après  Brosset. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


93 


Route  12  De  Routais  à Tkwibouly  (40  v.,  en 

chemin  de  fer)  par  Ghélath,  Cernévodi. 

Route  13.  — De  Koutaïs  à Abastouman  (92  y, 

environ,  en  voiture  ou  à cheval).  Prix  d’un  phaéton  : 
30  à 40  r.  On  traverse  la  plaine  d’Adjameth  et  la 
Kwirila.  Un  peu  au-dessous  de  Varsikhé,  ancienne 
résidence  de  Gamba,  se  voient  les  ruines  du  château 
qu’Alexandre,  roi  d’Iméréthie,  restaura  ; elles  couvrent 
le  sommet  d’unecolline  plate  qui  domine  la  rive  gauche 
de  la  Kwirila  à peu  de  distance  de  son  confluent  avec 
le  Rion.  On  se  dirige  vers  Bagdad  ; en  remontant  la 
rive  droite  de  la  Kani-tskhali  on  traverse  des  bois,  des 
fourrés,  et  le  village  de  Doketti;  on  longe  une  église 
ornée  de  sculptures  et  d’inscriptions  géorgiennes.  Delà 
on  entre  dans  une  forêt  de  poiriers  sauvages  avec  des 
clairières  semées  d’habitations.  On  commence  à monter 
dans  la  gorge  où  les  maisons  de  Bagdad  sont  semées 
en  amphithéâtre.  Un  fort  carré  et  abandonné  est  une 
construction  des  Turcs  qui  en  furent  délogés  en  1770 
par  le  général  Totleben.  Non  loin,  à droite,  est  l’église 
de  Persati,  placée  à 1500  p.  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer.  En  suivant  le  cours  de  la  Khani-tskhali  encaissée 
entre  deux  murailles  de  grès  verdâtre,  et  par  un  chemin 
taillé  le  plus  souvent  dans  la  paroi  ou  sur  les  assises 
du  rocher,  on  rencontre  les  villages  d’AusMÉRETH,  de 
ZÉGouRietde  Khané.  Ce  dernier,  dont  le  nom  géorgien 
signifie  « longtemps  »,  est  bâti  à plusieurs  étages  dans 
un  élargissement  de  la  vallée  ; le  Haut-Khané,  à 700  p. 
au-dessus  de  la  rivière,  est  dominé  par  une  large  plate- 
forme sur  laquelle  sont  ramassées  une  trentaine  de 
maisons  de  bois  entourées  de  vignes  et  groupées  autour 
de  l’église  rebâtie  depuis  1832  avec  les  matériaux  d’une 
plus  ancienne  qui  était  défendue  par  une  muraille. 
De  Khané  on  monte  sur  de  grands  massifs  de  rochers 
d’où  la  vue  plane  sur  de  sombres  gouffres  au  fond 
desquels  écume  le  torrent.  On  trouve  encore  sur  la 
hauteur  quelques  champs  de  maïs,  puis,  au  bout  de 
quelques  verstes,  on  quitte  toute  trace  de  culture  pour 
redescendre  jusqu’à  Abastouman  par  un  chemin  raide 
et  sauvage,  mais  au  milieu  d’une  végétation  superbe*. 

1.  D’après  Dubois  de  Montpéreux. 


94 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Route  14.—  De  Koutaïs  à Vladikawkaz (220  v. ) 

grande  route,  par  la  vallée  du  Rion,  on  monte  à Oni , 
Glola , Gourchavi , On  franchit  le  col  de  Mamisson 

(2,800  m).  Puis, 
on  descend  à 
Kzourtè , i?Ls,dans 
la  vallée  de  l’Ar- 
done.  On  passe  à 
Aiaghir  et  par 
Arkonskaïa  on 
arrive  à Vladi- 
kawkaz, ( Voir  iti- 
néraire E , route 
14,) 

Route  15.  — 
De  Koutaïs  à 
Rion  (8  v.,  en  chemin  de  fer).  Voir  route  2. 

Route  1 (suite),  — De  Rion  à Kwirila  (28  v.,  en 
chemin  de  fer).  Avant  Adjaméthi,  à gauche,  sàiperçoit 
la  villa  Tchognary,  ensevelie  sous  la  verdure  et  les 
roses  ; à droite  s’étendent  de  vastes  forêts  giboyeuses. 
Suiri  est  renommé  pour  ses  vins.  Kwirila  [buffet). 
Chef-lieu  de  district.  1,500  hab.  Poste  aux  lettres . 
Télégraphe,  Iiôtel  de  France,  Entourée  de  coteaux 
fertiles,  cette  petite  ville  est  une  station  très  animée  où 
est  concentré  tout  le  commerce  du  manganèse  dont  les 
gisements  occupent,  dans  le  district  de  Chorapan  et 
dans  le  bassin  de  la  Kwirila,  une  superficie  126  v. 
carrées. 

Route  16.  — De  Kwirila  à Satchkéri  (54  v., 

à cheval)  par  Boslévi.  Tchiatouri.  De  Kwirila  il  y 
a trois  chemins  : ou  bien  l’on  suit  presque  constamment 
la  rivière  de  ce  nom  en  passant  par  Boslévi  (c’est 
par  là  que  viennent  les  minerais  entreposés  à Tchia- 
touri et  provenant  des  communes  de  Zéda-Rgami, 
Gvimévi  et  d’ARKvÉTi)  ; ou  à travers  les  montagnes  on 
gagne  Katsky  (c’est  par  là  que  viennent  les  minerais 
de  Rgami)  ; ou  enfin  par  Oulévi,  en  suivant  le  sommet 
du  plateau  jusqu’à  la  rivière  Dziroula,  qu’on  traverse 
à gué,  on  atteint  les  gisements  d’iTKvisst,  Ciioukrouti 


De  Koutaïs  à Vladikawkaz  par  le  col  de  Mamisson. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


95 


et,  Pérévissi  ; (c’est,  par  cette  voie  qu’on  transporte  les 
minerais  de  la  rive  gauche  de  la  Kwirila).  Un  chemin 
de  fer,  en  construction,  reliera  Kwirila  à Tchiatouri 
dans  quelques  mois. 

Route  17.  — De  Kwirila  Oni  (101  v.  1/2,  à cheval) 
par  Boslévi  (12  v.),  Mordzoneti  (14  v.),  Keïamouri 
(10  v 1 /2),  Satchkéri  (14  v.  1/2),  Dgrutchi  (13  v.  1/2), 
Schkméri  (19  v.),  Oni  (18  v.). 

Route  1 (suite). — De  Kwirila  à Mikhaïloff  (59  v., 
en  chemin  cle  fer)  par  Dzérouli,  Bélagori  (buffet), 
Marélisé,  Béjétoubani,  Varvarino  (buffet),  et 
Mikhaïloff  (buffet). 

C’est  à Béjétoubani  que  commencent  les  pentes  de 
Souram.  La  locomotive  est  dételée  et  remplacée  par 
deux  machines  Fairley.  Le  train  remorqué  par  ces 
engins  puissants  monte  lentement  vers  le  col.  Au  fond 
de  la  vallée  de  la  Tchkhéréméla  dont  les  eaux  coulent 
pures,  et  sur  lesquelles  sont  jetées  quelques  frêles 
passerelles  en  clayonnage,  mille  ruisseaux  se  précipitent 
en  une  série  de  cascades;  des  forêts  et  des  bouquets 
d’azalées,  de  rhododendrons,  de  clématites,  d’églantiers, 
couvrent  en  été  les  flancs  des  montagnes  ; de  vieilles 
forteresses  juchées  dans  des  situations  pittoresques 
donnent  à ce  paysage  le  charme  spécial  et  mélancolique 
propre  aux  ruines.  Après  Varvarino  la  voie  traverse 
par  un  tunnel  de  3 v.  1/2,  ouvert  en  1890,  la  croupe  de 
Souram  et  on  atteint  Mikhaïloff. 

Route  18.  — De  Mikhaïloff  à Souram  (4  v.  en 

chemin  de  fer  ou  en  voiture).  Buffet.  Poste  aux  lettres 
et  aux  chevaux.  Télégraphe  en  toute  langue).  Camp 
d’été  pour  l’armée.  Souram,  le  Sourion  de  Ptolémée, 
le  Surium  de  Pline,  le  Sourami  de  Vakhoucht,  est  une 
petite  bourgade  de  la  Kartalinie,  située  à douze  verstes 
du  col  de  Lhiki  qui  sépare  la  Géorgie  de  l’iméréthie. 
C’était  là  que  passait  la  route  commerciale  qui  reliait 
les  colonies  grecques  du  Pont-Euxin  à l’Ivérie  et  à la 
Perse.  Les  marchandises  remontaient  le  Phase  (Rion) 
et  la  Kwirila  jusqu’à  Chorapan  d’où  on  les  chargeait 
sur  des  chevaux  ou  des  chameaux  pour  franchir  les 
montagnes  meskiennes  et  atteindre  les  bords  du  Cyrus 


96 


GUIDE  AU  CAUCASE 


(Koura)  où  recommençait  la  navigation.  Souram  est 
baigné  par  le  ruisseau  du  même  nom  qui  se  jette  un  peu 
plus  bas  dans  la  Koura.  Ses  environs  sont  d’une  fertilité 
remarquable  et  produisent  un  des  plus  beaux  froments 
de  la  Géorgie,  bien  que  la  plaine  de  la  Kartalinie  ait 
une  élévation  considérable  et  que  Souram  ne  compte 
pas  moins  de  2,113  pieds  de  hauteur  au-dessus  de  la 
mer  Noire.  Aujourd’hui  ce  bourg  de  1,500  habitants  ne 


Le  col  de  Souram  et  l’ancien  tracé  du  chemin  de  fer. 
D’après  la  carte  d’Élisée  Reclus. 


renferme  que  la  gare  du  chemin  de  fer,  quelques  bâti- 
ments de  l’Etat,  des  casernes,  des  hôpitaux  et  une  cen- 
taine de  maisons  géorgiennes.  En  revanche,  le  paysage 
est  caractérisé  par  l’imposante  ruine  qui  domine  le 
village.  Selon  Vakhoucht,  le  château  de  Souram  aurait 
été  fondé  au  IIe  s.  avant  Jésus- Christ  par  le  roi  Phar- 
nadjam,de  la  seconde  dynastie  géorgienne.  Cet  antique 
manoir  couronne  un  roc  isolé  qui  surgit  comme  un  îlot 
entre  les  deux  bras  delà  Souramka.  Là  vivait  un  seigneur 
suzerain  ( tkavad ),  un  de  ces  petits  despotes  que  les  rois 
du  Khartli  avaient  tant  de  peine  à contenir.  Sur  la  face 
S.-E.  du  château  on  remarque  une  muraille  crénélée  qui 
plonge  sur  l’abîme  et  semble  n’être  que  la  continuation 


GUIDE  AU  CAUCASE 


97 


du  rocher.  La  tradition  prétend  qu’un  des  seigneurs  de 
Souram  se  donna  beaucoup  de  mal  pour  construire  ce 
mur  qui  devait  compléter  la  défense  de  la  forteresse.  Il 
avait  beau  choisir  les  meilleurs  matériaux  et  surveiller 
lui-même  les  travaux,  rien  n’y  faisait,  et,  à peine  à la 
moitié  de  sa  hauteur,  l’ouvrage  maudit  s’écroulait.  On 
recommença  plusieurs  fois  à bâtir,  mais  toujours  en 
vain;  la  muraille  enchantée  s’obstinait  à tomber  en 
poussière.  Alors  l’architecte  déclara  qu’il  n’y  avait 
qu’un  moyen  de  rompre  le  charme,  et  que  ce  moyen, 
qui  lui  avait  été  révélé  par  un  songe,  consistait  à 
enterrer  vivant,  sous  les  fondements...  un  fils  unique  ! 
Grand  fut  l’étonnement  des  villageois  à la  nouvelle  de 
ce  nouveau  procédé  d’architecture,  mais  ils  se  tran- 
quillisèrent bientôt,  chargés  qu’ils  étaient  tous  d’une 
nombreuse  progéniture.  Cependant  on  découvrit  parmi 
eux  une  pauvre  veuve,  laquelle  n’avait  qu’un  fils  qui  la 
soutenait  parle  travail  de  ses  mains.  Le  malheureux 
remplissait  les  conditions  requises,  et  il  fut  désigné 
pour  être  descendu  dans  la  fosse.  Après  le  sacrifice  la 
muraille  s’acheva  si  heureusement  qu’elle  tient  encore 
aujourd’hui  ; seulement  elle  ne  sécha  jamais  entière- 
ment, et  l’humidité  qui  suinte  à sa  surface  est  attribuée 
aux  larmes  versées  par  la  mère  infortunée.  Une  vieille 
chanson,  connue  aux  environs  de  Souram,  exprime 
les  plaintes  de  la  pauvre  veuve  qui  parle  à son  fils 
Zourab  pendant  qu’il  est  peu  à peu  muré.  Elle  lui 
demande  s’il  l’entend,  s’il  est  encore  vivant,  et,  à la  fin 
des  différents  couplets,  Zourab  répond  qu’il  est  déjà 
enterré  jusqu’à  laceinture,  puis  qu’il  en  a jusqu'au  cou, 
et  enfin  ses  adieux  se  résument  dans  ce  cri  déchirant  : 
((  Waimé  déda  gavtavdi  ; ))  maintenant,  mère,  c’est  fini  ! 
Telle  est  la  légende  singulière  qui  se  rattache  au  château 
de  Souram  devant  lequel  le  voyageur  passe  avec  indiffé- 
rence. Aujourd’hui  abandonnée  aux  oiseaux  de  nuit  ce 
n’est  plus  qu’une  ruine  comme  il  y en  a tant  au 
Caucase. 

Route  19.  — De  Mikhaïloff  à Borjom,  (27  v.  1/2, 
en  équipages  cle  poste , omnibus , ghacton)  par  Savans- 
liskiiévi  (14  v.  1/2)  Borjom  (13  v.).  — Mikhaïloff 
[ Buffet . Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux.  Télégraphe . 

2e  PARTIE  7 


98 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Grands  ateliers  du  chemin  de  fer.  Auberges.)  Au  bout 
de  6 verstes,  on  entre  dans  le  défilé  de  la  Koura.  Des 
collines  boisées,  plantées  de  conifères  et  couvertes  de 
verdure  et  de  champs  de  maïs  escortent  le  voyageur 
tout  le  long  delà  route  qui  est  une  des  plus  charmantes 
du  Caucase.  Borjom,  à 3,048  p.  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer  Noire,  propriété  de  S.  A.  I.  le  grand-duc 
Michel  Nicolaïévitch. 

Hôtels  : <<  Cavaliersky  dôme»,  « de  Marseille  »,  de  « Berlin.  » 
Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux.  Télégraphe  en  toute 
langue.  Parcs  du  palais.  Remert,  Vorontzoff,  des  eaux  miné- 
rales. Etablissement  de  bains.  Casino.  Bibliothèque.  Bazar. 
Hôpital  mililaire.  Une  église  orthodoxe,  une  arménienne,  une 
école.  Maisons  meublées  à louer  depuis  400  r.  Chambres 
50  r.  environ,  pour  la  saison,  c’est-à-dire  depuis  le  15  mai 
jusqu’en  octobre. 

Saison  thermale  du  1er  juin  au  10  septembre.  Source 
((  Catherine»,  alcaline,  carbonatée.  Source  « Eugénie  » 
ferrugineuse,  alcaline,  carbonatée.  Source  « Tsagver  » 
ferrugineuse,  alcaline,  calcaire.  Outre  le  traitement 
ordinaire  avec  l’eau  des  sources  « Catherine  » et 
« Eugénie  »,  les  malades  peuvent  prendre  des  bains 
avec  application  de  l’électricité,  et  trouvent  dans  l’éta- 
blissement de  Borjom  des  appareils  à air  comprimé  et 
raréfié,  des  sels  minéraux,  etc. 

Excursions.  — Eglise  de  Daba  ; monastère  de  Timothé- 
Soubane  ; église  de  Satghéri  ; Likane  ; Ziloné  monastère  ; 
ruines  des  vieilles  forteresses  ; lac  Tabitskour. 

Route  20.  — De  Borjom  à Akhaltzik,  (46  v. 

en  équipages  de  poste  ou  phaéton)  par  Straçhnokopski 
(14  v.),  Atskour  (12  v.),  Akhaltzik  (20  v.).  C’est  à 
Atskour  que  finit  le  défilé  delà  Koura.  La  vieille  et 
pittoresque  forteresse  profile  ses  tours  démantelées  au- 
dessus  du  village  dont  l’église  ruinée  était  un  joli 
modèle  d’architecture;  Akhaltzik  (18.269  hab.)  Hôtel . 
Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux.  Télégraphe.  Orfè- 
vrerie ; bijouterie  en  filigrane.  Costumes  de  femmes  fort 
curieux.  — L’époque  précise  de  la  fondation  de  cette  ville 
est  inconnue.  On  la  voit  mentionnée  pour  la  première 
fois  dans  l’histoire  sous  le  règne  de  la  reine  de  Géorgie 
Thamar,  au  XIIe  s.  Assiégée  et  prise  par  le  général 
Paskévitch,  pendant  la  guerre  de  1828-1829,  elle  fut 


GUIDE  AU  CAUCASE 


99 


cédée  définitivement  à la  Russie  par  le  traité  d’Andri- 
nople  ainsi  que  le  pachalik  auquel  elle  avait  donné  son 
nom.  La  forteresse  d’Akhaltzik  domine  toute  la  villeet 
offre  un  des  plus  jolis  points  de  vue  de  la  route.  Visiter 
les  nombreuses  églises , le  quartier  juif.  Excursion  au 
village  de  Ciorklis  (3  verstes),  à demi  enfoui  sous  la 
verdure. 

Route  2 1 . — D’ Akhaltzik  à Abastouman  (24  v. , en 

équipages  de  poste , omnibus , phaéton).  Abastouman, 
Hôtel  du  Centre . Poste 
aux  lettres  et  aux  chevaux . 

Télégraphe  en  toutes  lan- 
gues. Observatoire  météo- 
rologique que  S.  A.  I.  le 
grand-duc  Georges  Alexan- 
drovitch  a fait  construire. 

La  création  d’Abastouman 
comme  station  balnéaire  est 
due  au  docteur  Remert. 

(1870).  Dans  un  défilé  res- 
serré, sur  lesdeuxrives  d’un 
petit  ruisseau  , s’échelon- 
nent une  caserne,  des  églises 
un  bazar,  les  magnifiques 
établissements  de  bains,  les 
hôpitaux,  les  nombreuses 
quelques  années,  et  le  charmant  palais  de  S.  A.  I.  le 
grand-duc  Georges  Alexandrovitch.  Le  climat  très  doux 
d’Abastouman  (qui  est  cependant  à 4,170  p.  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer  Noire)  et  ses  eaux  thermales 
attirent  une  foule  de  malades  U La  seule  promenade 

1.  Les  trois  sources  d’ Abastouman  débitent  86,000  védros 
(1  védro  =r  12  litres)  par  jour  ; leur  température  varie  entre 
37  et  33  degrés  Réaumur.  L’une  des  meilleures  installations 
de  l’établissement  thermal  est  celle  des  chambres  réfrigérantes. 
L’eau  est  amenée  par  des  tuyaux  hermétiquement  fermés  dans 
quatre  chambres  cimentées.  Dans  chacune  d’elles,  le  conduit 
qui  contient  l’eau  destinée  aux  bains  est  refroidi  par  de  l’eau 
de  source,  laquelle  produit  exactement  un  abaissement  de 
4 degrés.  De  sorte  qu’en  passant  successivement  par  les 
quatre  chambres,  l’eau  chaude  de  37  degrés  est  refroidie 
jusqu’à  21  degrés.  L’établissement,  qui  contient  trente-deux 


AKHALTZIK.— D’après  Élisée  Reclus. 

villas  construites  depuis 


100 


GUIDE  AU  CAUCASE 


assez  rapprochée  est  un  petit  bois  de  sapins  où  Ton  va 
chercher  de  l’ombre;  Tunique  distraction  est  l’ascension 
quotidienne  à la  ((  Rotonde,»  où  joue  la  musique  et  où 
Ton  danse  pendant  la  Isaison.  Le  voyage  et  la  vie  à 
Abastouman  coûtent  cher  ; les  maisons  se  louent  5,  6, 
700  roubles  et  plus;  une  chamble  meublée  : 100  rou- 
bles, depuis  le  15  juin  jusqu’au  15  août. 

Route  22.  — D’ Abastouman  à Koutaïs,  (92  v.) 

en  voiture  ou  à cheval . Prix  d’un  phaéton  30  à 40  r. 
On  suit  la  vallée  de  l’Abastouman-tchaï  au  milieu  de 
montagnes  couvertes  de  forêts  Puis  la  route,  bien 
tracée,  taillée  à pic,  s’élève  rapidement.  Les  forêts 
cessent,  de  superbes  basaltes  les  remplacent,  une  flore 
merveilleuse  apparaît.  On  atteint  le  col  de  Zèkavi 
(2,600  m.)  d’où  Ton  embrasse  une  vue  très  étendue  sur 
toute  la  région  qui  domine  la  vallée  du  Rion  et  celle 
de  la  Koura.  De  là  on  descend  au  milieu  des  rhodo- 
dendrons et  des  lauriers  jusqu’à  Kerchbéti  ; non  loin 
est  la  station  thermale  de  Zèkari-A banqff.  Puis  on 
s’arrête  kBagdad  où  se  termine  la  descente.  On  traverse 
la  forêt  Ananoff,  la  voie  ferrée  à Rion  et,  en  une  heure, 
on  est  à Koutaïs. 

Route  23.  — D’Aghaltzik  au  couvent  de  Saphar, 

(7  v.,  à cheval ).  On  traverse  les  rivières  de  Borjom, 
d’Oldam  et  de  Ghrel.  Le  couvent  est  à une  heure  et 
demie  de  distance  de  la  ville.  Le  chemin  d’abord  assez 
uni  aboutit  bientôt  à une  gorge  au  milieu  de  roches 
volcaniques  et  serpente  sur  la  gauche  de  la  rivière 
Ouravelka.  Le  monastère  et  ses  douze  églises  sont  dans 
une  enceintede  murailles  ruinées,  où  les  anciens  atabegs 
avaient  une  citadelle  et  une  résidence  d’été,  et  les 
moines  de  vastes  habitations.  Par  la  beauté  de  sa 


baignoires,  est  installé  avec  confort,  voire  même  avec  luxe. 
On  y donne  également  des  douches,  des  bains  de  vapeur,  des 
bains  électriques,  de  l’eau  pulvérisée  pour  inhalations,  etc. 
En  1860.  on  regardait  ses  eaux  comme  salino-sulfureuses  et 
alcalines  ; en  1880  comme  sulfureuses  et  alcalines  ; depuis,  on 
leur  refuse  toute  propriété  minérale  et  on  les  classe  aujourd’hui 
parmi  les  eaux  thermales  convenant  aux  personnes  affaiblies, 
convalescentes.  En  tout  cas,  c’est  une  station  climatérique  où 
Ton  envoie  les  phtisiques.  (D’après  Mmc  Chantre.) 


GUIDE  AU  CAUCASE 


101 


position,  par  la  conservation  des  édifices  religieux  et 
en  partie  des  peintures,  et  par  tous  les  souvenirs  qui 
s’y  rattachent,  le  couvent  de  Saphar  (1309)  est  certai- 
nement un  des  restes  les  plus  importants  üe  l’antiquité 
géorgienne.  En  entrant  par  la  porte  du  mur  d’enceinte, 
on  voit  à gauche  la  petite  église  de  Saint-Simeon,  plus 
loin  la  chapelle  de  Jean-Baptiste.  Tout  à côté  est 
l’église  de  Saint-Saba,  la  plus  vaste  et  la  plus  élégante, 
sinon  la  plus  ancienne  de  celles  qui  se  trouvent  là. 
Malheureusement  les  peintures  ont  été  abîmées  par 
des  éclaboussures  de  chaux.  Puis  viennent  les  églises 
de  Notre-Dame,  de  Sainte-Mariné  avec  de  curieux 
portraits,  la  chapelle  de  Saint-Georges,  etc. 

Route  24.  — D’Akhaltzik  à 1 église  de  Zarzma, 

(30  v-,  par  Valé,  Orali,  Oudé,  Délovani,  Odiguéni  ; 
en  voiture  jusqu’à  Bénara  et  de  là  par  Choulavère  et 
Adighiouni,  à cheval ).  Ce  grand  et  bel  édifice,  datant 
de  1045,  en  pierres  de  taille,  avait  trois  nefs  et  était 
surmonté  d’une  riche  coupole.  Près  du  mur  du  N., 
il  y avait  une  jolie  chapelle  ; au  S.-E.,  se  voit  un  clo- 
cher peu  élevé,  d’une  construction  élégante.  Dans  l’in- 
térieur de  l’église,  aujourd’hui  en  ruine,  quelques 
restes  de  peintures. 

Route  25.  — D’Akhaltzik  à Vardzia  (40  v.,  par 

Akachène,  Aspindza^  Khertvis  ; en  équipages  de 
poste  ou  en  phaèton  jusqu’à  Khertvis,  delà  à cheval). 

Akachène  est  un  ancien  village  géorgien  à 7 v.  de 
Gobiéti.  On  y voit  une  vieille  église  entourée  de  tom- 
beaux couverts  de  croix  ; quelques-uns  en  forme  de 
béliers.  Jusqu’à  Aspindza,  le  chemin  suit  la  rive 
gauche  de  la  Koura.  On  gravit  une  crête  de  rochers 
en  laissant  à gauche  les  bains  d’Akmet  Au  confluent 
de  la  Tapraviané  et  de  la  Koura  s’élève  le  château  de 
Khertvis.  Le  paysage  est  superbe.  Le  petit  bourg  de 
Khertvis  est  au  pied  de  la  forteresse  qui  remonte  aux 
temps  de  la  nationalité  karthlienne,  et  qui  a été  res- 
taurée sous  Thamar.  Les  grottes  de  Vardzia  sont  bien 
loin  d approcher  de  celles  d’Ouplis-Tsikhé  pour  le  tra- 
vail ou  pour  l’exécution.  Vardzia,  dont  le  nom  signifie 
en  géorgien  et  en  arménien  même  « forteresse  des 


102 


GUIDE  AU  CAUCASE 


roses,  » était,  selon  la  tradition,  le  séjour  affectionné 
de  la  reine  Thamar.  Il  se  peut  qu’elle  l’ait  agrandi, 
mais  Vardzia  est  certainement  plus  ancien  que  Thamar. 
A travers  des  massifs  volcaniques  éboulés  et  en  pas- 
sant par  plusieurs  étages  de  cryptes,  on  atteint  celui 
où  sont  les  hypogées  et  les  édifices  principaux,  rangés 
le  long  d’une  saillie  qui  tient  lieu  de  rue.  Le  plus  con- 
sidérable et  celui  qui  frappe,  au  premier  abord,  est  une 
grande  église  célèbre,  bâtie  à moitié  dans  le  roc  et  où 
aurait  été,  dit-on,  le  tombeau  de  Thamar.  Une  porte 
voisine,  taillée  dans  le  rocher,  conduit  à une  douzaine 
de  grottes  qui  précèdent  la  demeure  des  rois  ou  des 
reines  qui  visitaient  Vardzia.  Il  y avait  deux  maisons, 
une  d’été  et  une  d’hiver.  Celle-ci  consistait  en  un  petit 
portique  qui  précédait  un  salon  de  trente  pieds  de  long 
sur  vingt  de  large,  taillé  en  plein  cintre.  Tout  autour 
régnait  un  étroit  divan  à la  géorgienne,  comme  on  en 
voit  à Nakalakhévi  dans  l’ancien  palais  des  rois  lazes. 
Une  grande  alcôve  dans  le  fond  et  une  petite  de  chaque 
côté  en  faisaient  tout  l’ornement.  Deux  fenêtres  l’éclai- 
raient médiocrement.  Au  devant  de  l’une  se  trouvait  le 
foyer  circulaire  creusé  dans  l’aire  où  Ion  entretenait  le 
brasier  qui  chauffait  la  chambre.  La  porte  du  fond  du 
salon  donnait  dans  une  garde-robe  ; celle  à droite 
dans  un  cabinet  d’où  la  reine  pouvait  entendre  la 
messe  par  une  fenêtre  qui  s’ouvrait  sur  une  chapelle. 
La  porte  du  salon  se  fermait  solidement  en  dedans 
avec  des  traverses  de  bois,  comme  cela  se  pratique  en- 
core pour  quelques  églises  du  Caucase.  L’appartement 
d’été  était  au-dessus  de  celui  d’hiver;  on  y montait 
par  un  escalier  dont  la  première  marche  avait  un  mètre 
de  haut.  Il  était  aussi  en  plein  cintre,  pourvu  d’alcôves 
et  d’une  chambre  servant  de  réduit.  La  façade,  entière- 
ment ouverte,  donnait  sur  une  galerie  ou  balcon  en 
bois  ; de  là  on  planait  sur  toute  la  vallée  de  la  Koura, 
bordée  de  jardins  et  de  vergers  en  terrasses  jusqu’au 
sommet  des  pentes  des  collines.  De  l’autre-  côté  de 
l’église,  les  grottes  qui  criblent  les  parois  du  rocher 
sont  innombrables  ; les  unes  servaient  de  boutiques,  de 
magasins,  d’écuries,  d’autres  d’appartements  fort 
simples,  presque  tous  semblables,  et  où  la  voûte  en 


GUIDE  AU  CAUCASE 


103 


plein  cintre  ou  légèrement  surbaissée  est  partout  em- 
ployée. Çà  et  là,  d’anciens  pressoirs  sont  faciles  à re- 
connaître. Le  grand  tronc  d arbre  creusé  qui  sert  de 
cuve  (satznakhéli)  pour  mettre  le  raisin  et  l’écraser, 
était  remplacé  par  de  longs  bassins  ménagés  dans  la 
grotte,  comme  en  Crimée,  ce  qui  prouve  l’analogie 
dans  les  mœurs  des  anciens  habitants  de  tout  le  pour- 
tour de  la  mer  Noire,  Grecs  ou  Géorgiens.  Sur  les  dé- 
chirures d’un  rocher,  s’élevait  la  citadelle  dont  il  ne 
reste  que  peu  de  traces.  Au  XIVe  s.,  Vardzia  fut 
saccagé  par  Tamerlan  ; au  XVIe  par  le  schah  Takmazb 
qui  vola  toutes  les  richesses  de  l'église,  entre  autres 
l’évangile  que  Jessé,  roi  de  Kartalinie  (1727)  rendit  au 
monastère  de  Ghélath.  Quoique  Vardzia  soit  délaissé 
aujourd’hui,  c’est  encore  un  lieu  de  pèlerinage  le 
15  août 1 . 

Route  26.  — De  Vardzia  à l’église  de  Cou- 
mourdo  (à  cheval ).  En  partant  de  Vardzia  pour  aller  à 
Tsounda,  on  laisse  à droite  les  grottes  de  Vanis-Kwabi, 
au  delà  de  la  Koura.  On  passe  par  un  affreux  sentier 
qui  domine  la  citadelle  de  Tioumouk  pittoresquement 
et  fortement  assise.  Non  loin,  vers  le  N.,  le  joli  lac 
de  Kartsakh  ou  Souloukgel,  a lac  des  sangsues,  » 
situé  sur  le  haut  d’un  cône  que  Dubois  de  Montpéreux 
regarde  avec  raison  comme  le  cratère  d’un  ancien  vol- 
can. Au  sud  de  ce  lac,  les  vastes  ruines  de  l’ancien 
Tsounda  et  une  jolie  église  d'époque  inconnue  et  bien 
conservée.  Il  n’en  est  pas  de  même  de  celle  de  Cou- 
mourdo,  placée  un  peu  plus  au  S.,  sur  le  plateau  de 
Djavaketh,  auquel  on  parvient  par  une  montée  longue 
et  abrupte,  sillonnée  d’un  nombre  infini  de  ruisseaux. 
Par  ses  formes  et  ses  grandes  proportions,  par  le  plan 
général,  par  la  beauté  et  le  choix  des  pierres  employées, 
par  l’exécution  artistique  de  la  bâtisse  et  surtout  par  la 
richesse  des  souvenirs  antiques  conservés  sur  ses  murs, 
l’église  de  Coumourdo  est  peut-être  la  plus  belle  de 
la  Géorgie.  Construite  en  croix  dont  le  bras  occidental 
a été  détruit,  elle  avait  15  m.  de  haut,  était  ornée 
d’une  coupole  qui  n’existe  plus,  et  précédée  d’un 

1.  D’après  Dubois  de  Montpéreux. 


104 


GUIDE  AU  CAUCASE 


porche  occupant  toute  sa  largeur.  Au  S.  : une  petite 
chapelle  surmontée  d’un  beau  clocher  ruiné,  à l'entrée 
duquel  étaient  deux  grandes  croix  en  pierre  dont  le  fût 
seul  resie  sur  pied.  L'histoire  du  monument  peut  se 
résumer  ainsi  : construit  par  l’évêque  Ioané,  sous  le 
roi  Léon  III  d’Abkhazie,  en  964  ; enrichi  par  différents 
évêques  ; le  porche  a été  élevé  1,000  ans  plus  tard  par 
la  reine  Mariam,  mère  de  Bagrat  IV  1 . 

Route  27.  — D’Akhaltzik  à Akhalkalaki  (62  y.) 

par  Rousthavi  (18  v.),  Aspindza  (12  v.),  Ababek 
(16  v.),  Akhalkalaki  (16  v.)  ( Voir  à V itinéraire  A). 

Route  28.  — D’ Akhalkalaki  à Alexandropol 

(90  v.)  par  Bogdanofka  (14  v.),  Efrènofka  (17  v.), 
Khik-Tapa  (21  v.),  Djélab-Kisoul  (20  v.),  Alexan- 
dropol (18  v.).  ( Voir  à U itinéraire  N.) 

Route  29.  — D’Akhalkalaki  à Ardaghan  (89  v.) 
par  Soulda  (18  v.),  Karnavéli  (21  v.),  Zourzouna 
(12  v.),  Begra-Katonne  (16  y.),  Oltchek  (8  v.). 
Ardaghan  (14  v.).  ( Voir  à l'itinéraire  I.) 

Route  30  — D’Akhaltzik  à Kars,  par  Ardaghan 
(157  v.  1/2),  Souflis  (5  v.),  Valé(7  y.  ),  Digour(18  v.), 
Tzourkab  (10  v.  ),  Tzourmaxh  (13  v.),  Tajat  Kéï(6  v.)r 
Karkiadan  (9  y.),  Ardaghan  (13 y.), Nabi-Ogli (26 v.), 
Kirk-Kilissa  (14  v.),  Djelaous  (15  v.),  Mélik-Kéï 
(9  v.),  Kars  (12  v.  1/2).  ( Voir  à /’ itinéraire  N.) 

Route  31  — D’Akhaltzik  à Batoum  (162  y.)  par 
un  sentier  de  montagnes,  par  Bénari  (15  v.),  Zarzma 
(17  v.),  Goders  (5  v.),  Danvspariouli  (21  v.),  Koula 
(19  y.),  Dondolo  (24  v.  ),  Ivéda  (19  v.),  Makiioundjéti 
(10  y.),  Adjaristskali  (14  y.),  Batoum  (18  y.)  ( Voir 
d U itinéraire  /.) 

Route  1 (suite).  — De  Mikhaïloff  à Gori  (41  v.)  en 

chemin  de  fer , par  Gomi  et  Karéli.  Gori.  ( Buffet ) 
4,800  hab.  Hôtels.  Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux . 
Télégraphe.  Ce  chef-lieu  de  district  et  ce  centre  ethno- 
logique de  la  Grousie, occupe  à peu  près  exactement  le 
milieu  d’un  ancien  bassin  lacustre  au  confluent  de  la 


1.  D’après  Brosset. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


105 


Koura,  du  Liakvi,  et  de  la  Medjouda.  A la  base  d’une 
butte  isolée  que  couronne  une  ancienne  et  pittoresque 
citadelle,  cette  ville,  dont  la  date  de  la  fondation  est 
inconnue,  mais  qui  est  mentionnée  au  VIIe  s.  par  les 
chroniqueurs,  est  admirablement  située  pour  devenir 
un  jour  le  jardin  de  Tiflis  grâce  aux  eaux  courantes  qui 
pourraient  servir  à l’irrigation  du  sol.  Mais  les  habitants 
du  pays  ne  savent  pas  tirer  assez  parti  de  leur  terre 
fertile  et  de  leur  bon  climat  ; toutefois  ils  expédient  à 
Tiflis  beaucoup  de  vins  qui  servent  au  coupage  des 
crûs  plus  forts  de  la  Kakhéthie  ; leur  froment  est  un 
des  meilleurs  de  la  Transcaucasie. 

Route  32.  — De  Gori  à l’église  de  Sion,  vallée 

d’Aténi  (8  v.,  en  voiture  ou  mieux  à cheval .)  De  la 
station  de  Gori  un  petit  chemin  de  fer,  à voie  étroite, 
appartenant  à MM.  Zézéman  et  Kartveloff,  va  au  fond 
de  la  vallée  d’Aténi  et  sert  au  transport  des  bois  que  ces 
industriels  exploitent.  Après  le  village  de  Khidis-Th  avi, 
on  entre  dans  le  défilé  de  Djébiri.  A droite  les  ruines 
de  Varvara  ; à gauche  la  forteresse  Rasdène,  et  sur  le 
mont  Danakhwis,  à une  grande  hauteur,  une  petite 
église  dédiée  à Saint-Georges.  Le  ruisseau  Tana  arrose 
la  vallée  où  sont  les  habitations  des  princes  Eristofï  et 
Orbéliani.  De  beaux  vignobles  à mi-côte  produisent  un 
vin  exquis.  L’église  de  Sion  est  petite,  mais  admirable- 
ment posée  sur  un  roc  à pic  du  côté  de  la  Tana.  Elle 
est  en  pierres  de  couleurs  différentes,  et  le  toit  est 
envahi  par  la  végétation.  C’est  une  copie  corrigée  de 
l’église  de  Sainte- Ri  psi  me  à Vagarchabab  ; elle  a été 
construite  par  un  architecte  arménien  Théodoré.  A 
l’extérieur,  quelques  sculptures  assez  grossières  et  les 
inscriptions  attestant  que  l’édifice  est  antérieur  au 
IXe  s.,  c’est-à-dire  à Bagrat  Ier.  A l’intérieur  des  restes 
de  peintures  très  détériorées,  mais  très  intéressantes: 
la  famille  d’Achot,  chef  de  la  dynastie  des  Bagratides, 
Bagrat  II,  son  père  Ghiorghi  et  sa  femme  (XIe  s.) 
Dans  le  chœur:  la  Vierge  debout  entre  deux  archanges 
et  les  évangélistes.  Çà  et  là,  dans  les  fenêtres,  quelques 
jolis  motifs  d’entrelacs  polychromes.  L’iconostase  est 
orné  de  quatre  petites  colonnes  en  marbre  blanc. 


106 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Route  33.  — De  Gori  à l’église  d’Ourbnissi  (8  v. 

en  voiture  ou  à cheval ).  L’église,  sans  coupole,  n’a 
rien  de  remarquable  comme  architecture.  Elle  est  haute 
et  les  murailles  sont  soutenues  par  des  contreforts  en 
briques  formant  des  arcs  disgracieux.  Le  vaisseau  a 
été  à moitié  rebâti  et  ne  conserve  d’ancien  que  ses 
curieuses  inscriptions  archaïques  en  caractères  khout- 
zouri  (ecclésiastiques)  indéchiffrables.  D’après  Brosset, 
l’église  est  fort  ancienne  puisqu’elle  fût  saccagée  vers 
730  pendant  l’invasion  de  Mourvan. 

Route  34.  — De  Gori  à l’église  de  Rouissi  (10  v. 

en  voiture  ou  à cheval ).  Autrefois  refuge  du  roi  David 
le  Réparateur,  lors  de  l'occupation  de  Tiflis  par  les 
musulmans,  et  résidence  d’un  évêque  titré  mrowel, 
l’église  du  village  a dû  être  fort  jolie.  Il  reste  quelques 
gracieux  détails  de  l’ancienne  richesse  architectonique 
et  quelques  motifs  de  sculptures  géorgiennes. 

Route  35.  — De  Gori  au  monastère  d’Okhone 
(39  v.  en  voiture  ou  à cheval ).  Ce  monastère  fut  fondé 
par  Bagrat  IV  en  l'honneur  de  l’image  de  la  Vierge 
donnée  à son  épouse  Hélène  par  Romanos,  empereur 
de  Byzance.  L’image  passa,  avec  Simon  roi  des  Géor- 
giens prisonnier,  entre  les  mains  des  Iméréthiens, 
et  fut  rendue  au  monastère  par  Shah-Navaz,  roi  de 
Géorgie.  Aujourd’hui  elle  est  à Gori  dans  l’église  de 
N.-D.  d’Okhone. 

Route  36.  — De  Gori  à Ouplis-Tsikhè  (8  v.) 

& excursion  se  fait  en  voiture  assez  difficilement  ; il 
vaut  mieux  louer  des  chevaux  de  selle  à Gori . Prix  : 
de  1 r.  50  k.  à 2 r.,  aller  et  retour. 

Ce  fut  vers  le  VIIe  s.  avant  J.-C.  que  les  Cauca- 
siens apprirent  des  Persans  Part  de  construire  des  mu- 
railles avec  de  la  pierre  et.  de  la  chaux.  Jusque-là  ils 
avaient  vécu  dans  des  grottes  naturelles,  comme  on  en 
voit  tant  dans  les  vallées  rocheuses  de  la  Transcaucasie, 
ou  dans  des  huttes  en  terre,  à moitié  enfouies  dans  le 
sol,  semblables  à celles  que  les  paysans  géorgiens  et 
arméniens  habitent  encore  de  nos  jours.  Les  cryptes  ne 
sont  point  rares  au  Caucase.  La  facilité  d'exploiter  une 
pierre  assez  tendre  et  friable,  qui  ne  durcit  qu’à  la  sur- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


107 


face,  et  la  nécessité  de  se  créer  des  refuges  inacces- 
sibles à l’ennemi,  ont  dû,  depuis  longtemps,  attirer 
l’attention  des  habitants  non  moins  indolents  qu’expo- 
sés à de  fréquentes  attaques.  C’est  à Vardzia  et  à 
Ouplis-Tsikhé  que  l’on  peut  voir  encore  aujourd'hui 
les  plus  anciennes  ruines  de  villes  troglodytiques,  inté- 
ressantes au  point  de  vue  archéologique  et  artistique. 
Cette  dernière  ville,  à huit  verstes  de  Gori  et  au  bord 
de  la  Koura,  a été  creusée  dans  un  énorme  rocher  de 
pierre  calcaire  mêlée  de  sable  et  d’argile.  Après  avoir 
traversé  un  petit  village  arménien  dont  l’église  est  fort 
ancienne,  mais  dont  les  inscriptions  sont  effacées,  on  y 
arrive  par  un  chemin  assez  escarpé  du  côté  de  l’E.,  là 
où  se  dresse  un  pan  de  muraille  ruinée.  Outre  une 
foule  d’établissements  posés  sur  le  roc  nivelé,  dont  les 
traces  se  voient  au  N.-O.,  on  aperçoit  au  S.-E.  une 
quantité  d'habitations  particulières,  plusieurs  églises 
et  des  grottes  qui  passent  pour  avoir  été  des  palais 
royaux  : partout  des  escaliers,  des  canaux  d’écoule- 
ment, des  rues  très  originales.  Les  églises  étaient 
voûtées  hardiment,  ornées  de  colonnettes  et  de  ner- 
vures qui  paraissent  avoir  été  aussi  délicates  que  le 
permettait  le  grain  de  la  pierre.  Les  deux  plus  belles 
habitations  ou  palais,  l’un  à l’E.,  l’autre  au  S.,  se 
distinguent  par  la  richesse  de  l’ornementation.  Dans  le 
premier,  il  y a une  belle  antichambre  dont  le  plafond 
voûté  était  découpé  en  caissons  octogones.  Dans  le 
second,  le  plafond  d’une  salle  immense,  qui  a douze 
mètres  de  large  sur  neuf  de  profondeur,  représentait 
des  lambris  et  des  poutres  comme  dans  un  édifice  en 
bois  ; elle  était  soutenue  par  deux  fort  piliers  et  abri- 
tée du  soleil  par  un  vaste  auvent  en  pierre.  Un  long 
chemin  couvert,  taillé  dans  le  roc,  conduisait  à la 
Koura,  qui  s’en  est  éloignée  maintenant  d’une  centaine 
de  mètres.  Toutes  les  grottes  étaient  tournées  au  S. 
pour  jouir  de  la  vue  qui  est  magnifique,  et  de  la  fraî- 
cheur de  la  rivière. 

De  toute  antiquité,  Ouplis-Tsikhé  n’était  pas  simple- 
ment un  refuge,  mais  aussi  un  lieu  de  plaisance  où 
s’était  attachée  et  où  demeurait  une  population  nom- 
breuse, amie  des  arts  et  qui  savait  les  apprécier.  Le 


108 


GUIDE  AU  CAUCASE 


travail  fini  et  remarquable  de  la  plupart  des  salles 
n’est,  pas  d’un  peuple  en  fuite  qui  cherche  une  retraite. 
Ce  n’est  pas  non  plus  à la  nation  géorgienne  telle  que 
nous  la  connaissons  actuellement  qu’il  faut  attribuer 
ces  travaux  d’architecture  d’un  style  dont  on  ne  trouve 
nulle  part  de  traces,  ni  dans  les  habitations  modernes, 
ni  dans  les  ruines  les  plus  anciennes  d’églises  et  de 
châteaux.  Il  faut  remonter  loin  dans  l’histoire  pour 
expliquer  les  différences  de  style  appartenant  à des 
idées  bien  différentes,  qu’on  constate  à Ouplis-Tsikhé. 
On  pourrait  attribuer  à l’influence  persane  le  genre  de 
grottes  prenant  jour,  à la  mode  arménienne,  par  une 
large  ouverture  pratiquée  dans  le  haut,  et  l’on  peut  re- 
connaître dans  les  voûtes  en  plein  cintre,  les  caissons, 
les  pilastres,  etc.,  l’influence  romaine.  Depuis  quand 
Ouplis-Tsikhé  est-il  désert?  Ce  n’est  que  depuis  tous 
ces  troubles,  toutes  ces  guerres  des  Turcs  et  des  Per- 
sans qui  ravagèrent  si  cruellement  le  Karthli,  qu’il  est 
abandonné.  La  vallée  de  la  Koura  était  couverte  de 
villages  ; il  y en  a encore  trois  ou  quatre,  les  seuls  qui 
ont  échappé  aux  invasions  des  Lesghiens,  les  plus 
barbares  des  brigands  du  Caucase.  Combien  de  fois  ce 
même  Ouplis-Tsikhé  leur  a servi  de  refuge  ! Combien 
de  fois  ces  voûtes  ont  retenti  du  bruit  de  leurs  com- 
plots, des  cris  joyeux  qui  accueillaient  le  butin  rap- 
porté et  des  querelles  que  provoquaient  les  partages  1 ! 

Route  37.  — De  Gori  à Tsinkvali  (27  v.,  en 

phaéton  ou  par  V omnibus  qui  part  tous  les  jours  vers 
2 heures  de  l’après-midi).  On  passe  à Karaléty  (an- 
cien Nadcharmagnévi),  où  vécut  quelque  temps  le  roi 
géorgien  David  le  Réparateur,  et  à Tkniavi  ; on  fran- 
chit à gué  le  petit  Liakvi,  et  par  Tirznissi  on  descend 
à Tsinkvali,  jolie  petite  ville  placée  dans  une  riante 
situation  (800  hab.,  juifs  et  arméniens).  A 2 v. 
de  Tsinkvali  est  Tamarachène,  propriété  des  princes 
Matchabelly.  On  peut,  en  voiture , aller  visiter  les 
églises  de  Nicosie,  et,  à cheval,  celles  de  Thir  et  de 
Saba-Tsmida,  près  de  laquelle  il  y a une  chapelle  cu- 
rieuse creusée  à une  grande  hauteur  dans  le  roc  et 

1.  D’après  Rrosset  et  Dubois  de  Montpéreux. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


109 


plusieurs  glacières  d’été  naturelles.  C’est  parle  chemin 
qui  mène  à l’église  de  Thir  qu’il  est  question  de  faire 
passer  un  chemin  de  fer  qui,  de  Gori  et  par  le  défilé  de 
Mamisson,  ira  à Vladikawkaz. 

Route  38.  De  Gori  à l’église  d’Icortha.  A 22  y. 

de  Gori,  cette  église  bâtie  en  1172  a une  façade  orien- 
tale magnifiquement  ciselée.  Elle  est  décorée  de  deux 
niches  non  plus  simplement  triangulaires  comme  à 
Aténi,  mais  arrondies,  festonnées  sur  les  bords  et  enri- 
chies dans  le  haut  de  trèfles  à jour  et  à dentelures  en 
partie  brisées  aujourd’hui.  La  porte  de  PO.  est  décorée 
d’un  porche. 

Route  39.  — De  Gori  à l’église  d’Ertha-Tsminda 

{en  voiture  ou  à cheval ).  Ancien  monastère  presque  en 
ruine  situé  sur  la  rive  droite  de  la  Tésami  ; construit, 
croit  Brosset,  à l’époque  de  Bagrat  IV  et  de  David  le 
Réparateur.  La  coupole  carrée  par  dehors  quoique 
ronde  à l’intérieur  est  percée  seulement  de  quatre 
fenêtres  sans  ornements  ; mais  les  façades  de  l’édifice 
présentent,  comme  à Samthavis,  de  jolis  motifs 
d’architecture.  Les  peintures  qui  décoraient  l’intérieur 
sont  presque  effacées.  On  y conserve  deux  images 
célèbres,  l’une  de  1311,  l’autre  de  1250. 

Route  40.  — D’Ertha-Tsminda  à l’église  de 
Kavthis-Khèvi.  Sur  la  rive  droite  de  la  Kavthoura, 
à peu  de  distance  à l’E.  d’Ertha-Tsminda,  et  à 32  v. 
de  Gori,  cette  église  est  une  des  plus  belles  et  des  plus 
riches  en  ornements  extérieurs  de  toute  la  Géorgie.  La 
façade  orientale  et  les  fenêtres  de  la  cou  pôle  dépassent  en 
ce  genre  tout  ce  que  l’on  voit  à Samthavis,  à Béthanie, 
à Pithoreth,  etc.  Si  le  fondateur  est  inconnu,  on  sait 
du  moins  que  le  portique  occidental  fut  bâti  entre  1658 
et  1677.  Au-dessus  de  la  porte,  on  a cru  reconnaître  le 
portrait  de  David  le  Réparateur. 

Route  1 (suite).  — De  Gori  à Mtzkhet  ( buffet ) 
{51  v.  en  chemin  de  fer),  par  Grakali,  Kaspi,  Ksanka. 

Route  41.  — De  Kaspi  à l’église  de  Samthavis 

(10  v.).  Près  du  village  de  Dchala,  s’élève  le  grand 
monastère  de  Samthavis,  construit  en  belles  pierres  de 


110 


GUIDE  AU  CAUCASE 


taille  et  environné  d’une  enceinte.  Sur  le  portique  : un 
clocher  en  briques,  et  dans  l’enceinte  : une  petite  cita- 
delle. L’église  rebâtie  au  milieu  du  XIe  s.,  possède 
quatre  images  à inscriptions  intéressantes.  C’est  un  des 
beaux  édifices  religieux  de  la  Géorgie. 

Route  42.  — De  Ksanka  à Moukhrane  (6  v.,  en 

voiture  ou  à cheval ).  On  passe  au  pied  de  la  forteresse 
Tsikidziri  et  on  descend  dans  une  vallée  immense 
entourée  de  montagnes  et  très  fertile.  Moukhrane 
(800  feux)  est  noyé  au  milieu  de  vignobles  et  d’une 
belle  végétation.  C’est  à quelque  distance  du  village 
qu’est  le  château  du  prince  Bagration-Moukhransky. 
Les  jardins,  l’installation  vinicole,  les  caves,  la  ton- 
nellerie, etc.,  méritent  d’être  visités. 

Route  43.  — De  Mtzkhet  à Vladikawkaz,  par  la 
route  militaire  de  Géorgie  (180  v.),  en  équipages  de 
poste).  (Voir  à U itinéraire  D.) 

Route  1 (suite).  — De  Mtzkhet  à Tiflis  (20  v. 

en  chemin  de  fer),  par  Avtchala. 

Route  44.  — De  Mtzkhet  à Tiflis,  (20  v.  1/2,  en 
équipages  de  poste),  par  la  route  militaire  de  Géor- 
gie. ( Voir  à V itinéraire  D.) 


ITINÉRAIRE  K 

TIFLIS  ET  LES  ENVIRONS 

Tiflis  (104  ,000  hab.)  — Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux . 
Télégraphe  (en  toute  langue).  Hôtels  du  Caucase,  de  Londres, 
Siévernié  Noméra  (chambres  meublées),  Dvortsovaïa  Nomera 
(id. ) , qui  ont  des  commissionnaires-interprètes  à la  gare.  (Dans 
les  tavernes  géorgiennes  : Télipotchouri , en  face  de  l’hôtel  du 
Caucase,  Pouri-Gvino , Golovinsky  prospect,  et,  en  été,  àVéra 
et  à la  Mikhaïlovsky,  on  peut  goûter  la  cuisine  indigène.) 
Clubs:  «anglais»,  «kroujok  » (concerts  le  jeudi  et  le  dimanche  en 
été,  bals  en  hiver.  Il  faut  se  faire  présenter  par  un  des 
membres.  1 r.  d’entrée).  « Tifliski  Sobranié  »,  club  arménien 
(concert  en  été,  bals  en  hiver;  se  faire  présenter  par  un  des 
membres;  50  k.  et  1 r.  d’entrée  selon  les  jours).  « Artistique» 
(théâtre  d’amateurs  : concerts,  comédies,  vaudevilles,  opérettes) 
ouvert  seulement  en  hiver;  (se  faire  présenter;  1 r.  les  jours 
où  il  n’y  pas  de  représentation;  pour  les  jours  de  spectacle  le 
billet  de  place  sert  d’entrée).  «Allemand  »,  «du  Commerce  ». 


GUIDE  AU  CAUCASE 


111 


Théâtre  de  la  ville,  théâtre  de  la  banque  foncière  de  la 
noblesse.  Guides -inter prêtes  pour  le  Caucase,  la  Turquie,  la 
Perse  et  l’Asie  centrale  : Rostom,  Gérôme  Réalini,  Jean 
Bagramiantz.  (Pour  prix  et  conditions  s'adresser  par  lettre 
ou  télégramme  à l’hôtel  du  Caucase  ou  de  Londres.)  Voitures  : 
en  ville  30  k.  la  course;  60  k.  l’heure;  3 r.  la  journée;  de  la  gare 
et  vioe-versà  avec  ou  sans  bagages,  80  k.  Tramways.  Bains  d’eaux 
thermales  sulfureuses  et  gazeuzes  à ^5°  9 ; 2'C  5 c.  : Mirzoëff, 
Héracie,  Béboutolï  Soumbatoff,  Goguilo,  1 à 2 r.  la  chambre. 
— Photographes  : Ermakotî,  Roïnofï,  Engel.  — Tabac  : 
Enfiadjiantz,  Bozardjiantz,  rue  du  Palais.  — Librairie  ci- 
devant  Bœrenstaam  où  se  vendent  les  ouvrages  français  et  les 
cartes  concernant  le  Caucase.  — Consulat  général  de 
Turquie,  de  Perse;  consulat  de  France,  d’Allemagne;  vice- 
consulat  de  Belgique,  de  Suisse.  — Agences  et  Compagnies  de 
naeigation  et  de  transports  : Messageries  maritimes  françaises, 
Paquet,  Compagnie  russe,  Nadejda,  Caucase  et  Mercure, 
Lebède.  Masis.  Succursale  de  la  banque  de  l’Etat,  banque 
de  Commerce,  du  Crédit  mutuel,  Pridonofï,  Zovianolî, 
Foncière  de  la  noblesse,  de  crédit  de  Tiflis.  Journaux  russes, 
français,  géorgiens,  arméniens,  tartare. 

Résidence  de  l’administrateur  général  du  Caucase,  Etat- 
major,  corps  d’armée,  intendance,  arsenal,  conseil  de  guerre. 
Archevêché  orthodoxe,  évêché  arméno-grégorien,  couvents  et 
nombreuses  églises  de  divers  cultes.  Deux  mosquées,  etc.  etc. 

Cour  d'appel.  Administrations  des  mines,  des  voies  et  com- 
munications, des  domaines  de  la  Couronne,  médicale,  des 
finances  du  Transcaucase,  de  l’octroi,  des  douanes,  du  con- 
trôle, des  prisons.  Gymnase  militaire,  instituts,  écoles.  Sociétés 
savantes  : de  géographie,  d’agriculture,  de  médecine,  d’ar- 
chéologie, etc.  Sociétés  de  bienfaisance  française,  de  Sainte- 
Nino,  de  la  Croix-Rouge,  etc.  Hôpitaux  militaires,  hospices. 

Le  musée  où  il  y a de  riches  collections  zoologiques,  bota- 
niques, archéologiques  et  ethnographiques,  sous  la  direction  du 
Dr  Racldé,  est  ouvert  les  dimanches,  mardi  et  vendredi  de 
10  h.  à 3 h.,  entrée  £0  k.;  catalogue  en  français  30  k.  Le 
musée  d’artillerie  (Golovinsky  prospect)  contient  une  série  de 
tableaux  représentant  les  héros  et  les  épisodes  de  la  conquête 
du  Caucase.  L’ancien  Kroujok  et  sa  salle  des  glaces,  les 
églises  de  Sion,  d’Antchis-Khati,  de  Métekh,  de  Vank  méritent 
d’être  visités.  — Excursions  au  couvent  de  Saint-David,  à 
Mouchtaïd.  au  Jardin  botanique  d’où  l’on  jouit  d’une  vue 
superbe.  Magasins  aux  bazars  arméniens  et  persans.  Il  s’y 
vend  surtout  des  marchandises  de  Perse,  de  Boukhara  et  de 
l’Asie  centrale,  notamment  des  lapis,  feutres,  lainages, 
soieries,  broderies,  draps,  baclüiks  (capuchons)  en  poil  de 
chameau,  orfèvrerie,  niellée,  turquoises,  armes,  cuivres,  sel- 
lerie, instruments  de  musique  indigènes.  On  y achète  quel- 
quefois à bon  marché,  si  l’on  sait  marchander,  mais  il  vaut 
mieux  avoir  avec  soi  un  interprète.  En  choisissant  des  objets, 
ne  jamais  faire  prix  pour  chacun  d’eux,  mais  pour  le  tout,  et 
offrir  d’abord  environ  le  tiers  de  ce  qu’on  vous  demande  pour 
finir  par  payer  la  moitié. 


112 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Tiflis,  Tpilissi,  c’est-à-dire  « eaux  chaudes  » ou  Tbi- 
lisiskalaki,  c’est-à-dire  « ville  chaude  »,  dont  on  a fait  le 
nom  Tiflis,  était  jadis  un  petit  village  connu  par  ses 
sources  minérales.  En  469,  le  roi  Vakhtang  Gourgaslan 
y fonda  une  ville  et  la  partagea  en  trois  quartiers  : 
Tiflis y partie  avoisinant  les  sources  ; Kala , la  forteresse; 
Isani  [Y  Avlabar  actuel).  Il  commença  aussi  la  cons- 
truction de  la  cathédrale  de  Sion.  Leroi  Datcha  entoura 
la  ville  de  murailles  et  de  fortifications.  C’était  dans  la 
citadelle  de  Métekh,  qui  faisait  partie  de  Kala,  que 
s’élevait  le  palais  royal.  Si  l'on  en  croit  l’écrivain 
arménien  Oukhtannès  (VL  s ),  Tiflis  était,  à ces  époques 
lointaines,  une  cité  remarquable  par  ses  constructions 
et  ses  maisons  à toits  plats  étagées  les  unes  sur  les 
autres.  Les  sources  minérales  et  les  bains  appartenaient 
aux  musulmans.  Successivement  prise  et  saccagée  au 
XIe  s.,  sous  le  règne  de  Roussoudane,  par  le  sultan 
du  Khorassan  Djel-el-Eddin ; au  XVIIIe  s.  sous 
Héraclé  II  par  le  schah  Aga-Mahomet  Khan,  la  ville 
ne  s’est  peu  à peu  relevée  de  ses  ruines  que  depuis  l’oc- 
cupation russe  (1799)  et  grâce  aux  princes  Vorontzofï, 
Bariatinsky,  etc.  Située  par  41°  43’  37”  latitude  N.  et 
42°  27’  31”  de  longitude  E,  sur  les  deux  rives  de  la 
Kourafen  géorgien  Mtkoari),  dans  une  vallée  resserrée 
entre  des  montagnes  arides1,  mais  admirables  de 
couleur  et  de  relief,  la  capitale  de  la  Transcaucasie  est 
une  ville  de  contrastes.  Dans  la  ville  nouvelle  on  se 
croirait  presque  à Saint-Pétersbourg  ou  à Moscou, 
tandis  que  les  vieux  quartiers  géorgiens  et  persans  ont 
conservé  leur  physionomie  asiatique.  La  place  d’Erivan 
est  une  espèce  de  terrain  neutre,  mais  déjà  européanisé, 
entre  la  ville  orientale  et  la  ville  russe,  le  Tiflis  du 
passé  et  le  Tiflis  de  l’avenir.  C’est  au  delà  de  cette  place 
que  s’étendent  le  quartier  de  Solokaki,  et,  en  remontant 
la  Koura,  la  perspective  Golovinsky  qui  mène  au 
nouveau  pont  de  Véra.  Dans  la  ville  nouvelle,  les  rues 
sont  larges,  assez  bien  pavées  et  les  magasins  pourraient 
rivaliser  avec  ceux  de  la  perspective  Nevsky  et  de  la 

1.  Température  moyenne  de  l’année  à Tiflis  : 12°  6 ; celle 
cle  juin,  juillet,  août  est  de  24*  3,  et  celle  de  janvier  de  1/2°  c. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


113 


Balchoï-Sadovaïa.  Les  squares  de  la  place  d’Erivan  et 
du  boulevard  égayent  ces  quartiers.  Presque  en  face 
du  jardin  public  qu’on  vient  de  détruire  à moitié  pour 
y élever  un  musée  d’artillerie,  est  le  palais  de  l’admi- 
nistrateur général  du  Caucase.  Cet  édifice  n’ofïre  rien 
de  remarquable  à l’extérieur,  mais  les  appartements 
sont  décorés  les  uns  dans  le  goût  européen,  d’autres 
avec  la  recherche  du  style  persan.  Le  Kroujok  (club) 
et  le  Sobranié , fréquenté  par  le  commerce  arménien, 
sont  en  face  de  la  rue  Bariatinsky  sur  la  Golovinsky 
prospect.  Ces  deux  cercles  ont  des  jardins  d’été;  on  y 
danse  deux  fois  par  semaine.  C’est  aussi  dans  la  ville 
russe  que  sont  les  banques,  l’hotel  du  Caucase,  le 
Caravanséraï  Tamamchefï,  de  la  banque  Foncière  de 
la  noblesse,  l’état-major,  la  mairie,  la  préfecture,  la 
police,  la  poste  aux  lettres,  la  bibliothèque  publique  et 
le  musée.  En  face  le  nouveau  théâtre,  la  petite  église 
de  Saint-David,  perchée  sur  le  penchant  de  la  montagne 
Mtatsminda , c'est  à-dire  «montagne  sainte»,  domine 
à l’O.  TifLis.  C’est  là,  dit  la  légende,  que  vécut  le  saint, 
l’un  des  Pères  venus  de  Syrie  au  IVe  s.,  pour  prêcher 
le  christianisme  en  Géorgie.  On  y montre  le  tombeau 
de  Griboïedoff,  le  poète  russe  qui,  ministre  de  Russie  à 
Téhéran,  périt  dans  une  émeute  populaire,  en  1829.  A 
quelques  pas  de  l’hôtel  de  Londres,  au  delà  du  pont 
Vorontzofï,  s’élève  la  statue  du  prince.  Ce  pont  réunit 
la  ville  et  la  Colonie , faubourg  originairement  peuplé 
de  Wurtembergeois,  chassés  en  1818  de  leurpays  par 
des  persécutions  religieuses;  les  maisons  la  plupart 
précédées  d’un  petit  jardin,  habitées  par  les  descendants 
de  ces  émigrés,  donnent  à la  Michaïlovsky  un  aspect  de 
petite  ville  allemande.  Les  jardins  et  cafés-concerts  de 
Pouchkine,  Sans-souci,  des  Vases,  etc.,  fréquentés  les 
soirs  d’été  par  le  monde  où  l’on  s’amuse,  s’étendent  au 
milieu  de  la  Colonie . Comme  au  Sobranié , des 
orchestres  asiatiques  y exécutentdes  danses,  des  mélodies 
et  des  chansons  géorgiennes  et  persanes.  Mouclitaïd , le 
bois  de  Boulogne  de  TifLis,  marque  l’extrême  limite  de 
la  ville.  Plus  loin,  sont  les  écuries  du  tramway,  la 
douane,  la  gare,  etc.;  à gauche  le  champ  de  courses  et 
une  autre  colonie  allemande,  Alexandersdorj \ Au  pied 

2e  PARTIE 


8 


114 


GUIDE  AU  CAUCASE 


de  l’arsenal,  sur  la  rive  gauche  de  la  Koura,  la  vieille 
ville  géorgienne  de  YAvlabar , sa  forteresse  convertie 
en  prison,  l’église  de  Metekh,  etc.,  sont  bien  plus  inté- 
ressantes que  toutes  les  réminiscences  et  les  imitations 
de  l’Occident.  L’église  de  Métekh,  bâtie  au  Ve  s.  par 
Vakhtang  Gourgaslan,  en  même  temps  que  Tiflis,  a 
beaucoup  souffert.  Au  XVIIe  s.,  elle  servit  d’arsenal  et 
fut  démolie  par  la  foudre  au  XVIIIe;  rendue  au  culte, 
elle  devint  l’église  de  la  cour  royale  ; ruinée  en  1795  par 
les  Persans,  lors  de  la  prise  de  Tiflis  par  A ga- Mohamed 
Khan,  elle  a été  réparée  ces  dernières  années.  On  y 
montre  la  tombe  de  la  reine  Chouchanik,  martyrisée 
le  17  octobre  544  par  son  époux  musulman  Vasken.  En 
693,  les  restes  de  la  sainte  déposés  d’abord  à Tsortag 
près  Akhtalontété  transportés  à Métekh.  Sous  la  mon- 
tagne de  Métekh  il  y a une  chapelle  dédiée  à Saint-Abo$ 
c’est  en  cet  endroit,  dit-on,  qu’en  790,  le  saint  fut  brûlé 
par  les  Persans. 

Un  pont  jeté  sur  les  rives  de  la  Koura  unit  YAvlabar 
aux  quartiers  arméniens  et  persans  qui  descendent  de 
la  vieille  citadelle  persane  de  Nari-Kala  jusqu’au  bord 
de  la  profonde  tranchée  où  coule  le  fleuve.  Là,  les 
maisons  grisâtres  à terrasses  s’entassent  les  unes  au- 
dessus  des  autres  dans  un  labyrinthe  de  ruelles  escar- 
pées qui  s’entre-croisent  de  la  façon  la  plus  bizarre  et 
la  plus  capricieuse.  C’est  par  là  qu’on  passe  pour  se 
rendre  aux  bains  alimentés  par  les  sources  sulfureuses. 
C’est  sur  une  place  de  ce  quartier  asiatique,  le  Maïdan , 
que  s’étend  et  se  développe  l’enchevêtrement  de  ruelles 
qui  constitue  le  bazar  arménien  ; chacune  de  ces  ruelles 
est  bordée  de  magasins  juxtaposés  qui  servent  tout  à la 
fois  d’ateliers  et  de  boutiques,  car  tous  les  objets  s’y 
fabriquent  sous  les  yeux  des  chalands  et  des  promeneurs. 
Certaines  industries  sont  localisées  dans  des  allées 
déterminées  ; telles  sont  les  allées  des  fourrures,  des 
poteries,  celles  beaucoup  plus  intéressantes  des  armes 
et  de  l’argent,  où  sont  installés  les  armuriers  et  les 
orfèvres  ; munis  d’un  outillage  des  plus  primitifs,  ces 
artistes  caucasiens  exécutent  sur  argent  et  sur  acier  des 
niellés  d’un  goût  charmant  et  d’un  joli  dessin.  C’est 
surtout  là  et  dans  le  bazardes  soieries  et  des  étoffes  que 


GUIDE  AU  CAUCASE 


115 


l’amateur  de  bibelots  peut  acheter  les  brocards  de 
Noukha  et  de  Chémakha,  incrustations  d’or  sur  ivoire 
de  Kasi-Koumouk,  kindjals  (poignards)  damasquinés, 


116 


GUIDE  AU  CAUCASE 


fusils  et  pistolets  cerclés  d’argent  niellé,  cimeterres  aux 
reflets  bleuâtres  du  Daghestan,  tapis  fabriqués  par  les 
femmes  kurdes  de  la  province  d’Erivan,  sans  parler 
de  tous  les  objets  rares  et  précieux  importés  de  la 
Perse,  de  la  Turquie,  du  Turkestan,  de  Boukhara  et  de 
Hérat.  Chacune  de  ces  boutiques  pourrait  être  le  sujet 
d’un  tableau  de  genre.  La  foule  qui  s’y  promène  est 
aussi  bigarrée  et  bariolée  que  possible  ; fonctionnaires 
russes  en  uniforme,  Tartars  portant  la  bechmett  et  un 
papak  velu  et  conique,  Arméniens  coiffés  d’une  cas- 
quette plate  qui  contraste  étrangement  avec  leur  jus- 
taucorps asiatique  à fausses  manches  pendantes,  Wur- 
tembergeois  fidèles  à l’ancien  costume  souabe,  Albanais 
en  fustanelle,  Grecs  mendiants,  Turcs  enjuponnés, 
Ossètes  reconnaissables  à leur  calotte  de  feutre,  Persans 
vêtus  du  costume  national  et  coiffés  de  longs  bonnets 
pointus  en  astrakhan,  Lesghiens  au  profil  aquilin, 
Turkomans  des  steppes  de  Transcaspienne,  Géorgiens 
serrés  dans  la  tcherkesse , tout  ce  monde  se  presse,  se 
bouscule  dans  les  rues  étroites  et  encombrées  du  bazar. 
Parfois  une  longue  file  de  chameaux  chargés  de  mar- 
chandises de  la  Perse,  un  arba  plein  de  peaux  de 
bœufs  gonflées  de  vin  de  Kakhéthie,  des  chevaux  por- 
tant des  outres  d’eau  puisée  à la  Koura,  essayent  de  se 
frayer  un  passage  à travers  cette  cohue  1 . 

Le  bazar  tartar  et  persan  se  compose  de  corridors 
voûtés,  très  larges  et  très  élevés.  Assis  sur  un  tapis 
au  rebord  de  sa  boutique,  le  marchand  attend  les 
clients  en  fumant  un  kalyan  le  narghileh  de  la  Perse, 
ou  en  égrenant  rapidement  sur  un  chapelet  d’ambre 
jaune  les  cent  noms  d’Allah.  La  plupart  de  ces  négo- 
ciants vendent  des  soieries  et  des  tapis  2. 

Non  loin  du  bazar,  se  trouvent  un  grand  caravan- 


1.  Les  Russes,  les  Géorgiens  et  les  Arméniens  forment  la 
majorité  de  la  population  de  TifLis,  ensuite  il  y a des  repré- 
sentants des  diverses  races  du  Caucase  : des  Allemands,  des 
Français,  des  Anglais,  des  Polonais,  des  Grecs,  des  Persans, 
des  Chaldéens,  des  Tartares.des  Italiens,  des  Grecs,  des  Turcs, 
des  Suisses,  etc.,  etc.  D’après  le  professeur  Brugsch,  on 
parle  à Tiflis  environ  70  langues. 

2.  D’après  Orsolle. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


117 


séraï  récemment  construit  et  des  édifices  consacrés  à 
des  cultes  différents  : une  mosquée  schiite  avec  un 
minaret  couvert  de  plaques  de  porcelaine  bleu  tur- 
quoise, la  cathédrale  de  Sion,  l’église  d’Antchis-Khati, 
et,  près  de  la  Koura,  la  cathédrale  arménienne  de 
Vank.  La  cathédrale  de  Sion  (dédiée  à l’Assomption 
de  la  Vierge),  commencée  par  le  roi  Vakhtang  (469), 
terminée  seulement  au  VIIe  s.,  fut  successivement 
démolie  par  les  Turcs  sous  le  règne  de  Roussoudane 
au  XIIIe  s.,  rasée  par  Tamerlan  au  XIVe  s.,  et  sac- 
cagée par  les  Persans  en  1795.  Le  prince  Gagarine  a 
essayé  de  reproduire  aux  voûtes  les  anciennes  peintures 
disparues.  La  relique  la  plus  précieuse  qu’on  y vénère 
est  la  croix  de  sainte  Nino,  l’apôtre  du  Caucase,  avec 
laquelle  elle  bénissait  le  peuple.  Cette  croix  est  faite 
de  deux  ceps  de  vigne  noués  avec  des  cheveux  de  la 
sainte.  Sainte  Nino,  contemporaine  de  sainte  Ripsime 
et  de  sainte  Gaïané  dont  on  retrouve  les  souvenirs  à 
Edchmiadzine,  avait  fui  de  Rome  lors  des  persécutions; 
elle  apporta  d'Arménie  le  christianisme  en  Géorgie  au 
commencement  du  IV"  s.  Parmi  les  images  précieuses 
qui  ornent  l’iconostase,  il  faut  citer  celle  de  la  Vierge, 
et  celle  de  Nino-Tsmida,  fabriquée  en  1677.  Dans  le 
trésor  ( qu'on  ne  montre  aux  visiteurs  qu'avec  une  per- 
mission du  saint  Synode ),  on  admire  des  mitres  de 
patriarches,  des  bonnets,  crosses,  croix,  etc.,  des  bro- 
deries surchargées  de  perles  fines,  et  des  costumes 
sacerdotaux  magnifiques.  Parmi  les  60  manuscrits  ou 
édits  anciens,  on  en  cite  un  du  Xe  s.  (Bible),  un 
du  XIVe  s.,  cinq  du  XVe  s.,  sept  des  XVIe  et  XVIIe  s., 
et  d’autres  du  XVIIIe  s.  Les  tombeaux  les  plus  remar- 
quables sont  ceux  de  Vakhtang  Gourgaslan,  fondateur 
de  Sion  ; du  roi  Adarnassé  (619-639)  qui  termina  la 
construction  de  la  cathédrale  ; de  Jean  Mkar-gdzéli, 
général  de  l’armée  géorgienne  sous  Thamar,  mort  au 
commencement  du  XIIIe  s.  ; de  Paul  Tsitsianoff,  le 
premier  commandant  en  chef  de  l’armée  russe  en 
Géorgie  (1806). 

L’église  d’ Antcliis-Khati,  consacrée  à la  nativité  de 
la  Vierge,  bâtie  de  614  à 939,  pendant  le  règne  d’Adarnas 
par  Vavila,  catholicos  géorgien,  fut  plusieurs  fois 


118 


GUiDE  AU  CAUCASE 


ruinée.  Au  XVIIIe  s.,  le  catholicos  Domenti  l’a  recons- 
truite et  y a placé  la  célèbre  image  miraculeuse 
c VAntchi  (petite  bourgade  du  Klardjeti  sur  les  bords  du 
Tchorok).  D’après  les  inscriptions,  le  panneau  en  bois 
de  cette  image  du  Sauveur  fut  apporté  d’Edesse  à Cons- 
tantinople en  944,  sous  l’empereur  Roman  I,  puis  de 
Constantinople  à Antchi.  La  reine  de  Géorgie  Thamar 
(1212)  et  son  ministre  Bek,  évêque  d’Antchi,  ont  fait 
faire  le  cadre  d argent  et  les  portes  et  les  ont  enrichis 
de  pierres  précieuses:  les  derniers  ornements  datent 
de  1823.  Cachée  en  Kartalinie  pendant  les  guerres  de 
Géorgie,  elle  fut  enlevée  et  emportée  en  Turquie  où 
elle  fut  rachetée  par  un  marchand  Amrirdjan  qui  la 
rapporta  à TiULis  En  1660,  le  catholicos  Domenti  en 
fit  l’acquisition  pour  1,200  r.  et  la  plaça  dans  l’église 
de  Zari  appelée  depuis  lors  : église  d ’Antchis-Khati, 
c’est-à-dire  de  « l’image  d’Antchi  ».  La  peinture  repré- 
sentant le  Sauveur  dans  l’action  de  bénir,  et  tenant 
dans  la  main  gauche  l’Evangile,  est  aujourd’hui  com- 
plètement effacée  par  le  temps,  mais  ce  magnifique 
triptyque,  qui  mesure  1 mètre  50  de  large  sur  1 mètre 
de  haut,  offre  un  adorable  motif  d’entrelac,  et  le  revê- 
tement métallique  intérieur  des  portes  est  fort  intéres- 
sant comme  spécimen  de  l’orfèvrerie  religieuse  indi- 
gène. Voici  quelles  sont  les  scènes  représentées  : la 
résurrection  de  Lazare,  la  mort  de  la  Vierge,  le  repas 
mystique,  la  fête  des  Rimeaux,  l’attouchement  de 
Thomas,  la  descente  du  Saint  Esprit. 

La  cathédrale  arménienne  de  Vink,  construite,  dit 
Chardin,  au  XVIe  s.,  sur  remplacement  d’une  église 
élevée  par  un  pacha  converti,  a été  ornée  d’une  cou- 
pole en  1750  et  réparée  en  1788. 

Au-dessus  des  quartiers  asiatiques,  en  face  de  l’église 
de  Métekh,  se  détachent  les  ruines  pittoresques  de  la  for- 
teresse persane  de  Nan-Kal'i.  Sur  le  versant  de  la 
montagne  qu’elles  couronnent,  un  petit  jardin  bota- 
nique déploie  le  réseau  de  ses  sent  ers  sinueux  et 
ombragés,  dont  la  fraîcheur  de  la  verdure  et  les  casca- 
telles  font  un  bizarre  contraste  avec  le  ravin  tourmenté 
où  se  précipitent  les  eaux  des  sources  chaudes;  le  cime- 
tière musulman  étale  de  l’autre  côté  de  cette  ravine, 


GUIDE  AU  CAUCASE 


119 


sur  les  flancs  d’une  colline  aride,  ses  pierres  sépulcrales 
et  ses  furbehs  grisâtres,  petits  bâtiments  cubiques, 
surmontés  d’une  coupole  comme  les  marabouts  algé- 
riens. Des  ruines  de  la  forteresse,  on  embrasse  d’un 
coup  d’œil  la  vallée  de  la  Koura,  Tiflis,  ses  jardins,  ses 
boulevards,  ses  ponts,  ses  églises,  ses  bazars,  ses  mos- 
quées, panorama  magnifique  que  rehausse  la  cime 
majestueuse  du  Kazbek  dont  les  neiges  et  les  glaciers 
resplendissent  dans  le  lointain  au-dessus  des  masses 
sombres  des  montagnes  à demi  cachées  dans  un 
brouillard  bleuâtre 1 . 

LES  ENVIRONS  DE  TIFLIS 

Route  1.  De  Tiflis  à Codjor,  ( route  postale , 
18  v.  1/4)  en  omnibus , équipages  de  poste  ou  phaéton . 
Pour  les  heures  d’arrivée  et  de  départ,  consulter  les 
horaires  de  la  Poste.  — On  escalade  la  montagne  de 
Sololaki , Je  ravin  de  la  Tabakhana  et,  par  une  série  de 
zigzags,  on  atteint  Tabakméla  (13  v.  1/4).  En  5 v.  on 
est  à Codjor.  Hôtel . Poste  aux  lettres , aux  chevaux. 
Télégraphe . C’était  autrefois  une  résidence  des  rois  de 
Géorgie.  L’air  y est  pur  et  vif,  aussi  beaucoup  d’habi- 
tants de  Tiflis  y ont-ils  construit  un  grand  nombre  de 
villas.  C’est  à Codjor  qu’en  été  sont  transférées  les  chan- 
celleries des  principales  administrations  du  Caucase. 
Une  grande  tour  appelée  Kor-Oglou  semble  être  l’an- 
cienne forteresse  géorgienne  citée  par  Vakhoucht. 

Route  2.  De  Codjor  aux  ruines  de  l’église  de 
Caben,  (à  pied  ou  à cheval).  Dans  la  vallée  de 
l’Assoureth,  au  S. -O.  de  Codjor,  se  voient  les  ruines  de 
l’église  de  Caben.  Ce  monastère  de  femmes,  fondé  par 
la  reine  Thamar  à la  fin  du  XIIe  s.,  est  aujourd’hui  à 
moitié  détruit.  En  pierres  calcaires  blanches,  sans 
mélange  de  briques,  comme  cela  se  voit  quelquefois  en 
Géorgie,  l’église  avait  une  nef  principale  et  des  bas 
côtés  sur  l’un  desquels  on  remarque  encore  une  porte 
de  belles  proportions  et  admirablement  ciselée.  La 
coupole  s’est  écroulée  et  il  ne  reste  que  la  base  des 
piliers  qui  la  supportaient.  L’abside  repose  sur  un  sou- 


1.  D’après  Orsolle. 


120 


GUIDE  AU  CAUCASE 


bassement  très  largement  empâté  et  forme  un  pignon 
unique  à surface  plane.  Tous  les  ornements  de  cette 
façade  partent  de  la  croix  qui  est  sculptée  au  sommet 
et  se  relient  entre  eux  en  suivant  une  ligne  droite  qui 
partage  l’abside  en  deux  parties  égales,  comme  les 
deux  volets  d’une  armoire  fermée  ou  d’un  tabernacle. 
Est-ce  une  disposition  symbolique  ou  une  simple  fan- 
taisie de  l’artiste  ? Les  deux  niches  triangulaires  qui 
sont  à l’intersection  des  deux  pans  coupés  formés  par 
les  extrémités  de  l’abside  et  celles  des  bas  côtés  témoi- 
gnent aussi  de  l’originalité  de  l’architecte.  Les  colon- 
nettes,  entrelacs,  palmettes  et  toutes  les  sculptures  de 
ce  monument  sont  finement  enlevés  et  donnent  un 
intéressant  spécimen  des  détails  du  style  fleuri  géorgien 
au  XIIe  s. 

Route  3.  — De  Codjor  à leglise  de  Béthanie,  on 

peut  aller  en  voiture  jusqu’au  Beilé  Doukkan  (cabaret 
blanc)  ; là  on  trouve  un  guide  et  des  chevaux  de  selle. 

Datant  de  la  fin  du  XIIe  s.,  Téglise  de  Béthanie, 
enfouie  sous  une  épaisse  végétation,  est  dans  un  lieu 
difficilement  accessible.  C’est  le  prince  Gagarine  et 
M.  Grimm  qui  ont  eu  l’honneur  de  découvrir,  en  1851, 
les  fresques  qui  décorent  l’édifice. 

La  peinture  murale  la  plus  précieuse  représente  cinq 
portraits  en  pied,  de  près  de  3 mètres  de  haut  : La 
reine  Thamar,  son  père  le  roi  Georges,  son  fils 
Georges,  surnommé  Lacha c’est-à-dire  (de  beau»,  saint 
Dimitri  et  saint  Georges.  Dans  le  pays  où  elle  a glo- 
rieusement régné,  la  plupart  des  édifices  qu’avait 
construits  Thamar  ont  été  anéantis,  mais  son  souvenir 
a survécu  à toutes  les  guerres  et  à tous  les  désastres. 
Le  temps  même  lui  a donné  une  plus  vive  auréole. 
D’âge  en  âge,  les  peuplades  de  l’Asie  occidentale 
se  sont  raconté  tous  ses  éclatants  exploits,  et  sa 
réelle  histoire  a été  peu  à peu  transformée  en  une 
légende  embellie  par  de  poétiques  fictions.  La  reine 
Thamar,  c’est  la  Sémiramis  du  Caucase,  c’est  l’être 
privilégié  auquel  on  attribue  tout  ce  qui  s’est  fait  de 
grand,  de  beau,  d’utile  pendant  le  cours  de  plusieurs 
générations.  Les  soldats  géorgiens  donnaient  à cette 
noble  femme  le  nom  de  roi  comme  les  Hongrois  à 


GUIDE  AU  CAUCASE 


121 


Marie-Thérèse  ; les  prêtres  ont  proclamé  ses  vertus, 
les  poètes  et  surtout  Rousthavéli,  dans  son  poème 
U Homme  à la  peau  de  tigre , ont  chanté  sa  beauté.  Les 
peintures  de  Béthanie  fort  abîmées  aujourd’hui  et  qui 
vont  disparaître  avec  l’écroulement  de  la  coupole, 
n’ont  sans  doute  ni  relief,  ni  correction  de  dessin,  mais 
elles  ont  de  l’intérêt  historique  parce  qu’elles  repré- 
sentent les  héros  dTine  ère  glorieuse  et  qu’elles  ont  été 
peintes  à une  époque  presque  contemporaine  où  l’on  ne 
pouvait  se  tromper  sur  la  ressemblance  et  les  cos- 
tumes. 

Route  4.  — De  Godjor  à Manglis.  ( route  postale , 
38  v.  3/4  par  Priout).  (Pour  les  heures  d’arrivée  et  de 
départ,  consulter  les  horaires  de  la  Poste  et  des  omni- 
bus). L’emplacement  de  Manglis  se  compose  de  deux 
plateaux  contigus  coupés  par  des  ravins  où  couleut 
l’Algheth  et  son  affluent  sur  lequel,  en  1851,  a été 
construit  un  pont  de  pierre.  Vakhoucht  dit  : <(  Il  y a 
dans  le  mot  Manglis , des  sons  grecs  et  inconnus  au 
géorgien,  il  y a deux  mots  : mangli  c.  à à.  faux  et  man- 
glissi  c.-à-d.  place  pour  le  foin  répondant  assez  à la 
richesse  du  lieu,  et  qui  permettent  de  supposer  que 
l’appellation  dérive  de  là  ))  (3,000  habitants).  Hôtel . 
Poste  aux  lettres  et  aux  checaux.  Télégraphe . Ca- 
sernes, etc.).  De  hautes  montagnes  boisées,  sauf  du 
côté  de  l’E.,  de  vertes  prairies,  des  bouquets  de  sapins, 
de  bouleaux,  s’étagent  en  amphithéâtre  et  abritent 
l’église  qui  est  un  des  anciens  monuments  de  la  Trans- 
caucasie. Elle  est  au  milieu  d’une  muraille  flanquée 
d’un  porche  et  de  quatre  tours.  Dans  l’enceinte,  quel  - 
ques tombes  sculptées  et  des  restes  d'habitations. 
C’est  à propos  du  roi  Mirian  II  (252  à 329  ap.  J.-C.) 
de  sainte  Nino  et  de  la  prédication  du  christianisme 
en  Géorgie  qu’il  est  question  pour  la  première  fois  de 
Manglis  dans  les  annales.  Ce  qu’on  croit  c’est  que 
l’église  fut  construite  par  ordre  de  l’empereur  Cons- 
tantin. Aux XIIe  et  XVIIe  s.,  elle  eut  à souffrir  lors 
de  la  domination  persane,  et  au  XVIIIe  s.  fut  dé- 
vastée par  les  Lesghiens  ; elle  a été  réparée  en  1667, 
et,  en  ces  dernières  années,  par  les  Russes. 


122 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Route  5.  — De  Tiflis  à Ekathèrinenfeld  ( chaus- 
sée, 60  v.  1/4)  parTABAKMÉLA  (13  v.  1/4),  Barbalo 
(11  y.),  Kodi  (6  v.),  Kalaghir  (15  v.),  Ekathèrinen- 
feld (15  v.). 

Route  6.  — De  Tiflis  à Tantzi  ( route  carj'os- 
sable,  75  v.).  Jusqu’à  un  doukan  (cabaret)  qui  est 
avant  l’ancien  relais  de  poste  de  Saganlouk,  on  suit 
la  chaussée,  puis  on  tourne  à droite.  On  aperçoit  l’é- 
glise de  Khatistétéli  et  de  Saint-Georges  à la  bourka 
noire  ; à gauche,  un  petit  lac  salé.  Après  Koumissi 
village  géorgien,  et  Koda  où  l’on  fait  halte,  on  gagne 
Marabda  ; on  franchit  à gué  I’Algeth.  A gauche, 
l’ancienne  redoute  Kalaghir  construite  par  les  Russes; 
à droite,  quelques  petites  églises  en  ruine.  On  descend 
par  un  pont  de  pierre  au  village  tartare  Araklo  et, 
laissant  à gauche  Chibilar  où  coulent  des  sources  mi- 
nérales, on  atteint  Ekathèrinenfeld,  colonie  alle- 
mande ( Auberge  où  l'on  peut  coucher).  De  là  à 
Kwech,  dont  la  forteresse  domine  le  village,  il  y a 
8 verstes.  Enfin,  par  un  sentier  praticable  aux  voi- 
tures, on  arrive  à Tantzi,  propriété  du  prince  Georges 
Orbéliani. 

Route  7.  — De  Tantzi  à l’église  de  Pitoreth  (6  v. 

à cheval).  Ce  monastère,  dédié  à la  Vierge  et  entouré 
d’une  enceinte  flanquée  d un  porche,  est  sur  la  rive 
gauche  du  Khram,  à l’O.  du  pittoresque  château 
fort  Khoulouti.  A peine  mentionnée  par  Vakhoucht., 
l’église  à coupole,  de  grandes  proportions,  en  pierres 
de  taille,  est  cependant  un  des  jolis  échantillons  de 
l’architecture  arméno  - géorgienne  et  est  assez  bien 
conservée,  quoique  la  végétation  l’envahisse  et  que 
l’état  d’abandon  dans  lequel  on  la  laisse  ne  fasse  crain- 
dre qu’elle  n’ait  le  triste  sort  de  l’église  de  Béthanie  et 
de  tous  les  monuments  historiques  et  religieux  du 
Caucase.  Les  portes,  les  fenêtres,  les  corniches  sont 
chargées  de  sculptures  variées  et  élégantes.  A l’inté- 
rieur, quelques  peintures  fort  abîmées,  presque  effacées, 
des  pierres  tombales  en  marbre,  mais  dont  les  inscrip- 
tions sont  frustes,  attestent  la  magnificence  passée  de 
ce  monument  dont  la  construction  est  attribuée  par 
Brosset  au  roi  Georges  le  Brillant  (X1VÜ  s.). 


GUIDE  AU  CAUCASE 


123 


Route  8.  — De  Tiflis  aux  mines  d’Akhtala  (85  v. 

environ,  en  phaèton  ou  à cheval ).  De  Tiflis  par  la 
chaussée  jusqu’à  Saganlouk  (12  v.)  ; puis  on  tourne 
à droite  dans  la  plaine  de  Kodi  nue,  brûlée  par  le 
soleil  en  été,  balayée  en  hiver  par  les  vents,  et  dont  le 
sol  argileux  sans  calcaire  et  sans  irrigation  possible, 
ne  pourra  jamais  être  fertilisé.  On  gagne  Sarvane 
(23  v.  environ),  août  tatar  formant  une  oasis  sur  la  rive 
droite  de  l’Algheth.  Au  bout  de  10  v.,  on  passe  à gué 
le  Khram  près  d’EMiR  ; on  contourne  une  petite  chaîne 
de  montagnes  peu  élevées  et  on  entre  dans  la  longue 
plaine  de  Sadaklo  (15  v.  d’Emir)  plantée  de  vignes, 
où  l’on  peut  boire  un  excellent  vin  ayant  un  bouquet 
tout  autre  que  celui  des  vins  de  la  Kakhéthie  et  rappe- 
lant un  peu  les  petits  crus  du  Médoc  (300  habit.).  Les 
princes  Ivan,  Georges  Mélikofï  et  M.  Magalofï  ont  là 
leurs  propriétés.  On  suit  la  vallée  de  la  Débéda-tchaï 
dont  le  lit  actuel  rappelle  d’une  manière  frappante  les 
cariions  du  Colorado.  En  effet,  la  différence  de  niveau 
entre  le  premier  lit  naturel  et  celui  que  Faction  des 
eaux  s’est  creusé  dans  les  roches  basaltiques  varie  de 
80  à 100  mètres.  Peu  à peu  le  paysage  s’anime  et 
devient  riant,  les  montagnes  s’élèvent  couvertes  de 
forêts  qui  s’étagent  jusqu’à  2,500  m.  d’altitude  sur 
les  versants  des  rameaux  du  Petit-Caucase.  On  tra- 
verse Aïroum,  août  tatar,  à partir  duquel  une  route 
nouvellement  faite  conduit  en  8 v.  à Akhtala,  hameau 
situé  dans  une  position  très  pittoresque  sur  des  rocs 
escarpés  au  bas  desquels  coule  le  Tchamlouk-tchaï. 
La  Société  française,  propriétaire  des  terrains,  achève 
ses  installations  ; l’exploitation  des  gisements  et  le  trai- 
tement des  minerais  de  cuivre  et  de  plomb  argentifère 
sont  commencés. 

Route  9.  — D’Akhtala  à Tchamlouk  (6  v.  envi- 
ron, à cheval  ; par  un  sentier  très  difficile).  11  y a là  de 
riches  mines  de  cuivre  exploitées  jadis  et  qui  vont 
l’être  de  nouveau. 

Route  10.  — De  Tchamlouk  à Allah  verdi  (12  v. 

environ  à cheval ).  Bâtie  sur  les  flancs  du  Lalvare  à 
300  mètres  d’altitude,  l’usine  importante  où  se  traitent 
les  minerais  de  cuivre,  appartient  à des  Grecs. 


124 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Route  11.  — De  Tiflis  à l’église  de  Sanahine 

(95  v ) par  Saganlouk  (chaussée, 9 v.).  Kodi  (id.  13  v.) 
le  pont  d’ARAKLi  sur  le  Khram  (id.  15  v.).  Ciioulaver 
(route carrossable,  14  v.).  Khoforné  (id.  14  y.).  Allah- 
verdi  (d  cheval , 22  v.).  Sanahine  (id.  S v.)  ; ou  mieux 
par  Sadaklo,  Aïroum,  Akhpat  (route  carrossable 
85  v.  ).  Le  monastère  de  Sanahine,  lieu  de  sépulture 
des  rois  arméniens  Bagratides,  fut  fondé  par  des 
moines  émigrés  de  Grèce  en  934.  Les  nombreuses  ins- 
criptions qu’on  y trouve  sur  les  murs,  les  croix,  les 
tombeaux,  sont  des  matériaux  utiles  pour  l’histoire  de 
l’Arménie  depuis  le  Xe  jusqu’au  XIVe  s. 

Route  12.  — De  Sanahine  au  monastère  d’ Akhpat 
(4  v.  à cheval  ; sentier  très  difficile).  A droite  du  défilé 
de  la  Débéda,  au  pied  du  mont  Kalery-Sar,  sur  une 
petite  clairière,  est  situé  le  monastère  cl’ Akhpat.  Vers 
le  N. -O.  des  murailles  qui  l’entourent,  se  trouve  un 
petit  village  arménien  aux  environs  duquel,  en  1871  et 
1872,  M.  Eritsoff,  et  en  1888-1889,  M de  Morgan, 
ont  opéré  des  fouilles  qui  ont  fait  découvrir  d’anciens 
tombeaux  où  on  a recueilli  des  poignards,  piques,  bra- 
celets en  bronze,  fibules,  ornements,  poteries,  etc... 
qui  prouvent  que  le  village,  les  chapelles  et  probable- 
ment le  monastère  lui-même  sont  bâtis  sur  l’emplace- 
ment de  nécropoles  païennes.  D’après  une  légende 
populaire,  pendant  la  propagation  du  christianisme  en 
Arménie  au  IVe  s.,  les  disciples  de  Grégoire  l’Illu- 
minateur,  parcourant  le  pays  et  érigeant  partout  des 
églises  au  lieu  des  temples  païens,  bâtirent  les  quatre 
chapelles  disposées  en  forme  de  croix  qui  sont  aujour- 
d'hui en  ruines.  Celle  qui  est  au  N.  et  bâtie  la  première 
porte  le  nom  d’Aratchadem,  c’est-à-dire  l’Antérieure;  à 
l’E.  est  placée  celle  de  Saint- Minas,  à l’O.  celle  de  la 
Résurrection  et  au  S.  la  chapelle  de  Saint-Georges.  Le 
nom  d’Akhpat  n’est  mentionné  par  les  chroniqueurs 
arméniens  que  dans  la  seconde  moitié  du  Xe  s. 
L’église  principale  commencée  par  la  reine  Khosro- 
varynouyk,  épouse  du  roi  Achot  le  Bon,  vers  965,  fut 
achevée  en  991. 

Route  13.  — D’Akhpat  au  monastère  d’Akhtala 
(8  v.  à cheval ).  Dans  le  défilé  de  la  Débéda,  au  pied  du 


GUIDE  AU  CAUCASE 


125 


mont  Lalvare,  sur  un  rocher  s’élève  le  monastère,  au 
milieu  des  murailles  à demi  écroulées  d’une  forteresse. 
Il  a été  construit  au  commencement  du  XIIIe  s., 
par  un  certain  Jean  Atabeg.  Au  premier  abord,  l’église 
rappelle  un  peu  la  cathédrale  de  Mtzkhet,  mais  elle  est 
moins  grande.  La  coupole  encore  intacte  au XVIIIe  s., 
s’est  écroulée.  Le  toit  était  en  dalles  de  pierre, 
mais  elles  sont  dispersées  maintenant  dans  l’enceinte 
du  monastère,  et  le  temple,  par  ordre  du  prince  Voron- 
tzoff,  a été  recouvert  en  tuiles  vertes.  A la  place  de 
l’ancienne  coupole  on  en  a placé  une  en  bois  et  en 
zinc  en  forme  d’hémisphère.  Du  côté  O.,  devant  la 
porte  principale,  on  a élevé  sur  colonnes  un  parvis  en 
guise  de  portique  qui  conduit  à la  chapelle  où  repo- 
sent les  cendres  de  Jean  Atabeg.  L’intérieur  de 
l’église  est  bien  éclairé.  On  y voit  l’image  colossale  de 
la  Vierge  assise  tenant  l’enfant  Jésus  dans  ses  bras  ; 
les  couleurs  sont  assez  bien  conservées,  mais  la  face 
et  la  poitrine  de  la  Vierge  sont  très  endommagées  ; 
puis  la  Nativité,  l’Assomption,  etc.  A gauche  : le  ca- 
veau de  la  famille  des  princes  Mélikofï. 

Route  14.  — D’Akhtala  à Tiflis  (92  v.)  par 
Tchochkane  (6  v.),  Sadaklo,  Choulavère  (35  v.  route 
carrossable ),  Kodi,  Saganlouk  (51  v.  chaussée). 

Route  15.  — De  Tiflis  à Alexandrehütte  (90  v. 
environ,  en  phaéton  ou  à cheval).  De  Tiflis  par  la 
chaussée  jusqu’à  Saganlouk  (12  v.),  puis  on  tourne 
à droite  dans  la  plaine  de  Kodi.  On  franchit  l’Algheth 
et  le  Khram  et  on  gagne  Ekathérinenfeld  d’où,  en 
32  v.,  on  arrive  à Alexandrehütte.  La  verrerie  du 
baron  Koutchenback  (3,000  p.  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer  Noire),  dans  une  gorge  étroite  au  fond  de 
laquelle  coule  le  Pénésaour-tchaï  et  entourée  de  belles 
forêts,  a été  bâtie  en  1882.  On  y fabrique  dans  des 
fours  à gaz,  système  Siémens,  de  la  verrerie  blanche, 
demi-blanche,  des  bouteilles, etc.  Production  annuelle: 
70,000  roubles. 

Route  16.  — D’ Alexandrehütte  à Mamoutli  (15  v. 

route  carrossable ).  Installée  en  1863,  la  fromagerie 
du  baron  Koutchenback  fabrique  du  beurre  excellent, 


126 


GUIDE  AU  CAUCASE 


du  gruyère,  du  limbourg,  et  du  tilzit  fort  appréciés. 
La  race  du  bétail  est  un  croisement  de  taureaux  suisses 
et  de  vaches  tartares  et  russes.  Production  annuelle: 
1,500  pouds  de  fromages. 

Route  17.  — De  Tiflis  à Béléklutch  [route  pos- 
tale, 53  v.  1/4)  en  équipages  de  poste  : 5 roubles  ; en 
phaéton  à 4 chevaux  : 15  roubles  environ.  Trajet  en 
5 ou  10  heures  selon  le  temps  et  la  saison.  Il  n’y  a pas 
d'auberge  à Béléklutch ; il Jaut  emporter  des  vivres  de 
Tiflis  et  coucher  à la  station  de  poste.  En  sortant  de 
Tiflis  par  la  route  de  Codjor,  on  gagne  Tabakméla 
(13  v.  1/4),  puis  on  tourne  à gauche  et  on  longe  les 
montagnes  pendant  6 verstes  ; on  entre  dans  la  vallée 
de  Kodi  au  fond  de  laquelle  s’aperçoit  un  petit  lac 
d’eau  salée.  Des  vignobles  encadrent  Barbalo  (11  v.), 
village  peuplé  de  Géorgiens  et  d’ Arméniens.  On  tra- 
verse la  colonie  allemande  Elisabethal  et  on  arrive  à 
Saragachène  (13  v.  1/2).  On  franchit  à gué  l’Algheth, 
et,  au  milieu  d’une  contrée  boisée,  on  monte  jusqu’à 
Béléklutch  (15  v.  1/2),  440  feux  ; population  compo- 
sée d’anciens  soldats  russes  retraités  ; casernes;  comme 
garnison  : le  2e  régiment  de  grenadiers.  A 8 verstes  de 
Béléklutch,  au  bordduKhram  : les  ruines  de  la  forte- 
resse de  Samschwildé.  A 7 v.  le  Ziloné  monastère 
(c’est-à-dire  vert),  et  à 30  v.,  un  autre  Ziloné  monas- 
tère, d’une  belle  construction,  bien  conservé  et  orné  de 
plaques  de  marbre  et  de  jolies  sculptures.  Aux  envi- 
rons de  Béléklutch  le  chasseur  trouve  l’ours,  le  cha- 
mois, le  cerf,  le  chevreuil,  etc. 

Route  18.  — De  Béléklutch  à Khram  ( route 
vicinale , 34  v.)  par  Poste-Vedenski  (22  v.),  Khram 
(12  v.). 

Route  19.  — De  Tiflis  à Tionéti  (60  v.  en  phaé- 
ton ; 50  v.  à cheval)  par  Kidani,  Mamkodi,  Tskwari, 
Tchamia,  Sabadouri,  Khevsour-Sopéli,  Sakaraou- 
lo.  De  Tiflis  jusqu’à  Kidani,  la  route,  pendant  9 
verstes,  longe  le  chemin  de  fer  ; on  laisse  à gauche 
Avtchali,  puis,  tournant  à droite,  on  passe  à Mam- 
kodi  dont  on  aperçoit  sur  une  élévation  la  petite  église. 
Après  une  rampe  on  descend  à Tskwari-Tchamia.  Du 


GUIDE  AU  CAUCASE 


127 


haut  des  collines  de  Sabadouris-Khéli  qui  mènent  au 
poste  de  chapars  Sabadouri,  on  jouit  cl’une  jolie  vue 
sur  la  plaine  giboyeuse  d’Ertsso  connue  des  chasseurs, 
et  au  milieu  de  laquelle  sont  éparpillés  une  vingtaine 
de  hameaux  avec  leurs  prairies  et  leurs  champs  de 
blé.  La  chaussée  coupe  cette  vallée  et  finit  à Khevsour- 
Sopéli.  On  continue  par  un  chemin  qui  traverse  la 
foret  de  Sakaraoulo,  et,  en  quatre  verstes  on  arrive 
au  village  de  ce  nom  près  duquel  est  la  résidence  d’été 
du  prince  Nicolas  Tchavtchavadzé.  De  Sakaraoulo  à 
Tionéti  il  y a deux  chemins  : l’un  de  8 v.,  pour  cava- 
liers et  arbas , longe  l'Iora,  rivière  capricieuse  quon 
traverse  quatre  fois,  l’autre  chaussée  de  15  v.,  passe  à 
gauche  de  l’église  de  Sakaraoulo,  et  par  une  série  de 
lacets  au  milieu  des  bois,  monte  aux  ruines  cl’une 
église,  fléchit  à gauche  et  redescend  par  la  forêt  de  la 
princesse  Baratofï  jusqu’à  Tionéti. 

Route  20.  — DeTiflis  à Tionéti  (en  phaéton)  par 
la  route  militaire  de  Géorgie , pendant  10  v.  jusqu’au 
pont  du  chemin  de  fer  Mtzkhetski  most.  On  passe 
sous  ce  pont  praticable  aux  voitures  et  on  atteint  Sa- 
gouramo.  De  là  on  va  à Akhatani,  village  à partir  du- 
quel on  gravit  un  mauvais  chemin  escarpé  ; puis  on 
redescend  dans  la  vallée  d’Ertsso  où  l’on  rejoint  la 
route  de  Khevsouri-Sopéli  à Sakaraoulo  ( voir  le 
précédent  itinéraire). 

Route  21.  — De  Tiflis  à Martkhopi  (30  v.,  en 

voiture ),  par  la  chaussée  de  la  Kakhéthie  jusqu’à 
Lilo,  puis,  en  tournant  à gauche  jusqu’au  village  ; ou 
bien  par  une  autre  route  carrossable  plus  courte  (12  v.) 
en  passant  à gauche  de  l’arsenal  de  Tiflis,  près  d’un 
lac  salé  et  différents  koutors.  Martkhopi  était  très 
peuplé  jusqu’au  XIIe  s.  L’église  était  jadis  un  lieu 
de  pèlerinage  pour  les  rois  géorgiens.  Mais  Schah- 
Abbas  emmena  en  captivité  plusieurs  milliers  des  ha- 
bitants et  les  déporta  en  Perse,  au  Kborassan  et  à 
Ispahanoù  ils  ont  formé  6 villages  de  3,140  feux.  Le 
monastère,  résidence  d’été  des  exarques  de  Géorgie, 
fondé  en  415  par  Antoine,  l’un  des  13  Pères  de  Syrie, 
est  dédié  à J.-C.  On  voit  encore  la  tour  svéti  où  vécut. 


128 


GUIDE  AU  CAUCASE 


dit-on,  le  moine.  La  fête  de  Martkhopi  se  célèbre  le 
16  aoûu 

Route  22. — De  Tiflis  àTsarski-Kolodtsi(130  v. 

en  équipages  de  poste  ou  à cheval ),  par  Orkhévi 
(10  v.),  Vasiani  (14  y.),  Asambouri  (20  v.),  Kakobéti 
(21  v.),  Katchréti  (15  v.),  Moghari  (19  v.).  Match- 
khani  (12  v.),  Tsarski-Kolodtsi  (14  y.).  De  Tiflis 
par  la  place  d’Avlabar,  on  prend  la  route  de  la  Kakhé- 
thie.  Jusqu’à  Orkhévi,  on  est  dans  la  steppe.  On  monte 
vers  Vasiani  où  est  la  bifurcation  du  chemin  menant 
à Moukhravane  et  Gambor.  On  traverse  Alexandre- 
feldt,  colonie  allemande  d’une  certaine  importance, 
au  bord  de  l’Iora,  Sartatchall  peuplé  par  des  Géor- 
giens, et  on  atteint  Asambouri,  village  de  Malakans 
situé  assez  haut  sur  la  montagne.  De  là  on  descend; 
on  franchit  à gué  l’Iora,  et  en  10  verstes  on  est  à Kako- 
béti.  La  route  se  dirige  à droite,  puis  revient  à gauche 
jusqu’à  Katchréti.  Au  bout  de  6 verstes  on  quitte 
le  chemin  qui  va  à Thélaff  ; après  16  v.  celui  qui  va  à 
Signak,  et  on  continue  par  une  route  vicinale  sur 
Moghari,  village  de  Malakans.  Matchkhani  n’est 
qu’un  relais  de  poste,  mais  aumi  lieu  d’un  joli  paysage  ; 
Tsarski-Kolodtsi  (300  feux),  où  habitent  des  soldats 
russes  retraités,  est  un  ourotchiché,  camp  de  cavalerie. 
Au  commencement  de  la  steppe  de  Chitaki  quelques 
pâturages  s’étalent  sur  les  versants  des  collines  qui 
limitent  la  vue  à l’E.  Au  S.  est  la  montagne  de  Saint- 
Elie  sur  laquelle  est  une  petite  église  géorgienne.  Au 
N.  le  mont  des  Deux-Frères . Enfin,  à 6 v.  et  sur  la 
pente  d’un  coteau  boisé,  les  ruines  d’un  château  attri- 
bué à la  reine  Thamar. 

Route  23.  — De  Tiflis  à Signak  1 (100  v.  route 

1 La  Kakhéthie  qui  comprend  les  vallées  de  Flora  et  de 
l’Alazan  est  desservie  de  Tiflis  par  plusieurs  routes.  — Route  de 
Thélajf  (93  v.).  D’abord  un  pays  montueux  uniforme.  v. 
Marienthal,  colonie  allemande  dans  un  joli  site.  Puis  une 
belle  contrée  où  l’on  traverse,  à 1,695  m.  d’altitude,  les  mon- 
tagnes qui  séparent  les  vallées  de  l’Iora  et  de  l’Alazan.  Thé- 
laff (795  m.)  (voir  ce  nom).  — A 7 v.  à l’O.  Tsinandal  (voir 
ce  nom),  domaine  impérial  qui  produit  l’un  des  meilleurs  vins 
de  Kakhéthie.  A 18  v.  au  N. -O.  deThélafï.  Allah  verdi  (voir  ce 


GUIDE  AU  CAUCASE 


129 


postale)  par  Orchévi,  Vasiani,  Marienfeld,  Azam- 
bouri,  Mouganlo,  Lakbi,  Noukrian,  Signak.  La 
colonie  allemande  de  Marienfeld,  fondée  vers  1830 
par  les  Wurtembergeois,  contraste  par  sa  jolie  église, 
ses  maisons  bien  construites  et  proprement  tenues, 
avec  les  sales  villages  géorgiens  qu’on  a rencontrés 
depuis  Tiflis.  Non  loin  est  la  station  d’AzAMBOURi  cor- 
respondant au  bourg  du  même  nom,  habité  par  la 
secte  russe  des  Malakans,  sorte  de  protestants  ortho- 
doxes qui  tirent  leur  origine  des  sectes  luthériennes  de 
l’Allemagne  et  de  la  Pologne.  Ils  sont,  pour  ainsi  dire, 
les  frères  moraves  russes  avec  cette  différence  toute- 
fois qu’ils  ne  reconnaissent  pas,  comme  le  font  ces 
derniers,  d’église,  de  prêtres  ni  de  sacrements.  On 
franchit  à gué  l’Iora,  et  après  Mouganlo  , aoul 
tartare,  qui  semble  perdu  au  milieu  de  la  steppe  de 
Karaïas,  on  change  de  chevaux  à Lakbi  et  on  atteint 
Noukrian.  L’aspect  du  terrain  se  modifie  peu  à peu  ; 
une  rampe  ardue  conduit  au  sommet  d’une  montagne  : 
dé  toutes  parts  les  habitations  se  multiplient  avec 
leurs  ceintures  de  petits  vignobles  ; on  entre  en  Ka- 
khéthie,  le  jardin  de  la  Géorgie.  Signak  (10.069  habit.) 
Poste.  Télégraphe ),  fondée  par  les  Arméniens  fuyant 
les  persécutions  des  Persans,  se  compose  d’un  semis 
de  bourgades  disséminées  sur  une  suite  de  collines 
que  la  vaste  plaine  de  l’Alazan  sépare  d’un  grand  relief 
frontière.  Le  site  que  les  émigrés  jugèrent  à l’abri  des 
incursions  des  montagnards  Lesghiens  et  du  Daghestan 
cantonnés  de  l’autre  côté  de  la  chaîne  caucasique  est 
couvert  de  forêts  magnifiques.  Le  cours  d’eau  qui  coule 

nom)  dont  la  cathédrale  est  un  pèlerinage  très  fréquenté  le 
14[26  sept.  Les  tribus  des  Khewsours,  des  Touches  et  autres 
s’y  rendent  alors  des  environs^t  l’on  y a occasion  de  faire 
des  études  intéressantes.  Une  route  mène  plus  loin  au  N. -O. 
de  Thélafï  à Akhméti  (env.  26  v.),  Tionèti  (50  v.)  et  Ananour 
{voir  ce  nom).  — Route  de  Signak:  104  y.  de  Tiflis  par  Ma- 
rienthal  où  l’on  prend  à l’E.  Il  y en  a aussi  une  de  Thélafï 
(62  v.  lpZ) . La  première  passe  dans  la  vallée  de  l’Alazan  qui 
a environ  100  v.  de  long  et  8 à 30  de  large.  Il  y a là  20.000  dé- 
ciatines  de  vignes  qui  s’élèvent  jusqu’à  900  m /d’altitude  et  qui 
produisent  environ  30.000  hectolitres  de  vin  par  an.  Signak 
(791  m.)  {voir  ce  nom).  — La  route  continue  sur  Zakatal  et 
Noukha  (ooir  ces  noms).  — D’après  Bœdeker. 

2e  partie 


9 


130 


GUIDE  AU  CAUCASE 


au  pied  des  hauteurs  de  Signak  et  que  grossissent 
nombre  de  petits  ruisseaux  venant  des  monts  boisés 
d’alentour,  ne  contribue  cependant  en  rien  à la  fertilité 
de  ces  campagnes  ; ce  n’est  qu’un  avide  torrent  de  drai- 
nage qui  s’enfuit  au  plus  vite.  On  a le  projetd’en  distraire 
divers  canaux  d’irrigation,  afin  de  remédier  aux  ter- 
ribles sécheresses  qui  entraînent  quelquefois  ici  la  perte 
entière  des  récoltes.  De  Signak  à Thélaff,  ancienne 
capitale  de  la  Kakhéthie,  se  déroule  un  chapelet  de  vil- 
lages. L’Alazan,  dont  les  eaux  bourbeuses  nourrissent 
d’innombrables  poissons,  prend  sa  source  au  mont 
Barbalo,  et  traversant  le  pays  du  N.-ô.  au  S.-E.,  va 
se  jeter  au  loin  dans  la  Koura.  Les  vallées  arrosées 
par  cette  rivière  et  par  son  affluent  Flora,  forment  la 
Kakhéthie.  La  Géorgie  n’a  point  de  district  plus  fertile 
et  plus  beau.  D’un  côté,  le  Caucase  dresse  ses  arides 
sommités  frangées  de  blanc  ; de  l’autre,  s’alignent  des 
hauteurs  herbues  et  riantes.  L’hiver  une  brume  opaque 
enveloppe  souvent,  plusieurs  semaines  durant,  la  val- 
lée et  sa  bordure  de  collines  ; mais  que,  tout  à coup, 
les  rayons  du  soleil  viennent  à percer  la  tenture  de 
nuages,  l’œil  est  ébloui  par  les  splendeurs  de  ce  pay- 
sage lumineux  et  aux  couleurs  variées.  Quant  à la  ville 
elle-même,  c’est  une  localité  assez  triste  et  dénuée  de 
ressources;  les  communications  y sont  difficiles  ; le  sol 
inégal  y est  tout  en  montées  et  descentes  et  une  course 
à travers  les  rues  a vite  fait  de  mettre  le  piéton  sur  les 
dents.  Le  gros  de  la  population  s’y  compose  d’Armé- 
niens  marchands  qui  vivent  entre  eux,  et,  dans  l’éche- 
veau des  rues  tortueuses  qui  forment  le  bazar,  on  ne 
trouve  uniquement  que  les  objets  de  première  néces- 
sité. Sur  les  collines,  s’échelonnent  plusieurs  jolies 
maisons  appartenant  aux  plus  riches  négociants,  mais 
la  plupart  des  habitations  sont  superposées  ; le  toit  de 
l’une  forme  la  base  de  l’autre.  Outre  quelques  églises, 
des  écoles,  un  tribunal  et  une  caserne,  Signak  pos- 
sède un  club,  mais  peu  fréquenté.  Un  mur  hérissé  de 
tours  environne  la  ville  sur  un  espace  de  deux  verstes 
et  demie  ; cette  enceinte  élevée  par  le  roi  de  Géorgie 
Héraclé  II,  pour  mettre  les  habitants  à l’abri  des  atta- 
ques des  Lesghiens,  est  percée  d’un  passage  conduisant 


GUIDE  AU  CAUCASE 


131 


à la  nouvelle  chaussée  qui  va  à Thélaff  et  qui  est  le 
boulevard  des  Signakiens.  De  ce  rempart,  la  vue  de  la 
vallée  est  splendide.  Sur  tout  ce  site,  qui  est  à une  alti- 
tude de  260  à 3.000  pieds  anglais  au-dessus  de  la  mer 
Noire,  le  raisin  prospère  admirablement;  près  de 
20.000  familles  dans  les  deux  districts  de  Signale  et  de 
Thélaff  s’adonnent  à ce  genre  de  culture  U 

Route  24.  — De  Signak  à l’église  de  Ste-Nino  (à 

cheval).  C’est  à 4 v.  de  Signak  qu’est  la  fameuse  église 
de  Botbé  ou  de  Ste-Nino,  l’apôtre  de  la  Géorgie.  L’é- 
glise, dont  la  fondation  est  attribuée  au  roi  Miriam  ier, 
est  en  forme  de  croix,  assez  élevée  de  coupole  et  blan- 
chie extérieurement  à la  chaux,  sauf  la  façade  de  l’en- 
trée principale  et  le  frontispice  placé  au-dessus  qui 
sont  en  briques  vernissées  bleues,  vertes,  noires,  d’un 
joli  effet.  Sur  l’un  des  côtés  du  mur  on  lit  cette  ins- 
cription géorgienne  : ((  Moi,  Georges,  j’ai  fait  restaurer 
cette  église,  après  que  Tamerlan  eut  ravagé  la  Géor- 
gie. ))  Le  tombeau  dit  « de  Ste-Nino  ))  est  dans  la  cha- 
pelle latérale  qui  est  à droite  de  l’iconostase.  Un 
catafalque  avec  dôme  à colonnes  dorées  surmonte  une 
bière  en  noyer.  Sur  le  haut  du  couvercle  se  voit  une 
image  peinte  de  l’apôtre  ; sa  tête  est  ceinte  d’une  au- 
réole; dans  ses  mains  elle  tient,  nouée  avec  ses 
cheveux,  la  croix  en  cep  de  vigne,  que  d’après  la 
légende  ou  tradition,  la  Vierge  lui  remit  lorsqu’elle 
lui  apparut  à Jérusalem  et  lui  enjoignit  d’aller 
prêcher  le  christianisme  en  Ivérie.  Enfin,  au  pied 
du  catafalque  est  un  candélabre  en  bronze  où  les 
fidèles  allument  des  cierges.  Les  ossements  de  la 
sainte  seraient,  dit  la  légende,  déposés  dans  le  caveau 
creusé  au-dessous  du  monument  funéraire.  Dans 
l’église  : la  tombe  du  général  russe  Gouliakoff  (f  1804). 
La  sacristie  possède  quelques  manuscrits  anciens  et 
la  croix  de  bronze  du  métropolitain  Kiril,  prince 
Djordjadzé  (f  1792  dans  un  combat  contre  les  Les 
ghiens).  C’était  l’usage  que  les  dignitaires  ecclésiasti- 
ques ( Tchkonclideli)  archevêques,  précédassent  les 
troupes  en  temps  de  guerre  ; seulement  l’action  une 


1.  D’après  Caria  Séréna. 


132 


GUIDE  AU  CAUCASE 


fois  engagée,  ils  se  retiraient  à Carrière-garde  dont  ils 
prenaient  le  commandement.  Aujourd’hui,  un  archi- 
mandrite a remplacé  à Ste-Nino  le  métropolitain.  Le 
couvent  est  inhabité  ; il  n’y  a plus  de  moines  ; toute- 
fois la  fête  de  la  patronne  de  la  Géorgie  est  toujours 
tenue  en  honneur.  La  perspective  qu’on  découvre  delà 
est  fort  belle.  Sur  un  haut  plateau  aux  pentes  ver- 
doyantes, s’étagent  les  bourgs  rustiques  de  Bodbé  et 
de  Ivédéli  ; plus  loin  bâillent  des  gorges  de  hauteurs 
escarpées  dont  le  plan  supérieur  est  formé  par  les 
monts  Noukrian.  En  face  du  monastère,  presque  au 
même  niveau,  se  déroule  la  ville  de  Signak,  dominée 
par  sa  grande  muraille  ; plus  bas  enfin,  la  plaine  de 
l’Alazan  achève  l’aspect  à la  fois  paisible  et  sauvage 
de  ce  site.  Non  loin  du  cloître  s’étend  la  forêt  de  chênes 
Datsoultiké  ou  Dazémoulitké.  Ses  sombres  feuillées 
sont  le  rendez-vous  des  habitants:  des  localités  voisines 
qui  viennent,  dans  les  journées  chaudes  de  la  belle 
saison  y sacrifier  au  folâtre  et  joyeux  Bacchus1. 

Route  25.  — De  Signak  à Thélaff  (62  v.  1/2, 

route  postale ),  par  Bakourtsikhé  (15  v.  1/2),  Moukou- 
sant  (17  v.),  Agouri  (14  v.),  Thèlaff  (16  v.).  La  pre- 
mière bourgade  qu’on  rencontre  dans  cette  partie  du 
trajet  est  Kardanak.  La  station  postale  la  plus  proche 
est  Bakourtsikhé.  Gourdjani,  dont  les  vins  sont 
comptés  parmi  les  meilleurs  de  la  Kakhéthie,  appar- 
tient depuis  le  XIIe  s.  aux  Andronic  de  Comnène. 
Leur  nom  est  aujourd’hui  russifié  en  celui  d’Androni- 
kofï.  Un  des  frères  de  l’empereur  de  Byzance  ayant 
commis  un  crime,  se  réfugia  en  Géorgie.  La  reine 
Thamar  l’accueillit,  le  nomma  gouverneur  du  district 
de  Signak  et  lui  fit  don  de  quatorze  villages.  Gourdjani 
occupe  un  site  charmant  à 10  v.  de  l’Alazan.  Non  loin 
de  là,  dans  un  terrain  volcanique,  se  trouve  le  lac 
d’Akthala,  dont  les  eaux  gazeuses  et  bitumineuses  gué- 
rissent les  rhumatismes  et  les  maladies  de  peau.  La 
seconde  station  postale  est  Moukousani, voisine  du 
bourg  riant  d’AKHAKHÉNi  ; puis  vient  Vélis-tsikhé, 
une  des  plus  riches  bourgades  du  district  de  Signak  et 


1.  D’après  Caria  Séréna. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


133 


dont  les  ceps  ont  le  privilège  de  fournir  annuellement 
le  premier  vin  de  la  saison.  Ensuite,  c’est  Uriabou- 
bani  dont  le  nom  veut  dire  village  des  Juifs.  Des  Juifs 
l’ont  fondé  en  effet,  mais  l’endroit  paraissant  propice 
au  négoce,  les  Arméniens  en  ont  chassé  jusqu’au  der- 
nier des  fils  d’Israël.  Après  Agouri,  on  atteint  Tsinan- 
dal,  beau  et  riche  bourg  magnifiquement  situé  à 8 v. 
de  Thélaff.  Le  sol  y appartient  partie  au  Domaine  de 
la  Couronne,  partie  à divers  propriétaires,  entre  autres 
à la  princesse  et  au  prince  Tchavtchavadzé.  Ce  fut 
cette  princesse,  petite-fille  de  Georges  XIII,  dernier 
roi  de  Géorgie,  que  Schamyl  enleva  et  qu’il  retint 
près  d’un  an  captive,  pour  l’échanger  ensuite  contre 
son  fils  Djanmal-Eddin,  au  service  en  Russie.  L’eau 
n’abonde  pas  à Tsinandal.  Les  habitants  sont  obligés 
d’aller  s’approvisionner  à Kissisghévi,  bourg  séparé 
du  premier  par  un  défilé  pierreux  où  affluent  les  eaux 
des  montagnes  voisines.  Quand  Schamyl  avec  ses  Les- 
ghiens  attaqua  Tsinandal,  en  juillet  1854,  le  château 
des  Tchavtchavadzé  fut  brûlé  et  la  famille  du  prince 
emmenée  dans  les  montagnes.  Depuis  1881  l’habitation 
a été  restaurée.  Sur  la  rive  gauche  de  l’Alazan,  au 
pied  du  mont  Poghalistavi,  se  trouvent  les  villages  de 
Tchilda,  riche  en  vin  et  en  blé,  et  celui  de  Quaréli, 
surnommés  ((  les  deux  yeux  de  la  Kakhéthie1.  Thélaff 
(voir  ci-dessous). 

Route  26.  — De  Tiflis  à Thélaff  (en  équipages  ch  poste , 
phaéton  ou  à cheval ),  par  Signak  (162  v.  3/4)  ; par  Tcha- 
laoubani  ( route  postale,  L47  y.  1/4)  ; par  Gambor  (99  y.)  où 
l7on  arrive  soit  par  Vasiani.  soit  par  le  Petit-Mouganlo  et 
Akhalsopéli  ; de  Tiflis  à Vasiani  (23  y.)  avec  la  seule  sta- 
tion U’Orkhévi  (10  y.)  ; de  Tiflis  par  Orchévi,  Lilo,  Akhal- 
sopéli, Gambor  (98  v.)  ; cette  dernière  route  est  la  plus  courte. 
Enfin,  à cheval  on  peut  passer  par  Akhalsopéli,  l’Iora  près 
d’OüDJARNA  non  loin  du  mont  Vérana,  à droite  de  Gambor, 
et  franchir  la  crête  de  Saïmtvério  ; c’est  la  voie  la  plus  directe. 

En  quittant  Tiflis,  le  paysage  est  d’abord  monotone  ; 
ce  ne  sont  que  champs  à demi  brûlés  où  un  chétif  bé- 
tail cherche  vainement  quelques  brins  d’herbe. 
Naftlouk  qui  doit  son  nom  aux  sources  de  naphte 
trouvées  près  de  la  Koura,  étale  à droite  ses  hôpitaux 


1.  D’après  Caria  Séréna. 


134 


GUIDE  AU  CAUCASE 


et  ses  casernes.  Un  cimetière  chrétien  et  les  abattoirs 
de  Tiflis  avoisinent  le  village.  A Orkhévi  on  tourne  à 
gauche  par  une  route  vicinale  où  les  vents  d’O. 
sont  souvent  très  violents.  La  nature  est  pauvre.  Près 
d'un  doukhan  au-dessous  de  Lilo  et  dans  une  petite 
vallée,  un  maigre  jardin  semble  aussi  triste  que  la 
contrée  environnante.  Peu  à peu,  le  chemin  devient 
accidenté;  çà  et  là  quelques  champs,  mais  pas  encore 
d’arbres.  Au  loin  seulement  Norio,  Martkhopi  et  la 
crête  boisée  des  montagnes  qui  du  S. -O.  au  N.-E. 
vont  jusqu’à  Flora.  Ce  n’est  qu’à  Akhalsopéli  que  se 
voient  les  premiers  jardins  fruitiers.  Nikolaïefka 
(15  v.)  est  habitée  par  de  vieux  soldats  russes  retraités. 
Au  bout  de  deux  verstes,  on  descend  dans  la  petite 
vallée  de  Tsalmiani  égayée  par  de  vertes  prairies  et  la 
fabrique  de  Bakmetiefï  où  on  rectifie  le  sel  de  Glauber. 
A gauche  Moukhravani  sert  de  cantonnement  à une 
batterie  d’artillerie.  Le  climat  de  cette  région  est  bon, 
mais  il  n’y  a pas  de  vignes  ; les  forêts  sont  basses  et 
peu  fournies.  On  suit  la  chaussée  jusqu’à  Oudjarna, 
sur  Flora,  village  géorgien  assez  riche  qui  envoie  ses 
bois  et  ses  produits  à Tiflis.  Une  excellente  terre  arable 
permet  d’y  cultiver  les  jardins  et  les  vignes  En  sui- 
vant la  vallée,  on  gravit  une  éminence  où  s’aperçoit 
une  niche  dans  laquelle  les  passants  déposent  leurs 
offrandes  destinées  à une  église,  qu’on  a l’intention  de 
bâtir  sur  l’emplacement  d’une  forteresse  voisine  attri- 
buée au  roi  Gourgaslan  (Ve  s.).  Une  foule  de  ruines 
de  chapelles  qui  longent  la  route  attestent  l’existence 
passée  des  nombreux  édifices  que  les  musulmans  ont 
détruits.  On  descend  vers  Flora  sur  laquelle  est  jeté  un 
pont  de  fer,  et  on  traverse  la  vallée  de  Paldo,  plantée 
de  chênes.  Près  de  la  rivière  Gambor,  la  route  bifur- 
que : un  chemin  vicinal  va  dans  le  district  de  Tioneti  et 
la  vallée  d’ERTSSO  ; un  autre  ( chaussée ) va  à Gambor 
éloigné  de  7 verstes.  D’Oudjarna  à Gambor  (20  v.)  ; 
de  Tiflis  à Gambor  (55  v.).  Gambor  est  dans  un  fond 
entouré  de  montagnes  boisées.  Deux  batteries  d’artil- 
lerie y sont  postées.  Le  village  est  habité  par  de  vieux 
soldats  russes.  Le  climat  y est  sain,  mais  l’eau  potable 
manque.  Si  la  vigne  n’y  réussit  pas,  en  revanche  les 


GUIDE  AU  CAUCASE 


135 


pommiers  et  les  poiriers  sont  magnifiques  et  on  s’y 
livre  un  peu  à l’apiculture.  Par  une  série  de  zigzags  et 
pendant  12  v.  on  gravit  des  rampes  escarpées  et  on 
atteint  la  crête.  Ce  passage  est  souvent  difficile  lorsque 
le  temps  est  mauvais.  Après  les  tours  de  Roussian- 
tsikhé  et  à droite,  sur  la  haute  montagne  Verana 
(c’est-à-dire  place  abandonnée),  une  forteresse  profile 
ses  murailles  écroulées  ; au-dessous,  de  sombres  ro- 
chers servent  de  nids  aux  aigles.  Par  une  autre  suite 
de  lacets  on  descend  de  l’autre  côté.  A Tétri-Tsklébi 
est  une  barrière  de  péage  pour  le  droit  de  chaussée.  On 
franchit  le  Tourdo,  torrent  pierreux  impraticable  lors 
des  pluies,  et  dont  on  longe  la  rive.  A droite  sur  une 
montagne  s’élève  le  joli  couvent  de  Chouamtha  (c’est- 
à-dire  montagne  du  milieu)  où  repose  le  poète  géor- 
gien Alexandre  Tchavtchavadzé  (f  1840).  Dédié  à la 
Nativité  de  la  Vierge,  entouré  de  murailles  et  flanqué 
d’un  clocher,  ce  monastère  a été  construit  au  XVIe  s. 
par  la  reine  Thinatine,  épouse  du  roi  de  Kakhéthie 
Léon  II.  De  l’autre  côté  de  Tourdo,  s’aperçoit  une 
vieille  église,  et,  dans  la  vallée,  des  excavations  où  se 
réfugiaient  les  habitants  pendant  les  invasions:  En  8 
verstes  par  Vardis-Oubani  (c’est-à-dire  quartier  des 
roses)  et  le  faubourg  Masandzara,  on  arrive  à Thè- 
laff  (8.014  habitants  Géorgiens  et  Arméniens).  Chef- 
lieu  de  district.  Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux . Télé- 
graphe. Hôtel;  école  géorgienne,  club,  etc.  Bâtie  en 
amphithéâtre  sur  les  monts  Tsivi,  entourée  d’une 
riche  végétation  et  d’innombrables  vignes,  cette  ville 
jouit  d’un  excellent  climat.  Elle  doit,  dit-on,  sa  fon- 
dation à Grigor  Ier  mthavar  (chef)  du  pays,  qui,  s’étant 
déclaré  indépendant  sous  le  titre  de  Korikoz  (Koriko- 
pos,  787-827),  fut  la  souche  d’une  dynastie  de  quatorze 
princes  ou  rois  kakhéthiens  qui  se  succédèrent  jusqu’à 
la  réunion  de  la  contrée  à la  monarchie  par  David  le 
Réparateur  (1090-1130).  Auparavant,  la  Kakhéthie 
était  gouvernée  par  des  éristhavis  (c’est-à-dire  chefs 
ou  têtes  du  peuple)  institués  au  IIIe  s.  avant  J.  - C. 
par  le  roi  de  Géorgie  Pharnavaz  I.  Détruite  par  les 
Perses  sous  le  règne  de  Schah-Abbas,  Thélafï  fut  re- 
construite et  remplaça  à titre  de  chef-lieu  l’ancienne 


136  GUIDE  AU  CAUCASE 

capitale  Grémi  entièrement  ruinée.  Le  roi  Héraclé  II 
fut  le  dernier  monarque  géorgien  qui  y fit  sa  résidence. 
La  ville  se  compose  de  deux  parties  : le  vieux  Thélaff 
où  l’on  voit  les  restes  du  château  de  Grigor  avec  son 
enceinte  crénelée  à tourelles,  puis  des  ruines  de  mos- 
quées, etc.,  remontant  au  temps  de  l’invasion  persane  ; 
et  le  nouveau  Thélaff  bâti  par  Héraclé  sur  l’emplace- 
ment de  l’épaisse  forêt  qui  avait  poussé  sur  les  ruines 

de  la  cité  primi- 
tive . La  ville  , 
quoique  peu  ani- 
mée, offre  un  as- 
pect assez  riant. 
Une  place  spa- 
cieuse sert  de  pro- 
menade. Un  bou- 
levard, garni  de 
jolies  planta- 
tions , longe  le 
mur  de  l’ex- pa- 
lais , transformé 
actuellement  en 
un  gymnase  de 
jeunes  filles. 
Dans  la  chambre- 
où  mourut  Héraclé,  une  plaque  de  marbre  commémo- 
rative porte  la  date  du  11  janvier  1798  h 

Route  27.  — De  Thélaff  à l’église  d’Alaverdi 
(15  v.  en  voiture  ou  à cheval).  On  franchit  les  torrents 
Thourdo,  Khodachène  ; on  traverse  les  villages  de 
Vardis-Ouban,  Bonispir,  Djanaan,  Khogoto  et 
Baïko.  Une  légende  raconte  que  lors  des  invasions  en 
Kakhéthie,  une  bataille  sanglante  fut  livrée  entre  les 
Persans  et  les  Géorgiens  à l’endroit  où  est  aujourd’hui 
le  monastère.  Pendant  le  combat,  un  général  musul- 
man, qui  avait  trahi  les  siens,  fit  vœu,  si  le  ciel  était 
favorable  aux  armes  karthvéliennes,  d’élever  une 
église.  A la  tête  des  troupes  géorgiennes,  ce  général 
chargea  les  musulmans,  en  poussant  le  cri  : Allah!.. 


THÉLAFF.  — D’après  la  carte  d’Élisée  Reclus. 


1.  D’après  Caria  Séréna. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


137 


Verdi  !...  La  victoire  resta  aux  Géorgiens*  et  l’édifice 
chrétien  fut  bâti.  L’enceinte  du  monastère  attribué 
à Kirik  (IXe  s.)  est  comme  celle  de  Mtzkhet  carrée, 
avec  des  tours  : à l’intérieur  sont  adossés  à la  muraille 
le  couvent  et  quelques  maisons  d’habitation.  Parmi 
les  ruines  qui  se  trouvent  là,  on  voit  celles  d’une  an- 
cienne maison  ou  mosquée  à fenêtres  en  ogive  et 
recouverte  autrefois  de  briques  émaillées  en  vert.  Deux 
portes  donnent  à l’O.  et  une  petite  à l’E.  L’église  de 
St-Georges  d’Alaverdi,  haute  et  vaste,  est  en  croix  et 
avait  une  coupole  conique  qui  s’est  écroulée  plusieurs 
fois  et  que  l’on  a refaite  en  bois.  Les  images  qui  y sont 
conservées  sont  nombreuses;  les  inscriptions  dont  elles 
sont  chargées  concernent  l’histoire  de  la  Kakhéthie. 
Entre  autres  reliques,  on  montre  à Alaverdi  la  tête  et 
la  main  droite  de  la  reine  Khétévane,  femme  du  roi 
David,  qui,  enlevée  par  Schah-Abbas  lorsque  celui-ci 
envahit  le  pays,  fut  conduite  en  Perse,  et,  sur  son 
refus  de  se  faire  musulmane  et  d’épouser  son  ravisseur, 
fut  martyrisée  et  mise  à mort  (1624).  C’est  une  des 
grandes  saintes  du  calendrier  géorgien  L 

Route  28.  — De  Thélaff  à Tionéti  [route  postale 
jusqu’à  Kvitéri),  par  Méri,  Askouri,  Kistaouri, 
Akméti,  Kvitéri,  Zelnaouri. 

Route  29. — De  Thélaff  àl’églisedeNékrési(30  v. 

à cheval ).  Construite  entre  Childi  etKwARELiau  VIe  s., 
cette  église  est  restée  longtemps  entre  les  mains  des 
Lesghiens.  L’intérieur  est  décoré  d’assez  fines  pein- 
tures murales  représentant  entre  autres  le  roi  Tridat 
avec  les  deux  fils  de  Varaz-Bakar  (393-404),  et  que  le 
prince  Gagarine  a copiées  et  dont  il  a donné  la  repro- 
duction dans  son  magnifique  album  Le  Caucase 1  2. 

1.  D’après  Caria  Séréna. 

2.  Brosset  et  le  prince  Gagarine  prétendent  que  cette  église 
date  du  VIe  s.  Il  est  possible  qu’il  y ait  eu  là  autrefois 
une  antique  chapelle  remontant  à une  époque  aussi  reculée, 
mais  les  peintures  en  question,  d’après  les  dessins  byzantins 
des  vêtements  des  personnages,  et  l’église  actuelle  restaurée 
sont  du  XIe  s. 


138 


GUIDE  AU  CAUCASE 


ITINÉRAIRE  L 

DE  TIFLIS  A ERIVAN  ET  A L’ARARAT  , PAR  AKSTAFA, 
DELIJANE  1 

Route  1.  — De  Tiflis  à Akstafa  (87  v.,  en  ch . de 

fer).  Voir  de  Tiflis  à Bakou,  Itinéraire  O,  route  1. 

Route  2.  — D’A- 
kstafa  à Delijane  (72 

v.  3/4),  route  postale , 
par  Ouzountala  (22 
y.  1/2),  Caravanséraï 
(17  v.  1/4),  Tarsat- 
chaï  (18  v.  1/2),  Deli- 
jane (14  v.  1/2).  La 
station  d’Akstafa  est 
à l’embranchement  de 
l’ancienne  route  de 
Bakou  et  de  celle  de 
Kars  et  d’Erivan.  Les 
habitants  de  ce  bourg 
sont  tatars.  La  vallée 
inférieure  de  la  rivière 
Akstafa  n’a  rien  de 
pittoresque,  mais  un 
peu  avant  Ouzoun- 
tala, le  paysage  de- 
vient riant.  Insensi- 
blement les  collines 
s’élèvent  ; les  bois  , 
qui  d’abord  paraissent 
assez  chétifs,  font  place 
à de  magnifiques  fo- 
rets. Les  villages  des 
((  malakanes  »,  sectai- 
res hétérodoxes  trans- 
portés au  Caucase  pour 
y renforcer  l’élément  russe  et  en  assurer  la  colonisa- 
tion, ont  un  air  d’aisance  qui  contraste  avec  l’aspect 

1.  D’après  Élisée  Reclus,  Orsolie,  Mmü  Chantre,  le  Calen- 
drier du  Caucase  et  les  cartes  de  l’Etat-Major  russe. 


JJ.Rollet,  Sc/. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


139 


malpropre  des  aouls  tartares.  De  la  station  Caravan- 
séraï  à Tarsatchaï,  la  route  longe  l’Akstafa.  A Red- 
kine,  on  voit  à gauche  la  nécropole  antique  où  ont 
été  faites  des  fouilles  archéologiques  fort  intéressantes, 
et,  après  une  rampe  assez  raide,  on  descend  à Delijane 
(Poste.  Télégraphe . Auberges). 


Le  GOK-TCHAï.  — D’après  la  carte  d’Elisée  Reclus. 


Route  3. — De  Delijane  à Erivan  (103  y.),  en  équi- 
pages de  poste , par  Siméonovka  (18  y.  3/4),  Elénovka 
(21  v.  1/2),  Nigui-Akhti  (16  v.  1/2),  Sucha-Fontanka 
(12  v.),  Eïlar  (19  y.  1/4),  Erivan  (15  v.).  La  route 
escalade  les  montagnes  de  Shah-Dagh,  couvertes  d’é- 
paisses forêts  et  le  col  d’Echak-Maïdan,  à une  hauteur 
de  2,170  m.,  tout  près  du  village  de  Siméonovka.  Un 


140 


GUIDE  AU  CAUCASE 


peu  au  delà  de  la  station,  on  aperçoit  tout  à coup  le 
Gok-Tchaï  1 (lac  bleu),  encadré  dans  des  montagnes  de 
porphyre  à pic;  tout  autour,  une  terre  arable  noire,  à 
fond  rougeâtre,  forme  des  champs  perdus  dans  une 
steppe  d’un  vert  sombre.  A droite:  l’Ala-gôz  (4,095  ni.), 
à gauche,  l’Ak-Dagh  élèvent  leurs  cimes  bien  au-dessus 
du  cirque  de  montagnes  qui  étreint  le  Gok-Tchaï. 
L’Allah-ghôz  (œil  de  Dieu)  ou  plutôt  Alagôz,  c’est-à- 
dire  le  « mont  bigarré  »,  à moins  qu’il  ne  faille  y voir 


Mont  ALAGOZ.  — D’après  la  carte  d'Elisée  Reclus. 


1.  Les  Turcs  l’appellent  Koutche-Daria  (la  mer  bleue)  ; les 
Persans,  Deria-i-chirin  (le  lac  doux)  ; les  Arméniens  Kiéghar- 
kounik  (village  royal),  d’où  les  Géorgiens  ont  fait  Ghela- 
khoum.  On  le  nomme  aussi  en  arménien  Dzow-Kieghamaï 
(la  mer  de  Kiégkam)  du  nom  d’un  roi  d’Arménie.  Le  nom 
persan  lui  a été  donné  par  opposition  probablement  aux  lacs 
de  Van  et  de  Tébritz  ou  d’Ournia  qui  sont  salés.  Ce  lac  (le 
Lychnites  de  Ptolémée)  forme  un  ovale  irrégulier  de  65  v.  de 
longueur,  divisé  en  deux  parties  inégales  par  un  rapproche- 
ment des  rives.  La  partie  méridionale  a v.  dans  sa  plus 
grande  largeur.  C’est  une  nappe  d’azur  étendue  dans  une 
coupe  de  porphyre.  (Gilles,  Lettres  sur  le  Caucase). 


GUIDE  AU  CAUCASE 


141 


une  forme  turque  donnée  au  nom  arménien  Arakadz, 
est  un  massif  volcanique  presque  isolé  beaucoup 
moins  haut  que  l’Ararat,  quoique  son  cône  obtus  attei- 
gne l’altitude  de  4,190  m.  ; mais  par  son  étendue  et  la 
puissance  de  ses  contreforts,  il  dépasse  son  fier  rival.  Au 
S.  et  à TE.,  ses  cheires  délavé  descendent  jusque  dans 
la  vallée  de  l’Araxe  ; à l’O.  et  au  N.,  d’autres  coulées, 
datant  également  d’une  ancienne  période  géologique 
se  sont  épanchées  dans  la  vallée  de  l’Arpatchaï  vers 
Alexandropol  ; la  masse  des  matières  rejetées  du  sol 
a des  centaines  de  kilomètres  de  pourtour.  La  mon- 
tagne mérite  son  nom  de  bigarrée  par  les  couleurs 
diverses  de  ses  scories,  de  ses  pierres  ponces,  de  ses 
obsidiennes,  entre  lesquelles  brillent  çà  et  là,  la  ver- 
dure et  les  fleurs.  Trois  des  anciens  cratères  sont 
occupés  parles  eaux  de  petits  lacs  toujours  assombris 
par  les  parois  environnantes  ; mais  l’Alagoz,  comme 
l’Ârarat,  n’épanche  dans  la  plaine  qu’un  petit  nombre 
de  sources  ; en  temps  ordinaire,  les  eaux  se  perdent 
dans  les  scories  et  dans  les  cendres  ; un  lac  qui  se 
trouve  au  S.  de  la  montagne,  l’Aïger-gôl,  est  alimenté 
par  ces  eaux  souterraines  et  donne  lui-même  naissance 
aux  sources  de  la  belle  rivière  Karasou,  affluent  de 
l’Araxe,  baignant  la  base  de  l’ancienne  citadelle  d’Ar- 
navir  1 . — La  route  serpente  jusqu'au  lac  par  une  série 
de  zig-zags  hardis,  pratiqués  dans  le  flanc  de  la  mon- 
tagne ; actuellement  excellente,  cette  route  était  autre- 
fois justement  redoutée  : passage  du  Gok-tchaï,  dit  un 
dicton  arménien,  « passage  de  mort  >).  Sur  une  petite 
île  voisine  du  rivage,  est  le  monastère  de  Sévang,  un 
des  plus  anciens  de  l'Arménie  et  qui  mérite  d’être 
visité.  Les  bâtiments  du  couvent,  un  simple  rez-de- 
chaussée,  forment  un  trapèze  couvert  de  chaume, 
pauvre  et  délabré.  Sur  le  point  culminant  de  l’île  se 
trouvent  deux  vieilles  églises,  souvent  reconstruites  ; 
elles  n’offrent  aucun  intérêt.  Tout  à côté,  les  ruines  du 
vieux  couvent  conservent  encore  quelques  beaux  cha- 
piteaux en  bois  sculpté.  Le  monastère  de  Sévang  fut 
très  célèbre  aux  IXe  et  Xe  s.,  et  ses  supérieurs  dispu- 


1.  D’après  Élisée  Reclus. 


142 


GUIDE  AU  CAUCASE 


tèrent  souvent  le  pas  aux  Patriarches  d’Edchmiadzine. 
Dans  les  premiers  temps  de  la  conquête  arabe,  Meri- 
van,  qui  fut  plus  tard  Khalife,  fit  de  l’île  de  Sévang 
son  lieu  de  séjour,  lorsqu’il  administrait  l’Arménie 
comme  ((  Osdigan  » (742).  Au  farouche  conquérant 
succédèrent  les  moines  qui  bâtirent  leur  couvent  sur 
les  ruines  de  sa  forteresse. — En  abordant,  on  est  bien 
accueilli  par  un  moine  qui  fait  voir  les  cellules,  les 
chapelles,  les  tombeaux,  etc.  A la  station  Elénovka  ,, 
on  peut  goûter  les  excellentes  truites  pêchées  dans  le 
lac. 

Route  4.  — D’Élénovka  à Novo-Bayazid  (30  v.), 

par  Gadji-Moukhan.  ( Voir  ces  noms , itinéraire  M, 
routes  4 et  5.) 

Route  3 (suite).  — D’Élénovka  jusqu’à  Nigui- 
Akhti,  la  route  descend,  et  bientôt  on  aperçoit  au  loin 
l’Ararat  semblable  à une  pyramide  de  neige  suspendue, 
sans  attache  avec  la  terre,  dans  l’outremer  du  ciel. 
D’Akhti,  il  y a une  excursion  à faire  à la  vallée  des 
fleurs,  Daratchi-Tchak  (7  v.),  [mauvaise auberge).  Les 
fonctionnaires  russes,  aux  chaleurs  torrides  des  étés 
d’Erivan,  se  sont  cherché  un  sanitorium  dans  la  mon- 
tagne, et  ils  ont  choisi  la  vallée  du  Saoutch-boulak, 
affluent  de  la  Zanga;  ils  lui  ont  donné  le  nom  de  Da- 
ratchi-tchak,  ou  « vallée  des  fleurs.  ))  Les  anciens  rois 
d’Arménie  avaient,  bien  avant  eux,  pris  leurs  quartiers 
d’été  dans  cette  vallée;  leur  résidence  située  sur  la  rive 
droite  du  Saoutch-boulak  et  appelée  Ketcharousse 
(en  turc  Sandjerlii)  était  bâtie  sur  le  flanc  de  la  mon- 
tagne, dans  un  vallon  boisé,  à 2 v.  environ  au-dessus 
de  la  rivière.  Cette  position  était  admirablement  choi- 
sie ; son  altitude  est  de  près  de  2,000  ni.,  les  eaux  y 
sont  excellentes,  et  l’air  y est  très  pur  ; aussi  Ketcha- 
rousse eut-il  ses  temps  de  splendeur.  Il  n’en  reste  plus 
aujourd’hui  qu’un  ensemble  d’églises  à demi  ruinées, 
mais  qui  peuvent  compter  parmi  les  bons  modèles  du 
style  arménien.  Une  colonie  de  ((malakanes))  vint  se  fixer 
à Ketcharousse  et  le  baptisa  Constantiniskoï;  enfin, 
les  fonctionnaires  russes  y établirent  leurs  campements 
d’été  et  firent  prévaloir  la  dénomination  qu’ils  avaient 
donnée  à toute  la  vallée,  et  Daratchi-Tchak  est  aujour- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


143 


d’hui  le  nom  usité  U Au-dessus  du  village  se  dresse 
l’église  la  plus  considérable  fondée  en  1033,  sous  le 
règne  de  Goghik,  par  un  certain  Kirikor  Magistros, 
fils  de  Hasan.  Elle  se  compose  en  réalité  de  deux 
églises  parfaitement  distinctes  ; la  première  basse, 
sombre,  repose  sur  quatre  énormes  piliers  ; elle  a quel- 
que chose  de  barbare  dans  son  architecture  et  ressemble 
à nos  plus  vieilles  cryptes  romanes.  La  seconde  est 
beaucoup  plus  élevée  de  voûtes  et  ornée  de  colonnes 
élégantes.  La  coupole  a été  détruite  par  un  tremble- 
ment de  terre  en  1827.  A côté  se  trouvent  trois  ora- 
toires et  une  petite  église  de  fort  joli  style.  Le  cime- 
tière contient  des  pierres  tombales  sculptées  assez 
curieuses.  D’Akhti  (vers  Erivan),  par  Fontanka  et 
Eilar,  le  pays  est  peu  intéressant,  plateau  raviné, 
brûlé  par  un  soleil  impitoyable.  L’Ararat  grandit  de 
plus  en  plus,  l’Alagôz  a disparu.  Enfin,  après  une  der- 
nière colline  où  se  trouvent  un  hôpital  et  d’autres  bâti- 
ments militaires,  on  atteint  le  rebord  du  plateau;  en 
bas,  dans  la  vallée,  Erivan  déploie  les  vignobles  et  les 
jardins  où  ses  maisons  grisâtres  semblent  noyées.  La 
coupole  d’une  église  russe,  des  dômes  de  mosquées  se 
détachent  nettement  au-dessus  de  cet  ensemble  de  ver- 
dure 2 . Erivan  (14,555  habit.),  Hôtel  de  Londres . 
Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux . Télégraphe.  Rési- 
dence du  Gouverneur.  Le  nom  d’Erivan  comme  for- 
teresse et  comme  gros  bourg  est  mentionné  par  les 
historiens  dès  les  VIF  et  VIIIe  s.  En  1577  et  1582, 
Erivan  fut  pris  par  les  Turcs  et  repris  par  eux,  à 
grande  peine  sur  les  Persans.  Schah-Abbas  ne  put  s’en 
rendre  maître  en  1605  qu’après  un  siège  de  six  mois. 
Retombée  de  nouveau  entre  les  mains  des  Turcs  en  1635, 
cette  ville  fut  plusieurs  fois  assiégée  par  les  rois  de 
Géorgie,  notamment  en  1780  par  Héraclé  ; elle  résista 
en  1804,  au  prince  Tzitzianofï,  et  depuis  1828,  elle  est 

1.  Le  même  endroit  s’appelle  donc  Ketcharousse,  Sandjerlii, 
Constantin iskoï,  Daratceiitchak.  Cette  polvnomie  est  fré- 
quente en  Orient.  Suivant  la  race  à laquelle  appartient  votre 
guide,  vous  êtes  amené  à désigner  sous  un  nom  nouveau  la 
même  localité  déjà  citée  différemment  par  un  autre  voya- 
geur. 

2.  D’après  Orsolle. 


144 


GUIDE  AU  CAUCASE 


restée  au  pouvoir  de  la  Russie.  Excepté  dans  le  nou- 
veau quartier  russe,  où  quelques  larges  voies  ont  été 
percées,  la  ville  a conservé  la  physionomie  persane. 
Toutes  les  rues  se  ressemblent,  enfermées  qu’elles  sont 
entre  de  longs  murs  en  pisé  gris  dérobant  la  vue  des 
maisons  et  des  jardins.  Le  maïdan , place  voisine  du 
bazar,  est  un  des  endroits  les  plus  animés.  Une  mos- 
quée avec  son  minaret  recouvert  de  briques  émaillées 


de  diverses  couleurs,  est  un  bel  échantillon  de  l’archi- 
tecture persane.  Une  autre  mosquée,  qui  est  dans  l’en- 
ceinte de  la  vieille  citadelle,  au  bord  de  la  Zanga,  est 
presque  en  ruines,  mais  va  être  réparée.  On  peut  juger 
de  la  magnificence  passée  des  Khans  d’Erivan,  rési- 
dence favorite  de  Houssein,  par  la  salle  des  glaces  du 
-palais  des  Sardars.  D’une  des  grandes  fenêtres,  on 
jouit  d’un  splendide  panorama  et  d’une  vue  superbe 
de  l’Ararat.  Dans  le  jardin  qui  est  de  l'autre  côté  de  la 
Zanga,  près  du  pont,  est  un  petit  kiosque  octogone  dé- 
coré de  peintures  persanes  1 . Le  détestable  climat,  ses 
rudes  alternatives  de  froidures  et  de  chaleurs,  la  pous- 
sière, les  fièvres,  auraient  bientôt  dépeuplé  la  ville,  si 
elle  n’occupait  une  position  d’importance  capitale  aux 
confins  de  la  Perse  et  de  la  Turquie,  et  si  les  jardins  et 
les  mines  de  sel  gemme  des  environs  ne  lui  fournis- 
saient les  éléments  d’un  commerce  considérable. 


1.  D'après  Orsolle. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


145 


Route  5.  — D’Erivan  à l’Ararat  (à  cheval , 50  v. 
env.).  Le  premier  village  qu’on  rencontre,  Kaïlassar, 
est  habité  par  des  Aïssores  ou  Chaldéens  orthodoxes, 
venus  des  régions  d’Ourmiah  et  de  Salmas  en  Perse. 
Ils  se  disent  descendants  de  Neinrod  et  d’Assur  ; leur 
langue  est  apparentée  à celle  des  Hébreux.  A Kamar- 
lou  on  tourne  à droite  pour  traverser  l’Araxe  et  on 
gagne  le  poste 
militaire  d’A- 

RALIKLI  OCCUpé 

parun  régiment 
de  Cosaques  ; le 
village  est  aune 
verste  de  là , à 
832  m.  d’alti- 
tude. On  quitte 
la  plaine  et  on 
se  dirige  vers 
Sardar  - Bou- 
lakh  (2.425  m. 
d’altitude)  ; une 

abon  dante 
source  y jaillit. 

En  contournant 
assez  difficile- 
ment le  Grand- 
Ararat  à travers 
des  tufs  volca- 
niques, on  des- 
cend à Argouri 
d’où  l’on  va  visiter  la  source  de  Saint-Jacob  (2.250  m.) 
et  le  ravin  où  s’élevait  un  monastère.  Au  N. -O.,  à cinq 
heures  de  marche  du  village,  s’étend  le  lac  Kip-Gol 
(3.300  m.)  situé  dans  un  ancien  cratère.  D’Argouri 
on  peut  aller  à Khorgane,  village  kurde  ; de  là,  en 
G heures,  on  atteint  Igdir  d’où  partent  une  route  vers 
Erivan  et  une  autre  vers  Koulpa  \ 

L’ascension  de  l’Ararat  se  fait  le  mieux  d’Aralikh,  soit  à l’O. 
par  la  hauteur  de  Gœ  luk  et  le  Kip-Gôl  (3,415  m.)  au  pied  du 


1.  D'après  Mme  Chantre. 

2(“  PARTIE 


10 


146 


GUIDE  AU  CAUCASE 


glacier  Nord,  soit  plutôt  du  col  de  Sardar-Boulakh  (2.791  m.). 
L’époque  la  plus  favorable  pour  tenter  l’ascension  est  fin  août 
ou  septembre. 

Le  massif  de  l’Ararat,  « centre  historique  du  plateau 
d’Arménie  »,  s’élève  sur  le  prolongement  oriental  de 
la  chaîne  volcanique  entre  PAraxe  et  l’Euphrate  ; mais, 
de  sa  masse  conique,  blanche  de  neige  et  rayée  de 
scories,  il  domine  de  si  haut  les  autres  montagnes 
qu’elles  semblent  lui  faire  cortège  comme  à un  maître, 
et  que  les  collines  et  les  plateaux  accidentés  s’étendent 
en  plaines  à sa  base.  Le  nom  même  d’Ararat,  proba- 
blement d’origine  araméenne  est  synonyme  de  «hauteur 
par  excellence  » et  la  dénomination  arménienne  de 
Masis,  qui  est  la  vraie,  puisque  le  mont  s’élève  sur  le 
sol  d’Arménie,  présentait  également  le  sens  de  « Grand» 
ou  de  « Sublime  ».  Les  Turcs  donnent  à l’Ararat  le  nom 
d’Agri-dagh,  ou  « mont  escarpé  »,  Arghi-dagh,  « mont 
de  TArche,  » tandis  que  les  Persans  rappellent  Koh-i- 
Nouh  ou  la  « montagne  de  Noé  ».  Il  était  naturel  que 
cette  montagne  superbe,  isolée  dans  sa  gloire,  plus 
fière  que  les  Olympes  des  Hellènes,  fût  considérée  par 
les  habitants  de  la  vallée  de  l’Euphrate,  comme  un 
sommet  divin,  et  qu’on  en  fît  dans  les  mythes  orien- 
taux la  cime  sacrée  d’où  les  hommes  et  les  animaux 
descendirent  pour  peupler  le  monde.  Les  Arméniens 
montrent  encore  de  loin  l’endroit  où  s'arrêta  l’Arche  de 
Noé,  après  avoir  flotté  à quarante  coudées  au-dessus 
du  sommet  des  plus  hautes  montagnes.  Des  génies 
armés  d’une  épée  flamboyante  veillent  sur  le  navire 
sacré,  vert  comme  le  gazon  des  pentes.  Vu  de  Nakitche- 
van,  le  Masis  apparaît  comme  une  seule  niasse  conique 
se  dressant  au  N. -O.;  mais  de  Bayazid,  au  S.,  et  d’Eri- 
van,  au  N.,  on  voit  que  le  massif  se  compose  de  deux 
montagnes  distinctes  alignées  suivant  la  direction  du 
Caucase.  Le  Grand-Ararat 1 (5,160  m.)  élève  sa  double 
pointe  au  N. -O.;  le  Petit-Ararat  (3.960  m.) 2 arrondit  sa 
cime  au  S.-E.,  séparé  du  géant  voisin  par  une  dé- 

1.  La  position  géographique  du  Grand-Ararat  est  comme 
suit  : latitude  N.  39°  42'24”,  longitude  E.  de  Paris  41°  57’30”. 

2.  Grand-Ararat  (5.156  m.),  Petit-Ararat  (3.916  m.).  D’après 
Bœdeker. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


147 


pression  profonde.  L'ensemble  des  deux  cimes  avec 
leurs  contreforts  occupe,  entre  les  deux  plaines  de 
Bayazid  et  d’Erivan,  une  superficie  d’environ  960  kil. 
carrés.  Les  pentes  en  sont  presque  partout  assez 
douces,  comme  celles  de  l’Etna,  mais  çà  et  là, 
des  coulées  de  lave,  et  plus  haut  les  neiges,  presque 
toujours  ramollies  en  été  par  la  chaleur,  rendent  l’as- 
cension très  pénible  aux  voyageurs.  Les  Arméniens 
racontent  même  les  prodiges  qui  avaient  souvent  arrêté 
des  pâtres  impies  essayant  de  gravir  la  montagne,  « la 
mère  du  monde  »,  et  les  tentatives  infructueuses  de 
Tournefort  et  de  Morier  leur  donnaient  gain  de  cause. 
Lorsque  le  docteur  Parrot,  professeur  de  physique  à 
Dorpat,  eut  définitivement  escaladé  le  sommet  du 
Masis,  le  27  sept.  1829,  ils  nièrent  unanimement  que 
Pexploit  eût  été  accompli,  et  réussirent  pendant  long- 
temps à jeter  un  certain  doute  sur  les  affirmations  de 
ce  savant,  que,  depuis,  d’autres  gravisseurs  ont  imité 
avec  succès  1 . En  août  1850,  Khodzko,  accompagné 
de  60  soldats,  passa  cinq  jours  entiers  sur  la  cime  pour 
y poursuivre  ses  travaux  de  triangulation  du  Cau- 
case. De  là,  il  visait  au  S.-E.  le  Savelan,  a 340  kil. 
de  distance  ; au  N. -O.,  l’Elbrouz,  à 440  kil.  et  corres- 
pondait, au  moyen  de  signaux  héliotropiques  avec 
d’autres  astronomes  établis  sur  l’Akh-dagh,  au  milieu 
du  plateau  de  Gok-tchaï.  A la  hauteur  de  3.475  m., 
les  pentes  de  la  montagne  sont  encore  entièrement 
revêtues  de  végétation,  mais  à 3,750  m.,  les  graminées 
s'arrêtent  ; de  3,960  m.,  et  jusqu’à  la  limite  des  neiges 
persistantes,  supérieures  à 4,300  m.,  on  ne  rencontre 
plus  que  les  variétés  de  la  flore  des  hautes  Alpes  d’Eu- 
rope. Les  espèces  du  Ilaut-Ararat  sont  toutes  identi- 
ques ou  congénères  à celles  des  sommets  alpins  ; mais 
elles  sont  moins  nombreuses.  Ainsi  pour  49  variétés 
que  l’on  trouve  sur  le  Faulkhorn,on  n’en  rencontre  que 
31  dans  la  zone  correspondante  de  l’Ararat,  ce  qui  doit 
être  attribué  sans  doute  à la  plus  grande  sécheresse  de 

1.  Les  principales  ascensions  de  l’Ararat  ont  été  faites  par 
Tournefort,  Morier,  Parrot  (1829),  Abich  (1845).  Khodzko 
(1850),  Baker  et  Fresbfield  (1868),  Radde  (1871),  Bryce  (1876), 
Markoff  (1888). 


148 


GUIDE  AU  CAUCASE 


l’air  sur  la  montagne  de  l’Arménie.  Quant  à la  faune  de 
cette  montagne  d'où  les  mythes  orientaux  ont  fait  des- 
cendre tous  les  animaux,  elle  est  relativement  très  pau- 
vre; le  loup,  la  hyène,  peut-être  la  panthère  parcourent 
les  fourrés  de  la  base,  dans  le  voisinage  de  l’Araxe  ; 


Mont  ARARAT.  — D’après  la  carte  d’Elisée  Reclus. 


mais  sur  les  pentes  même  du  Masis,  on  ne  rencontre 
que  le  bouquetin  (touri),  une  fouine  et  une  espèce  de 
lièvre  : on  n’y  voit  pas  même  de  chauves-souris.  Quoi- 
que sous  une  latitude  de  trois  degrés  seulement  plus 
méridionale  que  celle  des  Pyrénées,  l’Ararat  est  beau- 
coup plus  tôt  débarrassé  des  neiges  dans  la  partie  infé- 
rieure de  sespentes,et  c’est  à 4,220  m.,  d’après  Wagner 
à 4,370  m.,  d’après  Parrot,  soit  à 1 kil.  1/2  au-dessus  de 
la  ligne  correspondante  des  Pyrénées,  que  se  trouve  la  li- 
mite inférieure  des  neiges  persistantes.  C’est  à son  isole- 
mentqui  l’expose  h toute  la  force  des  rayons  solaires  ré- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


149 


fléchis  par  le  plateau  inférieur  et  à l’action  évaporatrice 
des  vents,  que  le  haut  volcan  de  l’Arménie  doit  de 
montrer  ainsi  ses  escarpements  de  lave  noire  jusqu’à 
moins  de  mille  mètres  du  sommet  ; toutefois,  la  neige 
descend  beaucoup  plus  bas  dans  les  ravins  d’érosion 
qui  échancrent les  flancs  de  la  montagne;  d’en  bas, 
on  dirait  une  sorte  de  collerette  à pointes  régulières. 
Dans  mainte  gorge,  ces  nevés  prennent  une  texture 
cristalline  et  se  changent  en  véritables  glaciers  les  seuls 
de  l’Arménie  qui  descendent  jusqu’au-dessous  de  3,000 
m.  d’altitude  ; le  principal,  au  N. -O.  de  la  montagne, 
est  celui  de  Saint-Jacques.  A une  époque  géologique 
antérieure,  les  glaciers  de  l’Ararat  s’étendaient  beau- 
coup plus  bas  : on  le  reconnaît  aux  stries  glaciaires  et 
aux  surfaces  polies'des  roches  trachitiques.  En  certains 
endroits,  les  parois  moutonnées  ont  été  si  bien  rabo- 
tées par  le  passage  continu  des  glaces,  qu’elles  en  ont 
pris  le  brillant  du  métal  et  répercutent  en  rayons 
éblouissants  la  lumière  du  soleil.  C’est  un  fait  très  cu- 
rieux que  le  Masis,  malgré  la  grande  quantité  des 
neiges  qui  pèsent  sur  sa  pyramide  terminale  et  qui  en 
comblent  les  cratères,  soit  presque  complètement  sans 
eau.  Le  naturaliste  Wagner  n’a  pu  trouver  que  deux 
fontaines  à la  base  de  la  puissante  montagne,  et  les 
ruisseaux  qui  s’en  écoulent  ne  sont  que  de  petits  filets 
d’eau  grésillant  parmi  les  pierres.  Tandis  que  les  mon- 
tagnes voisines,  également  d’origine  éruptive,  versent 
les  eaux  à torrents  et  en  remplissent  des  lacs  vastes  et 
profonds,  les  pentes  de  l’Ararat  restent  arides  et  brû- 
lées. Pendant  la  saison  des  sécheresses,  elles  sont 
même  inhabitables  à cause  du  manque  d’ombrage  et 
d’humidité  ; les  pâtres  n’y  mènent  point  leurs  trou- 
peaux ; on  n’y  voit  que  rarement  un  animal  sauvage  ; 
les  oiseaux  même  évitent  cette  montagne  aux  roches 
noires,  à la  végétation  flétrie.  La  solitude  y est  abso- 
lue, comme  au  milieu  des  déserts  de  sable.  Il  faut 
donc  que  les  eaux  de  neige  ou  de  pluie  disparaissent 
dans  les  fissures  du  sol,  sous  les  cendres  et  les  laves, 
soit  pour  s’amasser  en  lacs  dans  l’intérieur  de  la  terre, 
soit  plutôt  pour  s’épancher  en  un  réseau  de  fleuves  ca- 
chés. Ces  eaux  souterraines,  que  des  foyers  de  lave  et 


150 


GUIDE  AU  CAUCASE 


la  haute  température  naturelle  du  sol  profond  trans- 
forment en  vapeurs,  expliquent  peut-être  l’éruption 
terrible  qui  se  produisit  en  1840.  Alors,  un  ancien  cra- 
tère situé  au-dessous  du  couvent  de  Saint-Jacques  se 
rouvrit  soudain  ; une  vapeur  épaisse  s’éleva  vers  le 
ciel,  bien  au-dessus  du  sommet  de  l’Ararat,  et  répandit 
dans  l’air  une  odeur  de  soufre.  La  montagne  se  mit  à 
mugir  sourdement  et  à lancer  de  la  fissure  d’énormes 
quantités  de  pierres  et  de  rochers,  dont  quelques-uns 
pesant  jusqu’à  cinq  tonnes  ; le  sol  se  crevassa  pour 
laisser  échapper  des  jets  de  vapeur,  et  du  lit  de  l’Araxe, 
on  vit  des  sources  d’eau  thermale  jaillir  à gros  bouil- 
lons. Le  couvent  de  Saint-Jacques  disparut  sous  les 
débris,  ainsi  que  le  riche  et  populeux  village  d’Argouri, 
que  les  Arméniens  disaient  être  le  plus  ancien  de  la 
terre.  En  effet,  le  nom  d’Argouri  signifie  « plant  de 
vigne  » et  d’après  la  légende,  c’est  là  que  Noé  planta 
le  premier  sarment  en  descendant  de  l’Arche.  Les 
deux  mille  victimes  d’Argouri  ne  furent  pas  les  seules  : 
à Erivan,  Nakitchevan,  Bayazid,  d’autres  milliers 
d’hommes  furent  écrasés  par  l’effet  du  tremblement  de 
terre,  quoique  par  bonheur,  la  population  presque  tout 
entière  jouît  dans  ce  moment,  en  dehors  des  maisons, 
de  l’air  frais  du  soir.  Quatre  jours  après  l’éruption  et 
le  tremblement  du  sol,  un  nouveau  désastre  vint  dé- 
truire presque  toutes  les  cultures  d’Argouri  ; les  eaux 
et  les  boues  accumulées  dans  le  cratère,  et  provenant 
en  partie  de  neiges  fondues  rompirent  leurs  parois  et 
se  déversèrent  sur  les  pentes  en  longues  coulées  de  vase 
qui  changèrent  la  plaine  en  un  vaste  marais.  L’éruption 
d’Argouri  est  la  première  dont  il  soit  question  dans 
l’histoire  de  la  montagne,  mais  l’Ararat  a été  plusieurs 
fois  le  centre  de  terribles  secousses  \ 

ITINÉRAIRE  M 

ERIVAN  ET  LA  VALLEE  DE  L’ARAXE 

Route  1. — D’Erivan  à Edchmiadzine  (18  v.1/2, 

en  équipages  de  poste  ou  en  phaéton).  D’Erivan,  on 

1.  D’après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


151 


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71 

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descend  jusqu’au  pont  de  la  Zanga;  on  traverse  les 
jardins  et  les  faubourgs  de  la  ville  et  l’on  s’engage  dans 
une  vaste  plaine 
dominée  par  l’A- 
rarat.  A l’O.,  les 
montagnes  de 
Kars  s’estom- 
pent vaguement  ; 
à l’E.,  deux  égli- 
ses consacrées  à 
sainte  Gaïane  et 
à sainte  Ripsime 
annoncent  l'ap- 
proche du  mo- 
nastère. Celle  de 
Sainte-Ripsime, 
qui  est  la  plus  an- 
cienne de  l’Ar- 
ménie et  le  proto- 
type de  l’architec- 
ture arménienne, 
a été  bâtie  en  618. 

Celle  de  Sainte- 
Gaïane  a été  cons- 
truite, d’après 
Brosset,  en  630. 

— La  Rome  ac- 
tuelle des  Armé- 
niens , Edch- 
miadzine,  n’est 
point  une  grande 
cité.  Dans  le  voi- 
sinage se  grou- 
pent les  maisons 
de  la  petite  ville 
deVagarchabad1; 
mais  Edchmiad- 


1.  On  fait  remonter  sa  fondation  au  roi  Erovan  1er  (VIe  s. 
avant  notre  ère).  Un  arsacide,  le  roi  Tigrane  II,  y établit,  un 
siècle  env.  av.  J.-C. , une  colonie  de  Juifs  provenant  de  la  pre- 
mière captivité,  et  cette  ville  devint  très  commerçante.  Elle 
fut  la  résidence  des  rois  d’Arménie  jusqu’en  344  et  des  pa- 
triarches jusqu’en  452. 


H.  Ro  Ue  t,  So. 


152 


GUIDE  AU  CAUCASE 


zinemêmen’estqu’unvastecouventaux  murailles.de  pisé 
et  flanquées  de  tours, dominées  par  une  église  à clocher 
pyramidal  et  à clochetons  latéraux.  Ce  que  le  monas- 
tère a de  vraiment  beau,  ce  sont  ses  eaux  limpides,  ses 
fleurs,  son  bosquet  de  peupliers  et  d’arbres  à fruits. 
Vingt  fois  saccagé  par  les  Turcs  et  les  Persans,  le 
sanctuaire  d’Edchmiadzine  est  toujours  resté  l’objet  de 
la  vénération  des  Arméniens  et  la  métropole  de  leur 
culte.  C’est  là  que  réside  le  Catholicos . L’intérieur  est 
divisé  en  plusieurs  cours  ; dans  la  seconde  s’élève 
l’église  de  la  Vierge,  rebâtie  au  XVIIe  s.  sur  rempla- 
cement d’une  autre  qui  datait  du  VIe  s.  Ce  temple 
porte  en  arménien  le  nom  de  Chogakate , c’est-à-dire 
((  aurore  lumineuse  )).  C’est  là,  d’après  la  légende,  que 
le  ((  Fils  unique  » apparut  dans  un  rayon  de  soleil  à 
Grégoire  l’Illuminateur  et  que  d’un  coup  de  foudre 
il  fît  rentrer  sous  terre  les  divinités  du  paganisme. 
Car  Edchmiadzine  est  sur  l’emplacement  de  l’une  des 
puissantes  cités  de  l’antique  Arménie.  Là  s’élevait 
Ardimet-Kaghakh,  la  «ville  d’Artémis  » ou  d’Anachit, 
la  « Vénus  arménienne  »,  et  de  toutes  parts  y accou- 
raient des  fidèles  pour  adorer  la  déesse.  C’est  aussi 
près  de  là,  au  pied  de  la  forteresse  d’Armavir  1 que 
l’on  allait  consulter  les  chênes  sacrés,  où  les  prêtres 
païens,  comme  ceux  de  Dodone,  entendaient  dans  le 
feuillage  à la  fois  le  murmure  des  vents  et  celui  des 
destins.  Les  divinités  du  temple  ont  changé,  mais 
depuis  au  moins  vingt-cinq  siècles  ce  lieu  de  la  plaine 
est  resté  saint.  Sur  le  grand  portique  se  dresse  un  clo- 
cher élégant  en  porphyre  rougeâtre,  à trois  étages  dont 
le  dernier  est  à jour.  Il  est  couvert  de  haut  en  bas  de 
sculptures  assez  finement  enlevées  et  surmonté  d’un 
dôme  à douze  pans  avec  un  toit  conique.  Ce  clocher 
élevé  en  1103  (1654),  sous  Schah-Abbas  II,  parle 
catholicos  Philippos,  aux  frais  d’Anton  Tchélébi, achevé 

1.  C’est  sur  la  rive  gauche  de  l’Araxe,  près  de  Chagriar. 
qu’on  aperçoit  le  Top'aclébi,  colline  de  lave  rougeâtre  isolée 
au  milieu  de  la  plaine,  et  couronnée  de  quelques  débris  de  la 
célèbre  forteresse  d’Armavir.  Quant  à la  ville  elle-même,  il 
n’en  reste  pas  de  traces.  Et  cependant,  fondée,  disent  les  his- 
toriens. 2.000  ans  av.  J.-C.  elle  fut  pendant  13  siècles  la  rési- 
dence des  rois  d’Arménie. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


153 


en  1106  (1657)  par  le  catholicos  Jacob,  fut  décoréen 
1113(1664).  Dans  l’intérieur  de  l’église,  l’autel  ou  ta- 
bernacle en  forme  d’un  octogone  soutenu  par  quatre 
statues,  les  deux  sièges  du  patriarche  méritent  l’at- 
tention. 

Visiter  le  -séminaire,  les  jardins,  le  trésor  de  la  sacristie, 
l'imprimerie  et  la  bibliothèque  fort  riche  en  manuscrits  enlu- 
minés. — Quoique  l'hospitalité  soit  de  rigueur  et  gratuite  à 
Edchmiadzine,  il  est  d’usage  de  donner  une  offrande  pour  l’é- 
glise au  moine  qui  reçoit  les  voyageurs. 

Route  2.  — D’Erivan  à Igdir  ( 5Q  y.,  route  pos- 
tale), par  Edchmiadzine  (18  y.  1/2),  Markara  (18  y. 
1/2),  Igdir  (19  y.). 

Route  3.  — D’Erivan  à Koulpa  (75  v.  env. ).  La 
montagne  de  Koulpa,  une  des  plus  énormes  masses 
de  sel  gemme 
du  monde,  s’é- 
lève au  pied  du 
Takhaltou, 
dans  une  dé- 
pression de  2 v. 

Le  village  de 
Koulpa  , l’an- 
cien Goghp,  s’é- 
tage sur  les  ar- 
giles feuilletées 
dans  lesquelles  le  Vartémar-tchaï  a creusé  son  lit.  Ac- 
tuellement le  village  se  développesur  la  rive  opposée,  à 
cause  des  éboulements  de  la  montagne.  Le  dépôt  du 
sel  se  continue  à l’E.;  il  compte  trois  bancs;  l’inférieur, 
d’une  épaisseur  de  7 à 8 m.,  est  le  seul  exploité.  Le 
troisième  est  séparé  des  deux  autres  par  d’épaisses 
couches  de  marnes  verdâtres  assez  compactes.  L’en- 
semble du  dépôt  est  recouvert  de  gypse.  Les  marnes, 
attaquées  par  les  eaux  se  sont  éboulées  et  ont  entraîné 
une  partie  de  la  colline  salifère.  En  outre,  les  travaux 
qui  depuis  les  temps  préhistoriques  ont  été  pratiqués 
dans  ces  mines  ont  affaibli  le  corps  de  la  montagne,  et 
lors  du  tremblement  de  terre  de  1819  les  sommets 
gypseux  ont  été  déchirés,  et  les  fentes  qui  se  sont  pro- 
duites ont  isolé  des  massifs  entiers  qui,  en  s’effon- 


154 


GUIDE  AU  CAUCASE 


drant,  ont  détruit  une  partie  du  village.  La  richesse 
de  ces  mines  est  fantastique.  Depuis  qu’elles  sont  louées 
par  l’Etat  on  les  exploite  méthodiquement  ; jusqu’alors 
elles  avaient  été  gaspillées.  Les  travaux  d’extraction 
se  font  sur  une  longueur  de  100  m.  environ,  et  les  ga- 
leries largement  ouvertes  et  suffisamment  éclairées  et 
aérées  s’avancent  vers  le  N.  jusqu’à  40  m.  de  profon- 
deur. Sur  plusieurs  points  les  eaux  de  pluie  et  de  neige 
ont  envahi  quelques-unes  des  galeries,  s’y  sont  accu- 
mulées et,  saturées  de  sel,  ont  formé  de  larges  plaques 
dont  la  surface  est  couverte  de  cristaux,  tandis  que  de 
la  voûte  pendent  des  stalactites.  Le  travail  d’exploita- 
tion se  fait  aussi  primitivement  que  possible.  Le  sel 
est  extrait  par  blocs  pesant  de  1 à 2 pouds.  Ils  sont 
détachés  à l’aide  d’un  marteau  effilé  que  les  ouvriers  ma- 
nient avec  habileté.  Cet  outillage  n’est  guère  supérieur 
à celui  qu’employaient  les  hommes  de  l’âge  de  pierre 
auxquels  on  attribue  les  instruments  de  ce  genre,  dont 
l’antiquité  est  contestée,  trouvés  dans  les  bancs  de 
Koulpa.  et  qui  figurent  dans  les  vitrines  du  musée  de 
Tiflis.  Du  haut  de  la  montagne  de  Koulpa  on  jouit  d’une 
vue  sur  la  masse  bizarre  et  tourmentée  du  Takhaltou. 

Excursions  : à Evovantacliad  au  confluent  de 
l’Araxe  et  de  l’Arpa-tchaï.  Cette  antique  forteresse  et 
la  ville  d ’Erovaiitaglievd  furent  élevées  à la  fin  du  Ier  s. 
de  l’ère  chrétienne  par  Erovan  IL  Plus  tard  cette  ville 
et  le  pays  environnant  furent  donnés  par  Thridat  au 
prince  arsacide  Archavir.  Sous  le  règne  de  Sapor, 
Erovantagherd,  qui  était  située  sur  la  rive  opposée  de 
l’Araxe  et  reliée  par  un  pont  à la  forteresse,  fut  prise 
et  saccagée  par  les  Persans  et  ses  habitants  emmenés 
en  captivité. 

Au  S.  de  Sourmalou  se  voient  sur  une  fissure  d’un 
plateau  rocheux  formé  d’une  coulée  de  lave  et  coupé 
par  l’Araxe  les  ruines  de  la  forteresse  de  Kara-Kala 
((  noire  forteresse  »,  que  Dubois  de  Montpéreux  croit 
être  l’ancienne  Tigranorcertes.  Peu  de  vieux  châteaux 
peuvent  se  comparer  à ces  tours  pittoresques  se  dres- 
sant au-dessus  de  précipices  au  fond  desquels  mugis- 
sent les  eaux  L 


1.  D’après  Mme  Chantre. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


155 


Route  4.  — D’Erivan  à Novo-Baïazid  (60  y. 

env.,  à cheval ),  par  Karni,  Kégart,  Gôl-Kend. 

On  gravit  le  coteau  qui  domine  la  ville  à l’E.  On 
passe  devant  les  villages  Nork,  Tehervez,  Karpitcha- 
lou  et  on  arrive  à Bach-Karni,  le  village  moderne 
(15  v.).  La  fondation  de  Karni  remonte  à deux  mille 
ans  av.  J.-C.  Appelée  d’abord  Khégam  du  nom  de  son 
fondateur,  elle  prit  ensuite  celui  de  son  petit-fils  Karni. 
Plus  tard  cette  ville  fut  embellie  par  Tiridate.  On  voit 
encore  quelques  pans  de  murs  de  la  forteresse  au  bord 
du  Karni-tchaï.  Le  fameux  temple  bâti  par  Tiridate, 
et  dont  Dubois  de  Montpéreux  a publié  le  plan,  les 
dessins  des  chapiteaux  et  des  portiques,  n’ofïre  plus 
qu’un  amas  de  matériaux  gisant  sur  le  sol.  En  face 
des  ruines,  de  l’autre  côté  du  torrent,  on  voit  une  vaste 
grotte  1 . 

Au  milieu  de  la  plaine,  où  les  eaux  du  Karni-tchaï 
viennent  se  ramifier  en  canaux  d’irrigation  avant  de 
se  mêler  à l’Araxe,  s’élevait  Artaxates,  qu’Artaxias, 
le  général  d’Antiochus,  avait  bâti  sur  les  plans  d’Hanni- 
bal  et  qui  fut  la  capitale  de  T Arménie  jusqu’au  jour 
où  le  Romain  Corbulon  la  détruisit,  sous  le  règne  de 
Néron.  Néronia  lui  succéda,  ainsi  nommée  par  son 
fondateur  Tiridate  en  l’honneur  de  César,  mais  elle  ne 
redevint  capitale  qu’à  la  fin  du  Ier  s.,  pour  être 
ensuite  détrônée  au  profit  de  Vagarchabad.  Lors- 
qu’elle fut  renversée  en  370,  par  l’armée  de  Sapor  II, 
elle  aurait  compté  dans  ses  murs  200.000  habit,  armé- 
niens et  juifs  qui  furent  tous  livrés  au  glaive  ou  em- 
menés en  captivité.  Le  village  d’Ardachar,  que  l’on 
voit  de  nos  jours,  n’est  que  l’ancienne  citadelle  d’Ar- 
taxates.  L’Araxe  qui  coulait  autrefois  au  pied  des  mu- 
railles de  la  ville,  s’est  déplacé  et  coule  maintenant  à 
10  kil.  au  S.,  près  des  premiers  renflements  du  piédes- 
tal qui  porte  l’Ararat 2 . De  Kami  à Kégart,  le  chemin 
est  mauvais  ; il  passe  dans  des  laves  et  sur  des  pentes 
escarpées.  La  vallée  se  resserre  à mesure  qu’on  appro- 
che des  sources  du  Karni-tchaï,  et  le  paysage  devient 
sauvage.  Des  deux  côtés,  tufs  volcaniques,  coulées  de 


1.  D’après  Mme  Chantre.  — 2.  D’après  Élisée  Reclus. 


156 


GUIDE  AU  CAUCASE 


lave  déchiquetées,  criblées  de  cavernes  ; un  chaos  de 
roches  de  toutes  nuances.  Au  fond  de  la  vallée  appa- 
raît tout  à coup  le  fameux  monastère  de  Kégart  appelé 
aussi  Aïrivank,  c’est-à-dire  ((  de  la  Caverne  »,  parce 
que  la  moitié  de  ses  constructions  sont  creusées  dans 
le  roc  même.  On  en  attribue  la  fondation  à Grégoire  l’Il- 
luminateur.  C’est  en  tout  cas,  un  des  plus  anciens 
monastères  de  l’Arménie.  Ravagé  par  les  Musulmans, 
endommagé  en  1840  par  un  tremblement  de.  terre, 
c’est  un  lieu  de  pèlerinage  fréquenté  en  mai  et  juillet. 
L’église  principale  (XIIe  s.)  est  d’une  architecture 
très  simple,  en  lave  grise.  La  coupole  à caissons  est 
d’un  joli  travail.  Une  série  de  salles  monolithes  atte- 
nantes et  de  petites  chapelles  complètent  l’édifice. 


De  Kégart,  par  le  plateau  de  Kend-Boulak,  et  des 
pentes  raides,  on  contourne  l’Akh-Dagh  (3,760  m.)  et 
ses  gros  blocs  d’obsidienne  ; on  se  dirige  vers  Gol- 
Kend,  qui  est  non  loin  du  lac  Goktchaï.  De  là  on  passe 
une  petite  rivière  et  on  suit  presque  la  côte  maréca- 
geuse, où  sont  perdus  quelques  hameaux  de  pêcheurs. 
Toute  cette  région  parsemée  de  ruines  faisait  jadis 
partie  de  la  province  arménienne  le  Siounikh,  et  a dû 
être  populeuse  : c’est  maintenant  un  désert1.  La  ville 
de  Novo-Ba'ïazid  (Poste,  Télégraphe ) s’élève  dans 
une  position  ravissante  (2,050  m.  d’alt.)  au  bord  du 
Kavar-tchaï.  Le  climat  y est  sain  quoique  l’hiver  y 
soit  très  rigoureux.  Elle  a été  fondée  par  les  Armé- 


1.  D’après  Mme  Chantre. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


157 


niens-Turcs  de  Bayazid.  Bien  bâtie  en  pierres,  dotée 
d’un  pont  pittoresque,  elle  a une  église  russe,  deux 
arméniennes  et  des  écoles.  Dans  le  vieux  cimetière, 
des  stèles  dans  le  genre  de  celles  de  Djoulfa. 

Route  5.  — De  NovoBaïazid  à Elénovka,  De- 
lijane,  Akstafa  ( route  postale ).  Voir  itinéraire  L , 
route  4. 

Route  6.  — D’Erivan  à Aralik  (38  v.,  route  vici- 
nale), par  Agamzali  (13  v.),  Kamarliou  (15  v.), 

Aralik  (10  v.). 

Route  7.  — D’Erivan  à Nakitchèvan  (150  v. 1/4, 
route  postale ),  par  Agamzali  (13  v.),  Kamarliou 
(15  v.),  Davalou  (18  v.  3/4),  Sadarak  (18  v.  3/4), 
Baknouraskine  (22  v.  1/4),  Tala-Ark  (10  v.),  Ki- 
vrag  (19  v.),  Buk-Duzi  (12  v.  1/4),  Nakitchèvan 
(21  v.),  (6.500  habit.).  Poste  aux  lettres  et  aux  che- 
vaux. Télégraphe . D’immenses  ruines  argileuses  se 
présentent  à l’entrée  de  Nakitchèvan,  puis  les  ruines 
mongoles  du  XIIIe  s.,  et  l’on  entre  ensuite  dans  cette 
grande  cité  de  terre  qui,  d’après  son  nom  de  ((  pre- 
mière demeure  » et  la  légende  arménienne,  eut  Noé 
pour  fondateur.  On  y montre  même  une  chapelle  sou- 
terraine où  serait  le  tombeau  du  patriarche.  Située  à 
150  v.  au  S.-E.  d’Erivan  et  à 8 v.  de  l’Araxe,  à 934  m. 
d’alt.,  elle  est  arrosée  par  un  canal  dérivé  du  Na- 
kitchevan-tchaï  et  s’étend  sur  le  versant  du  Karatchoug, 
l’un  des  derniers  contreforts  du  Karabagh.  Citée  par 
Ptolémée  sous  le  nom  de  Maxouana,  elle  a été  sou- 
vent bâtie  et  rebâtie.  Comprise  dans  l’ancienne  pro- 
vince arménienne  de  Vasbouragan , ruinée  au  IV0  s. 
par  les  Persans,  puis  par  Ghenghis-Khan  au  XI IIe s., 
elle  passa  aux  Turcs  jusqu’en  1828,  époque  à laquelle 
la  Perse  la  céda  à la  Russie  par  le  traité  deTourkman- 
tcliaï.  Le  manque  d’eau,  les  fièvres,  la  poussière  et  les 
moustiques  en  rendent  le  séjour  peu  agréable.  Il  y a 
cependant  beaucoup  de  jardins  fruitiers  et  la  vigne  3^ 
prospère.  Industrie  : tapis,  feutres,  cljijines.  — On  peut 
aller  voir  la  tour  des  Khans  et  la  mosquée  ruinée  L 


1.  D’après  Mme  Chantre. 


158 


GUIDE  AU  CAUCASE 


Route  8.  — De  Nakitchévan  àDjoulfa  (39  v. 1/2) 

par  Alindjitchaï  (24  y.  1/2),  Djoulfa  (15  y.).  Poste 
aux  lettres  et  aux  chevaux . Télégraphe . Djoulfa, 
poste  de  frontière,  sur  la  rive  de  l’Araxe,  en  face  d’un 
ancien  caravanséraï  persan,  remonte  aux  temps  fabuleux 
de  l’Arménie  ; elle  est  mentionnée  parmi  les  cités  que 
Tigrane  Ier  assigna  pour  patrimoine  à la  famille  d’As- 
tyage.  Devenue  populeuse,  prospère  et  commerçante, 
grâce  à sa  position  près  d’un  gué  de  l’Araxe,  elle  fut 
détruite  au  XVIIe  s.  par  Schah-Abbas,  et  ses  40,000 
hab.  emmenés  à Ispahan  en  captivité.  Le  sol  aujour- 
d’hui est  couvert  de  décombres  sur  une  étendue  de 
plusieurs  ver  s tes.  Le  vaste  cimetière  avec  ses  tombes 
en  forme  de  béliers  et  ses  stèles  de  grès  rouge  finement 
sculptées  et  ornées  d’arabesques,  de  croix,  de  person- 
nages et  d’oiseaux,  est  l’endroit  le  plus  curieux  à visiter 
dans  cette  région  du  Caucase.  Le  village  actuel  de 
Djoulfa  est  bâti  au  pied  d’un  immense  escarpement  de 
grès  rouge,  couronné  des  ruines  d’une  forteresse,  et  est 
situé  au  confluent  de  l’Araxe  et  de  l’Alindja-tchaï.  Près 
de  là  s’élève  le  mont  Tarou-dagh  dont  les  pierres  meu- 
lières sont  exploitées  1 . 

Route  9.  — De  Djoulfa  à Ordoubad  et  Akoulis 
(20  v.),  Ordoubad  (8.000  habit.).  Poste  aux  lettres  et 
aux  chevaux . Télégraphe , est  situé  sur  l’Araxe,  près  de 
l’endroit  où  le  fleuve,  s’engageant  dans  le  défilé  de 
Migri,  atteint  le  point  le  plus  méridional  de  sa  courbe 
au  S.  des  montagnes  de  Karabagh.  C’est  la  ville  la 
plus  agréable  de  l’Arménie;  soixante-dix  sources  y 
jaillissent,  et  mêlant  leurs  eaux  pures  à celles  des  ca- 
naux d’irrigation,  entretiennent  une  riche  verdure  dans 
les  jardins  environnants.  Dans  aucune  autre  partie  du 
bassin  de  l’Araxe,  les  arbres  ne  sont  plus  hauts  et  plus 
touffus.  Occupée  depuis  le  XIIe  s.  par  les  Tatars  de  l’A- 
derbeïdjan,  cette  ville  adossée  à une  haute  muraille  de 
schiste  noir,  construite  à la  mode  persane,  présente  un 
aspect  des  plus  riants.  — Une  église  russe,  une  armé- 
nienne, 17  mosquées  dont  la  principale  est  celle  du 


1.  D’après  Mme  Chantre. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


159 


Djuma-Mesçhed  ; une  école  russe,  une  tartare,  un  hôpi- 
tal militaire.  Magnaneries;  une  filature  de  soie. 

Akoulis,  dont  le  nom  signifie  <(  lieu  plein  de  jar- 
dins »,  est  parsemé  de  jolies  villas  entourées  de  grena- 
diers et  de  rosiers.  Ville  importante  au  dernier  siècle, 
elle  fut  dévastée  par  Nadir-Schah  qui  en  fit  démolir 
méthodiquement  les  maisons  jusqu’au  moment  où  les 
habitants  consentirent  à payer  la  rançon  demandée. 
Cette  résidence  d’été  de  négociants  arméniens  n’appar- 
tient à la  Russie  que  depuis  une  soixantaine  d’années 
et  faisait  partie  du  Zokhastan , division  historique  de 
l’Arménie.  Le  nom  de  « Zokhs  ))  désignait,  dit-on,  au- 
trefois les  conteurs  ou  poètes  populaires  arméniens  ; 
de  nos  jours  on  le  dit  devenu  synonyme  d’ ((  avares  ». 
Akoulis  se  divise  en  plusieurs  quartiers  dépendant 
d’une  douzaine  d’églises.  A 1 v.  1/2,  le  monastère  de 
Saint-Thomas1. 

Route  10.  — D’Ordoubad  à Girousi,  Choucha. 
Evlake  (voir  itinéraire  O,  routes  7,  6 , 4 ). 

Route  11.  — D’Erivan  à Alexandropol  (110  v. 

env.,  à cheval ),  par  Edchmiadzine,  Sardar-Abad,  Ta- 
line,  Mastara,  Boghaz  - Kessan,  Alexandropol. 
D’Edchmiadzine,  en  23  verstes,  on  est  à Sardar-Abad  : 
C’est  là  que  Iloussein  avait  élevé  une  forteresse,  bou- 
levard avancé  d’Erivan,  sur  la  route  de  la  frontière 
turque.  Ce  n’est  plus  aujourd’hui  qu’une  ruine  désolée 
mais  d’où  l’on  a une  vue  magnifique.  On  est  à 25  v.  de 
l’Ala-gôz  et  à 50  v.  de  l’Ararat.  Jusqu’à  Taline  (26  v.) 
la  contrée  est  pierreuse  et  presque  déserte.  Aux  deux 
tiers  du  chemin,  on  se  trouve  devant  un  demi-cercle 
de  collines  qui  portent  le  nom  tatar  de  Kara-bouroun 
(nez  noir).  Ces  collines  recouvertes  d’une  sombre  ver- 
dure, affectent  vaguement  la  forme  d’un  nez  recourbé. 
Cette  disposition  de  la  nature  y a donné  naissance  à 
un  écho  curieux  qui  jouit  dans  le  pays  d’une  certaine 
célébrité  : pour  le  faire  parler,  il  faut  tirer  un  coup  de 
pistolet  auquel  il  répond  par  une  série  de  sourds  gron- 
dements. On  aperçoit  la  forteresse  de  Taline  perchée 

1.  D’après  Élisée  Reclus  et  Mme  Chantre. 


160 


GUIDE  AU  CAUCASE 


comme  un  nid  d’aigle  sur  la  crête  d’une  montagne  qui 
va  se  réunir  aux  contreforts  de  l’Ala-gôz.  La  montée 
est  pénible  et  demande  plus  de  trois  heures.  De  Taline 
à Mastara,  il  y a 13  verstes.  On  traverse  le  même 
désert  pierreux  qui  longe  à l’O.  la  base  de  l’Ala-gôz. 
De  ce  côté,  le  mont  se  présente  superbe.  Son  sommet 
dont  il  semble  privé  du  côté  du  S.,  s’offre  comme  un 
cône  à moitié  détruit  et  déchiré  par  quelque  violente 
commotion.  Ce  volcan  éteint  a déversé  à l’O.  ses 
fleuves  de  lave  changée  aujourd’hui  en  une  pierre  dure 
qu’on  retrouve  au  milieu  des  matériaux  de  la  forteresse 
d’Alexandropol.  Mastara  est  un  petit  village  arménien 
possédant  une  église  dédiée  à saint  Jean.  A cette  hau- 
teur, il  y a peu  de  végétation  ; à peine  quelques  champs 
d’orge  et  des  bouquets  d’arbres.  De  là  à Boghaz- 
Kessan  (15  v.)  et  jusqu’à  Alsxandropol  (33  v.),  voir 
ce  nom  à V itinéraire  N , route  2 , on  traverse  les  vil- 
lages tatars  et  arméniens  Saribakhi,  Sourgounli, 
Imirkhanli,  Djalovkan,  Karaklis.  A une  verste 
d’Alexandropol,  l’horizon  s’ouvre  : une  chaîne  de  belles 
montagnes,  aux  teintes  violettes,  encadre  le  fond  de 
l’amphithéâtre  où  est  la  ville  et  marque  le  lit  de  l’Ar- 
pa-tchaï  qui  coule  à leur  base  ; la  ville  s’offre  à droite  ; 
à gauche,  sur  un  plateau  détaché,  se  profilent  les  lignes 
de  la  forteresse  qui  est  à 5,000  pieds  anglais  au-dessus 
de  la  mer  Noire. 

ITINÉRAIRE  N 

DE  TIFLIS  A ALEXANDROPOL  ET  KARS 

Route  1.  — De  Tiflis  à Alexandropol  et  Kars, 
par  Akstafa  (en  chemin  cle  fer . Voir  itinéraire  K, 
route  1),  Delijane  [route  postale ),  Alexandropol 
(id.),  Kars  (id.). 

Route  2.  — De  Delijane  à Alexandropol  (100  v. 

route  postale ),  par  Gamzatchiman  (18  v.),  Karakliss 
(19  v.1/4),Amamli  (21  v.),  Akhboulak  (20  v.)  Alexan- 
dropol (22  v.).  Delijane  n'est  pas  seulement  un  vil- 
lage dans  une  situation  ravissante,  c’est  aussi  le  point 
de  jonction  des  routes  d’Erivan  et  d’Alexandropol.  Les 
Russes  y entretiennent  une  garnison  ; les  casernes  sont 
disséminées  le  long  de  la  rivière  et  le  village  de  Staré- 


GUIDE  AU  CAUCASE 


161 


Delijane  ( Auberges . Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux . 
Télégraphe).  La  route  d’Alexandropol  est  aussi  jolie 
que  celle  d’Akstafa.  On  s'arrête  à la  source  minérale 
Lagret,  voisine  d'un  col  au  delà  duquel  le  paysage 
change  d’aspect.  La  forêt  s’éclaircit  ; les  montagnes  se 
dressent,  montrant  leurs  rocs  nus  et  colorés  de  tons  vio- 
lets. On  passe  le  grand  village  malakane  de  Nikitina, 


puis  le  hameau  de  Gamzatchiman  avec  ses  maisons 
en  pisé.  Karakliss  est  un  lieu  de  pèlerinage  pour  les 
Arméniens.  Jusqu’à  Amamli,  les  forêts  font  place  en 
partie  à des  amas  de  rochers  ; et  après  une  gorge  étroi- 
tement resserrée,  entre  des  montagnes  arides,  mais 
admirables  de  profil  et  de  couleur,  on  atteint  le  der- 
nier relais  d’AivHBOULAK.  La  route  arrive  par  une  série 
de  lacets  à une  grande  plaine  entourée  de  montagnes 
au-dessus  desquelles  l’Alagôz  élève  majestueusement 

2e  PARTIE  il 


162 


GUJDE  AU  CAUCASE 


ses  cimes  couvertes  de  neiges  éternelles.  Située  non 
loin  de  l’Arpatchaï  et  de  l’Alagoz,  sur  un  plateau  de 
145  m.  d’élévation,  mais  fertilisée  par  des  irrigations, 
Alexandropol  (autrefois  Gourmi)  est  une  ville  pres- 
que tout  arménienne,  car,  la  garnison  russe  déduite, 

ses  21.000  habit,  sont  pres- 
que tous  arméniens.  La  po- 
sition de  la  ville  1 expose 
tour  à tour  à des  chaleurs 
brûlantes  et  à des  froids  ri- 
goureux. Jusqu’à  la  prise  de 
Kars,  Alexandropol,  était  la 
place  de  guerre  la  plus  im- 
portante sur  l’extrême  fron- 
tière ; au  lendemain  du  traité 
d’Andrinople  les  Russes 
avaient  commencé  à y éle- 
ver une  forteresse,  espèce  de 
cité  militaire  où  habitent 
encore  les  officiers,  le  Gou- 
verneur , et  qui  possède 
même  une  église.  Aujour- 
d’hui , la  position  stratégique  de  Kars  a relégué 
Alexandropol  au  second  rang  ; mais , cette  ville 
n’en  est  pas  moins  restée  une  des  plus  peuplées  et 
des  plus  importantes  de  la  Transcaucasie.  L’aspect 
n’en  est  pas  des  plus  riants  ; les  rues  sont  larges, 
mais  bordées  de  maisons  à un  étage,  d’un  ton  gris, 
uniforme  et  fatigant.  Malgré  un  mouvement  commer- 
cial assez  considérable,  le  bazar  n’est  composé  que 
de  chétives  maisons  en  bois  et  en  pierres  grossièrement 
assemblées.  Deux  places  sablonneuses  sont  plantées 
d’arbres  rabougris.  En  revanche,  les  églises  sont  nom- 
breuses ; d’abord,  une  cathédrale,  reproduction  exacte 
de  celle  d’Ani  ; puis,  une  église  récente  à laquelle  sont 
annexées  deux  écoles  moyennes  de  filles  et  de  garçons. 
Les  Arméniens  grecs  ont  une  église  particulière,  moins 
belle,  il  est  vrai,  que  celle  des  Arméniens  romains. 
D’ailleurs,  qu’ils  soient  grégoriens,  grecs,  latins,  les 
Arméniens  et  leurs  prêtres  vivent  en  bonne  intelli- 
gence et  travaillent  d’un  commun  accord  au  dévelop- 


ALEXANDROPOL. 
D'après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


163 


pement  intellectuel  de  leur  nationalité.  Le  grand  cime- 
tière rempli  de  tombes  d’officiers  russes  tués  dans  les 
batailles  livrées  aux  Turcs,  et  au  milieu  duquel  est 
une  chapelle,  se  voitsur  une  colline  voisine  delà  ville:  il 
commande  tout  l’horizon  de  la  plaine  déserte  et  mono- 
tone dominée  par  les  cinq  pointes  de  TAlagoz  L 

Route  3.  — De  Karakliss  aux  mines  de  Cicima- 

dan  (15  v.,  route  carrossable ).  On  suit  la  vallée  pitto- 
resque de  Pambak,  au  milieu  de  magnifiques  forêts  de 
chênes  et  de  sapins.  Les  mines  de  Cicimadan  se  trou- 
vent sur  la  rive  droite  de  la  rivière  Pambak,  dans  la 
petite  vallée  au  fond  de  laquelle  court  le  ruisseau  Cici- 
Sou.  La  vieille  forteresse  de  Cici-Kala,  au  sommet 
d’un  des  pics  les  plus  élevés,  offre  des  ruines  remar- 
quables, mais  d’un  accès  difficile.  Un  peu  plus  bas  que 
Cicimadan,  le  confluent  du  Pambak  et  de  la  Kamenka 
forme  la  Débéda-tchaï  qui  coule  entre  des  rives  pro- 
fondes et  escarpées  au  pied  d’Ouzoular,  de  Sanahine 
et  d’Akhpat. 

Route  4.  — D’Alexandropol  aux  ruines  d’Ani 
(35  v.,  enphaéton.  Prix  aller  et  retour  de  12  à 15  rou- 
bles. Le  trajet  peut  se  faire  en  2 heures  1/2  et  on  peut, 
le  soir,  aller  coucher  à Kars  ou  revenir  à Alexandro- 
pol).  — L’histoire  d’A ni  remonte  à l’origine  du  royaume 
d’Arménie.  Longtemps,  ce  fut  une  simple  forteresse 
élevée,  on  ne  sait  par  qui,  à la  pointe  S.  dTm  plateau 
triangulaire  compris  entre  l’Arpatchaï  (nommé  alors 
Akhouriane)  et  un  ravin  escarpé  le  Dzaghkotsatzor,  où 
se  forme,  à la  fonte  des  neiges  un  torrent  appelé 
Aladja.  En  763,  le  prince  bagratide  Achot-Msaker 
fonda,  au  pied  de  cette  citadelle,  une  ville  qui  ne  tarda 
pas  à devenir  florissante.  Achot  III  Voghormatz  y fixa  sa 
résidence  en  961,  et  construisit  le  mur  intérieur  qu’il 
fortifia  de  grosses  tours.  Ani  se  couvrit  de  magnifiques 
palais  et  d’autres  édifices  grandioses,  d’églises  splen- 
dides, d’hospices  et  autres  établissements  pieux  et 
utiles.  Sembat  II,  fils  d’ Achot  III,  succéda  à son  père 
mort  en  977.  Une  muraille  défendait  Ani  du  seul  côté 
accessible,  au  N.-E.  ; Sembat  II  la  rendit  plus  forte  ; 


1.  D’après  Orsolle. 


164 


GUIDE  AU  CAUCASE 


« il  enferma  la  ville  d’une  muraille  continue  de 
l’Akhouriane  à Dzaghkotsatzor  (vallée  des  jardins)  ». 
— ((En  989,  l’architecte  Terdate  posa  les  fondements 
de  la  cathédrale;  Sembat  mourut  la  même  année  avant 
l’achèvement  du  monument  qui  fut  seulement  terminé 
en  1010,  sous  lerègne  de  Ghaghik  Ier  Schaan-Schah. 
Catamitre,  son  épouse,  pourvut  la  cathédrale  d’orne- 
ments, de  vases  d’argent  et  d’or,  de  riches  étoffes 
semées  de  broderies  de  pourpre.  » Puis  Ghaghik  cons- 
truisit l’église  de  Grégoire  rilluminateur.  A sa  mort, 
en  1020,  une  guerre  civile  éclata  entre  ses  deux  fils 
Hohannès  et  Achot.  Les  Géorgiens  prirent  parti  pour 
ce  dernier,  entrèrent  à Ani  par  surprise,  et  pénétrè- 
rent dans  la  cathédrale  où  ils  retirèrent  les  clous  des 
crucifix  en  criant  insolemment  qu’ils  en  feraient  des 
fers  pour  leurs  chevaux,  caries  croix  géorgiennes  sont 
sans  clous.  Hohannès  finit  cependant  par  triompher, 
mais  ((  la  plante  vénéneuse  de  la  discorde  avait  pris 
racine  en  Arménie  et  allait  empoisonner  le  pays  ». 
Hohannès  mourut  sans  enfant,  en  1039  ; il  s’ensuivit 
des  troubles  dont  l’empereur  Michel  voulut  profiter 
pour  annexer  l’Arménie,  mais  les  légions  romaines 
furent  repoussées  par  le  général  Vahram  le  Palavide 
qui  intronisa  Ghoghik  II,  en  1042.  Le  roi  eut  fort  à 
faire  avec  un  puissant  seigneur  nommé  Sargiss  Azat, 
qui,  à la  mort  de  Hohannès,  avait  pillé  le  trésor  royal 
et  s’était  emparé  de  la  citadelle.  Le  traître  livra  la  ville 
à Constantin  Monomaque  en  1046.  Le  ciel  manifesta 
son  mécontentement  de  cet  acte  déloyal  par  un  affreux 
tremblement  de  terre  qui  fit  tomber  les  majestueux  pa- 
lais et  les  églises  splendides.  ((  Les  abîmes  béants 
engloutirent  beaucoup  d’hommes  dont  les  cris  lamen- 
tables retentissaient  dans  le  fond,  tandis  que  d’autres 
chancelaient.  » Ghaghik  II,  le  dernier  des  Bagratides, 
relégués  en  Asie-Mineure,  mourut  assassiné  par  ordre 
de  l’empereur.  Les  Grecs  ne  conservèrent  pas  longtemps 
l’Arménie  : « En  1084,  Alp-Arslan,  roi  de  Perse,  prit 
Ani  d’assaut,  mit  la  ville  à feu  et  à sang,  la  saccagea 
de  fond  en  comble  et  en  massacra  les  habitants.  Dans 
sa  douleur,  le  ciel  se  voila  tout  à coup  ; au  milieu  d’af- 
freux éclats  de  tonnerre,  il  versa  des  torrents  de  pluie 


GUIDE  AU  CAUCASE 


165 


qui  inondèrent  la  ville  et  entraînèrent  les  cadavres  dans 
le  fleuve.  » La  domination  persane  dura  soixante  ans  ; 
en  1124,  David,  roi  de  Géorgie,  s’empara  d’Ani  ; le 
prince  persan  Phatloum  la  reprit  en  1126.  L’an  1131, 
la  ville  eut  à souffrir  d’un  tremblement  de  terre  qui 
renversa  la  grande  et  magnifique  église  d’Aménapher- 
kitch;  la  malheureuse  cité  n’était  plus  qu’une  proie 
mutilée  que  se  disputaient  les  Géorgiens  et  les  Persans. 
Ghiorghi  III  l’enleva  à ces  derniers  en  1161  ; Eldigouz 
la  reprit  en  1165  ; les  Géorgiens  y entrèrent  de  nouveau 
en  1174.  Les  Tatars  vinrent  ensuite  ; en  1237,  les 
hordes  de  Tchamar-Khan  pillèrent  la  ville  ; ((  ils  rava- 
gèrent les  maisons,  les  boutiques,  les  églises,  et  désolè- 
rent et  polluèrent  Ani  au  point  de  le  rendre  mécon- 
naissable )).  Ani  se  releva  cependant;  mais  en  1319, 
un  affreux  tremblement  de  terre  lui  porta  le  dernier 
coup  ; déjà  beaucoup  d’habitants  avaient  émigré  à Tré- 
bizonde,  en  Pologne , à Astrakhan  en  Crimée  ; ceux 
qui  restaient  abandonnèrent  à leur  tour  les  ruines  de 
la  ville  royale  ; les  uns  se  rendirent  en  Perse  et  en 
Russie,  d’autres  se  réfugièrent  dans  les  possessions 
asiatiques  des  Grecs  ; la  plupart  toutefois  se  fixèrent 
en  Pologne  et  en  Hongrie.  Comme  les  Juifs,  les  Ar- 
méniens, dispersés  sur  la  surface  de  la  terre,  n’avaient 
plus  de  patrie  ! 

— On  suit  d’abord  la  rive  gauche  de  l’Arpatchaï,  peu- 
plée de  villages  arméniens,  tandis  que  ceux  de  l’autre 
rive  sont  presque  exclusivement  habités  par  les  Turcs. 
Après  avoir  traversé  la  rivière  Kasanga,  Bayandour 
et  Kalali,  on  fait  halte  au  village  chrétien  deTavkhan- 
Kiliniak.  Ensuite,  on  s’enfonce  dans  la  steppe,  car  il 
n’y  a aucune  route  tracée.  On  passe  à gué  l’Arpatchaï 
et  le  Kara-tchaï  et  on  atteint  un  village  turc  nommé 
Agh-Uzum.  Puis,  c’est  le  Mavryak-tchaï,  qu’il  faut 
encore  passer  à gué  ; un  château  fort,  presque  intact 
situé  sur  le  sommet  d’une  colline,  des  ruines  de  plus 
en  plus  nombreuses  annoncent  l’approche  de  l’antique 
capitale.  On  gravit  assez  péniblement  le  flanc  rabo- 
teux d’une  colline  et,  arrivé  au  sommet,  on  se  trouve 
subitement  en  présence  d’un  panorama  d’une  lugubre 
et r indicible  majesté.  Devant  soi  s’étend  une  grande 


166 


GUIDE  AU  CAUCASE 


ville  déserte  avec  ses  murs,  ses  églises,  ses  palais  et 
ses  tours;  au  loin,  la  cime  majestueuse  de  l’Ararat 
brille  de  tout  l’éclat  de  ses  neiges  éternelles.  On  passe 
sous  la  porte  d’enceinte  et  on  met  pied  à terre  devant 
la  porte  d’un  prêtre,  chef  spirituel  d’une  petite  com- 
munauté arménienne  établie  là.  Les  maisons  particu- 
lières, probablement  construites  en  briques  crues  ont 
presque  entièrement  disparu  ; une  grande  partie  de  la 
population  devait  d’ailleurs  habiter  sous  terre,  à en 
juger  d’après  les  nombreuses  cavernes  creusées  dans 
le  tuf  volcanique  de  la  vallée  de  l’Aladja,  et  même 
dans  les  pentes  descendant  vers  l’Arpatchaï.  La  ville, 
protégée  à l’O.  et  au  S.  par  des  ravins  escarpés  et  par 
un  mur  simple,  était  défendue  au  N.-E.  par  deux 
murailles  flanquées  de  grosses  tours,  séparées  par  un 
étroit  couloir.  Les  portes  sont  ornées  de  pierres  de 
différentes  couleurs  formant  des  croix  ou  disposées  en 
damiers  ; sur  l’une  d’elles,  un  bas-relief  représente  un 
lion,  emblème  de  la  Perse  ; une  inscription  koufique 
atteste  que  la  tour  voisine  a été  élevée  par  Manout- 
char,  fils  de  Chaour,  émir  d’Ani,  en  1072.  Trois  ou 
quatre  ponts  traversent  l’Arpatchaï  ; l’un  d’eux  au  S., 
formé  d’une  seule  arche  ogivale,  était  d’une  architec- 
ture hardie.  Le  palais  royal  occupait  le  sommet  N.  du 
triangle  ; les  portes  et  les  murs  sont  ornés  d’arabes- 
ques, de  mosaïques,  de  niches,  etc.  L’édifice  a dû 
être  grandiose  : certaines  salles  intérieures  ont  en- 
core beaucoup  d’inscriptions  et  de  beaux  restes  de 
leur  ornementation,  entre  autres  des  croix  délica- 
tement ciselées  et  une  aigle  à deux  têtes  éployée. 
Tout  près  du  palais,  une  église  a été  taillée  dans  le 
roc.  En  suivant  le  ravin  de  l’Aladja,  bordé  par  une 
muraille,  on  arrive  à une  église  en  rotonde,  et  surmon- 
tée d’une  coupole  dodécagonale,  chaque  face  portant 
une  fausse  arcade  qui  encadre  une  fenêtre.  L’intérieur 
conserve  la  trace  d’une  peinture  murale  représentant 
la  Cène.  Ce  petit  temple  est  l’église  de  Sourb-Grigor, 
mentionnée  dans  la  chronique.  Après  plusieurs  cha- 
pelles ruinées,  on  est  devant  une  autre  église  semblable 
à Sourb-Grigor,  mais  dont  la  coupole  est  octogonale  ; 
un  bas-relief  représente  une  Vierge  à la  chaise . La 


GUIDE  AU  CAUCASE 


167 


citadelle  est  située  à la  pointe  S.  d’Ani,  près  de  l’en- 
droit où  se  réunissent  les  tranchées  de  l’Aladja  et  de 
l’Arpatchaï  ; elle  occupe  une  éminence  dominant  la 
ville.  Les  fondations  et  les  murs  en  étaient  gigantes- 
ques. La  grande  salle  est  bien  conservée  : les  arcades, 
les  portes  et  des  niches  sont  en  plein  cintre  ; les  socles 
des  colonnes  sphériques  ; deux  de  ces  colonnes  sont 
torses,  d’autres  se  terminent  par  des  rosaces  ou  des 
têtes  de  diables  enjolivées,  à longues  oreilles.  Dans  la 
petite  chambre  contiguë  à cette  salle,  sur  un  bas-relief 
en  marbre  rouge  : deux  cavaliers  transperçant  des 
dragons  de  leurs  lances.  Tout  près  de  la  citadelle,  res- 
tent deux  églises  ; l’une  est  fort  endommagée;  l’autre, 
petite,  a l’aspect  d’une  croix  grecque  formée  par  quatre 
dômes  et  recouverte,  au  centre,  d’une  coupole  conique. 
Les  entrelacs  sculptés  autour  des  fenêtres  et  des  portes 
sont  d’un  joli  travail  ; sur  un  chapiteau  de  l’intérieur, 
on  voit  un  aigle  enlevant  un  mouton.  Non  loin  de  là, 
la  mosquée,  flanquée  d’un  minaret  octogonal,  con- 
struite en  1072  par  l’émir  Manoutchar  1.  De  la  mos- 
quée, on  gagne  la  cathédrale.  Ses  dimensions  sont 
modestes  ; 30  mètres  de  long  sur  20  de  large.  Le  plan 
est  un  rectangle,  mais  il  est  beaucoup  plus  simple 
qu’à  Sainte- Ripsime  près  d’Edchmiadzine  : une  cou- 
pole centrale  portant  sur  des  piliers  ; deux  transepts  à 
une  travée,  un  chœur  à une  travée  et  une  abside.  Ces 
quatre  parties  forment  la  croix;  mais  deux  absides 
latérales,  et  des  espèces  de  bas-côtés  viennent  complé- 
ter le  rectangle.  Les  piliers  du  croisement  sont  com- 
posés de  faisceaux  et  de  colonnettes.  Ils  portent  des 
arcs  en  ogive  sur  lesquels,  en  forme  de  pendantifs, 
vient  s’appuyer  le  tambour  de  la  coupole  beaucoup 
plus  élevée  qu’à  Sainte-Ripsime.  La  coupole  est  au- 
jourd’hui détruite.  Les  formerets  des  bas-côtés  sont 
aussi  en  ogive  ; l’abside  est  encore  accusée  par  deux 
cintres.  A l’extérieur,  l’ensemble  est  combiné  de  la 
façon  la  plus  heureuse  et  la  plus  simple.  La  coupole 
se  détache  nettement  et  fièrement  sur  son  assise  carrée. 
La  nef  se  termine  en  pignon  sur  la  façade,  et  les  bas- 


1.  D’après  Orsolle. 


168 


GUIDE  AU  CAUCASE 


côtés  par  des  rampants.  La  façade  du  transept  offre 
aussi  un  pignon,  et,  chose  curieuse,  deux  niches  trian- 
gulaires, bien  qu’il  n’y  ait  pas  ici  de  vide  produit  par 
les  absides.  Enfin,  tout  l’extérieur  de  l’édifice  est  revêtu 
de  colonnettes  portant  de  fausses  arcatures  en  plein 
cintre.  D’après  une  inscription,  la  cathédrale  cl’Ani 
aurait  été  bâtie  en  1010.  On  y rencontre  encore  les 
dates  de  1049  et  1059.  Cependant,  par  ses  traits  géné- 
raux, elle  se  rapproche  d’une  église  italienne  du  XIIIe 
et  même  du  XIVe  s.  M.  Fergusson  1 se  demande  si 
les  formes  que  l’on  trouve  à„Ani  ne  sont  pas  origi- 
naires de  l’Arménie.  Mais  il  faut  plutôt  accorder  la 
prééminence  aux  traits  de  l’architecture  et  croire 
qu’une  inscription  ancienne  a été  rapportée  sur  un 
édifice  nouveau.  L’exemple  d’Ani  ne  serait  pas  seul. 
Les  inscriptions  arméniennes  ont  une  grande  valeur 
décorative  ; on  gardait  soigneusement  les  blocs  qui  les 
portaient  pour  les  encastrer  sur  les  églises  réédifiées. 
C’est  ce  qui  complique  parfois  d’une  façon  étrange  la 
chronologie  des  monuments  du  Caucase2.  Plus  bas 
que  la  cathédrale,  au  bord  de  la  rivière,  est  le  couvent 
de  Sourb-Grigor  dont  les  habitations  sont  encore 
reconnaissables  ; le  corps  de  l’église  est  formé  de  quatre 
hémicycles  faisant  à l’intérieur  une  croix  grecque  ; du 
centre  s’élève  un  dôme  recouvert  par  une  coupole  coni- 
que. Tout  près  des  bains  on  visite  ((  l’Eglise  des  Grecs  )) 
bâtie  en  1215.  Le  porche  est  orné  de  mosaïques  ; à l’in- 
térieur : des  fresques  représentant  des  saints,  des  épi- 
sodes du  Nouveau  Testament,  la  Vierge  et  les  douze 
Apôtres,  etc.  Remontant  vers  le  N.,  on  rencontre  près 
de  la  grande  muraille  une  troisième  église  en  rotonde 
nommée  Sourb-Arakhial  (le  saint  Apôtre).  De  là,  on 
passe  à l’église  de  la  Vierge,  puis  à celle  de  Sourb- 
Pherkitch  (Saint-Sauveur)  élevée  par  un  simple  parti- 
culier, Abelkarib.  Enfin,  un  grand  minaret  octogone 
avait  victorieusement  résisté  aux  tremblements  de  terre 
jusqu’en  1880  ; cette  année-là  il  fut  renversé  par  une 

1.  History  of  Architecture.  Londres.  Murray,  1874;  tome  II, 
page  470. 

2.  Voir  U Art  religieux  au  Caucase , par  J.  Mourier,  1vol. 
in-18,  raisin,  Paris,  Leroux,  édit.,  1887. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


169 


terrible  secousse  et  gît  à terre,  en  plusieurs  tronçons  \ 

Au  S.'E.  d’Ani,  et  déjà  dans  la  vaste  plaine  qui 
sépare  les  deux  colosses  cle  l’Alagôz  et  de  l’Ararat,  un 
autre  amas  de  décombres,  Talich,  paraît  avoir  été  aussi 
la  capitale  d’un  royaume  d’Arménie.  Un  petit  village 
moderne  s’est  niché  entre  ses  hautes  murailles,  ses 
tours,  les  débris  de  ses  palais.  La  région  du  bas  Arpa- 
tchaï  est  le  pays  des  ruines.  A l’O.  de  cette  rivière  se 
voient  encore  les  restes  de  Pakaran  ou  de  « l’assem- 
blée des  dieux 1  2 ». 

Route  5.  — D’Alexandropol  à Zarouchad  (54  v., 

route  postale , jusqu’à  Parghet),  par  Argino  (19  v.  1/4), 
Parghet  (21  v.  3/4)  et  à cheval  jusqu^à  Zarouchad. 

Route  6.  — D’Alexandropol  à Akhalkalaki 
(90  v.  env.,  à cheval).  A 16  v.  d’Alexandropol,  on  ren- 
contre un  village  arménien  portant  le  nom  tartare  de 
Djel-ap-Ketchout  et  situé  au  haut  d’une  rampe,  à une 
grande  élévation.  On  découvre  encore  delà  l’Alagôz. 
En  remontant  la  rive  gauche  de  l’Arpa-tchaï,  on  fait 
34  v.  jusqu’à  Troïtskaïa  en  gravissant  une  contrée 
montagneuse  et  en  passant  près  de  la  source  de  l’Arpa- 
tchaï  qui  sort  d’un  petit  lac  nommé  Arpa-Ghôl  (6,670 
pieds).  Troïtskaïa  est  à égale  distance  d’Alexanclropol 
et  d’ Akhalkalaki.  Dans  les  vallées  sont  échelonnés  des 
villages  peuplés  par  des  cloukhabores,  sectaires  russes 
qui  y forment  une  population  d’environ  2,000  âmes  qui 
vivent  en  faisant  le  camionnage.  Ces  villages  se  nom- 
ment : Ephrémovka,  Gorélaïa,  Orlovka,  Spaskaïa, 
Bogdanovka.  Rodionovka  est  rélégué  dans  une  plus 
haute  région  sur  le  bord  du  lac  Toporovan.  Toute 
cette  contrée  est  remplie  de  lacs  ; de  ce  dernier,  le  plus 
élevée  sort  le  Toporovane-tchaï  qui  s’épanouit  plus 
bas  dans  le  lac  Touman-ghôl  (7,620  p.)  d’où  il  ressort 
pour  descendre  à Akhalkalaki.  Sur  la  gauche  de  la 
route,  il  y a encore  le  lac  Koutchali.  La  pêche  des 
truites  est  la  ressource  principale  de  Rodionovka  et  des 
villages  arméniens  Poka,  Ganza  ou  Kanza  et  Sagamo. 
Les  vallées  que  l’on  va  suivre  furent  autrefois  la  route 

1.  D'après  Orsolle. 

2.  D’après  Elisée  Reclus. 


170 


GUIDE  AU  CAUCASE 


que  prit  sainte  Nino  quand,  au  commencement  du 
IVe  siècle,  elle  passa  d’Arménie  en  Géorgie 
pour  y aller  prêcher  le  christianisme.  Une  légende 
géorgienne  raconte  que  Nino,  fuyant  les  persé- 
cutions de  Rome  et  d’Arménie,  arriva  en  ces  lieux 
inconnus.  Un  berger  lui  dit  que  l’eau  du  lac  Topo- 
rovan  allait  rejoindre  le  Cyrus  (Koura).  La  sainte 
femme  longea  le  cours  de  l’eau  jusqu’à  Khertviss,  puis 
arriva  à Mtzkhet  où  elle  prêcha  Té vangile.  Akhalka- 
laki  (5,510  pieds  au-dessus  de  la  mer  Noire),  seconde 

ville  de  l’an- 
cien pachalik 
d’Akhaltzik,  a 
une  population 
mixte , d’en- 
viron 4,200 
âmes,  compo- 
sée d’ Armé- 
niens, de  Per- 
sans et  de  Ta- 
tars.  C’est  une 
ville  déchue 
qui  avait  de 
l’importance 
autrefois  (Hô- 
tel. Poste  aux 
lettres  et  aux 
chevaux . Télé- 
graphe ) . La 
forteresse  est  en  dehors  'd’une  enceinte  ouverte  au- 
jourd’hui, mais  offrant  encore  des  restes  de  murailles 
sur  un  plateau  au  confluent  du  Toporovan-tchaï  et 
de  la  Ghendara,  petite  rivière  qui  descend  des  envi- 
rons du  lac  Khoutchali.  Ce  plateau  qui  ajoutait 
aux  défenses  de  la  forteresse  forme  une  espèce  de 
presqu’île.  La  prise  d’Akhalkalaki  (juillet  1828) 
fut  un  brillant  coup  de  main  du  général  Paskévitch. 
La  région  d’Akhalkalaki  est  une  partie  du  Haut- 
Karthli  de  la  géographie  de  Vakhoucht.  Une  chaîne 
de  montagnes  le  borde  à l’E.  (les  monts  Kodiani  ) 
se  terminant  au  S.  par  le  mont  Aboul  (9,170  p.). 


AKHALKAEAKI  el  la  REGION  DES  LACS. 
D’après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


171 


Cette  chaîne  s’étend  du  lac  Toporovan  (Pharavani  de 
Vakhôucht)  jusque  vers  le  lac  Tabiskour  (Tbis-Kouri) 
sur  une  distance  d’environ  30  v.  Cette  région  de  lacs 
est  la  source  d’une  infinité  de  cours  d’eau  qui  coulent 
vers  les  affluents  de  la  Koura  (le  Mtkvari  de  Va- 
khoucht).  Le  Cyrus  (Koura)  avait  donc  perdu  son  nom 
au  moyen  âge. 

Route  7.  — D’Akhalkalaki  à Akhaltzik  (60  v. 

env.,  à cheval).  Entre  l’Akhaltzikhé,  partie  du  Haut- 
Karthli  et  l’Iméréthie , il  y a une  belle  chaîne  de 
hautes  montagnes  qui  court  de  l’O.  à l’E.  A LO.  elle 
forme  la  chaîne  proprement  dite  d’Akhaltzik  et  se  pro- 
longe jusque  vers  la  Gourie,  à son  extrémité  occiden- 
tale. Le  rameau  de  Trialeth  qui  s’étend  au  S.  du 
Karthli  moyen  ou  Chida-Karthli  est  le  prolongement, 
à l’E.  de  cette  première  chaîne  ouverte  par  les  eaux 
de  la  Koura  qui  y ont  opéré  une  rupture  à Atskhour 
(l’Askouri  de  Vakhôucht).  En  commençant  par  l’Occi- 
dent, on  distingue  les  monts  Phersati,  Ghado,  Ma- 
khwilo,  Likh.  A l’O.  de  ce  dernier,  est  le  col  qui  mène 
de  la  vallée  de  Souram  ou  de  la  Koura  dans  l’Iméré- 
thie. Le  plateau  d’Akhalkalaki  est  peu  boisé.  Après 
25  v.,  on  arrive  à sa  descente;  on  a,  à gauche,  une 
admirable  vue  sur  la  vallée  de  la  Koura  qui  serpente 
au  milieu  de  montagnes  aux  tons  violets,  à travers  des 
prairies  d’un  vert  d’émeraude.  Jusqu’à  Khertviss 
(30  v.)  on  va  en  zigzag,  à travers  des  forêts  touffues 
où  se  confondent  les  nuances  brillantes  de  la  végéta- 
tion la  plus  riche.  La  route  est  cachée  ; on  ne  l’aper- 
çoit plus  quand  on  se  retourne  pour  voir  la  région 
haute  d’où  l’on  vient.  Partout  des  arbres  ; çà  et  là, 
des  roches  entourées  de  plantes  vigoureuses  qui  les 
embrassent  en  s’y  tordant;  puis  le  chemin  qui  s’enfonce 
plus  bas  dans  d’autres  forêts  : puis  enfin,  dans  le  fond, 
la  belle  vallée  disparaissant  parfois  pour  reparaître 
plus  loin.  Après  être  arrivé  en  vue  de  Khertviss,  an- 
cienne forteresse  construite  par  les  atabegs  géorgiens 
entre  deux  monts  sévères,  l’un  nu,  Lautre  boisé,  qui 
s’élèvent  pareils  à des  tables  auxquelles  leur  sommet 
plat  les  fait  ressembler,  on  suit  la  descente  de  Tama- 
laasky.  On  quitte  les  forêts,  et  au  milieu  d’un  bassin 


172 


GUIDE  AU  CAUCASE 


de  montagnes  dont  le  sol  a un  aspect  jaunâtre,  on 
aperçoit  les  ruines  pittoresques  d’une  vieille  forteresse 
située  près  de  Tabouretch-tchaï  et  on  entre  à Aspindza. 
De  là,  par  Orpola,  on  peut  gagner  Atskhour,  Borjom, 
Mikhaïloff  ou,  par  Rousthavi  (12  v.),  arriver  à 
Akhaltzik  (18  v.).  Voir  ce  nom  itinéraire  /,  route  20 . 

Route  8.  — D’Alexandropol  à Kars  (84  v.  1/4, 
route  postale ),  par  Arguino  (19  v.  1/4),  Parghet 
(21  v.  3/4),,  Zaïm  (17  v.),  Mélik-koï  (13  v.  1/4),  Kars 
(13  v.).  On  traverse  d’abord  deux  villages  tatars  Kàra- 
klis  et  Tichnis.  Près  delà  station  d’ARGuiNO,  premier 
relais,  quelques  colonnes  en  maçonnerie,  des  arceaux 
écroulés  témoignent  de  l’existence  passée  d’un  grand 
édifice,  église  ou  caravanséraï.  Par  un  défilé  où  coule 
mélancoliquement  le  Kars-tchaï,  et  une  série  de  col- 
lines, on  atteint  la  station  de  Parghet.  A 12  v.,  à 
gauche,  le  plateau  de  Kizil-Tapa  fut  le  théâtre  de 
combats  sanglants  entre  les  Russes  et  les  Turcs.  Après 
Zaïm,  la  route  traverse  un  affluent  du  Kars-tchaï  sur 
un  pont  turc  à colonnes  bizarres,  puis,  c’est  le  grand 
village  malakane  de  Mélik-Koï.  La  vallée  maussade 
du  Kars-tchaï  se  resserre  au  point  de  ne  plus  fournir 
à la  route  qu’un  couloir  étroit  longé  par  les  eaux  de  la 
rivière  ; les  ruines  d’une  vieille  forteresse  arménienne 
annoncent  Kars.  On  passe  au  pied  de  deux  escaliers 
gigantesques  qui  relient  la  citadelle  aux  hauteurs  voi- 
sines et  aux  forts  delà  nouvelle  enceinte,  et,  après  avoir 
franchi  un  dernier  pont,  on  met  pied  à terre  devant  la 
gostinitza  America , l’unique  hôtel  de  Kars  (7,000 
hab.).  Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux . Résidence  du 
Gouverneur.  Bâtie  sur  le  versant  des  montagnes  entre 
lesquelles  coule  le  Kars-tchaï,  Kars  est  une  ville  où 
seuls  de  grands  souvenirs  historiques  peuvent  attirer  les 
voyageurs.  Ses  maisons  construites  en  briques  de  lave 
se  confondent,  dans  leurs  teintes  grises,  avec  les  pentes 
qu’elles  escaladent  superposées  les  unes  aux  autres; 
çà  et  là  le  minaret  d’une  mosquée  s’élève  au-dessus  de 
cet  ensemble  monotone.  La  forteresse  du  sultan  Mou- 
rad  III,  noire  construction  qui  domine  toute  la  ville  du 
haut  de  son  rocher  escarpé,  ne  contribue  pas  à égayer 
le  paysage.  Nulle  part,  on  n’aperçoit  un  arbre,  une 


GUIDE  AU  CAUCASE 


173 


tache  de  verdure,  hormis  dans  un  îlot  formé  dans  les 
deux  bras  de  la  rivière  où  les  Russes  ont  installé  leur 
club  et  une  salle  de  danse;  là,  on  a réussi  à grand’peine 
à faire  pousser  un  misérable  gazon  coupé  par  une  allée 
appelée  le  boulevard.  Un  bouquet  d’arbres,  à une  cer- 
taine distance  de  la  ville,  est  le  but  habituel  des  pro- 
menades des  habitants.  Le  bazar  se  compose  d’échoppes 
en  pisé  et  en  bois  ; peu  ou  point  de  circulation  ; la  ma- 
jorité de  la  population  turque  a émigré  après  l’an- 
nexion , abandonnant  ses  maisons  délabrées  telles 
aujourd’hui  qu’au  lendemain  du  siège.  Le  seul  endroit 
un  peu  animé  est  le  pont  situé  au  pied  de  la  citadelle  ; 
là  défilent  des  Cosaques,  des  Kurdes,  des  colons 
grecs  et  russes  et  des  Lazes.  Point  de  monuments,  à 
moins  qu’on  ne  considère  comme  tels  une  mosquée 
assez  grande,  l’Avleb-Djâmi,  la  porte  en  ruine,  de 
vieilles  murailles  persanes  et  une  église  arménienne 
déjà  ancienne.  Près  de  la  ville  et  même  dans  son  en- 
ceinte, une  foule  de  cimetières  turcs,  des  dalles  innom- 
brables plantées  droites;  çà  et  là,  la  masse  grisâtre 
d’un  turbeh , lieu  de  repos  d’un  pacha  : tous  ces  cime- 
tières donnent  à cette  triste  ville  un  air  de  nécropole. 
D’ailleurs,  l’histoire  de  Kars  se  résume  dans  la  liste 
des  sièges  qu’elle  a subis.  Capitale  d’un  royaume 
arménien  pendant  le  IXe  et  le  Xe  s.,  sa  position  cen- 
trale entre  les  hauts  bassins  de  la  Koura,  du  Tchorok, 
de  l’Araxe  et  de  l’Euphrate,  la  désignait  d’avance  à 
tous  les  conquérants.  Aussi,  fut-elle  saccagée  par  Ta- 
merlan  et  Mourad  III,  prise,  perdue  et  reprise  par  les 
Persans  et  les  Turcs;  les  Russes  s’en  emparèrent  en 
1828  et  en  1855,  mais  ils  durent  la  restituer  à la  Tur- 
quie.; en  1877,  ils  se  rendirent  encore  une  fois  maîtres 
de  cette  ville,  malgré  sa  citadelle  et  les  onze  forts  qui 
la  défendent.  Entre  les  mains  des  Russes,  Kars,  clef 
de  PAsie-Mineure,  est  devenue  une  forteresse  impre- 
nable destinée  sans  doute  à jouer  un  rôle  important 
dans  les  guerres  futures  qui  décideront  des  destinées 
de  l’Asie  L 

Route  9.  — De  Kars  à Kaghisman  (71  v.,  route 

1.  D’après  Orsolle. 


174 


GUIDE  AU  CAUCASE 


vicinale ),  par  Tchermiali  (20  v.)_,  IIaut-Kémerli 
(20  v.),  Bas-Kémerli  (16  y.  3/4),  Kaghisman  (15  y.). 
(5,000  habit.).  Poste.  Télégraphe).  Cette  ville  prin- 
cipale de  la  vallée  supérieure  de  l’Araxe,  conquise 
par  les  Russes,  dans  la  dernière  guerre  turque,  est 
entourée  de  jardins  et  de  vignes  donnant  d’assez  bons 
fruits. 

Route  10.  — De  Kars  à Sarakamisch  (52  v.  3/4, 

route  vicinale ),  par  Bégli-Akhmeth  (21  v.  1/4),  Ka- 
ragamza  (14  v.  1/4),  Sarakamisch  (17  v.  1/4). [Poste 
aux  lettres.  Télégraphe.) 

Route  1 1 . — De  Kars  à Olti  (102  v. , route  vici- 
nale),  par  Soglouti  (17  v.),  Salnidja  (15  v.).  Arsenen 
(27  v.),  Oeniak  (14  v.);  poste  militaire  (3  v.),  Olti 
(26  v.).  {Poste  aux  lettres.  Télégraphe.) 

ITINÉRAIRE  O1 

Route  1 . — De  Tiflis  à Bakou,  par  Akstafa,  Eli- 

SABETHPOL  , OUDJARI  , KlOURDAMIR  , AdJI- KABOUL 

(515  v.,  en  chemin  de  fer.  — Trajet  en  17  heures.  — 
Prix  des  places  : 29  r.;  22  r.;  11  r.). 

Route  1 (suite).  — De  Tiflis  ( buffet ) à Karaïas 
(buffet)  — (36  v.,  en  chemin  de  fer),  par  Ag-Taglia. 
En  quittant  Tiflis,  la  voie  ferrée  suit  la  vallée  de  la 
Koura  qu’on  traverse  après  Ag-Taglia  pour  entrer  dans 
une  steppe  qu’arrose  le  canal  Mariensky.  Creusé  en 
1867,  ce  canal,  qui  a coûté  370,000  roubles,  longe  pen- 
dant 4 v.  la  rivière,  puis  tourne  à gauche,  et  va  se  per- 
dre au  bout  de  18  v.  près  d’un  petit  lac,  au  pied  des 
montagnes.  Il  se  divise  en  17  canaux  secondaires  ser- 
vant à l’irrigation  d’un  grand  triangle  de  terrain  qui, 
vers  les  bords  de  la  Koura,  est  boisé  et  très  giboyeux. 
C’est  là  que  sont  les  chasses  de  S.  A.  I.  le  Grand-Duc 
Michel  Nicolaïevitch.  A droite,  à Kartapa,  quelques 
maisons,  et  un  peu  plus  loin , quelques  rares  ha- 
meaux. 

1.  D’après  Brosset,  Dubois  de  Montpéreux,  Elisée  Reclus, 
Orsolle,  le  Calendrier  dû  Caucase , Mme  Chantre  et  la  Carte 
de  l’Etat-Major  russe. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


175 


Route  I (suite).  — De  Karaïas  à Akstafa  ( buffet ) 
— (51  v.  en  chemin  de  fer),  par  Sogoute-Boulak, 
Poïli. 

Route  1 (suite).  — D’Akstafa  à Elisabethpol 

(buffet)  — (88  y.,  en  chemin  de  fer),  parTAOuzE,  Dzé- 
game.  Chamkhor.  Jadis  capitale  clu  Khanat  de  même 
nom,  désignée  maintenant  par  les  Russes,  sous  le  nom 
d’Elisabethpol  (18,500  habit..  Poste  aux  lettres  et  aux 
chevaux.  Télégraphe.  Résidence  du  Gouverneur.  Une 
auberge ),  1 ancienne  ville  de  Gandja  existait  dès  le 
XIe  s.,  mais  à la  distance  de  quelques  kilomètres;  on 
en  voit  encore  les  ruines.  C’est  non  loin  de  là,  au 
S.-E.,  dans  les  campagnes  qu’arrose  le  Terter  avant 
de  s’unir  à la  Koura  que  se  trouvait  l’ancienne  capitale 
du  royaume  d’Agvanie  ou  Albanie,  Partar,  dont  l’em- 
placement est  indiqué  maintenant  par  le  village  de 
Barda  ou  Berdaïa  ; cette  ville  fut  détruite  dans  la 
moitié  du  Xe  s.  par  des  aventuriers  russiques  sau- 
vages et  bizarres  qui  vinrent  du  N.  par  la  Caspienne, 
disent  les  auteurs  arabes.  Le  pays  fut  certainement 
plus  peuplé  jadis,  à en  juger  par  tous  les  vestiges 
d’habitations  ; une  route  fréquentée  remontant  à l’O. 
la  vallée  du  Terter  vers  le  plateau  de  Gok-tchaï  ratta- 
chait par  un  collier  de  villes  et  de  villages  la  Basse- 
Koura  au  bassin  du  Haut-Araxe.  Elisabethpol  con- 
struite, à la  fin  du  XVIe  s.,  sur  l’emplacement  actuel, 
était  autrefois  considérable.  A part  les  quartiers  nouvel- 
lement bâtis  par  les  Russes  sur  la  rive  droite  de  la  Gand  j a, 
et  quelques  rues  arméniennes,  la  ville  a conservé 
sa  vieille  physionomie  persane.  Les  rues  sont  larges, 
bordées  d’arbres  et  de  ruisseaux  ; la  plupart  des  mai- 
sons en  pisé,  presque  toutes  sans  fenêtres,  se  cachent 
dans  des  jardins  plantés  de  mûriers,  de  grenadiers,  de 
pêchers  et  de  noyers  escaladés  par  des  vignes  gigantes- 
ques retombant  en  cascades  de  pampres  et  de  grappes 
rougeâtres.  De  loin,  la  ville  a l’air  d’un  grand  parc 
d’où  émergent  çà  et  là  les  minarets  des  mosquées  ; au- 
trefois les  vieilles  murailles  persanes  complétaient  le 
tableau  ; on  les  a démolies.  Le  bazar  se  compose  d’un 
corridor  de  400  m.  couvert  de  coupoles  en  briques  ver- 
nissées. Tout  près  du  bazar,  une  mosquée,  construite 


176 


GUIDE  AU  CAUCASE 


par  Schah-Abbas  en  1620,  passe  pour  un  bon  spéci- 
men du  style  persan  de  l’époque  ; le  porche  est  flanqué 
de  deux  minarets.  La  mosquée  est  ronde;  les  fenêtres 
garnies  de  vitres  de  toutes  les  couleurs  ressemblent 
aux  vitraux  de  nos  églises  ; la  porte  est  toute  bariolée 
de  rouge  et  de  vert.  Dans  la  cour  quatre  platanes  gigan- 
tesques. Cette  mosquée  occupe  l’un  des  côtés  du  maï- 
dan , immense  place  carrée  plantée  aussi  de  platanes, 

où  est  installé  un 
bazar  en  plein 
vent.  Les  étroites 
boutiques  des  or- 
fèvres et  des  armu- 
riers se  succèdent 
sur  le  côté  gauche 
en  partant  de  la 
mosquée.  Les  au- 
tres industries  se 
sont  emparées  du 
côté  droit  et  de 
celui  qui  fait  face 
au  temple.  Quoi- 
que ombragée  par 
de  beaux  arbres  , 
Elisabethpol  est 
très  insalubre,  et 
les  employés  émi- 
grent tous  en  été  vers  les  montagnes  boisées  du  S., 
à Hélénendorf,  Hadji-Kend  et  sur  les  bords  du  pitto- 
resque ((  lac  bleu  » (Gok-gôl).  En  outre,  la  ville  se 
distingue  tristement  par  une  espèce  de  lèpre  connue 
sous  la  dénomination  locale  de  « godovik  » ou  de 
« lèpre  d’un  an  » , parce  qu’elle  dure  environ  une 
année  sans  céder  à aucun  remède.  On  croit  que  cette 
affection  de  la  peau,  laissant  après  elle  des  cicatrices, 
a quelque  analogie  avec  le«  bouton  d’Alep  )).  Peut-être 
faudrait-il  attribuer  cette  maladie  spéciale  aux  vingt- 
deux  cimetières  qui  avoisinent  la  ville,  confinant  aux 
jardins,  et  mêlant  leurs  détritus  aux  eaux  d’irrigation 
dérivées  de  la  Gandja.  Se  ramifiant  en  des  centaines 
de  jardins,  ces  eaux  n’atteignent  pas  toujours  la  Koura. 


ELISABETHPOL.  — D’après  Élisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


177 


Les  Tartares  d’Elisabethpol,  presque  tous  agriculteurs 
ou  jardiniers,  les  colons  souabes  de  Hélénendorf, 
venus  en  1816,  elles  « Lutteurs  par  l’Esprit)),  qui  peu- 
plent plusieurs  villages  des  environs,  ont  donné  une 
grande  réputation  aux  fruits  et  aux  légumes  de  la  con- 
trée. Ils  obtiennent  les  meilleures  cerises  de  la  Trans- 
caucasie. Dans  leurs  champs,  ils  s’occupent  surtout  de 
la  production  du  tabac  et  du  coton  : ils  plantent  des 
mûriers,  élèvent  le  ver  à soie,  construisent  des  char- 
rettes sur  le  modèle  des  véhicules  importés  de  Souabe 
et  possèdent  quelques  filatures  et  fabriques  d’étoffes. 
Les  Arméniens,  à peine  inférieurs  aux  Tartars  dans  la 
population  de  la  cité , servent  d’intermédiaires  au 
commerce  1 . 

Route  2.  — D’Elisabethpol  à Adjikent  (18  v.) 

Service  postal  en  été  seulement . Poste  aux  lettres . Télé- 
graphe (cle  juin  à septembre). 

Route  3.  — De  Dzégame  à Kèdabek  (50  v.,  route 
vicinale ).  Le  bassin  du  Chamkhor,  dont  les  eaux  arro- 
sent le  village  de  ce  nom,  est  un  des  plus  importants  de 
la  Caucasie  pour  la  richesse  minière.  C’est  là,  dans  un 
cirque  de  montagnes  porphyriques,  que  se  trouvent  les 
usines  pour  le  traitement  du  minerai  de  cuivre  retiré 
des  gisements  du  voisinage. — L’entreprise  industrielle 
connue  au  Caucase  sous  le  nom  de  Kédabek  et  qui 
depuis  1864  appartient  par  droit  de  concession  à 
MM.  Werner  et  Karl  Siemens,  occupe  un  vaste  do- 
maine dont  les  principales  localités  sont  : Kédabek , 
Kalakent , annexe  qui  lui  est  réunie  par  un  chemin  de 
fer,  et  Dachgessan.  Kédabek  est  situé  à 60  v.  S. -O. 
d’Elisabethpol,  à 50  v.  S.  du  chemin  de  fer  transcau- 
casien et  à 4,500  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 
Les  terrains  miniers  ont  une  étendue  de  3 v.  carrées  ; 
ceux  des  usines  50  déciatines  et  les  forêts  16,753.  Les 
mines  fournissent  chaque  année  plus  de  un  million 
200  mille  ponds  de  minerai,  extrait  à la  poudre  et  don- 
nant de  7 à 10,12,20,25  0/0  de  cuivre.  Après  différents 
grillages  et  passages  au  four,  le  minerai  donne  20  à 
30  0/0  de  cuivre,  puis  fournit  un  cuivre  noir  et  riche 

1.  D’après  Elisée  Reclus  et  Orsoile. 


2 e PARTIE 


12 


178 


GUIDE  AU  CAUCASE 


à 92  0/0.  — Analyse  du  cuivre  de  Kédabek  : cuivre 
99,573  0/0  ; argent  0,080;  plomb  0,027  ; arsenic  0,038; 
antimoine  0,060;  nickel,  cobalt  0,031  ; fer  0,009  ; oxy- 
gène 0,059.  — De  1871  à 1888,  Fusine  a produit 
697,754  pouds  de  cuivre,  c’est-à-dire  une  moyenne 
annuelle  de  38,763  pouds  ; 31  pouds  ont  été  obtenus 
par  des  procédés  électriques.  La  voie  ferrée  de  mon- 
tagne, de  31  kilomètres  de  longueur,  avec  ses  168  ou- 
vrages d’art  en  courbes,  véritables  tours  de  force  de 
hardiesse,  et  qui  met  Fusine  à proximité  de  ses  centres 
d’alimentation,  de  combustible,  pierres  calcaires,  mine- 
rais, etc.,  constitue  le  point  principal  et  la  plus  belle 
conception  des  installations  mécaniques  de  Kédabek, 
qui  tient  sans  contredit  comme  importance,  organisa- 
tion, capital  social  engagé,  la  première  place  parmi  les 
industries  minières  du  Caucase. 

Pour  visiter  Kédabek,  il  faut  écrire  d’avance  à M.  Bol  ton, 
directeur  de  l’usine,  qui  ne  refuse  jamais  cette  autorisation. 

Route  1 (suite).  — DElisabethpol  à Evlak 

(63  v.,  en  chemin  de  fer),  par  Dale-Mamethi  (16  v.), 
Guérane  (23  v.),  Evlak  (24  v.  Poste.  Télégraphe). 

Route  4.  — D'Evlak  à Choucha  (105  v.  route 
postale ),  par  Karamanly  (21  v.  3/4),  Terter  (15  v.), 
Kabadinskaïa  (18  v.1/4),  Schah-Boulakh  (11  v.1/2), 
Khodjali  (19  v.  3/4),  Choucha  (19  v.).  En  s’éloignant 
d’Evlak,  on  parcourt  des  plaines  immenses  ensemen- 
cées de  blé,  d’orge,  de  riz,  de  millet,  et  arrosées  par  des 
canaux  qni  amènent  les  eaux  du  Terter,  grande  rivière 
qu’on  passe  à gué  et  qui,  en  mai,  lors  des  pluies,  est 
très  dangereuse.  Près  de  Schah-Boulakh  et  de  la  mon- 
tagne au  haut  de  laquelle  se  voient  quelques  ruines  de 
forteresse,  on  montre  la  fontaine  en  pierre  construite 
par  Schah-Abbas.  A gauche,  les  vignes,  les  jardins 
fruitiers  et  les  mûriers  des  aouls  tatars  Ardham,  Kho- 
derli.  Aux  environs  de  Khodjali,  le  paysage  change  : 
On  s’engage  dans  une  gorge  où  Ibrahim-Khan  avait 
fait  élever  sur  la  rivière  de  Kharkhar  une  grande  mu- 
raille et  des  forts  destinés  à défendre  le  passage  de  la 
plaine  d’Askhéran  et  la  ville  de  Choucha.  C’est  là  que 
Fena-Khan  s’est  battu  en  1827  contre  les  Russes.  A 


GUIDE  AU  CAUCASE 


179 


droite,  la  montagne  de  Marave;  à gauche  celle  de 
Katukh  et  le  pic  Ternavaz  qui  a donné  son  nom  au  vil- 
lage arménien  voisin.  On  franchit  le  torrent  de  Kat- 
chine  et  on  gravit  des  pentes  assez  rapides  devant  les 
caravanséraï  Souleïman-Khan,  Djaparouli,  les  mou- 
lins d’Atabégofï,  et,  de  la  hauteur  qu’on  atteint,  on  voit 
le  village  Khankhendi  qui  autrefois  avait  une  garnison 
de  4,000  Russes.  Choucha  est  assise  à 1,050  m.  d’alt. 
sur  une  terrasse  de  mélaphyre  dominant  une  vallée,  et 
est  abritée  par  des  montagnes  au  pied  desquelles  cou- 
lent deux  petits  ruisseaux.  Les  côtés  vulnérables  de  la 
ville  sont  protégés  par  des  murailles  percées  de  trois 
portes;  l’une  vers  Elisabethpol,  l’autre  vers  Chémakha, 
la  troisième  vers  Keuriss  et  Nakitchévan.  A la  fin  du 
XVIe  s.  elle  devint  capitale  du  Khanat  de  Karabagh, 
fut  assiégée  par  les  Persans  et  les  Turcs.  Les  Russes 
l’occupèrent  dès  1805  et  définitivement  en  1823.  Le 
quartier  musulman,  dit  ((  gourlar  )),  est  tout  à fait  sé- 
paré du  quartier  arménien.  Toutes  les  habitations  en 
pierre  blanche,  à balcons  découpés  et  à fenêtres  ornées 
de  grilles  en  fer  forgé,  sont  bien  bâties  et  d’une  bonne 
architecture.  Le  climat  y est  rude;  l’hiver  dure  6 mois; 
la  neige  atteint  1 m.;  les  rues  très  en  pente  sont  mal 
pavées.  L'eau  potable,  assez  rare,,  est  fournie  par  trois 
fontaines  et  des  puits  1 . 

(25,000  habit,  musulmans  et  chrétiens.  Hôtels  « Américain  », 
de  « Russie  ».  Poste  aux  lettres  et  aux  chenaux.  Téléçjraphe. 
Club.  Une  église  russe.  Cinq  églises  arméniennes.  Dix-huit 
mosquées,  Gymnase  rèal  ; une  école  du  Gouvernement;  une 
arménienne.  Fabrique  de  tapis  de  haute  laine;  deux  filatures; 
un  moulinage.  Orfèvrerie,  émaillerie,  bijouterie  en  argent 
niellé  et  en  filigrane  d’or.  Chaudronneries  ; teintureries.  Les 
soies,  laines,  cotons,  céréales,  farines,  huiles  de  colza,  de  sé- 
same, sont  l’objet  d’importantes  transactions  commerciales.) 

L’ancien  et  le  nouveau  palais  des  « Khans  ))  sont 
peu  curieux  à visiter.  Les  Musulmans  de  Choucha 
sont  connus  dans  toute  la  Transcaucasie  pour  leur 
fanatisme.  Les  fêtes  en  l’honneur  d’Hussein  et  d’ Ali  y 
sont  célébrées  avec  une  grande  solennité.  A3  v.  de  la 
ville,  les  filatures  de  Karintka,  de  Chouchakind  ; à 


1.  D’après  Mme  Chantre. 


180 


GUIDE  AU  CAUCASE 


8 v.,  celles  de  Tchanakchi  et  de  Taglar.  Au  N.  de  la 
ville,  le  haras  de  Djanatag,  créé  pour  la  conservation 
de  la  race  chevaline  de  Karabagh,  un  peu  déchue 
depuis  le  siècle  dernier,  n’existe  plus.  Quant  aux 
mines  de  cuivre  des  montagnes  avoisinantes,  elles  ne 
donnent  qu’un  faible  produit. 

Route  5.  — De  Choucha  à Djébraïl  (85  v.  1/4, 

route  vicinale ),  par  Tchinakchi  (13  v.  1/4),  Akeder- 
manski  (17  v.),  Karaboulak  (14  v.),  Vank  (22  V.), 
Djébraïl  (19  v.). 

Route  6.  — De  Choucha  à Girousi  (88  v.  1/4), 

par  Lissagorsk  (17  v.  3/4),  Abdoulah  (20  v.),  Zo- 
vonk  (14  v.),  Digh  (17  v.),  Girousi  (19  v.  1/2).  Par 
le  col  où  passe  la  route  d’Érivan,  on  débouche  dans  la 
vallée  de  Zarasli.  Lissagorsk,  dans  un  joli  vallon 
arrosé  par  le  Toursou  et  dominé  par  une  montagne 
dénudée,  le  mont  Chauve  (en  turc  Lissagorsk),  est  la 
station  d’été  de  quelques  habitants  de  Choucha  qui 
viennent  y camper  sous  la  tente.  En  20  v. , on  est  à 
Abdoulah;  l’Akarlou-tchaï  se  franchit  à gué;  14  v. 
plus  loin  Zovonk.  On  monte  à Digh,  cité  dans  l’histoire 
à la  fin  du  Xe  s.  Sernbat,  premier  roi  du  Siounikh,  le 
donna  à sa  femme  qui  l’offrit  en  998  au  monastère  de 
Tathève.  Cette  reine  fit  embellir  le  bourg  et  y éleva 
l’église  de  Sourb-Kévork  (Saint-Georges),  dont  les 
pierres  tombales  à sculptures  allégoriques  sont  assez 
curieuses.  Après  le  vallon  de  Karachène  et  la  vallée  de 
l’Ak-sou,  on  gravit  le  col  de  Kardak,  puis  commence 
la  descente  sur  Girousi,  le  Koriss  des  Arméniens, 
qui  doit  son  nom  de  ((  village  des  piliers  » aux  innom- 
brables aiguilles  trachitiques  dont  il  est  entouré. 
L’ancien  bourg  est  accroché  à la  montagne.  Au  fond 
de  la  vallée  coule  le  Girousi-tchaï,  et,  sur  la  rive  oppo- 
sée, le  bourg  moderne  chef-lieu  administratif  du  dis- 
trict de  Zanguézour  étale  ses  maisons  blanches  L 

Route  7.  — De  Girousi  à Ordoubad  (120  v.,  à 

cheval),  par  Ouroute,  Tathève,  Adjizour.  Astat- 


1.  D’après  Mme  Chantre. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


181 


zour,  Migri.  On  gravit  à pic  la  montagne  située  der- 
rière le  quartier  neuf  de  Girousi  jusqu’à  un  vaste  pla- 
teau volcanique  où  en  été  les  bergers  tates  plantent 
leurs  kibitkas.  On  descend  dans  la  magnifique  vallée 
du  Bazartchaï.  Au  delà  d’Ouroute  et  dans  le  voisinage  : 
Aroudi  où  s’élevait  jadis  une 
église  d’architecture  quelque 
peu  romane;  Kara-Kilissa  qui 
doit  son  nom  à une  église  dont 
les  ruines  sont  noircies  par  le 
temps  (XIe  s.).  D’Ouroute  on 
franchit  un  pont  et  on  s’engage 
dans  un  sentier  taillé  dans  le 
roc.  Par  Lisine  et  un  chemin 
assez  raide  à travers  la  forêt, 
on  gagne  Tathève.  Ce  grand 
monastère,  fondé  par  Ter-Ohannès  au  IXe  s.,  saccagé 
par  les  Musulmans,  ressemble  à une  forteresse.  Dans 
la  sacristie  , quelques  beaux  vêtements  ecclésias- 
tiques, des  pièces  d’orfèvrerie  religieuse.  Dans  la 
cour:  une  colonne  branlante  surmontée  d’une  croix 
ajourée.  Aux  environs  de  Tathève  : le  pont  du  Diable, 
quelques  sources  thermales  et  l’église  de  Medz- 
Anapat.  Par  le  col  de  Maldak  on  passe  à Tchanakchi 
(fonderie  de  cuivre)  dans  la  vallée  d’Adjizour,  à Ba- 
chkend  (mines  de  cuivre),  à Adjizour,  Kavart,  Katar 
(mine  et  fonderie  de  cuivre)  où  au  XVIe  s.  s’élevait 
la  forteresse  d’Alitzori.  Par  une  belle  forêt  on  atteint 
Chikhaouz,  les  cols  de  Ghermazial  et  de  Ghimran  d’où 
l'on  domine  la  vallée  de  l’Araxe.  On  descend  à Astat- 
zour,  en  amphithéâtre  sur  une  pente  verdoyante,  quoi- 
que au  milieu  de  montagnes  arides.  Au  bord  de  l’A- 
raxe  : le  poste  d’Aldara  occupé  par  des  douaniers  co- 
saques. Migri  (900  hab.)  jadis  gros  bourg,  est  couronné 
d’une  forteresse  ruinée.  Après  une  plaine  ensemencée 
de  riz  et  de  coton  on  s’engage  dans  le  sentier  accidenté 
qui  court  en  corniche  le  long  de  l’Araxe.  Le  magnifi- 
que défilé  que  l’on  suit  offre  des  tableaux  d’une  beauté 
étrangement  sauvage  et  émouvante.  Puis  par  une  val- 
lée gardée  par  le  poste  de  Karchinari,  et  qui  s’élargit 
peu  à peu,  on  trébuche  dans  une  région  pierreuse  ; 


182 


GUIDE  AU  CAUCASE 


enfin  apparaît  comme  une  oasis  de  verdure  Ordoubad 
avec  ses  sources  et  ses  platanes  ombreux  \ 

Route  1 [suite).  — D’Evlak  à Liaki  (23  v.,  en 

chemin  de  fer). 

Route  8,  — De  Liaki  à Agdache  (13  v.  ).  Vu  l’ab- 
sence de  chaussée,  le  trajet  lors  de  pluies  est  souvent 
difficile.  — Située  dans  une  région  marécageuse  et  où 
régnent  les  fièvres,  manquant  d’eau  potable,  cette  rési- 
dence du  chef  du  district  d’Arecht(Gt  d’Elisab.ethpol), 
est  cependant  en  été  le  centre  d’un  grand  commerce 
de  soies  et  de  cocons. 

Route  1 (suite).  — De  Liaki  à Oudjari  (buffet) 
(19  v.,  en  chemin  de  fer). 

Route  9.  — D’Oudjari  à Geurktchaï  (14  v.,  en 

équipages  de  poste).  Le  trajet  se  fait  à travers  une  con- 
trée peu  cultivée,  fiévreuse  et  exposée  en  été  à des 
chaleurs  torrides.  Geurktchaï  (2,000  habit.),  ville 
nouvelle,  résidence  du  chef  du  district  (Gouv*  de 
Bakou), a un  bazar  où  le  jeudi  se  font  d’importants  achats 
de  cocons. 

Route  1 (suite).  — D’Oudjari  à Miousiouli 

(24  v.  1/2,  en  chemin  de  fer). 

Route  1 (suite).  — De  Miousiouli  à Kiourda- 

mir  (19  v.,  en  chemin  de  fer . (Poste.  Télégraphe). 
Route  10.  — De  Kiourdamir  à Ghémakha 

(70  v.  3/4,  route  postale),  par  Djaïri  (19  v. ),  Akh- 
gsou  (15  v.  1/4),  Schahradil  (18  v.  1/4),  Ghémakha 
(18  v.  1/4).  De  Kiourdamir,  village  tatar  de  1,900 
feux,  environné  de  vignobles  et  de  mûriers  et  où  le 
dimanche  se  tient  un  marché  de  vins  et  de  cocons,  on 
parcourt  une  plaine  ensemencée  de  millet,  de  riz,  d'orge 
et  arrosée  par  des  puits  artificiels  qui  donnent  l’eau  de 
la  rivière  Ghirdman.  Djaïri  n’est  qu’un  relais.  Akh- 
gsou  au  bas  d’une  colline  giboyeuse  , d’où  sort  la 
rivière  du  même  nom,  est  planté  de  vignes,  grenadiers, 
etc.  Jusqua  Schahradil,  où  coule  une  source  d’eau 
potable  excellente,  on  gravit  une  suite  de  hauteurs 


1.  D’après  Mme  Chantre. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


183 


assez  escarpées.  A 3 v.  de  là,  le  village  arménien  Sa- 
rian  a un  couvent  dont  l’évêque  est  fort  hospitalier 
pour  les  voyageurs.  On  laisse  à gauche  Madrassa  dont 
les  vins  rouges  renommés  s’expédient  en  Russie,  et  on 
descend  à Chémakha  ( Poste  aux  lettres  et  aux  che- 
vaux. Télégraphe . 25,000  habit.).  Cette  ville  (en  persan 
Chamakhi),  chef-lieu  de  district,  est  à 110  kil.  O.  de 
Bakou  et  à quelque  distance  de  la  rive  droite  du  Pir- 
sagat,  rivière  qui  se  perd  dans  les  lagunes  au  S.-E. 
avant  d’arriver  à la  mer  Caspienne.  La  fondation  de 
cette  ville  doit  être  fort  ancienne,  car  on  la  trouve  déjà 
mentionnée  dans  Ptolémée  sous  le  nom  de  Samekia. 
Cependant  elle  ne  doit  avoir  pris  rang  de  capitale  que 
sous  la  domination  des  Khans  tatars,  car  elle  n’est  pas 
citée  par  les  historiens  arméniens  ; elle  devint  alors  le 
chef-lieu  du  Chirvan.  Nadir-Schali  la  détruisit  de  fond 
en  comble  en  1734  et  ordonna  qu’une  nouvelle  ville  fût 
rebâtie  à une  petite  journée  de  là  vers  le  S. -O.,  sur  les 
bords  de  l’Aksou,  affluent  gauche  de  la  Koura.  Cette 
seconde  ville  reçut  le  nom  de  Senghi-Chamakhi 
(Chamakhi  la-Neuve),  aujourd’hui Novaïa-Chémakha. 
Mais  l’ancienne  fut  bientôt  après  relevée  de  ses  ruines 
par  un  chef  tatar  ; et  depuis  lors  la  population  et  la 
prépondérance  ont,  alternativement  et  à plusieurs  re- 
prises, passé  de  l’une  des  deux  villes  rivales  à l’autre. 
L’ancienne  Chémakha  rétablie  par  les  Russes  a été 
renversée  plusieurs  fois  par  des  tremblements  de  terre 
et  toujours  rebâtie  sur  le  même  emplacement.  En  1870, 
il  y eut  1,900  victimes.  En  janvier  1873,  une  commo- 
tion violente  a englouti  une  partie  de  cette  malheu- 
reuse ville  que  l’administration  russe  a dès  lors 
abandonnée  pour  se  transporter  à Bakou.  La  douceur 
du  climat  et  la  fertilité  de  la  contrée  expliquent  l’atta- 
chement des  Musulmans  pour  cette  localité  où  les 
révolutions  souterraines  sont  souvent  si  terribles.  Les 
recherches  d’Abich  ont  établi  que  la  direction  des  va- 
gues terrestres  se  propage  dans  cette  région  du  N. -O. 
au  S.-E.  sur  le  prolongement  même  de  l’axe  du  Cau- 
case, et  la  ville  se  trouve  peu  éloignée  du  centre  des 
secousses.  Il  arrive  parfois  que  des  explosions  de 
naphte  brûlant  font  jaillir  en  l’air  des  masses  d'argile 


184 


GUIDE  AU  CAUCASE 


et  de  flammes.  Les  débris  d’une  de  ces  explosions,  que 
le  botaniste  Koch  vit  dans  la  plaine  au  S.  de  Chéma- 
kha,  recouvraient  un  espace  d’un  kilomètre  de  pour- 
tour, et  des  eaux  saumâtres,  ayant  un  léger  goût  de 
naphte,  remplissaient  les  crevasses  du  sol.  Sans 
compter  les  trois  églises  arméniennes,  une  dizaine  de 
mosquées,  il  y a à Chémakha  de  grandes  fabriques  de 
tapis,  de  soieries  tissées  avec  les  cocons  de  Noukha  et 
de  Choueha.  On  y importe  aussi  une  certaine  quan- 
tité de  cotonnades  et  de  lainages  de  Moscou.  Les  gre- 
nades sans  pépins,  que  l’on  récolte  dans  les  jardins 
d’alentour,  sont  renommées1. 

Route  1 [suite),  — De  Kiourdamir  à Adji-Ka- 
boul  [buffet),  70  v.  1/2,  en  chemin  de  fer,  par  Saguire 
(23  v.),  Kara-Sou  (23  v.  1/2),  Adji-Kaboul  (24  v.) 
Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux . Télégraphe ). 

Route  11.  — D’Adji- 
Kaboul  à Salyan  et  à Len- 
koran  (175  v.  1/2),  route 
postale  ) , par  Zoubovskaïa 
(14  v.),  Karatchalinskaïa 
(15  v.  1/2),  Salyan  (20  v. 
1/2),  Tarakenskaïa  (18  v.), 
Andréefskaïa  (25  v.  1/2), 
Ghegh-tapa  (23  v.),  Kiril- 
Agatk  (22  v.),'  Koumbakins- 
kaïa  ( 17  v.)  , Lenkoran 
(20  v.)  . La  route  longe  un 
lac  et  s’enfonce  dans  la  steppe. 
A droite,  la  Koura,  aux  nom- 
breux lacets,  roule  ses  eaux  rapides  et  jaunâtres 
au-dessus  desquelles  émergent  comme  des  habita- 
tions lacustres  les  cabanes  des  pêcheurs.  En  face  de 
Salyan  un  bac  relie  les  deux  rives  du  fleuve.  Ce  chef- 
lieu  de  district  (10,000  habit.)  Poste  aux  lettres  et  aux 
chevaux.  Télégraphe ),  dont  la  population  esttate,  et 
dont  beaucoup  de  boutiques  sont  faites  en  nattes  de 
roseaux  et  de  joncs,  a un  climat  très  fiévreux  dû  à 


1.  D’après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


185 


l’humidité  du  sol  et  à l’excessive  température  de  l’été. 
Officiellement  simple  village,  ce  n’est  pas  moins  une 
véritable  ville,  la  seule  de  la  Transcaucasie  côtière  au 
S.  de  Bakou  ; elle  a la  grande  importance  que  lui  don- 
nent ses  pêcheries  et  la  fécondité  de  ses  jardins.  La 
Koura,  depuis  Djevat  (confluent  de  l’Araxe)  est  navi- 
gable jusqu’à  la  mer.  Tout  le  long  de  ses  rives  poisson- 
neuses sont  installées  de  nombreuses  pêcheries  qui 
fonctionnent  successivement  de  mars  à mai,  depuis 
l’embouchure  du  fleuve,  à mesure  que  les  poissons  re- 
montent le  courant.  Il  n’y  a pas 
de  cours  d’eau  dans  le  monde 
où  la  pêche  soit  si  étonnam- 
ment fructueuse  (12  à 15,000 
poissons  par  jour,  esturgeons, 
silures,  etc.).  C’est  pendant  ce 
trimestre  que  se  recueillent  les 
œufs  (caviar,  en  russe  ikra ), 
l’un  des  plus  grands  rapports 
des  exploitations.  Quant  aux 
poissons  qu’on  a ainsi  vidés,  ils 
sont  coupés,  salés  et  expédiés 
principalement  à Astrakhan.  Au 
delà  de  Salyan  on  peut  citer 
comme  stations  de  pêche  im- 
portantes : Norachaine , Bank 
et  Bojie-Promicel  1 . 

Lenkoran  (5,000  habitants). 

[Poste  aux  lettres  et  aux  chevaux.  Télégraphe)  n’est 
qu’un  bourg  maritime  dont  le  nom  d’origine  tartare  a 
le  sens  de  ((  lieu  d’ancrage  ».  Cependant  les  bâtiments 
y sont  très  exposés  aux  vents  et  à la  vague,  et  doivent 
s’arrêter  à plus  de  3 kil.  de  la  côte.  Le  séjour  de  Len- 
koran est  redouté  à cause  des  marigots  qui  bordent  le 
rivage  et  auxquels  on  donne  le  nom  de  Mourd-ab  ou 
((  d’eau  morte  ».  Une  atmosphère  de  fièvre  règne  sur 
la  contrée.  Les  chasseurs  prennent  au  filet  dans  ces 
marécages  des  multitudes  de  canards  et  d’autres  oi- 
seaux aquatiques.  La  culture  du  riz  de  l’Inde,  intro- 

1.  D’après  Mme  Chantre. 


LENKORAN. 
D’après  Elisée  Reclus. 


186 


GUIDE  AU  CAUCASE 


duite  dans  ces  terres  humides  a fait  immigrer  avec  elle 
toute  une  flore  indoue  des  plus  intéressantes  pour  le 
botaniste  1 . 

Route  12. — De  Lenkoran  à Astara  (36  v.,  route 

vicinale),  par  Chak-Agache  (15  v.),  Astara  (21  v.. 
Télégraphe).  Au  S.  de  Lenkoran,  le  petit  port  cl’As- 
tara,  situé  sur  une  langue  de  sable,  à l’embouchure 
de  la  rivière  de  son  nom,  n’a  guère  plus  d’avantages 
que  Lenkoran  pour  le  climat  et  pour  la  facilité  des 
abords  ; mais  c’est  là  que  se  trouve  la  douane  de 
sortie  de  l’Empire  russe  : le  territoire  persan  com- 
mence de  l’autre  côté  de  la  rivière.  Astara  importe 
surtout  des  fruits  secs,  des  noix  de  galle,  du  coton 
brut,  denrées  en  échange  desquelles  la  Perse  reçoit 
des  cotonnades,  des  objets  en  fer,  en  cuivre  et  des 
samovars.  Le  commerce  annuel  d’ Astara  est  de  près 
d’un  million  de  roubles  2. 

Route  1 {suite).  — D’Adji-Kaboul  à Bakou 

(117  v.  3/4,  en  chemin  de  fer),  par  Navagui  (17  v.), 
Aliate  (24  v.),  Sangatchali  (21  v.  1/2),  Pouta  (24  v. 
1/4),  Baladjari  (18  v.).  D’Adji-Kaboul,  la  voie 
tourne  au  N.  On  contourne  les  contreforts  méridio- 
naux du  Caucase  en  longeant  la  mer  Caspienne  ; le 
pays  est  comme  un  vrai  désert,  où  se  dressent  des  mon- 
tagnes isolées.  Après  Pouta  connu  par  ses  volcans  de 
boue  et  Baladjari,  on  arrive  en  13  v.  à Bakou. 

(64,000  habit.  Douane.  Poste.  Télégraphe.  Tramways.  Hotels'. 
« Grand  Hôtel  »,  « d’Europe  »,  « de  France  »,  « Impérial  », 
« d’Italie  ».  Cafés-restaurants  : « Château  des  fleurs  »,  « Ivé- 
rie  ».  — Résidence  du  Général  Gouverneur.  Jardin  public. 
Square.  Théâtre.  Club.  Parc  et  casernes  d’ Artillerie.  Tribu- 
nal maritime  et  civil.  Comité  de  statistique.  Société  technique. 
Succursale  de  la  Banque  de  Commerce  de  Tiflis;  Banque  de 
Crédit  mutuel  ; Bourse  des  marchands.  Hospices  et  Hôpitaux. 
Lazaret  militaire.  Etablissements  d’instruction.  4 journaux  ; 
2 bibliothèques  ; 7 typographies.  Bains.  Bains  de  mer.  Princi- 
pales usines  de  pétrole  : « Nobel  frères  et  C°  »,  « Société 
commerciale  et  industrielle  de  naphte  Caspienne  et  de  la  mer 
Noire  »,  « Schibaëff  »,  « Caspienne  »,  « Taguieff  »,  « Œl- 
rick  ».  « Bouifroy  »,  « Tchiknavérofï  »,  « Djakéli  ».  Usines 
mécaniques  : « Caucase  et  Mercure  »,  « List  »,  « Lentz  », 
« Martirosofï  »,  « du  port  de  Bakou  »,  etc.  Compagnies  de  na- 
vigation : Caucase  et  Mercure  »,  « Lebède  »,  « Droujina  », 

1-2.  D’après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


187 


« Ma  sis  ».  Compagnies  d’assurances  : « Yakor  »,  « Salaman- 
dre ».  « Volga  »,  « Moscovite  »,  « Russia  ».  — Vice-consulats 
de  PYance,  d’Italie.) 

La  fondation  de  Bakou,  chef-lieu  du  gouvernement 
du  meme  nom  (en  russe  : Bakinskaï  Goubernaïa)  re- 
monte au  VIe  s.  de  notre  ère.  Après  avoir  été  occupée 
par  les  Arabes  et  possédée  par  la  dynastie  locale  des 
Chirvanides,  Bakou  passa  au  pouvoir  des  Persans. 
Disputée  tour  à tour  par  les  Turcs  et  les  Russes,  elle 
tomba  définitivement  au  pouvoir  de  la  Russie  en  1806. 
Cette  ville  doit  son  importance  à son  grand  mouve- 
ment industriel  et  commercial  ; reliée  à Tiflis,  Poti, 
Batoum  par  un  chemin  de  fer,  elle  est  le  grand  entre- 
pôt des  provinces  caucasiennes  avec  Astrakhan,  la 
Transcaspienne  et  la  Perse.  Le  mouvement  du  port  se 
développe  d’année  en  année.  Importation  : coton,  blé, 
riz,  buis,  fruits,  soies;  exportation  : surtout  le  pétrole. 

Bakou  s’étage  sur  les  flancs  arides  d’un  hémicycle 
de  collines  de  sable  descendant  en  pente  douce  vers 
une  baie  protégée  par  la  péninsule  d’Apchéron  et  le 
cap  Chikofï.  Vue  de  la  mer  la  ville  paraît  ce  qu’elle 
était  sous  ses  anciens  Khans  ; ce  sont  les  mêmes  mai- 
sons grises,  cubiques,  à toits  plats,  dominées  par  de 
sveltes  minarets,  des  coupoles  de  mosquées  et,  un  peu 
plus  bas,  par  la  masse  noire  du  Balci-Hisscir  et  la  Tour 
de  la  jeune  fille . Le  quai  et  les  quartiers  voisins  ont 
bien  été  transformés,  mais  de  loin  cette  note  peu  ac- 
centuée se  perd  noyée  dans  l’ensemble  absolument 
asiatique  de  la  ville.  Rien  n’empêcherait  le  voyageur 
de  se  croire  en  Perse  à l’époque  de  Schah-Abbas  si  les 
steamers  glissant  sur  les  eaux  de  la  rade  et  l’épais 
nuage  de  fumée  planant  perpétuellement  sur  les  dis- 
tilleries de  naphte  de  la  ville  noire  ne  lui  rappelaient 
le  XIXe  s.  Parcourt-on  la  ville,  l’illusion  n’est  plus 
possible.  Le  quai  est  bordé  de  maisons,  qui  rappellent 
les  constructions  européennes,  et  les  quartiers  voisins 
ressemblent  à ceux  du  nouveau  Tiflis.  Peu  à peu  la 
ville  gagne  du  terrain;  chaque  année  elle  empiète  sur 
les  vieilles  rues  persanes  et  tartares;  déjà ' elle  arrive 
aux  pieds  des  collines;  elle  finira  sans  doute  parles 
escalader,  et  alors  c’en  sera  fait  d’une  ville  typique 


18S 


GUIDE  AU  CAUCASE 


entre  toutes  en  Orient.  Au  reste  Bakou  est  cosmopo- 
lite; l’exploitation  des  sources  de  naphte  y attire  une 
population  hybride,  âpre  au  gain,  amalgamée  de  toutes 
les  races  de  PEurope  ; on  y entend  parler  français, 
italien,  grec,  allemand,  suédois,  arménien,  géorgien 
autant  que  persan  et  russe.  Le  monde  aristocratique, 
les  officiers  et  les  fonctionnaires  se  retrouvent  dans  un 
club  devant  lequel  on  a réussi,  à force  de  soins,  à faire 
pousser  quelques  arbres,  les  seuls  qu’on  trouve  à six 
lieues  à la  ronde  : ce  petit  jardin  s’appelle  le  parc  Mi- 
chaïlovsky.  Constamment  rafraîchi  par  la  brise  de 
mer,  le  quai  est  d’ailleurs  le  seul  endroit  où  l’on  puisse 
se  promener  sans  être  incommodé  par  les  émanations 
qui  s’exhalent  des  résidus  de  pétrole  dont  les  rues  sont 
arrosées.  Il  pleut  rarement  à Bakou  : le  vent  et  la 
poussière  y sont  terribles  ; mais  lorsqu’un  orage  sur- 
vient, il  change  les  rues  de  la  ville  basse  en  autant  de 
torrents.  L’ocleur  du  pétrole  dont  tout  est  imprégné 
n’est  pas  le  seul  ennui  ; l’eau  n’est  pas  potable  ; on 
boit  généralement  du  soda-water  ou  de  la  bière.  Puis 
l’absence  absolue  de  toute  végétation  donne  aux  envi- 
rons de  la  ville  et  aux  collines  auxquelles  elle  s’adosse 
un  aspect  analogue  à celui  d’un  désert.  Cette  désola- 
tion universelle  paraît  pittoresque  aux  touristes  de 
passage,  mais  finit  par  rendre  le  séjour  de  Bakou  in- 
supportable aux  Russes  qui  y sont  retenus  par  leurs 
fonctions  administratives  ou  militaires.  Quoi  qu’il  en 
soit,  ces  inconvénients  n’empêchent  en  rien  l’essor  de 
la  ville  ; par  la  sûreté  de  sa  rade,  sa  situation  voisine 
delà  Perse  et  du  Turkestan,  le  railway  qui  l’unit  à 
Tiflis,  à Batoum  et  à la  mer  Noire,  Bakou  semble  ap- 
pelé à un  grand  avenir.  Une  flottille  de  guerre  mouille 
dans  l’anse  du  cap  Baïl-Bourni,  couvert  de  dépôts, 
de  casernes,  d’arsenaux  appartenant  à l’Amirauté; 
cette  petite  cité  militaire  possède  même  son  église. 
Tout  au  fond  de  la  baie,  en  face  de  la  pointe  extrême 
du  cap  Baïlofï,  un  nuage  permanent  de  fumée  épaisse 
indique  remplacement  de  Tchorné  govod  (la  ville 
noire)  1 où  sont  concentrées  les  raffineries  de  pétrole. 

1.  A 2 v.  1/2  de  Bakou,  en  voiture.  Prix  aller  et  retour  : 
1 1/2  à 2 roubles.  — Visiter  les  grandes  usines  Nobel. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


189 


Toute  une  armée  d’ouvriers  indigènes  y travaille  à 
transformer  le  naphte  brut  en  kérasine,  en  benzine,  en 
gazoline,  etc.,  par  une  série  d’ébullitions  et  de  mani- 
pulations très  curieuses  à examiner.  Les  résidus  de 


pétrole  pulvérisés  par  un  jet  de  vapeur  sont  les  seuls 
combustibles  employés  dans  ces  usines.  Ce  n’est  ce- 
pendant  pas  à Tchorné-gorod , mais  sur  le  plateau  de 
Balakhaneh  que  se  trouvent  les  sources  ; de  longs 
((  pipe-lines  » amènent  le  précieux  liquide  aux  distil- 
leries de  la  ville  noire  et  à celles  de  Sourakhaneh.  Un 


190 


GUIDE  AU  CAUCASE 


chemin  de  fer  relie  Bakou  à Sabountchi  (12  y.  au  N.) 
et  à Sourakhaneh  (15  y.  à PE.).  Ce  plateau  de  Bala- 
khaneh  foré  d’innombrables  puits  , tous  couverts  de 
toits  noirs,  en  bois,  très  élevés,  en  forme  de  pyramides 
tronquées,  a l’aspect  fantastique  d’une  immense  nécro- 
pole. C’est  à la  pression  intérieure  du  gaz  qu’est  due 
l’ascension  du  naphte,  qui  pénètre  les  couches  de 
sable  et  de  cailloux  reposant  au-dessous  des  assises 
tertiaires  superficielles  ; en  s’élevant  des  profondeurs,  le 
pétrole  entraîne  avec  lui  de  grandes  quantités  de  sable 
qui  s’accumulent  autour  de  l’orifice  et  finissent  par 
former  des  monticules  coniques  souvent  assez  hauts. 
Il  ne  semble  pas  que  les  637  puits  de  naphte  forés,  dont 
306  en  exploitation  dans  le  voisinage  de  Bakou,  jus- 
qu’à la  profondeur  de  80  à 300  m.,  soient  près  de 
tarir;  il  fournissent  plus  des  cinq  sixièmes  du  pétrole 
recueilli  dans  la  Caucasie1.  L’industrie  du  naphte  a 
subi  maintes  vicissitudes.  Jusqu’au  1er  janvier  1873, 
elle  était  affermée  en  monopole  par  le  Gouvernement  ; 
sous  ce  régime,  l’activité  était  nulle,  l’extraction  et  la 
fabrication  se  faisant  avec  un  outillage  insuffisant  et 
d’après  des  méthodes  primitives  ; de  plus,  les  débou- 
chés n’existaient  pas.  L’abolition  du  monopole  vint 
heureusement  mettre  un  terme  à cette  situation  préju- 
diciable. Les  machines  à vapeur  firent  leur  apparition 
sur  le  plateau  de  Balakhaneh  ; les  forages  furent  pous- 
sés avec  vigueur  ; des  raffineries  munies  de  tout  l’outil- 
lage compliqué  de  la  science  moderne  furent  établies 
par  MM.  Mirzoeff,  Nobel,  Kokoreff,  Djakéli,  etc.,  etc. 
A une  extraction  insuffisante,  succéda  un  excès  de  pro- 
duction qui  provoqua  une  crise.  Le  prix  du  pétrole 
tomba  de  quarante-cinq  kopeks  à trente  et  même  à deux 
kopeks  le  poud.  Le  pétrole  américain  revenant,  en 
Russie  même,  à meilleur  marché  que  le  pétrole  de 
Bakou,  le  stock  d’huiles  minérales  s’accrut  dans  de 
telles  proportions  que  les  détenteurs  furent  contraints 
de  s’en  débarrasser  à vil  prix.  Le  poud  de  photogène 
qui  valait  de  3 r.  à 3 r.  60  en  1868,  tomba  à 1 r.  75  en 
1874.  Les  conséquences  de  cette  crise  furent  désas- 


1.  D’après  Orsolle. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


191 


treuses  ; de  nombreuses  usines  durent  suspendre  leurs 
travaux.  Cette  fâcheuse  situation  a cessé,  grâce  à l’ou- 
verture du  chemin  de  fer,  grâce  surtout  à l’arrivée  de 
MM.  Rothschild  au  Caucase  et  aux  capitaux  énormes 
que  ces  banquiers  ont  avancés  aux  fabricants  gênés. 
L’industrie  du  pétrole  est  maintenant  prospère1.  Les 
sources  de  naphte  de  Bibi-eï-Bat  (autrefois  Naphta- 
loun)  sont  situées  au  S.  et  à 4 v.  de  Bakou,  sur  la  route 
du  village  et  du  monastère  de  Chikhovo  et  ont  une 
superficie  de  100  déciatines  carrées.  Les  couches  sont 
basses  et  il  faut  descendre  jusqu’à  130  à 150  sagènes 
de  profondeur  pour  rencontrer  l’huile,  mais  comme 
qualité  le  naphte  de  Bibi-eï-Bat  est  supérieur  à celui 
de  Balakhaneh  ; il  est  beaucoup  plus  léger. — Exploita- 
tions : Taghieff,  Sarkissofï,  Djakeli,  Zoubalofï,  Richard, 
Nobel,  Rothschild. 

Le  vieux  Bakou,  c’est-à-dire  la  ville  asiatique,  était 
entouré  de  murailles  démolies  en  grande  partie  aujour- 
d’hui. S’il  faut  en  juger  d’après  ce  qui  en  reste  et  cer- 
taines portes  surmontées  des  armes  persanes,  les 
fortifications  devaient  avoir  un  aspect  original,  la 
Tour  de  lajeune  fille  faisait  partie  de  cette  enceinte  ; 
elle  a la  forme  d’un  ovale  très  allongé  se  terminant  en 
mur  plein;  actuellement  elle  sert  de  phare.  Quand  et 
par  qui  a-t-elle  été  construite?  On  n’en  sait  rien  : peut- 
être  cette  tour  colossale  était-elle  un  guettoir  destiné  à 
surveiller  l’approche  des  pirates  Turkomans.  Quoi 
qu’il  en  soit,  la  légende  inventée  tout  d’une  pièce  par 
Alexandre  Dumas  a fait  son  chemin,  on  la  conte  à 
Bakou  comme  de  l’histoire  authentique.  Non  loin  de 
cette  tour  fameuse,  sur  un  maïdan  où  l’on  voit  encore 
quelques  tombes  tartares,  est  le  cénothaphe  du  général 
Tzitzianofï,  le  conquérant  du  Chirvan,  assassiné  par  le 
dernier  Khan,  dans  une  entrevue  sollicitée  par  celui- 
ci  pour  régler  les  conditions  de  la  reddition  de  la  ville. 
Un  poignard  et  un  pistolet  sculptés  sur  le  frontispice  du 
monument  rappellent  cette  trahison.  Les  bazars  sont 
voisins  de  Bcda-Hissar  : le  bazar  arménien  se  com- 

1.  Voir  au  chapitre  : Industrie  (pétrole),  première  partie  de 
ce  Guide,  page  85. 


192 


GUIDE  AU  CAUCASE 


pose  de  larges  rues  bordées  de  grandes  boutiques  assez 
animées,  mais  sans  caractère.  Celui  des  Persans  est 
une  longue,  étroite  et  tortueuse  ruelle,  recouverte  non 
d’une  voûte,  mais  d’une  toiture  en  planches  et  où  l’on 
ne  rencontre  que  des  Asiatiques  ; c’est  une  mine  iné- 
puisable pour  des  peintres  de  genre  ; il  occupe  rempla- 
cement d’un  ancien  caravanséraï,  dont  on  voit  encore 
çà  et  là  de  jolis  chapiteaux.  Le  Bala-Hissar,  ancienne 
demeure  des  Khans,  tout  à la  fois  palais  et  citadelle, 
fut  construit  par  Schah-Abbas,  sur  les  ruines  d’une 
forteresse  élevée  en  1420  par  Hali-ben-Ibrahim,  souve- 
rain du  Chirvan.  Tout  l’édifice  est  en  pierre  de  taille  ; 
le  palais  est  une  œuvre  persane  d’un  assez  bon  style; 
la  grande  porte  en  ogive,  toute  fouillée  d’arabesques, 
de  fleurs,  de  feuillages,  est  fort  belle.  Les  salles  inté- 
rieures occupées  par  un  dépôt  de  munitions  d’artillerie 
n’ont  plus  rien  de  curieux.  Il  n’en  est  pas  de  même  de 
la  salle  du  Divan , petit  édifice  en  rotonde  entouré 
d’arcades  d’une  certaine  élégance.  Au  centre  s’ouvre 
un  puits  recouvert  d’une  dalle  ; c’est  là,  dit-on,  que  les 
condamnés  étaient  exécutés  ; les  cadavres  étaient  en- 
suite jetés  dans  une  oubliette  qui  communiquait  avec 
la  mer.  L’enceinte  du  Bala-Hissai n renferme  encore 
deux  mosquées.  L’une  est  en  ruine;  le  portail  de  la 
seconde  est  une  vraie  dentelle  de  pierre  ; le  dôme, 
malheureusement  un  peu  détérioré,  conserve  encore 
des  azulejos  en  losanges  qui  devaient  en  rehausser 
l’aspect1. 

Les  environs  de  Bakou  offrent  l’occasion  de  plusieurs 
excursions  : la  Mosquée  de  Fathma , la  Porte  aux 
loups  et  le  Temple  du  feu  éternel . La  Mosquée  de  Fa- 
thma avec  son  élégant  minaret,  joli  spécimen  de  l’ar- 
chitecture persane,  est  sur  le  cap  Chikoff.  A 6 v.  de 
Bakou,  se  dresse  un  rocher  percé  d’une  grande  ouver- 
ture donnant  sur  une  vallée  encaissée,  nue,  aride, 
calcinée,  c’est  la  Porte-aux  Loups.  En  s’embarquant  un 
soir  dans  une  chaloupe  et  en  se  dirigeant  vers  une  des 
nombreuses  anses  de  l’Apchéron,  on  peut  se  donner  le 
plaisir  d’allumer  la  mer  qui  est  couverte  en  mille  en- 


1.  D'après  Orsolle. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


193 


droits  d’une  légère  couche  de  naphte.  Le  célèbre  Temple 
du  Feu  éternel , l’Atesch-Gah,  s’élève  près  du  bourg  de 
Sourakhaneh  à 17  v.  N.-E.  de  Bakou.  La  route  détes- 
table qui  y mène  escalade  des  collines  et  descend  dans 
des  creux  pleins  de  boue  huileuse  qui  expliquent  suffi- 
samment le  diamètre  étonnant  des  roues  des  arbas 


BAKOU  & SES  ENVIRONS  _ Echelle  de  4oo  ooo  ( omoi  pour  i.6001^) 


chargées  de  barils  de  naphte  qu’on  croise  à tout  mo- 
ment ; puis  elle  laisse  à gauche  un  marais  salant  et 
traverse  un  village  tatar  dont  les  maisons  étalent  fière- 
ment sur  leurs  façades  les  armes  persanes  peintes  en 
couleurs  ultravoyantes.  Partout  des  trous  creusés  dans 
le  sol  donnent  issue  aux  gaz  et  fournissent  un  combus- 
tible économique  à de  nombreux  fours  à chaux  ins- 
tallés par  les  indigènes.  Tout  ce  plateau  bombé  de 
S ourakaneh  forme  un  vaste  réservoir,  une  sorte  d’im- 
mense cloche  où  se  concentre  le  gaz  émanant  de  la 
mer  de  pétrole  souterraine  qui  s’étend,  sous  l’isthme 
caucasien,  de  la  presqu’île  de  Taman,  Novo-Rossiisk, 
Natanébi  (en  Gourie),  c’est-à-dire  depuis  tout  le  ver- 
sant occidental  jusqu’à  la  Caspienne  et  se  prolonge 
sous  les  steppes  du  Turkestan.  Ce  gaz  s’échappe  par 

2e  PARTIE  13 


194 


GUIDE  AU  CAUCASE 


mille  fissures  ; à certaines  places  il  suffit  de  creuser  un 
trou  peu  profond  et  d’en  approcher  une  allumette  pour 
enflammer  immédiatement  un  petit  jet  de  feu  j c’est 
une  expérience  que  les  gamins  tatars  répètent  coup 
sur  coup  à la  plus  grande  satisfaction  des  voyageurs  et 
pour  quelques  kopeks-  Le  Temple  du  Feu  éternel  s’a- 
perçoit de  loin  et  d’une  façon  peu  poétique,  englobé 
qu’il  est  dans  la  cour  d’une  raffinerie  de  naphte  appar- 
tenant aux  frères  Kokorefï.  Ces  Messieurs  se  sont  si 
bien  substitués  à Zoroastre  que  leurs  employés  inter- 
disent l’accès  du  temple  aux  personnes  qui  ont  oublié 
de  se  munir,  à Bakou,  d’un  laisser-passer  délivré  dans 
les  bureaux  de  la  Société.  Au  milieu  de  la  vaste  cour 
de  l’usine,  une  immense  gerbe  de  feu  s’épanchant  per- 
pétuellement d’une  colonne  de  bronze,  indique  aussi 
que  Zoroastre  faisant  bon  ménage  avec  dame  Indus- 
trie pardonne  à ses  spoliateurs.  Le  temple  badigeonné 
tout  entier  au  lait  de  chaux  est  entouré  d’un  double 
mur  recouvert  d’une  terrasse  et  orné  de  créneaux  dans  le 
style  indien.  Tout  le  mur  extérieur,  tous  ces  créneaux 
sont  perforés  de  conduits  donnant  passage  aux  gaz  du 
sol  ; le  couloir  formé  par  le  mur  double  est  divisé  en 
cellules  habitées  autrefois  par  les  Guèbres.  Une  de  ces 
cellules  est  divisée  en  chapelle  ; un  mur  bas  sépare  de 
l’autel  l’endroit  qui  était  réservé  aux  croyants  si  toute- 
fois l’on  peut  appeler  « autel  » les  trois  marches  en 
maçonnerie  accolées  au  mur  du  fond.  La  cour  est 
carrée;  dans  le  coin  E.  s’élève  la  maison  du  grand- 
prêtre,  espèce  de  tour  carrée  à un  étage  flanquée  de 
petites  cheminées  par  lesquelles  s’échappait  le  gaz 
inflammable.  Aux  murs  de  la  cour  s’adossent  des 
chambres  grossièrement  bâties  où  logeaient  les  pèle- 
rins; il  y en  a une  trentaine.  Au-dessus  des  portes,  des 
pierres  portent  des  inscriptions  en  lettres  persanes  et 
en  caractères  dévanagaris . Au  milieu  de  la  cour  se 
dresse  le  sanctuaire  à dôme  soutenu  par  quatre  co- 
lonnes ; les  chapiteaux  donnaient  issue  aux  gaz  ame- 
nés par  des  conduits  dissimulés  dans  la  maçonnerie. 
Dans  le  dôme  à TE.,  est  encastrée  une  salle  couverte 
de  sculptures  frustes.  Planté  sur  le  fronton,  un  trident 
en  fer  poignarde  l’air  de  ses  trois  pointes.  Cet  édifice 


GUIDE  AU  CAUCASE 


195 


recouvre  une  cuvette  creusée  dans  une  petite  terrasse 
carrée  accessible  des  quatre  côtés  par  un  escalier  de 
quatre  marches.  C’est  sur  cette  cuvette,  réceptacle,  elle 
aussi,  des  gaz  souterrains,  que  les  Guèbres  brûlaient 
les  cadavres  de  leurs  coreligionnaires.  Le  dernier 
grand-prêtre  fut  assassiné  en  1864  ; quelques  années 
plus  tard,  les  Parsis  de  Bombay  en  envoyèrent  un 
autre,  mais  les  pèlerins  de  l’Inde  et  de  la  Perse  ou- 
bliaient peu  à peu  leur  antique  sanctuaire.  En  1880, 
le  prêtre  fatigué  sans  doute  de  sa  solitude  partit  pour 
recruter  des  moines  parmi  les  Parsis  ; on  ne  l’a  plus 
revu.  Maintenant,  les  feux  éternels  sont  éteints;  les 
prêtres  vêtus  de  blanc  ne  consacrent  plus  le  nom  divin 
au  milieu  d’une  enceinte  de  flammes,  et  le  temple 
abandonné  aux  infidèles  semble  pleurer  sous  son  blanc 
linceul  de  chaux  son  peuple  dispersé  et  sa  foi  oubliée  Ç 


ITINÉRAIRE  P 

DE  BAKOU  A VLADIKAWKAZ 

Route  1.  — De  Bakou  à Vladikawkaz  ( route 
postale ),  par  Kouba,  Derbent,  Témir-Khan-Choura, 
Groznaïa,  Vladikawkaz.  ( Voir  itinéraire  F.) 

Route  2.  — De  Bakou  ( par  mer)  jusqu’à  Derbent 
ou  Pétrovsk.  ( Voir  itinéraire  F),  et,  de  l’un  de  ces 
ports  ( route  postale ),  par  Témir-Khan-Choura.,. 
Groznaïa,  Vladikawkaz. 

(Consulter  la  carte  de  Y Itinéraire  F , paye  41,  et,  pour  le 
service  des  bateaux  à vapeur  de  la  mer  Caspienne,  les  tableaux 
des  Compagnies  de  navigation.) 

Après  avoir  contourné  la  presqu’île  d’Apchéron,  on 
longe  la  côte  du  Daghestan.  Des  rangées  de  collines 
parallèles,  nues,  calcinées,  puis  des  montagnes  déchi- 
quetées s’élèvent  par  étages  au-dessous  de  hauts? 
sommets  resplendissant  de  tout  l’éclat  de  leurs  neiges. 
Tout  ce  littoral  est  peu  habité;  très  rarement  on  dis- 
tingue de  petits  aoûts  tatars.  Mais  le  contraste  entre 
les  pics  qui  se  détachent  sur  le  ciel,  et  la  mer  qui 


1.  D'après  Orsolle. 


196 


GUIDE  AU  CAUCASE 


s’étend  à l’infini,  donne  au  paysage  un  certain  caractère 
de  grandeur  et  de  majesté.  L’étroit  passage  que  laisse 
au  N.  de  la  mer  le  promontoire  avancé  de  la  chaîne 
du  Tabasséran  est  gardé  par  la  ville  de  Derbent  ou 
Derbend.  (15,000  hab.  Auberges  .Poste.  Télégraphe.) 

Bâtie  à la  fin  du  Ve 


ou  au  commence- 
ment du  VIe  s.,  par 
un  roi  persan  de 
la  dynastie  des 
Sassanides  ; Mas- 
soudi  l’attribue  à 
Chosroës  Amour- 
chirvan.  Cette 
vieille  forteresse , 
unique  en  son 
genre,  estenfermée 
entre  deux  longues 
murailles  paral- 
lèles qui  descen- 
dent de  la  mon- 
tagne à la  mer , 
flanquées  de  tours 
et  bordées  de  pierres  tumulaires  à inscriptions.  Les 
maisons  et  le  bazar,  dans  ce  long  parallélogramme 
incliné,  ne  forment  en  réalité  qu’une  seule  avenue  de 
constructions  kle  3 kilomètres  cle  longueur.  Ainsi  que 
le  dit  son  nom,  Derbent  n’est  qu’une  grande  porte 
fortifiée,  une  « porte  de  fer  » comme  disent  les  Arabes 
et  les  Turcs  par  leurs  appellations  de  Bab-el-Khadid  et 
de  Demir-Khapssi  : on  l’appelait  aussi  Bab-el-Abouab 
ou  ((  Porte  des  Portes  )).  Tous  les  voyageurs  du  moyen 
âge  disent  que  la  muraille  s’avançait  au  loin  dans  la 
mer;  maintenant  on  ne  voit  plus  aucune  trace  de  ce 
rempart  marin,  ce  que  Ton  explique  par  un  soulè- 
vement local.  Entre  la  ville  et  la  rive  actuelle  s’étend 
une  large  zone  de  terrain  qui  fut  probablement  im- 
mergée. A l’O.  de  Narin-Kaleh,  citadelle  qui,  du  haut 
d’un  promontoire,  domine  la  cité,  la  muraille  égale- 
ment consolidée  de  distance  en  distance  par  de  larges 
tours  suit  la  crête  des  monts,  descend  dans  les  ravins 


DERBENT.  — D’après  Elisée  Reclus. 


GUIDE  AU  CAUCASE 


197 


et  remonte  sur  les  pentes  pour  aller  s’enraciner  à 
quelque  pic  lointain.  Si  l’on  en  croyait  les  indigènes, 
cette  muraille,  qui  d’ailleurs  n’a  plus  aucune  impor- 
tance stratégique,  aurait  autrefois  hérissé  de  ses  tours 
la  chaîne  du  Caucase  de  l’une  à l’autre  mer;  du  moins, 
ce  rempart  protégeait-il  toutes  les  plaines  situées  à la 
base  du  Caucase  oriental,  car  on  a pu  en  reconnaître 
les  vestiges  jusqu’à  30  kilomètres  de  Derbent.  Deux 
fois  conquise  par  les  Russes,  la  fameuse  « porte  » de 
l’Asie  leur  appartient  définitivement  depuis  le  traité 
de  1813;  mais  la  ville,  poste  avancé  des  musulmans 
chiites  contre  les  sunnites  du  N.,  est  encore  d’aspect  tout 
asiatique.  D’ailleurs,  il  est  peu  de  cités  russes  qui  soient 
plus  industrieuses  que  cette  ville  persane,  déchue 
pourtant,  s’il  est  vrai  qu’elle  eût  26,000  habitants 
en  1825,  deux  plus  fois  que  de  nos  jours.  L’eau  du 
Roubas,  amenée  par  un  aqueduc  de  plus  de  17  kilo- 
mètres de  longueur,  arrose  environ  1,500  jardins  où 
l’on  cultive  les  arbres  fruitiers  de  toute  espèce,  la 
vigne,  le  safran,  le  coton,  le  tabac,  la  garance.  Autre- 
fois cette  dernière  denrée  avait  une  grande  importance 
commerciale,  et  Derbent  en  exporta  en  1861  pour  une 
valeur  de  plus  de  4 millions.  Comme  Pétrovsk,  Derbent 
exploite  des  puits  de  naphte  et  des  carrières  de  schistes 
bitumeux.  Son  port,  conquis  sur  la  mer  par  des  jetées, 
gèle  quelquefois  en  hiver1. 

Route  3. — De  Derbent  à Noukha  [route  cavalière , 

par  Akhti  au  pied  du  Ghakh-Dagh  (4,253  m.)  et  du 
Bazardiouzi  (4,480  m.),  le  plus  haut  sommet  du  Cau- 
case au  S.-E.,  puis  en  traversant  la  chaîne  centrale  au 
col  de  Salaval  (2,936  m.).  Noukha.  (Voir  ce  nom 
itinéraire  D,  route  2.) 

Route  2 (suite).  — De  Pétrovsk  àTémir-Khan- 

Choura  (route  postale  43  v.),  par  Alti-Boïounn 
(22  v.  1/4).  Pétrovsk  (3,626  hab.  Hôtel  « Germania  ». 
Poste . Télégraphe , etc.),  malgré  le  splendide  paysage 
qui  l’encadre,  a une  apparence  des  plus  maussades. 
Eparpillés  sur  le  rivage  et  les  collines  voisines,  les 


1.  D’après  Élisée  Reclus. 


193 


GUIDE  AU  CAUCASE 


magasins,  les  entrepôts,  les  maisons  basses  à toits 
rouges  qui  constituent  la  cité  commerciale  du  Caucase 
septentrional,  semblent  ne  former  qu’un  grand  village. 
Un  phare,  une  lourde  église  en  pierre,  un  fortin  à tours 
basses  sont  les  édifices  les  plus  saillants  qu’on  aperçoive 
du  fort.  Cette  ville  avait  cependant  une  grande  valeur 
stratégique  durant  les  guerres  contre  les  montagnards  ; 
c’était  le  point  de  ravitaillement  des  corps  d’armée 
russes.  Il  est  probable  que  le  railway  entre  Vladi- 
kawkaz  et  Pétrovsk  donnera  à ce  port,  à rade  relative- 
ment sûre,  une  grande  importance.  La  route  conduisant 
â Choura  gravit  d’abord  une  montagne  d’où  l’on  jouit 
d’un  beau  panorama.  On  passe  des  gorges  pittoresques, 
une  source  sulfureuse,  un  août  habité  par  des  tatars 
koumouks,  et  on  dételle  à la  station  d’ÂLTi-BoïouNN. 
De  là  on  descend  jusqu’à  Kalemberg  qu’on  laisse  à 
droite,  on  longe  Kanir-Koumouk  et  sa  forteresse  bâtie 
sur  un  roc.  Des  jardins,  des  kiosques  annoncent 
Choura  (4,000  hab.  Hôtels  Chapirkoff,  d’Europe. 
Résidence  du  général  gouverneur.  Poste  aux  lettres  et 
aux  chevaux . Télégraphe).  Située  sur  le  Choura-Ogen, 
dans  une  plaine  ceinte  de  tous  côtés  de  montagnes,  la 
capitale  du  Daghestan  n’offre  de  remarquable  que  sa 
population  aussi  mélangée  qu’originale.  Outre  les 
Tatars-Koumouks,  on  y coudoie  des  Tchétchènes,  des 
Lesghiens,  des  Avars,  des  Ossètes,  des  Persans,  etc. 
Un  parc  planté  de  peupliers,  une  église  massive, 
beaucoup  de  casernes,  une  statue  élevée  au  général 
Argoutinsky  et  le  rnaïdan  ou  bazar  sont  les  seules 
curiosités  de  cette  ville  toute  militaire.  Au  maïdan  on 
peut  acheter  d’excellentes  lames,  des  armes  richement 
travaillées  et  des  incrustations  d’or  sur  acier  et  ivoire1. 

Route  4.  — De  Témir-Khan- Choura  à Gounib 

(121  v.  3/4),  route  postale , par  Djengoutaï  (18  v.  3/4)  ; 
Kiziliar  (12  v.)  ; Ourma  (17  v.)  ; Lévachi  (14  v.  3/4)  ; 
Khadjal-Makhi  (18  v.  1/2)  ; Saltinka  (25  v.)  ; Gounib 
(15  v.  3/4).  Il  faut  solliciter  du  gouverneur  de  Choura 
un  laisser-passer  pour  visiter  Gounib. — Le  Kara-Ogen, 
qui  mugit  dans  une  profonde  tranchée,  marque  la  fin 

1.  D’après  Elisée  Reclus  et  Orsolle. 


GUIDE  AtJ  CAUCASE 


199 


de  la  plaine  qui  s’est  déroulée  depuis  Choura;  on  le 
passe  à gué.  Par  Mousselin  et  un  plateau  désolé  on 
atteint  Bouglein.  Le  minaret  d’une  mosquée  signale  de 
loin  Djengoutaï.  Après  Kiziliar  et  Ourma  on  entre 
dans  un  défilé  triste  et  lugubre.  Lévachi,  station  mili- 
taire avec  un  fortin  occupé  par  une  garnison  de 
50  hommes,  est  la  résidence  du  commandant  du  district. 
Insensiblement  la  vallée  s’élargit  et  aboutit  à Khadjal- 
Maki.  On  traverse  le  Kasi-Koumouk  et  près  de 
Koulpi  on  pénètre 
dans  une  étroite 
fissure  aboutissant 
à d’autres  sites 
aussi  pittoresques 
que  ceux  que  l’on 
vient  de  quitter. 

Devant  soi  se  dres- 
sent le  Gounib,  et 
un  peu  plus  loin 
le  Tlilimène,  mon- 
tagne couronnée 
par  cinq  assises  superposées  en  retrait  les  unes  sur  les 
autres.  On  franchit  le  Saltinsky-most,  pont  fortifié  et 
en  fer  jeté  sur  le  Kara-Koïssou.  C’est  là  qu’est  l’em- 
branchement du  chemin  de  Kounzak.  Cette  partie  du 
parcours  a grand  caractère.  La  station  de  Saltinka 
est  la  dernière.  Bientôt  on  aperçoit  la  forteresse  de 
Gounib  et  la  maison  du  commandant.  Un  petit  fort 
armé  de  canons  défend  le  pont  qui  donne  accès  au 
chemin  en  zigzag  que  l’on  va  prendre.  La  formalité 
de  l’exhibition  du  laisser-passer  remplie,  on  atteint  en 
une  demi-heure  la  petite  ville  militaire  où  le  major 
offre  toujours  l’hospitalité  aux  voyageurs.  Gounib 
Poste . Télégraphe ),  à l’abri  des  vents  du  N.  et  des 
fortes  chaleurs,  possède  des  eaux  fraîches  et  des  fruits 
excellents.  C’est  là,  qu’après  tant  de  combats  contre  les 
Russes,  Schamyl,  successivement  délogé  de  toutes  ses 
positions,  se  réfugia  au  commencement  de  l’année  1859  ; 
il  n’était  plus  accompagné  que  d’une  poignée  d’hommes, 
quatre  cents  environ,  les  plus  braves  et  les  plus  intré- 
pides de  ses  Murides.  La  terrasse  supérieure  du  Gounib, 


200 


GUIDE  AU  CAUCASE 


presque  inaccessible  du  côté  du  Kara-Koïssou,  se 
relève  peu  à peu  vers  l’O.  et  forme  ainsi  un  second 
plateau  confinant  à des  escarpements  à pic.  Du  haut 
de  cette  inexpugnable  acropole,  Schamyl  se  sentant 
invincible,  soutenait  les  efforts  de  toute  une  armée 
commandée  par  le  prince  Bariatinsky.  Un  assaut  avait 
échoué;  l’Iman,  abondamment  approvisionné,  n’était 
pas  prenable  par  la  famine;  l’hiver  allait  forcer  les 
Russes  à lever  le  blocus,  et  cet  échec  eût  été  le  signal 
d’une  nouvelle  insurrection,  quand  un  audacieux  coup 
de  main  sauva  la  situation.  Dans  la  nuit  du  6 sep- 
tembre 1859,  des  grenadiers  du  régiment  d’Apchéron 
et  des  tirailleurs  du  Daghestan  escaladèrent,  par  un 
miracle  d’adresse  et  de  courage,  les  pentes  abruptes  de 
l’O.  ; au  point  du  jour  le  drapeau  russe  flottait  sur  le 
plateau  supérieur  du  Gounib.  A cette  vue  inespérée, 
la  colonne  du  général  Bariatinsky  traversa  le  Koïssou 
et  escalada  le  flanc  de  la  montagne.  On  tira  à peine 
quelques  coups  de  fusil  : Schamyl,  perdu,  se  rendit  à 
discrétion  au  vainqueur.  Victorieux,  l’Empereur  fut 
clément;  l’Iman  fut  interné  à Kalouga;  plus  tard,  il 
obtint  l’autorisation  de  se  retirer  à la  Mecque,  où  il 
mourut  aveugle  (1797-1871).  Des  fils  de  l’Iman,  l’un 
Djemal-Eddin  fait  prisonnier  à Akoulgo,  élevé  en 
Russie,  et  devenu  aide  de  camp  de  l’Empereur,  était 
mort  de  chagrin  et  de  langueur,  quelque  temps  après 
avoir  été  ?rendu  à son  père  en  échange  des  princesses 
Tchavtchavadzé ; deuxautres^reconnus  gentilshommes, 
servent  dans  l’armée  russe.  — Il  faut  plusieurs  heures 
pour  parcourir  à cheval  et  avec  un  guide  la  montagne 
de  Gounib.  La  citadelle  occupe  le  plateau  inférieur; 
sur  la  place,  on  montre  les  canons  de  Schamyl,  entassés 
pêle-mêle  au  pied  du  mur  de  l’église.  Le  chemin  car- 
rossable qui  mène  au  plateau  supérieur,  par  des  zigzags 
fort  raides,  porte  en  grande  partie  sur  des  viaducs  : 
dans  un  petit  bois  de  bouleaux  une  pierre  commé- 
morative protégée  par  un  kiosque  hexagonal,  indique 
l’endroit  où  le  général  Bariatinsky  reçut  la  soumission 
de  l’Iman;  sur  cette  pierre  on  lit  l’inscription  laconique: 
((  Prince  Bariatinsky,  1859.  ))  L’aoulàu  prophète  n’est 
pas  loin  : les  maisons  construites  avec  les  pierres  de 


GUIDE  AU  CAUCASE 


201 


la  montagne  sont  toutes  en  ruine;  celle  de  Schamyl  est 
facilement  reconnaissable  à une  chambre  élevée,  espèce 
de  cellule  où  l’Iman  se  retirait  pour  méditer.  La  prison 
est  un  souterrain  étroit,  sans  air  et  sans  lumière,  où 
étaient  enfermés  les  prisonniers  russes  et  les  rebelles; 
la  glacière,  une  fissure  rocheuse  où  l’eau  d’infiltration 
se  convertit  en  glace,  même  pendant  les  plus  fortes 
chaleurs  de  l’été.  Un  tunnel  creusé  en  1871  pour  per- 
mettre à l’Empereur  de  monter  directement  de  la  vallée 
de  Kara-Dagh  au  Gounib,  est  actuellement  obstrué. 
Une  route  carrossable  aboutit  à l’endroit  même  où  eut 
lieu  l’escalade  héroïque  des  Russes;  si  le  fait  n’était 
pas  certain,  indiscutable,  on  aurait  peine  à croire  que 
des  êtres  humains  aient  jamais  pu  gravir  ces  pentes  à 
pic  sur  un  abîme  dont  la  profondeur  donne  le  vertige. 
A partir  de  ce  point,  il  n’y  a plus  de  chemin  ; par  des 
pentes  glissantes  on  atteint  l’extrême  rebord  du  plateau 
supérieur  d’où  se  déploie  l’un  des  plus  splendides 
panoramas  qu’on  puisse  contempler  : la  chaîne  N.-E. 
du  Daghestan,  le  Krebet  dressant  fièrement  ses  pointes 
couronnées  de  glaciers,  le  mont  Tlilimène,  avec  son 
étrange  sommet  semblable  à un  coffre  colossal;  en 
bas,  presque  perpendiculairement,  au  fond  d’un  pré- 
cipice, traversé  par  le  Zala-Datli,  les  aouls  avars, 
pareils  à des  taupinières  éparpillées  le  long  d’un  mince 
filet  d’eau;  un  peu  plus  au  N.,  l’étroite  crevasse 
sombre  menant  au  Kara-Dagh.  On  reprend  le  chemin 
de  la  citadelle  par  des  raccourcis1. 

Route  2 (suite).  — De  Témir-Khan-Choura  à 
Vladikawkaz  (250  v.,  route  postale).  La  route  de 
Témir-Khan-Choura  à Vladikawkaz,  au  lieu  de  se 
diriger  vers  le  N.  par  la  vallée  de  Choura-Ozen,  fléchit 
un  peu  à l’E.,  traverse  les  derniers  contreforts  du 
Daghestan  parallèlement  à la  rivière  Soulak , et  dé- 
bouche dans  la  plaine  de  la  Petite-Tchetchénie,  non 
loin  de  Tchir-Yourt.  Ce  trajet  de  40  verstes  ne 
comprend  que  deux  relais,  Tichikli  et  Goumali.  Des 
casernes,  une  église,  un  fortin  sur  les  collines  du 
Soulak  composent,  avec  quelques  rues  boueuses,  la 


1.  D’après  Orsolle. 


202 


GUIDE  AU  CAUCASE 


petite  ville  de  Tchir-Yourt  dont  l’importance  est  pure- 
ment militaire.  Le  Soulak  passé,  on  roule  dans  la 
steppe  qui,  en  été,  est  une  mer  de  verdure  et  de  fleurs. 
A gauche,  les  montagnes  boisées  de  la  Grande-Tchet- 
chénie,  et  çà  et  là  des  « kourganns  »,  tumulus  d’une 
race  oubliée.  Quelques  cosaques  gardent  la  stanitza 
isolée  de  Tchapchak.  La  route  arrive  au  gué  de  l’Ak- 
Dasch  après  lequel  commencent  les  forêts.  Des  postes 
de  miliciens  sont  installés  à la  lisière  des  bois.  En 
quittant  la  stanitza  de  Khassav-Yourt,  on  franchit  à 
gué  le  Yarak-Sou,  le  Yaman-Sou  et  on  relaye  à 
Gerzel-Aoul,  sur  la  rive  gauche  de  l’Ak-Sou. 
Oumakhan-Yourt,  au  confluent  de  la  Plaïa-Réka  et 
de  l’Argoun,  se  reconnaît  de  loin  pour  un  village  russe 
aux  coupoles  vertes  de  son  église;  c’est  une  stanitza 
des  cosaques  de  la  ((  Ligne  du  Térek  ».  Par  Oustar- 
Gord  et  le  territoire  des  Ingouches  , on  arrive  à 
Groznaïa  ou  Grosny.  Cette  petite  ville  de  3,000  habi- 
tants ( Auberges . Poste . Télégraphe , etc.),  fondée  au 
temps  d’Ermolofï,  est  divisée  en  deux  parties  par  la 
Soundja,  affluent  du  Térek.  Aux  environs,  jaillissent 
les  eaux  minérales  de  Goriatchewodsk,  ou  Staro- 
Yourtowsk  (87-91°).  Après  Alkhanyourt,  la  route 
suit  la  rive  gauche  cle  la  Soundja;  un  poste  de  cosaques 
avec  sa  sentinelle  se  promenant  sur  la  plate-forme  de  la 
vyskha , annonce  la  stanitza  de  Samachkinskaïa.  On 
passe  Pliéva  et  on  arrive  à Nazrane.  La  station  et 
quelques  maisons  russes  sont  groupées  sur  une  colline 
au  pied  et  sous  la  protection  d’un  petit  fort.  A Bozor- 
kina  on  passe  la  Kambilefka  et  bientôt  on  aperçoit  les 
églises,  les  arbres  et  les  maisons  de  Vladikawkaz 1 . 
( Voir  ce  nom  itinéraire  G,  page  47.) 

1.  D’après  Orsolle. 


FIN  DE  LA  SECONDE  PARTIE 


Chalon-sur-Saône.  — Imprimerie  de  L.  Marceau. 


- 1 - 


A G E IM  G E 

DES 

VOYAGES  ÉCONOMIQUES 

Propriété  de  la  Société  de  publicité  diurne  et  nocturne 
et  des  Voyages  économiques 

Société  anonyme  au  capital  de  deux  millions  defr. 

L’Agence  des  Voyages  économiques  met  à la  dis- 
position des  voyageurs  des  avantages  spéciaux 
résultant  des  différents  services  qu’elle  a organisés 
et  qui  comportent  : 

1°  Vente  des  billets  circulaires  de  chemin  de  fer 
et  de  navigation,  avec  itinéraires  tracés  au  gré  des 
voyageurs.  Ces  billets,  délivrés  24  heures  après  la 
demande,  pour  la  France,  et  6 jours  pour  l’étranger, 
présentent  une  économie  de  25  à 60  '%. 

2°  Coupons  d’hôtel  reçus  dans  les  principaux 
établissements  de  France  et  de  l’étranger,  et  cons- 
tituant une  économie  d’environ  25  °/„  sur  les  prix 
ordinaires. 

3°  Voyages  collectifs,  à itinéraires  et  program- 
mes fixes  et  à prix  très  réduits,  permettant  de  par- 
courir, avec  la  plus  grande  économie  de  temps, 
d’argent  et  de  fatigue,  toutes  les  régions  qui  jouis- 
sent de  la  faveur  du  public. 

4°  Voyages  pour  familles,  sociétés,  avec  itiné- 
raires facultatifs  et  à prix  à forfait,  comprenant  les 
parcours  en  chemin  de  fer,  voitures,  bateaux,  séjour 
à l’hôtel,  guides,  etc.;  ces  voyages  assurent  aux 
familles  une  grande  partie  des  avantages  donnés 
par  les  voyages  collectifs,  tout  en  laissant  aux  voya- 
geurs une  indépendance  absolue. 

L’Agence  des  Voyages  économiques  répond, 
sans  frais,  par  retour  du  courrier,  à toute  demande 
de  renseignements  concernant  les  voyages. 

Bureaux  : 11,  Faubourg  Montmartre,  et  10,  rue 
Auber,  ci  Paris. 

Agences  : à Lyon,  3,  rue  de  l’fiôtel-de-Ville  ; 
Berne, 36,  rue  Fédérale;  Florence,  12,  viaCalzaioli; 

Marseille,,  16,  rue  Cannebière. 


— 3 


SOCIÉTÉ  DE  BATEAUX  A VAPEUR 

SUR  LE  VOLGA 


Fondée  en  fl  S 13 


Service  régulier  entre  Nijni-Novgorod  et  Astra- 
khan par  des  bateau::  rapides,  et  entre  Astrakhan 
et  les  ports  de  la  mer  Caspienne,  par  des  paquebots 
portant  voyageurs  et  marchandises. 

FLOTTE  DE  LA  SOCIÉTÉ 

Les  vapeurs  l'Empereur,  V Impératrice,  Tsar,  Tsa- 
ritsa,  Tsarévitch,  Tsarevna,  Gossoudar,  Gossouda- 
rina,  Boïarine,  Boïarina,  de  type  américain,  offrent 
aux  voyageurs  toutes  les  conditions  de  confort  et 
de  luxe  : cabines  de  famille,  domestiques  mâles  et 
féminins,  table  d’hôte,  cuisine  française,  vins  des 
premiers  crûs,  bains  chauds  et  froids,  journaux, 
pianos,  éclairage  électrique,  etc. 

PAQUEBOTS  A MARCHANDISES 
Samson,  Hercule,  Volga,  etc. 

Durée  du  trajet  des  bateaux  rapides:  montée,  ojours; 
descente,  7 jours. 

Durée  du  trajet  des  paquebots  à marchandises  : 
montée,  7 jours;  descente,  10  jours. 

Les  marchandises  destinées  aux  ports  de  la  mer 
Caspienne  sont,  après  leur  arrivée  à Astrakhan,  ex- 
pédiées sur  des  paquebots  de  la  Société,  aux  points 
de  leur  destination. 


4 — 


COMPAGNIE  DE  NAVIGATION  A VAPEUR 

et  de  commerce 


Bateaux  à vapeur,  type  américain,  à deux  étages,  éclairés  à l’électricité 

FLOTTE  DE  LA  COMPAGNIE 

Mississipi,  Princesse  Tatiana,  Niagara,  Missouri, 
Grande- Duchesse  Marie,  Amazone . Alphonse  Se- 
veke, Magdalena,  Allegani,  Alabama  et  Aljaska 
Services  réguliers  entre  Rybinsk,  Nijni-Novgorod 
et  Astrakhan  et  les  ports  de  la  mer  Caspienne 
DÉPARTS  RÉGULIERS 
De  Rybinsk  pour  Nijni-Novgorod,  tous  les  jours, 
à 3 heures,  et  de  Nijni-Novgorod  pour  Rybinsk,  tous 
les  jours  à 10  heures,  l’après-midi. 

De  Nijni-Novgorod  pour  Astrakhan,  trois  fois  par 
semaine,  les  mardis,  vendredis  et  dimanches,  et 
d’AsTRAKHAN  pour  Nijni-Novgorod , trois  fois  par 
semaine,  les  lundis,  mercredis  et  vendredis. 

Pour  plus  amples  renseignements  et  pour  récep- 
tion des  marchandises,  s’adresser  : 

A Saint-Pétersbourg,  à l’agent  de  la  Compagnie 
M-r.  T.  Schwankovsky,  Simine  Péréoulok  n°  2; 

A Moscou,  au  comptoir  Seveke,  au  coin  de  la  Lou- 
bianka  et  de  la  Sofléika,  maison  du  prince  Galitzine, 
à l’agent  de  la  Compagnie  M-r.  B Bloumberg  ; 

A Rybinsk.  au  comptoir  Seveke,  à l’agent  de  la 
Compagnie  M-r.  Krachtaleff 

Comptoir  principal  àlYijni-iVovgorod 


VLADIKÀWKAZ 


HOTEL  DE  FRANCE 

MAISON  AMIR-ALI 

Hôtel  de  Y Agence  des  Voyages  économiques 
Au  centre  de  la  ville,  près  de  la  poste  aux  chevaux 
Chambres  et  appartements  de  1 à 6 roubles 
Restaurant  de  premier  ordre 


TIFLIS 


GRAND 

HOTEL  DU  CAUCASE 

Propriétaire  : 

Marins  MARTIN 

TIFLIS 


HOTEL  DU  NORD 

Etablissement  de  premier  ordre 
au  centre  de  la  ville,  vis-à-vis  du  Musée  et  du  Palais 
84  chambres  meublées,  à prix  modérés 

TIFLIS 

Place  d’Erivan  et  rue  du  Palais 

Dvortsovia  N ornera 

Chambres,  appartements  meublés,  tenus  à la  française 
par  Mn,e  Octavie  BARBERON 


- 6 - 


T I F L I S 

Maison  du  prince  Bagralion-Moukhranskv,  Golovinsky  prospect. 

POUl-GVXNO 

Taverne  géorgienne 

Cuisine  française  et  indigène . Déjeuners 
Dîners  à prix  fixe  et  à la  carte.  Cabinets  particuliers. 
Grands  vins  du  prince  Bagration  Moukhransky 
et  vins  de  Kakhéthie 

lie  restaurant  est  ouvert  la  nuit 

TIFLIS 

Golovinsky  prospect,  maison  Antonoff 

HOTEL  W RUSSIE 

Complètement  remis  à neuf 
Chambres,  appartements  de  75  kop.  àd  roubles 
Restaurant  de  premier  ordre 

MOSCOU  _ 


PRIX  MODÉRÉS 

Maison  de  premier  ordre,  située  dans  la  plus  belle 
position  de  la  ville 

Tenu  par  A.  CLAUSEN,  citoyen  suisse 


KHARKOFF 

Grand  Hôtel 

Propriétaire  : A.  DELPECH 


- 7 - 


SOCIÉTÉ  COMMERCIALE  ET  INDUSTRIELLE 

DE 

NAPHTE 

Caspienne  et  de  la  mer  Noire 

Usines  à Bakou 

pour  la  distillation  et  le  raffinagedes  huiles  minérales 
d’éclairage  et  de  graissage.  Usines  à Batoum 
Agence  générale  : à Paris,  13,  rue  Lafayette. 


MOSCOU  et  BAKOU 


GUSTAVE  LIST 

Ateliers,  fonderie 

et  construction  de  machines  à vapeur,  pompes. 

Installation  dedistilleries,  raffineries  de  naphte, 
réservoirs;  forage  de  puits,  chaudières,  etc.,  etc. 

SOCIÉTÉ  CASPIENNE 

Usines  à Bakou 

pour  la  distillation  et  le  raffinage  des  huiles 
minérales  d’éclairage. 


A.  OEHLRICH  et  Cie 

Huiles  minérales  d’éclairage  et  de  graissage. 
Usines  à Bakou,  Riga,  Hambourg. 

Adresser  toute  correspondance  à Riga. 

SOCIÉTÉ 

S.  M.  SCHIBAEFF  et  C,e 

Usines  de  produits  de  naphte,  à Bakou.  Pétroles, 
huiles  à graisser,  etc. 

Siège  de  l’Administration  centrale,  à Moscou. 
Représentants  pour  l’Europe  continentale  : 

M.  Brountch,  à Hambourg  et  Lyon  ; M.  Mussard, 
à Vienne. 


- 8 - 


CRÉDIT  LYONNAIS 

CAPITAL  : Deux  cents  millions  de  francs 
Sièges  en  Russie  : Saint-Pétersbourg,  Moscou,  Odessa 

Comptes  courants  en  roubles  et  en  monnaies  étran- 
gères. — Chèques  et  traites,  lettres  de  crédit.  — 
Payements  télégraphiques  sur  tous  pays.— Vente, 
achat  de  monnaies  étrangères,  d’or  russe,  etc. 
Correspondants  à Tillis  : Banque  de  commerce, 
Société  du  Crédit  mutuel,  A.  Pridonoff  et  C°; 
à Batoum  et  Bakou  : Banque  de  commerce  de  Tillis 


TIFLIS 


B&NQUE  DE  COMMERCE 

Capital  social,  1 ,000,000  roubles 

CAPITAL  de  RÉSERVE,  191,000  roubles,  au  1er  janvier  1889 
' Avances  sur  titres,  payements  et  recouvrements, 
escompte  d’effets  de  commerce,  achat  et  vente  de 
valeurs  publiques  et  de  lettres  de  change,  etc.,  etc. 

Payement  de  lettres  de  crédit  de  MM. Rothschild, 
du  Crédit  Lyonnais,  de  MM.  Verne  et  C°,  du  Comp- 
toir national  d’Escompte,  de  la  Société  générale  et 
autres  principales  banques  d’Europe. 

Succursale  à Bakou. 


TIFLIS 


Maison  de  Banque  et  de  Commerce 

ZOVIANOFF  FRERES  & C° 

Opérations  de  banque,  Commission,  Exportation 
Succursale  à Batoum 

Vente  et  exportation  des  produits,  de  naphte  ; 
pétrole  en  caisses  et  barils. 


- 9 — 

T1FLIS 

Banque  foncière  cieia  Noblesse  de  Tiflis 

Capital  de  fondation,  400,000  r.  Capital  de  réserve,  100,000  r. 
PRÊTS  HYPOTHÉCAIRES 

avec  solidarité  mutuelle  de  tous  les  emprunteurs 
sur  tous  les  biens  immeubles  du  Transeaucase 
Les  obligations  de  la  Banque,  au  cours  moyen 
actuel  de  99  roubles,  rapportent  6 % d’intérêt  et 
sont  amortissables  en  27  ans  1/2  et  43  ans  1/2. 

Chaque  année,  40  % des  bénéfices  nets  de  la 
Banque  sont  attribués  au  développement  de  l’ins- 
truction publique  au  Caucase  et  à des  établisse- 
ments philanthropiques. 

Les  obligations  amorties  aux  deux  tirages  an- 
nuels, sont  remboursées,  et  les  coupons  de  la 
Banque  sont  escomptés  à Tiflis,  au  siège  social,  à 
Saint-Pétersbourg  et  Varsovie,  chez  M.  Vavelberg, 
banquier,  et  dans  toutes  les  succursales  de  la  Ban- 
que ne  l’Etat,  en  Russie. 

MAISON  X DE  ZBJATSTQXJE 

A.  RAFFALOVICH  et  C» 

n°  60,  Sainl-Pélcrsltourg,  persp.  Nevsky,  vis-à-vis  le  palais  Anitchkow,  n°  60 
La  maison  de  banque  se  charge  de  tous  ordres  de 
bourse,  achats  et  ventes,  moyennant  une  commis- 
sion de  1 °/„o  (un  pour  mille). 

Fait  des  avances  sur  billets  des  emprunts  inté- 
rieurs à primes  et  tous  titres  cotés  à la  Bourse 
jusqu’à  90  % du  prix  du  jour. 

Vend  les  billets  des  emprunts  intérieurs  à primes 
moyennant  payements  mensuels  de  5 roubles. 

Délivre  des  chèques  sur  toutes  les  villes  de  l’Em- 
pire et  les  principales  places  de  l’étranger. 

Paye  gratuitement  les  coupons  échus  ainsi  que 
les  coupons  cinq  jours  avant  l’échéance. 

Achète  et  vend  les  monnaies  et  billets  étrangers. 
Assure  les  billets  d’emprunts  à primes  contre  les 
risques  d’amortissement,  en  prélevant  75  kop. 
par  billet. 


— 10  - 


BANQUE  RUSSE 

DU  COMMERCE  & DE  L’INDUSTRIE 

à Saint-Pétersbourg 

Necsky  prospect  23,  maison  du  comte  Strogonoff 

Capital  social,  5,000,000  roubles,  entièrement  versés 
Comptes  courants  en  roubles  et  en  monnaies 
étrangères,  chèques  et  traites,  lettres  de  crédit; 

Payements  télégraphiques  sur  tous  pays  ; 
Vente  et  achat  de  monnaies  étrangères,  d’or; 
Ordres  de  Bourse 


SOCIÉTÉ  E.  BOULFROY  ET  C° 

Huiles  et  graisses  industrielles 


Usines  à vapeur  à Bakou  (Caucase),  pour  la  distil- 
lation et  la  rectification  des  huiles  de  naphte  à grais- 
ser ; à Clichy,  près  Paris  (Seine),  pour  les  huiles  et 
graisses  végétales  et  animales  de  toute  espèce  ; à 
Marseille  (boulevard  de  Paris),  pour  les  huiles  d’o- 
lives et  d’arachides. 

Entrepôt  général  d’huiles  de  naphte 
Entrepôts  en  France,  à Rouen,  Bordeaux,  Nantes, 
Tourcoing,  Reims. Entrepôts  étrangers,  àBucharest, 
Genève,  Barcelone 

Adresser  toute  correspondance  au  siège  social, 
29,  rue  de  Neuilly,  Clichy  (Seine) 


BATOUM 


Spécialité  d’exportation  en  gros  de  pétrole 
en  caisses 

Adresser  toute  correspondance  à M.  A.  Mantacheff, 
à Batoum 


— 11  - 


KARAPET  MOUT  A FO  F F 

Tiflis-Bakou 

OPERATIONS  DE  BANQUE 
Spécialement  avec  la  Perse 
Exportation  de  laines,  soies  grèges  et  déchets,  tapis 
et  produits  du  pays 


COMPAGNIE  DE  NAVIGATION 

sur  la  mer  d’Azoff  et  la  mer  Noire 

Service  régulier  pour  voyageurs,  entre  Rostoff  et 
les  ports  de  la  mer  d’Azoff,  par  le  magnifique 
paquebot  Saint-Pétersbourg,  aménagé  avec  tout  le 
confort  désirable 

Service  régulier  pour  voyageurs  et  marchandises, 
par  les  paquebots  Impératrice,  Marie , Don,  Donetz, 
Aksaï,  et  L.  F.  Gadde 

Service  bi-hebdomadaire  entre  Rostoff  et  Kalatch, 
et  vice  versa,  avec  escales 

Service  hebdomadaire  entre  Rostoff  et  Théodosie  et 
vice  versa,  avec  escales  à Taganrog,  Marioupol, 
Berdiansk  et  Kertch  ; entre  Rostoff,  Kertch, 
Temrouk,  et  vice  versa , avec  escales 
Pour  renseignements,  prix,  heures  de  départ  et 

d’arrivée,  consulter  les  tableaux  de  la  Compagnie 


BATOUM 


BLAIR  & WAGSTAFF 

Steamship  Agents  and  Brokers 
Import  and  export  commission  Agents 

P O T I 

C.  F.  HREGLICH  & C° 

Steamship  Agents  and  Brokers 
Courtiers  maritimes  et  Arrimeurs 


BATOUM 


KNIGHTetMATTIEVICH 

Steamship  Agents  et  Brokers 
Affrètements,  consignations  et  transports  directs 
de  marchandises  pour  Je  Havre,  Dunkerque,  Anvers, 
Rotterdam,  Hambourg,  Londres  et  tous  les  ports 
de  l’Angleterre  et  du  Nord 


BATOUM 


Chargement  et  déchargement  de  bateaux 


Spécialité  d’arrimage  des  caisses  de  pétrole  pour 
les  Indes,  la  Chine  et  le  Japon 


BATOUM,  TIFLIS,  BAKOU 

P O L A K & C° 

Représentation,  Expédition,  Formalités  en  douane 

TIFLIS 


J.  RICHARD 


SUCCESSEURS 


LIQUIDES,  COMESTIBLES,  CIGARES 

Spécialité  de  Cognac 


DÉPÔT  DE  BACCARAT 


TIFLIS,  RUE  DU  PALAIS 


Maison  fondée  en  1870 

Articles  de  Paris.  Nouveautés 

GANTS  JOUVIN 

L-  «Mai 

TIFLIS 

Freïlinskaïa  oulitza,  n°  1 

MME  HËRVIEU 

Modes,  Robes,  Confections 
TIFLIS 

Rue  clu  Palais,  maison  Lalaïeff 

alschwaYg  FRÈRES 

Spécialité  de  lingerie  confectionnée 

POUR  HOMMES,  DAMES  ET  ENFANTS 

TIFLIS 

Place  d’Erivan.  maison  Gourguénoff,  Place  d’Erivan 

MAGASIN  “ .4  LA  VILLE  DE  PARIS  ” 

J.  A.  MIRIMANQFF 

Nouveautés,  modes  de  Paris 
Etoffes  et  autres  marchandises  étrangères, 
Soieries,  velours,  satins,  lainages,  cotonnades, 
Etoffes  pour  meubles,  tapis,  velours,  dentelles 

Dépôt  de  cigares  de  la  Havane 


— 14 

TIFLIS,  Rue  du  Palais,  maison  Lalaïeff,  TIFLIS 

DÉPÔT  DE  LA  FABRIQUE 

JOSEPH  FRAGET 

FONDÉE  EN  1824 

Médailles  d’or  et  d’argent  aux  diverses  Expositions 
de  Moscou,  Varsovie,  Saint-Pétersbourg 
Grande  médaille  d’or  à l’Exposition  universelle  de 
Paris,  1889 

Grand  assortiment  d’objets  en  melchior,  argent 
plaqué  et  argent  pur  poinçonné  84.  Vente  aux  prix 
de  Varsovie.  Rabais  spécial  pour  les  acheteurs  en 
gros.  — Dépôts  à Saint-Pétersbourg,  Moscou,  Lim- 
berg,  Varsovie,  Kharkow,  Odessa,  Riga,  Kiew, 
Jitromir,  Loublin,  Kalich,  Grondo,  Constantinople 

TIFLIS  — Rue  du  Palais  - TIFLIS 

lAGâsiim 

Gabriel  CHàRAKCHIANOFF 

ARTICLES  DE  PARIS 

Articles  cosmétiques,  cravates,  gants,  maroquinerie, 
éventails,  rubans,  fleurs,  corsets,  chapeaux, 
parapluies,  porte-monnaie,  jouets  d’enfants 

TIFLIS 

Place  d’Erivan,  au-dessous  de  V hôtel  du  Caucase 

T.  N0UB.1R0FF 

Grand  choix  de  chapeaux,  gants,  articles  de  Paris 
Nouveautés 

DÉPÔT  DE  JERSEYS 

Spécialité  de  corsets  longue  taille.  — Rayon  spécial 
pour  modes.  Modèles  de  Paris 


— 15 


SOCIÉTÉ  ANONYME 

DES 

TRAMWAYS  DE  TIFLIS 

Publicité  et  affichage  dans  70  voitures 
fermées  et  ouvertes 

Les  annonces,  dont  le  format  ne  doit  pas  dépas- 
ser 10  sur  12  verchoks,  doivent  être  imprimées  sur 
carton  ou  métal  et  fournies  par  les  intéressés 

Prix  pour  l’année  : 25  roubles 


TIFLIS 

STATION  SÉRICICOLE 

du  Ministère  des  Domaines 

Expertise  des  graines  de  vers  à soie,  au  gré  des 
éleveurs  ou  graineurs 

Vente  de  graines  d’espèces  indigènes  et  étrangères 


TIFLIS 

Usine  mécanique  et  Fonderie 

IARALOFF  et  ALIKHANOFF 

Ingénieurs 

(anciennement  renkwist) 

Ateliers  de  fonderie,  fer,  tôle,  etc.  Constructions 
mécaniques  et  métalliques  de  toute  sorte. 

Exactitude  et  prix  modérés 


- 16 


COMPAGNIE  FRANÇAISE 

D’ASSURANCES  SUR  LA  VIE 


Sl-Pétersbourg 


Nevskypr.  n°13 


Autorisée  le  2 Juin  1889,  par 
décision  impériale,  à fonction- 
neren  Russie  avec  le  contrôle 
du  gouvernement  russe 


La  Compagnie  YÜrbaine  a conclu 
en  1890,  en  France  et  en  Europe, 
de  nouvelles  assurances  pour 
une  somme  de  50,000,000  de 
francs 


Les  Assurés  ne 
participent  pas  aux 
bénéfices  de  la  Com- 
pagnie, mais  en  revan- 
che, V Urbaine  ne  perçoit 
pas  de  primes  de  délais  en 
cas  de  maladie  de  l’assuré  et 
maintient  à la  police  toute  sa 
valeur. 


Agent  général  pour  le  Caucase  : 

IM>Llk  et  C‘%  à TIFLIS 


TIFLIS 


Agence  de  la  C-  d’Assurances 

DE  SAIIIT-PETEIêSROI  JI6G 

Capital  social  : 2,400,000  roubles.  — Capital  de 
réserve  : 7,000,000  roubles 

Assurances  mobilières  et  immobilières 
Assurances  sur  la  vie 

S’adresser,  à Tiflis,  à l'agent  général  dè  laCompa- 
gnie,  M.  Nicolas  Khosroeff,  maison  Gourguenoff, 
Sololakskaïa  oulitza. 

Tarifs  et  prospectus  délivrés  gratis 


— 17  - 


TIFLIS 

ENFIADJIANTZ 


Fabrique  de  tabac  et  de  cigarettes 

8 Médailles  d’or  aux  Expositions  de  St-Pétersbourg 
et  du  Caucase 


MAISON  RÉGNIER 

Confiserie  et  Pâtisserie  françaises 
Pièces  montées  de  tout  genre,  Gateaux  de  toute  sorte 
Spécialité  de  bonbons  nouveaux  et  de  compotes  françaises 
EXPÉDITIONS  SUR  COMMANDE 

rw?  j*  sb 

Rue  du  Palais,  maison  de  la  Banque  foncière  de  la  Noblesse 

BOZARDJIANTZ 

Grande|fabrique  de  tabac  turc  aromatique  et  de 
cigarettes 


4 médailles  d’or  aux  Expositions  de  Paris,  Marseille, 
Tiflis  et  Kazan 


2 


- 18 


DÉPÔT 

d’objets  en  meichior,  argent  plaqué  et  argent  pur 
poinçonné  84 

FABRIQUES  RÉUNIES 

NORBLIN  & C BOUH  FRÈRES 

TIFLIS 

Rue  du  Palais,  maison  Zovianoff 

Le  public  trouvera  dans  notre  magasin  un  grand 
assortiment  d’objets  en  plaqué  et  en  meichior.  Les 
couverts,  couteaux,  cuillers,  fourchettes  de  notre 
maison  sont  à double  argenture  et  ont  le  plus  haut 
titre  de  toutes  les  fabriques  de  Russie  et  de  Pologne. 


TIFLIS,  Golovinsky  prospect  n#  1,  en  face  le  1er  gymnase  classique 

H.  HORNIG 

Magasin  d’optique  : Binocles,  lunettes,  microscopes, 
thermomètres,  etc. 


TIFLIS,  rue  du  Palais,  maison  Saradjeff 


H.  BERLEMONT 

Coiffeur 

de  S.  A.  I.  le  Grand-Duc  Michel  Nicolaïevitch 


GRAND 


Parfumerie,  Brosserie,  Ganterie,  Cravates. 
Articles  de  Paris.  Fleurs  et  plumes.  Salons  pour  la 
coupe  de  cheveux 


- 19  — 

TIFLIS 

Golovinsky  prospect,  maison  de  l’Hôtel  de  Russie 

GOTTLIB  KURZ 

ARMURIER 

Fusils  de  tous  systèmes.  Revolvers.  Accessoires 
de  chasse.  Poudre.  Réparations  d’armes 
Commission"*  de  la  Société  des  Chasseurs  du  Caucase 


TIFLIS 

Rue  du  Palais,  Caravanséraï  de  la  Banque  foncière 
de  la  Noblesse 

DÉPÔT  CENTRAL  CAUCASIEN 

d’instruments  de  musique.  Partitions  pour  piano  et 
chant.  Morceaux  détachés,  etc. 

B.  M.  MIRIMANIAN 

Fournisseur  du  théâtre  de  la  Couronne,  du  Club 
artistique  à Tiflis.  Pianinos  et  royals  des  fabriques 
de  Saint-Pétersbourg.  Didderix  frères,  Schreder, 
Bekker,  Smith,  Ghetsé,  Mulbach , etc.-,  des  fabriques 
étrangères  : Chidmayer,  Blutner,  Bekchtein 
Harmoni-pianos  de  Glavatcha.  Harmoniums  de 
Chidmayer 

1EITE  ET  LOCATION 

M.  Mirimanian  se  charge  d’organiser  les  concerts 
et  auditions  de  MM.  les  Artistes,  à Tiflis  et  Bakou 


TIFLIS 

Place  d’Erivan,  n°  3,  maison  Karaznff 
MAGASIN  DE  LYON,  FONDÉ  EN  1860 


Nouveautés,  Modes  de  Paris.  Étoffes  et  autres 
marchandises  étrangères.  Soieries,  velours,  satins, 
lainages,  cotonnades 


— go  - 


TIFLIS 

Golovinsky  prospect,  n°  5,  maison  Mirzoeff 
MAGASIN  RUSSE  DE  MUSIQUE 

E.  T.  TCHETVEROUKINE 

(ancien  magasin  BOROUCIIE) 

Vente  et  location  de  pianos  droits  et  à queue. 
Harmoniums,  violons,  violoncelles,  contre-basses, 
instruments  de  bois,  cors  italiens,  guitares,  cithares, 
etc.  Cordes,  métronomes,  accessoires,  etc.  Parti- 
tions pour  orchestre,  piano  et  chant.  Morceaux 
détachés  pour  chant  et  accompagnement 
On  se  charge  de  la  gravure  et  de  l’édition  d’œu- 
vres musicales  inédites 


TIFLIS 


Golovinsky  prospect,  maison  Mirimanoff 

MULMANN  & CIE 

Magasin  d’optique.  Ateliers  mécaniques  électro- 
techniques. Instruments  de  chirurgie  et  de  mathé- 
matiques 


TIFLI S 

DÉPÔT  DËT POUDRES 

«le  toute  sorte 

et  de  DYNAMITE,  avec  accessoires 
Spécialité  de  POUDRE  BLANCHE,  inventée  par  le 
général  Vinner,  et  supprimant  tout  danger  de 
manipulation  et  de  transport.  S’adresser  au  Comp- 
toir du  général  Vinner,  Elisabetinskaïa,  n°  25.  On 
se  charge  des  formalités  de  l’expédition  et  de  la 
livraison  à domicile 


ROSTOFF-SUR-DON 

Grande  Sadoeaïa,  n’  19 


RAFFINERIE  D’ALCOOL  DE  VIN 

I.  T.  TRIFONOFF 

Six  grandes  médailles  d’or,  diplôme  d’honneur, 
étoiles.,  etc.  - 

FABRIQUE  DE  COULEURS  A L’HUILE 

A.  A.  TOUTAÏËFF 

Kouznetski  oulitza,  bazar  des  soldats 

TIFLIS 

Entreprise  à forfait  de  constructions,  de  répara- 
tions, de  peinture  des  maisons,  toits  et  façades. 
Vente  de  toute  espèce  de  couleurs  typo-lithographi- 
ques sèches  et  à l’huile,  pinceaux,  huiles,  poudres 
de  bronze. 

Prix  de  Fabrique 


TIFLIS 


Carvanséraï  Ananoff  n°  8,  vis-à-vis  de  la  cathédrale 
de  Sion 


Grand  dépôtdetapisde  Perse,duTéké,duKhorassan 
et  du  Caucase,  anciens  et  modernes 
Grand  choix  d’antiquités,  armes,  bronzes  etfaïences; 
costumes,  soieries 


TIFLIS 

CRIMOFF 

Agent  et  représentant  de  maisons  étrangères  de  la 
Russie  et  du  Caucase 


- 22  — 


VINS  DE  GÉORGIE 

provenant  des  propriétés  du  prince  J.  Constantino- 
vitchBagration-Moukhransky  : Digomi  et  Moukhrane, 
et  ayant  obtenu  à l’Exposition  de  Moscou  la  plus 
haute  récompense:  les  Aigles  impériales;  à l’Ex- 
position universelle  de  Paris  1890  : les  palmes 
d’ofiicier  du  Mérite  agricole,  la  grande  médaille 
d’or  et  deux  médailles  d’argent 

Vins  rouges  Vins  blancs 

VINS  MOUSSEUX  (CHAMPAGNES) 

Dépôt  principal  à Tiflis  : Golovinsky  prospect, 
maison  du  prince  Jean  Constantinovitch  Bagration- 
Moukhransky.  — Succursales  à Saint-Pétersbourg, 
maison  Thermin,  Grande-Morskaïa  ; à Moscou  et  à 
Varsovie 


TIFLIS 


D.  SARADJEFF 


Cognacs,  Liqueurs,  Alcools 

EN  VENTE 

dans  toutes  les  principales  villes  de  l’Empire 


VINS  DE  KAKHÉTHIE 


Pétrous  Minaïevitch 


Fournisseur  de  S.  A.  I. 
le  Grand-Duc  Michel  Nicolaïevitch 

mus 

Rue  Olga,  en  sa  maison 


T I F L I S 


Prince  Z.  A.  DJORDJADZÉ  et  Cie 


Vins  du  Caucase 

Grand  prix  à l’Exposition  universelle  de  Paris 

RÉCOMPENSES: 

Les  Aigles  impériales  et  huit  médailles  aux  diverses 
Expositions  de  Russie  et  de  l’Étranger 


24  - 


CAFÉ  ÉCONOMIQUE  « BORMAN  * 

En  vente  dans  toutes  les  villes  de  la  Russie 


DÉPÔT  CENTRAI,  A SAINT-PÉTERSBOURG 

1 4,  Grande-Rue  des  Écuries 


En  face  le  Musée,  au-dessous  de  l’hôtel  du  Nord 


Grand  choix  de  conserves  de  viandes,  poissons, 
légumes  et  fruits  de  la  maison  Gaeggïnger.  Bon- 
bons de  la  maison  Ramonsky.  Scies  américaines, 
pelles,  pompes  de  la  maison  Gvinne  de  Londres. 
Pressoirs  à vin.  Charrues  anglo-bulgares,  Novo- 
rossiisk, J.  Hoehn,  ayant  obtenu  la  médaille  d’or 
aux  Expositions  de  Tiflis  et  de  Kichineff.  Herses, 
machines  à battre  les  grains.  Instruments  agri- 
coles et  diverses  autres  machines.  Pierres  meu- 
lières. Scies  circulaires  de  première  qualité.  Nou- 
velle machine  brevetée  pour  fabriquer  toute 
espèce  de  tissus 


BATOUMI.  — Jardin  d’horticulture 


Vente  de  Heurs,  arbustes,  guirlandes,  bouquets,  etc. 

Acclimatation  de  plantes  exotiques  et  tropicales 


25  — 


,,EXCELSIOR“ 

GRAND  CHAMPAGNE,  SEC,  DEMI-SEC  ET  DOUX 


DE  LA 

Société  Vinicole  sanctionnée  par  décret  impérial 
ODESSA 

Agent  à Saint-Pétersbourg  : J.  ROSTIN 

Place  du  Grand-Théâtre,  n°  12 


Fabrique  à vapeur 
DE  MACARONI,  VERMICELLI  & CONFISERIES 

SPÉCIALITÉS  : 

Bonbons  secs  (Montpensier)  et  caramels 

I.  L.  DING 

MOSCOU,  quai  de  la  Moskova.  à côté  de  l’hôtel 
Mamontoff,  maison  Kloughine 


T I F1  L I S 


Golovinsky  prospect,  maison  du  prince  Bagration- 
Moukhransky 

A.  P.  AKOPOFF 

Conserves  et  denrées  alimentaires.  Primeurs. 
Poissons  salés  et  marinés.  Vins  du  Caucase  et 
étrangers.  Champagnes  des  premières  fabriques  de 
France.  Liqueurs  et  Cognacs.  Cigares  de  la  Havane 
et  de  Hambourg.  Compotes  et  fruits  confits  d’Eri- 
van,  préparés  par  Volghine  et  qui  ont  obtenu  une 
médaille  d’or  à l’Exposition  agricole  et  industrielle 
du  Caucase,  à Tiftis,  en  1889 


- 26  - 


SOCIÉTÉ 

PHARMACEUTIQUE  COMMERCIALE 

RUSSE 

Saint-Pétersbourg , 12,  rue  de  Kazan 

Succursale  à Kharkoff,  Pétrovsky  PéréouIok,n°  6 
Produits  pharmaceutiques,  chimiques  et  techniques 
Matériel  pour  le  pansement 


BALSill  ..B0BMAB1" 

Remède  infaillible  à employer  à l’extérieur  contre 
les  rhumatismes 

Approuvé  par  le  Conseil  médical  du  Ministère  de 
l’Intérieur.  — Dépôt  central  : Saint-Pétersbourg, 
grande  rue  des  Écuries,  14;  à Tiflis,  à la  Société 
commerciale  pharmaceutique  du  Caucase  ; à Bakou, 
pharmacie  Bekker 

SOCIÉTÉ 

COMMERCIALE  PHARMACEUTIQUE 

DU  CAUCASE 

à Tiflis  et  Bakou 

Produits  chimiques  et  pharmaceutiques 
Articles  de  parfumerie.  — Denrées  coloniales 
Couleurs  et  vernis 

Comptoir  et  dépôt  central  à Tiflis  : Rue  Grande 
Vadavoztiaïa,  en  la  maison  de  la  Société  commerciale 
pharmaceutique 


- 27 


TIFLIS 


FABRIQUE  DE  STÉARINE 

Savons  de  ménage.  Huiles  alimentaires.  Noir 
animal  pour  raffineries 

TIFLIS 

TAÏROFF  et”T ÂLIKHANOFF 

Huilerie  de  graines  oléagineuses 

Lin,  césame,  coton,  ricin,  etc.  Épuration  des 
huiles.  Huiles  de  lin  siccatives.  Tourteaux  pour 
engrais  et  nourriture  des  bestiaux 


MAISON  FONDÉE  EN  -18  6 5 


STÉFAN  IEZISCHEK  ET  C# 

ci-devant  A.  HABERKORN  et  C° 

MOSCOU-BAKOU.  — Ilinka,  Iosifovski  Podvorié,  n°  373 

Commission,  importation  de  produits  de  dro- 
guerie et  de  produits  chimiques  pour  la  pharmacie 
et  l’industrie.  Exportation  des  produits  naturels  du 
Caucase  : riz,  huiles  diverses,  laines,  cotons,  etc. 


PHARMACIE  HOMÉOPATHIQUE 

V A G N E R 

Haroseïka,  maison  KaïsarofflT 

MOSCOU 


- 28  — 


TIFLIS 

Place  d’Erivan,  maison  de  l’hôtel  du  Caucase 

B.  TER-SARKISSIAN 

Magasin  de  nouveautés,  Articles  de  Paris,  Parfu- 
merie, Chapeaux,  Gants,  Poupées. 

DÉPÔT  DE  BICYCLETTES 

HILLMAN,  HERBERT  et  COOPER  litd- 

Usines  à Coventry  (Angleterre) 

Agent  général  pour  le  Caucase  : B.  TER-SARKISSIAN 


KHARKOFF 

LEMAIRE  & CIE 

v I N S étrangers  et  russes 

Maison  fondée  en  1848 

Saint-Pétersbourg,  rue  de  Kazan,  n°  4 

W.  W.  LEJEUNE 

ARQUEBUSIER 

Magasin  d’armes  et  d’articles  de  chasse.  Cartou- 
ches'de  la  «Société  française  des  munitions» 
(Ancien  établissement  Gévelot) 


- 29 


HOTEL  DE  FRANCE 


SAINT-PÉTERSBOURG 
Grande-Morskaïa,  n°  6,  canal  Moïka,  w 51 
Propriétaire  : E.  RENAULT 


SAINT-PÉTERSBOURG 
18-20,  Petite  -Morskaïa,  18-20 


SAINT-PÉTERSBOURG 

23,  Petile-Morskaïa,  23 


lilliMI  HOTEL  1 PARIS 


FONDÉ  EN  1804 

Propriétaire  : André  Louis  WAEYTENS 


Hôtel  de  premier  ordre,  au  centre  de  la  ville. 
Chambres  et  appartements  à prix  modérés.  Cuisine 
française.  Vins  étrangers  des  premiers  crûs.  Eclai- 
rage électrique.  Téléphone.  Guides-interprètes. 
Omnibus  à tous  les  trains.  Journaux  français, 
anglais,  allemands,  russes,  suédois. 
Déjeuners  à 75  kopeks.  Dîners  à 1 rouble 
Chambres  depuis  1 jusqu’à  10  roubles  par  jour 


- 30  - 


COMPAGNIE  D’ASSURANCES 

R O S S I A 

Sanctionnée  par  S.  M.  l'Empereur  en  1881 
Saiot-Pctersbourg,  Grande-Morskaïa,  37 

Capital  de  fondation  et  réserves  : 13,000,000  roubles 


Assurances  sur  la  vie,  à des  conditions  particuliè- 
rement avantageuses  et  avec  participation  des 
assurés  aux  bénéfices  de  la  Compagnie.  Assurances 
contre  les  accidents,  individuelles  et  collectives 
pour  les  employés  et  ouvriers  de  fabriques,  avec 
réduction  des  primes  au  moyen  des  dividendes. 
Assurances  contre  l'incendie  de  tous  biens  meubles 
et  immeubles.  Assurances  des  transports  terrestres, 
maritimes  et  fluviaux.  Les  assurances  sont  reçues, 
et  les  renseignements  sont  fournis  dans  l’adminis- 
tration, à Saint-Pétersbourg,  37,  Grande-Morskaïa  ; 
dans  l’agence,  à Tiflis,  chez  M.  Goldlust  et  Cie  ; à 
Batoum,  chez  M.  Malichkévitch  ; à Bakou,  chez 
MM.  Goldlust  et  G10,  et  dans  toutes  les  agences  de  la 
Compagnie.  Les  billets  d’assurances  des  voyageurs 
contre  les  accidents  possibles  pendant  le  voyage  en 
chemin  de  fer  et  bateaux  à vapeur  sont  délivrés  aux 
stations  de  chemin  de  fer,  aux  embarcadères  et 
dans  les  hôtels  de  premier  ordre  des  villes  de 
l’Empire. 


— 31  — 


COMPAGNIE  D’ASSURANCES 

POMOSTGH 


Assurances  personnelles  sur  la  vie  et  contre  les 
accidents  de  tout  genre  ; collectives  pour  ouvriers 
et  employés  de  fabriques.  Assurances  des  chevaux 
de  selle  et  de  trait,  d’équipages  et  de  voitures. 

Assurances  contre  le  bris  des  glaces 


S’adresser  à Saint-Pétersbourg  au  siège  de  la 
Compagnie  et  aux  agents  résidant  dans  les  villes 
principales  de  l’Empire 


MOSCOU 

Miasnitskaïa,  maison  Firzanofjf 


AGENCE  GÉNÉRALE  DE  LA 


Compagnie  d’assurances  contre  l’incendie.  Assu- 
rances des  transports  terrestres,  maritimes  et 
fluviaux.  Transports  pour  l’intérieur  de  la  Russie 
et  l’étranger. 

Agent  général  : Nicolas  Reschetnikoff 


- 32  - 


Société  des  Ateliers  de  Construction 

DE 

MACHINES  DE  KOLOMNA 

ci-devant 

STRUVE  Frères 

Usines  à Kolomna  (g*  de  Moscou) 
Hauts-fourneaux,  aciéries  et  laminoirs  à Koulebaki 
(gt  de  Nijni-Novgorod,  près  Mourom) 

Matériel  roulant  pour  chemins  de  fer,  tramways. 
Locomotives,  wagons.  Barges,  bateaux  à vapeur  spé- 
ciaux pour  la  mer  Caspienne,  ne  calant  pas  plus  de  dix 
pieds  d’eau  et  à machines  de  1,000  chevaux  et  plus. 
Dragues,  élévateurs.  Machines  à vapeur,  locomobiles  à 
tout  genre  de  chauffage  et  ayant  obtenu  la  grande  mé- 
daille d’or  à l’Exposition  de  Kharkoff.  Chaudières,  réser- 
voirs. Ponts,  poutres,  matériel  métallique.  Etablis, 
pilons,  tours,  machines  à raboter,  à forer.  Pompes, 
tuyaux.  Pièces  d’acier,  cylindres,  rouleaux,  arbres  de 
couche,  roues,  enclumes,  feuilles  pour  chaudières  et 
réservoirs.  Installation  d’usines  avec  tous  les  accessoires 
techniques 

Dépôt  exclusif  la  Société”  RABOTNIK  ” à Moscou, 
Kieff,  Kharkoff:  machines  agricoles,  batteuses, 
vanneuses,  semoirs 

Les  commandes  sont  reçues  à Kolomna  (Stat.  du  che- 
min de  fer  Moscou-Riazan)  au  comptoir  de  l’usine  ; 
à Moscou.  Miasnitskaïa,  maison  Mazourine;  à Saint- 
Pétersbourg,  Moïka,  66  ; à Mourom,  Comptoir  Koule- 
baki. Catalogues  et  devis  spéciaux  envoyés  sur  demande. 
Les  prix  sont  de  10  % inférieurs-  à ceux  de  l'étranger 


— 33  — 


SAINT-PÉTERSBOURG 


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de  S.  M.  l’Impératrice  et  des  Théâtres  Impériaux 


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Sophiëka,  maison  M h arme 


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FONDÉE  EN  1816  A VARSOVIE 

Dépôt  à Saint-Pétersbourg , 1 1 Garavannaïa 

Envoi  de  Catalogues  gratis  sur  demande 


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Hôtel  Métropole 


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MOSCOU 

Place  des  Théâtres,  Maison  A.  Jourawleff 
Maison  de  premier  ordre,  au  centre  de  Moscou. 
Salon  de  lecture,  téléphone,  ascenseur,  bains,  éclai- 
rage électrique.  Les  plus  vastes  et  les  plus  riches 
salons  de  la  ville  comme  restaurant;  vins  étrangers 
et  russes  provenant  des  vignobles  du  propriétaire 
de  l’hôtel.  On  parle  toutes  les  langues.  Omnibus 
aux  gares 


SAINT-PÉTERSBOURG 


En  face  la  cathédrale  d’isaac 

Hôtel  d’Angleterre 


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MOSCOU 


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On  trouve  dans  les  vastes  magasins  Muir  et  Mir- 
rielees  tous  les  articles,  sans  exception,  concer- 
nant les  modes,  l’habillement,  les  objets  de  toi- 
lette et  les  ustensiles  de  ménage,  en  un  mot  tout 
ce  que  l’expérience  a consacré  de  confortable, 
d’utile  et  d’indispensable 

Les  commandes  des  acheteurs  de  province  sont 
exécutées  avec  la  plus  rigoureuse  exactitude 

Les  échantillons  et  prix  courants  sont  expédiés 
sur  première  demande.  Pour  toute  marchandise  en 
rayons  les  arrhes  ne  sont  pasexigées.  Les  colis  sont 
adressés  par  poste  contre  remboursement.  Embal 
lage  et  frais  de  port  à la  charge  de  l’acheteur 

La  firme  Muir  et  Mirrielees  a pour  devise  de  ven- 
dre tous  ses  articles  à des  prix  défiant  toute  con- 
currence. L’application  rigoureuse  de  ce  principe 
est  le  secret  du  succès  rapide  et  toujours  croissant 
de  la  maison  dans  toutes  les  branches  de  son  com- 
merce. Prix  courant  illustré  avec  échantillons 
pour  les  saisons,  envoyé  gratis  à toute  personne 
qui  en  fait  la  demande 


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Fondé  en  1870 

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Parfumerie  anglaise  et  française 

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chimiques,  parfumeries  et  confiseries,  vaisselle  de 
table,  récipients  pour  la  cave  et  l’office,  objets  pour 
l’éclairage,  verres  de  lampes 


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à l’Isle-sur-le-Serein  ( département  de  l’Yonne  ) 
France 

Exposition  universelle  de  Paris  1889 
Grand  prix  ( Pavillon  de  l’Union  céramique  ) 
Exposition  collective 

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liques, notamment  les  travaux  à la  mer 


S’adresser,  pour  renseignements  et  prix  : 
à M.  Emile  Gauthey,  ingénieur  à Moscou,  et, à Paris, 
à MM.  Millot  et  C°,  rue  Lesdiguières,  6 


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DES  MAISONS  DE  PARFUMERIE  : 

Ed.  PIN  AUD 

Parfumerie,  37,  boulevard  de  .Strasbourg,  Paris 

Gh.  FAY 

Veloutine  Fay,  9,  rue  de  la  Paix,  Paris 

J.  SIMON 

Crème  Simon,  36,  rue  de  Provence,  Paris 

A.  SÉGUIN 

Elixirs,  poudres,  pâtes,  dentifrices  des  RR.  PP. 
Bénédictins  de  l’abbaye  de  Soulac  (Bordeaux) 

DIGQUEMARE 

Mélanogène,  teinture  instantanée  (Rouen) 

DORIN 

Fards,  23,  rue  Grenier-St-Lazare  (Paris) 

L.OONEN 

Fabrique  de  brosserie  (marque  L),  8,  rue  Bourg- 
l’Abbé  (Paris) 


Les  produits  de  ces  Maisons  se  trouvent  chez  tous 
les  parfumeurs,  droguistes  et  coiffeurs 


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industries.  Quincaillerie.  Matériel  et  machines  pour 
chemins  de  fer  et  fabriques.  Boulons,  rivets, 
écrous,  etc. 

Dépositaire  des  vélocipèdes  français  de 


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Spécialité  de  soie  et  velours  pour  confections 
et  ameublements. 

Grand  prix  à l’Exposition  universelle  de  Paris  1889 
Croix  d’otticier  de  la  Légion  d’honneur. 

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Siège  social  ci  LYON  (France) 

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44  — 


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bt»  HocsbI 


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*p»M*axi:  Hn«:apoxciot,  21,  22,  23  ■ 24  «uiixv  * n lyixntaxv  n Oncéipcrot,  iv  Hp4rteioi,  n EptoTOKis-Zuisicnt;  n Bonul: 
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Nijai-M , . ré<f,  pendant  la  Foire,  21,  22,  23  et  24-èmc  lignes,  et  à Lonbtanki;  à Sitnblrsk,  Irbit,  Krestorsbo-IranorgkoTe,  PolUrn 
rue  Uinakala 


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Dépôt  des  aciéries  de  Jacob  HOLTZER  et  C°,  à 
Unieux  (Loire),  des  courroies  de  transmission  de 
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manomètres  E.  BOURDON  (Paris) 

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sur  demande 


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Moscou,  Miasnitskaïa,  maison  du  Musée  des  Arts  et 

Manufactures 

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Coffres-forts  et  caisses  incombustibles.  Fourneaux 
de  cuisine  mobiles,  se  chauffant  au  bois,  au  char- 
bon ou  au  pétrole.  Cheminées  et  accessoires.  Lits 
de  fer,  baignoires,  appareils  pour  douches  ; toi- 
lettes, etc.  Monuments  funéraires,  grilles,  portes  et 
accessoires  métalliques 

PRIX. 

Catalogue  gratis  sur  demande 


46  — 


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noRBopte. 


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BT.  MOCKB'B . 

IMJIKOBblfl,  ffiEPCTflHbifi  MATEPM  H KPyîKÊBA, 

JlAJlbTO,  HAKHRKM,  COPTE-RE-BAJlb  h n/lATbfl, 
roTOBbïa  h no  3aka3v. 


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Filature  de  laines  peignées 

MOSCOU 


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magasins  de  parfumerie  et  drogueries  de  l’Empire 


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Linge  de  nuit  et  de  voyage,  fantaisie 

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Française 


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de  voyage 


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SOCIÉTÉ  RUSSE  D'ASSURANCES 

DES  CAPITAUX  ET  DE  RENTES  VIAGÈRES 

Fondée  en  1835 

La  plus  ancienne  et  la  seule  Société  qui  s’occupe 
exclusivement  d’assurances  sur  la  vie.  Repré- 
sentant général  pour  le  Caucase  : 

M.  N.  Grusemberg,  à Tiflis,  place  d’Erivan,  maison 

Ter-Assatouroff 


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Produits  spéciaux  pour  impressions  et  teintures. 
Couleurs  d’aniline 


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Représentant  des  établissements 

A.  Poirrier  et  G Dalsace,  à Saint-Denis  (France) 
et  Meissonnier  (Saint-Pétersbourg) 
Comptoir:  Ilinka,  Novo-Koupetchesky,  Podvorié,  3 


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Miasnitskaïa , maison  Spiridonoff' 

J.  A.  LOEWS 

Transports  de  l’étranger  et  pour  l’étranger. 
Expéditions  en  douane 


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FABRICANT  de  CHAPEAUX 

Ilue  Tverskoï,  maison  Olsoufle/f 

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ci-devant  IIÉSEltY 
Rue  des  Gazettes,  n 8,  MOSCOU 


MOSCOU.  — Pont  des  Maréchaux,  maison  Chorine 


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